AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 15/06134
[X]
C/
Me [Z] [U] - Mandataire liquidateur de la SA IMPRIMERIE FEREOL
Me [Z] [U] - Mandataire liquidateur de la SAS CARRE D'AS
AGS-CGEA DE CHALON SUR SAONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 07 Juillet 2015
RG : F13/04751
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2017
APPELANT :
[N] [X]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christopher REINHARD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Me [U] [Z] - Mandataire liquidateur de la SA IMPRIMERIE FEREOL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me France TETARD de la SCP QUINCY- REQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me MOUNIER, avocat au barreau de LYON
Me [U] [Z] - Mandataire liquidateur de la SAS CARRE D'AS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me France TETARD de la SCP QUINCY- REQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me MOUNIER, avocat au barreau de LYON
AGS-CGEA DE CHALON SUR SAONE
DELEGATION UNEDIC AGS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sarah ACHAHBAR, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Décembre 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Conseiller faisant fonction de Président
Didier PODEVIN, Conseiller
Laurence BERTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Février 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Conseiller faisant fonction de Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
La S.A.S. Imprimerie FERREOL, filiale de la société CARRE D'AS, était spécialisée dans l'impression de brochures administratives.
Elle a engagé [N] [X] en qualité de fabricant-deviseur (groupe III) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 4 mai 2010, soumis à la convention collective nationale des imprimeries de labeur et industries graphiques.
Le salaire mensuel brut de [N] [X] a été fixé à 2 850 € pour 39 heures hebdomadaires de travail. Il était complété par une partie variable représentant 5% du chiffre d'affaire réalisé.
En 2013, [N] [X] percevait un salaire mensuel brut fixe de 3 074,59 € pour la même durée de travail.
Par ordonnance du 11 juillet 2013, le président du Tribunal de commerce de Lyon a, sur la requête des sociétés CARRE D'AS, Imprimerie Pierre FERREOL et DIAMANT GRAPHIC, désigné la SELARL AJ Partenaires (Maître [E] [R]) en qualité de mandataire ad hoc.
Par lettre du 6 août 2013, remise en main propre, la S.A.S. Imprimerie FERREOL a convoqué [N] [X] le 2 septembre 2013 en vue d'un entretien préalable à son licenciement pour motif économique.
Au cours de cet entretien, elle lui a remis le dossier relatif au contrat de sécurisation professionnelle.
Par lettre remise en main propre le 2 septembre 2013, elle lui a fait connaître le motif économique évoqué oralement au cours de l'entretien préalable.
Par lettre recommandée du 18 septembre 2013, la S.A.S. Imprimerie FERREOL a notifié au salarié son licenciement pour le motif économique suivant :
Pour faire suite à notre entretien du lundi 2 septembre 2013 tenu dans nos bureaux, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :
La société IMPRIMERIE FERREOL créée en 1940 était à l'origine spécialisée dans l'impression de brochures administratives.
Son activité s'est diversifiée en offrant une prestation globale d'imprimerie qui va du traitement des fichiers avec système d'épreuvages certifiés à la logistique et le dispatching des produits imprimés.
La crise Mondiale en 2008/2009 a eu des répercussions importantes dans le secteur de l'imprimerie qui du fait des lourds investissements et de la pression concurrentielle s'est trouvé atomisé.
Notre entreprise a dû prendre des décisions pour réagir et mettre en place une communication dynamique, nous nous sommes dotées d'un matériel technologique de pointe pour développer notre activité avec des produits et services innovants.
En 2012, la société IMPRIMERIE FERREOL a procédé à différentes modifications de son organisation :
- une rationalisation de son organisation avec le passage en production 6 jours sur 7, en utilisant désormais les machines 24h sur 24h via la mise en p
- mise en place de 4 équipes successives sur les presses 1018 et 105.5 à compter du mois de juin 2012 et à compter du mois de septembre 2012 pour la presse Man Roland UV
Cette utilisation en continu de ces trois presses, 6 jours par semaine, devait permettre :
- de supprimer quasiment l'activité « lavage » qui devait être effectuée entre 2 équipes, compte tenu de l'interruption de la machine entre 0h30 et 4h, réduisant de fait la capacité de production
de produire plus et de répondre favorablement à la demande en conservant des délais de production compétitifs ( entre le moment de réception de commande et la livraison)
- d'être capable de répondre quasi immédiatement aux commandes urgentes de nos clients
- la prise en location d'une presse Heidelberg 52X74 à compter du mois de mai 2012 afin de nous permettre d'une part d'accroître notre chiffre d'affaires et de réduire le recours à la sous traitante pour les travaux d'impression en petit format.
- Acquisition d'une imprimerie en région parisienne à [Localité 4] fin septembre 2012 (DiamantGraphic) : le marché parisien représentant environ 65% de l'activité nationale et de nombreuses entreprises et agences de communication y étant implantées, il était primordial de s'y implanter.
Malgré les moyens mis en place et les efforts de communication et commercialisation, notre société est confrontée aux difficultés économiques qui touchent le secteur industriel dans son ensemble et celui de l'imprimerie étant touché particulièrement compte tenu des investissements lourds que nous devons assumer.
Situation économique
Situation au 31 décembre 2012 de l'IMPRIMERIE FERREOL
Imprimerie FERREOL
Situation 31/12/2011 (12 mois)
Situation 31/12/2012 (12 mois)
Chiffre d'affaires HT
14 138 427 €
13 241 914 €
Résultat d'exploitation
+ 145 518 €
- 365 684 €
Résultat exercice
+ 52 322 €
- 649 632 €
Il ressort une baisse de chiffre d'affaire d'environ 9% alors que nos charges d'exploitation ont connu une légère croissance en raison de l'embauche de conducteurs offset de nuit ( passage en 4X6) et la prise en location de la presse 52/74 .
Sur l'exercice 2013, aucune amélioration de la situation n'est constatée avec une dégradation de la valeur ajoutée de 2 % par rapport à la même période et depuis le mois d'avril 2013 un ralentissement net du carnet de commandes :
La situation intermédiaire au 30 juin 2013 fait apparaître les résultats suivants :
Imprimerie FERREOL
Situation 31/12/2013 (6 mois)
Chiffre d'affaires HT
7 205 048 €
Résultat d'exploitation
- 34 126 €
Résultat exercice
- 73 300 €
Le contour du groupe :
La société IMPRIMERIE FERREOL est détenue à 100% par la Société CARRE D'AS qui est la société holding , actionnaire majoritaire au sein de la SARL AXE EIMPRESSION ( composée de deux salariés commerciaux) et la société SDN IMPRESSION ( composée de 3 commerciaux)
La situation au niveau des sociétés du groupe est similaire et confirme malheureusement le fort ralentissement de l'activité dans le secteur de l'imprimerie et la diminution de la valeur ajoutée.
La holding CARRE D'AS subit inévitablement les conséquences de cette situation dans la mesure où son activité dépend de celle de la société IMPRIMERIE FERREOL : ainsi au 31 décembre 2012, la société CARRE D'AS constatait une perte de 334.742€ et sa tendance sur 2013 va être identique à celle de sa filiale IMPRIMERIE FERREOL.
Les comptes consolidés de la holding CARRE D'AS (englobant les comptes de FERREOL-AXE IMPRESSION et SDN IMPRESSION) constatent au 31 décembre 2012 un chiffre d'affaires en baisse de 7,32%, une perte d'exploitation de 215.116€ et une perte nette de 954.250€ alors que sur l'exercice au 31 décembre 2011, les comptes consolidés étaient positifs avec un bénéfice de 179.262€.
S'agissant des deux autres sociétés, dans lesquelles IMPRIMERIE FERREOL est actionnaire à 25% ( IMPRIMERIE REY) et DIAMANT GRAPHIC ( actionnaire à 100%), la situation économique de ces deux structures connaissent les mêmes difficultés :
La société DIAMANT GRAPHIC sur [Localité 5] subit la même dégradation avec une baisse de son chiffre d'affaires de 17 % alors que les charges d'exploitation n'ont pas diminué. Ainsi, au 30 Juin 2013, la société enregistre une perte nette de 126.000€
La société IMPRIMERIE REY a constaté au 31 décembre 2012 une perte de 52.000 € due à sa baisse d'activité d'environ 15% a réduit le volume de travaux confiés à la société IMPRIMERIE FERREOL.
Deux autres petites structures (two print composée de deux deviseurs et Print code composé du seul gérant) dont la société CARRE D'AS est actionnaire, sont pour Print code fournisseurs de la société IMPRIMERIE FERREOL et s'agissant de two print, client de IMPRIMERIE FERREOL.
Les causes de cette situation économique :
Cette dégradation de cette situation est essentiellement due à un effondrement de notre valeur ajoutée qui s'explique par une hausse du coût de nos achats de matériels, marchandises liées à notre activité et une baisse des prix de vente et une réduction générale du volume d' impression.
Nous subissons par ailleurs une concurrence de plus en plus vive et en particulier au niveau des prix : nous avons perdu un nombre significatif d'appels d'offres en raison de nos prix proposés supérieurs à ceux de la concurrence ;
Nous avons investi dans des nouvelles machines pour être techniquement plus performants et améliorer le niveau de sécurité pour le personnel et malgré cela, les clients se tournent vers des concurrents avec des prix plus attractifs malgré un parc de machines moins sécuritaire.
Le secteur de l'imprimerie est touché comme les autres secteurs par le ralentissement général du volume des commandes, et par les difficultés de trésorerie des entreprises.
Situation financière :
La dégradation de -la situation économique a une conséquence sur la situation financière de l'entreprise et sur sa trésorerie dégradée alors que les charges d'emprunts, leasings, dettes fiscales sont identiques voir en augmentation pour les charges d'emprunts:
La société IMPRIMERIE FERREOL a été alertée par les banques qui envisagent de remettre en cause les autorisations de découverts et les modalités de mobilisation d'escompte Dailly.
La situation d'endettement au niveau du groupe a augmenté depuis 2012 en passant de 406.194 à 1.343.832 € et des charges financières qui sont passées de 149.206 € à 544.293 € (incluant les dépréciations de titres liées à la dégradation des résultats en 2012)
C'est dans ce contexte particulièrement tendu et difficile et pour éviter une remise en cause de ces paiements bancaires qui auraient pour effet de ne plus être en mesure d'honorer le paiement des dettes fournisseurs, fiscales et sociales que la société a dû mettre en place des solutions de renégociations des échéanciers des dettes fiscales et sociales avec les organismes concernés
Ce contexte économique difficile dans la durée avec les difficultés financières et de trésorerie qui en découlent nécessitent de mettre en place des mesures rapidement afin d'adapter nos charges de structure à notre activité afin de ne pas accroître la mise en péril définitive de la société et du groupe.
Malgré des efforts ci-dessus de réorganisation et de négociation des dettes, des suppressions de poste s'avèrent nécessaire pour adapter nos charges à l'activité et résorber notre déficit.
Devant cette situation, la Société doit alléger sa structure et diminuer les charges salariales et la suppression de votre emploi de deviseur fabricant s'avère en conséquence être nécesaire et inévitable.
Nous avons recherché si des solutions de reclassement étaient envisageables tant au sein de notre société IMPRIMERIE FERREOL qu'au sein des sociétés du groupe.
Notre organisation structurelle ne nous permet pas malheureusement de vous reclasser au sein de notre Société ainsi qu'au sein des sociétés du groupe qui ne disposent pas de poste vacant relevant de votre qualification ou compatible avec vos compétences. Egalement, aucun poste n'est actuellement disponible, compatible avec vos compétences au sein de notre Société et les sociétés du groupe.
Nous vous avons remis lors de l'entretien du 2 septembre 2013 un document complet remis par l'institution Pôle Emploi comprenant l'information sur les prestations de la convention de reclassement personnalisée, le dossier d'acceptation et les coordonnées de l'institution Pôle Emploi compétente au regard de votre domicile.
Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de 21 jours à compter de la réception de ce document pour nous faire part de votre volonté de bénéficier de ce dispositif.
Si vous manifestez votre accord pendant ce délai, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d'un commun accord des parties, aux conditions qui figurent dans le document d'information remis le 2 septembre 2013, à l'expiration du délai de réflexion soit le 23 septembre 2013.
Si vous refusez expressément d'adhérer ou à défaut de réponse au terme de ce délai de réflexion, vous serez licencié pour motif économique, la présente lettre valant notification de licenciement. Votre préavis d'une durée de un mois débutera à la date de présentation de cette lettre. [...]
[N] [X] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 23 septembre 2013, dernier jour du délai de réflexion.
Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 17 octobre 2013.
Par jugements du 5 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Lyon a ouvert le redressement judiciaire des sociétés CARRE D'AS, Imprimerie Pierre FERREOL et DIAMANT GRAPHIC.
Par jugements du 6 février 2014, il a :
- arrêté le plan de cession de la société CARRE D'AS au bénéfice de la société HOLDING PRENANT qui s'est engagée à reprendre 5 salariés sur 11,
- arrêté le plan de cession de la société Imprimerie Pierre FERREOL au bénéfice de la société HOLDING PRENANT qui s'est engagée à reprendre 22 salariés sur 44,
- arrêté le plan de cession de la société DIAMANT GRAPHIC au bénéfice de la société HOLDING PRENANT qui s'est engagée à reprendre 9 salariés sur 25.
* * *
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 24 juillet 2015 par [N] [X] du jugement rendu le 7 juillet 2015 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section industrie) qui a :
- dit et jugé que les sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS étaient co-employeurs de [N] [X],
- dit et jugé que le licenciement de [N] [X] relève d'un motif économique,
- fixé la créance de [N] [X] au passif, in solidum, des liquidations judiciaires des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS aux sommes suivantes :
30 000,00 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à Maître [U], en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS, de remettre à [N] [X] un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au jugement,
- déclaré le jugement oppposable à l'A.G.S. / C.G.E.A. [Localité 3] dans les limites et conditions de sa garantie légale,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit que les dépens seront tirés, in solidum, en frais privilégiés des liquidations judiciaires des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 6 décembre 2016 par [N] [X] qui demande à la Cour de :
A titre principal
- dire et juger que les sociétés CARRE D'AS et IMPRIMERIE FERREOL doivent se voir reconnaître la qualité de co-employeurs de Monsieur [N] [X],
- dire et juger le licenciement notifié à Monsieur [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer en conséquence, la créance de Monsieur [X] au passif des sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS à la somme de 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- fixer la créance de Monsieur [X] au passif des sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS à la somme de 13.786,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1.378,69 € au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que Monsieur [X] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires,
- fixer en conséquence, la créance de Monsieur [X] au passif des sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS aux sommes suivantes :
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2011)12.788,67 €
congés payés afférents1.278,86 €
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2012)12.317,29 €
congés payés afférents 1.231,72 €
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2013) 7.017,70 €
congés payés afférents 701,77 €
dommages et intérêts pour non information du droit à repos
compensateur27.193,27 €
dommages et intérêts pour travail dissimulé (net)27.600,00 €
A titre subsidiaire
- dire et juger que la société IMPRIMERIE FERREOL a commis une faute délictuelle à l'origine de la perte d'emploi de Monsieur [X],
- fixer la créance de Monsieur [X] au passif de la société IMPRIMERIE FERREOL à la somme de 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts,
- fixer la créance de Monsieur [X] au passif des sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS à la somme de 13.786,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1.378,69 € au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que la société IMPRIMERIE FERREOL s'est rendue coupable d'une fraude aux dispositions légales,
- dire et juger que cette fraude a conduit à la rupture injustifiée du contrat de travail de Monsieur [X],
- fixer la créance de Monsieur [X] au passif de la société IMPRIMERIE FERREOL à la somme de 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts,
- fixer la créance de Monsieur [X] au passif des sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS à la somme de 13.786,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1,378,69 € au titre des congés payés afférents,
En toutes hypothèses
- condamner la société IMPRIMERIE FERREOL à remettre à Monsieur [N] [X] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI établis en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,
En toutes hypothèses
- condamner la société IMPRIMERIE FERREOL aux entiers dépens ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales du 6 décembre 2016 par Maître [Z] [U], en qualité de liquidateur judiciaire et la SELARL AJ Partenaires en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Imprimerie FERREOL et de la société CARRE D'AS qui demandent à la Cour de :
A titre principal
- Sur la demande au titre de la responsabilité délictuelle de la société CARRE D'AS :
Se déclarer incompétente pour trancher cette demande;
- Sur le co-emploi :
Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a considéré que les sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS étaient co-employeur de Monsieur [X],
Et statuant à nouveau, dire et juger qu'il n'existe pas de situation de co-emploi entre les sociétés IMPRIMERIE FERREOL et CARRE D'AS,
- Sur le licenciement :
Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail de Monsieur [X] relevait d'un motif économique, et que la procédure de licenciement pour motif économique avait été respectée notamment concernant l'obligation de recherche de reclassement et l'application des critères d'ordre des licenciements,
En conséquence, débouter Monsieur [X] de sa demande d'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Sur les heures supplémentaires :
Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a octroyé à Monsieur [X] la somme forfaitaire de 30 000 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs,
Et statuant à nouveau, dire et juger que Monsieur [X] n'a effectué aucune heure supplémentaire qui ne lui aurait pas été payée et a été totalement rempli de ses droits,
En conséquence, débouter Monsieur [X] de sa demande au titre du rappel d'heures supplémentaires, au titre du travail dissimulé et des repos compensateurs ;
A titre subsidiaire
Si la. Cour devait, à titre très subsidiaire et exceptionnel, juger que le licenciement pour motif économique de Monsieur [X] est sans cause réelle et sérieuse, il sera en tout état de cause jugé que la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [X] est parfaitement excessive et qu'aucune indemnité compensatrice de préavis n'est due,
Si la Cour devait se déclarer compétente pour trancher la demande sur la responsabilité délictuelle de la société CARRE D'AS, la Cour rejettera sur le fond cette demande comme n'étant pas fondée et rejettera la demande de dommages et intérêts y afférente,
En tout état de cause,
Condamner Monsieur [X] à verser à la société IMPRIMERIE FERREOL et la société CARRE D'AS la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et le condamner en outre au paiement des entiers dépens de l'instance ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 6 décembre 2016 par le C.G.E.A. [Localité 3] qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [N] [X] de ses demandes relatives au licenciement,
- réformer le surplus,
- en conséquence, débouter [N] [X] de toutes ses demandes comme injustifiées et non fondées,
- subsidiairement, réduire d'éventuels dommages-intérêts à une plus juste proportion ;
Sur le co-emploi :
Attendu, d'abord, que [N] [X] ne soutient pas qu'il était placé sous la double subordination de la S.A.S. Imprimerie FERREOL et de la société CARRE D'AS et qu'il exerçait indifféremment son activité professionnelle pour l'une et pour l'autre société ;
Attendu ensuite que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;
Qu'en l'espèce, le fait que la société mère et sa filiale aient eu les mêmes dirigeants, que [N] [X], salarié de la S.A.S. Imprimerie FERREOL et [B] [B], salarié de la société CARRE D'AS, aient pu accomplir les mêmes tâches pour les mêmes clients et que la gestion administrative du personnel ait été assurée par un responsable de la société mère qui validait les dates des congés payés est insuffisant pour caractériser une confusion d'intérêts, d'activité et de direction faisant de la société CARRE D'AS le co-employeur de [N] [X] ;
Qu'en conséquence, le jugement qui a dit que la S.A.S. Imprimerie FERREOL et la société CARRE D'AS étaient co-employeurs de [N] [X] doit être infirmé ;
Sur la responsabilité civile pour fautes des sociétés du groupe :
Attendu que [N] [X] ne démontre ni qu'au-delà de l'exercice de son activité propre, la société CARRE D'AS a privé fautivement la S.A.S. Imprimerie FERREOL d'une partie de son outil de production, de son activité et de ses clients, ni qu'une telle faute, à la supposer établie, est à l'origine de la perte de l'emploi du salarié, alors que les procédures collectives des deux sociétés ont évolué de manière strictement parallèle ;
Sur la fraude aux dispositions légales :
Attendu que la fraude ne se présume pas ; que [N] [X] n'établit aucun fait caractérisant de la part de la S.A.S. Imprimerie FERREOL la volonté de contourner les dispositions légales applicables en vue de se procurer un avantage indu ;
Sur le motif économique du licenciement :
Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;
Que les difficultés économiques de nature à justifier un licenciement s'apprécient au niveau du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; qu'en l'espèce, les sociétés CARRE D'AS, Imprimerie FERREOL et DIAMANT GRAPHIC appartiennent au même secteur d'activité ;
Qu'en l'espèce, Maître [Z] [U], liquidateur judiciaire et la SELARL AJ Partenaires, administrateurs judiciaires de la société Imprimerie FERREOL et de la société CARRE D'AS, avaient déjà communiqué les bilans des trois sociétés CARRE D'AS, Imprimerie FERREOL et DIAMANT GRAPHIC en première instance ; que ces pièces n'ont manifestement pas retenu l'attention de [N] [X] puisque celui-ci continue en cause d'appel à inviter la S.A.S. Imprimerie FERREOL à communiquer les éléments comptables justifiant la réalité des difficultés économiques invoquées sans articuler aucun moyen contre le jugement du 7 juillet 2015 ; qu'il ressort des comptes consolidés du groupe au 31 décembre 2012 que pour une perte d'exploitation de 215 116 €, la perte nette de l'exercice a atteint 954 250 € ; qu'au 30 juin 2013, les comptes d'aucune des sociétés du groupe ne s'étaient redressés ; que la suppression de l'emploi de [N] [X] avait donc une cause économique ;
Attendu qu'en application de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ; qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;
Qu'en l'espèce, les registres d'entrée et de sortie du personnel des sociétés CARRE D'AS et Imprimerie FERREOL ont été communiqués ; qu'ils n'appellent aucune observation de la part de [N] [X] en cause d'appel ; que la rupture du contrat de travail intervenue le 23 septembre 2013 a précédé d'un peu plus d'un mois seulement le placement en redressement judiciaire des trois sociétés du groupe ; qu'aucune création de poste ne pouvait donc être envisagée dans ce contexte ;
Que le jugement qui a débouté [N] [X] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif sera donc confirmé ;
Sur les critères d'ordre de licenciement :
Attendu que selon l'article L 1233-5 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que ces critères prennent notamment en compte les charges de famille, l'ancienneté de service, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (personnes handicapées, salariés âgés, etc), les qualités professionnelles appréciées par catégorie ;
Que les critères d'ordre étant mis en oeuvre non au niveau du groupe, mais au niveau de l'entreprise, [N] [X] n'est pas fondé à soutenir qu'il appartenait à la même catégorie professionnelle que [B] [B], salarié de la société CARRE D'AS, pour l'application des critères d'ordre de licenciement ;
Qu'en conséquence, le jugement qui a débouté [N] [X] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera confirmé ;
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;
Qu'en l'espèce, [N] [X] communique les attestations de [Z] [T], [Y] [M] et [X] [Y] (entré le 2 avril 2012) qui certifient que [N] [X] était présent à son poste de travail à 7 heures 30 le matin, faisait une pause à la mi-journée et restait ensuite jusqu'après 19 heures ; qu'il faudrait donc supposer que ces salariés aient eu une amplitude de travail excédant la plage de 7 heures 30 à 19 heures pour pouvoir effectuer de telles constatations ; que rien de tel ne ressort de leurs attestations qui se bornent à confirmer dans des termes très proches les horaires allégués par l'appelant ; que celui-ci se fonde encore sur les dates et heures d'édition des devis des années 2011, 2012 et 2013 ; que les intimés font observer à juste titre que rien ne permet de tenir pour acquis que [N] [X] a édité lui-même ces devis à 19 heures ou 20 heures, étant par ailleurs observé qu'un autre salarié est toujours mentionné comme ayant la charge du suivi ; que les données qui ont permis à [N] [X] de retenir pour chaque jour un nombre déterminé d'heures travaillées et d'établir les tableaux qui constituent ses pièces 26-1, 27-1 et 28-1 sont invérifiables ; que l'incertitude qui a conduit le Conseil de prud'hommes à allouer une somme forfaitaire à titre de rappel de salaire est bien celle de l'appelant lui-même puisqu'il existe, pour chacune des années couvertes par la demande, un écart entre les totaux annuels mentionnés tant dans les pièces que dans les conclusions, qui est trop systématique pour résulter d'une erreur matérielle et qui révèle la fragilité des bases du calcul du salarié ;
Que la Cour ne retire pas des pièces et des débats la conviction de ce que [N] [X] a accompli les heures supplémentaires dont il sollicite le paiement ; qu'il sera donc débouté de ce chef de demande, le jugement entrepris étant infirmé ; que le salarié sera également débouté, par voie de conséquence, de ses demandes d'indemnités pour absence d'information sur le droit à repos compensateur et travail dissimulé ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 7 juillet 2015 par le Conseil de prud'hommes de Lyon (section industrie) en ce qu'il a :
- dit et jugé que les sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS étaient co-employeurs de [N] [X],
- fixé la créance de [N] [X] au passif, in solidum, des liquidations judiciaires des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS aux sommes suivantes :
30 000,00 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à Maître [U], en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS, de remettre à [N] [X] un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au jugement,
- dit que les dépens seront tirés, in solidum, en frais privilégiés des liquidations judiciaires des sociétés Imprimerie FERREOL et CARRE D'AS ;
Confirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute [N] [X] de l'intégralité de ses demandes de première instance et d'appel,
Condamne [N] [X] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLe Président
Sophie MascrierDidier JOLY