AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 15/07798
[S]
C/
EURL [Y] CONVOYAGE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 24 Septembre 2015
RG : F 14/00044
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 27 JANVIER 2017
APPELANT :
[M] [S]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant en personne, assisté de M. [I] [C], défenseur syndical muni d'un double pouvoir
INTIMÉE :
EURL [Y] CONVOYAGE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie christine REMINIAC, avocat au barreau de l'AIN
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Novembre 2016
Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel SORNAY, président
- Didier JOLY, conseiller
- Natacha LAVILLE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Janvier 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat à durée indéterminée faisant suite à un contrat à durée déterminée du 23 avril 2001 au 22 octobre 2001, [Q] [Y] a engagé [M] [S] en qualité de convoyeur de véhicules industriels.
Le 18 novembre 2011, la société [Y] CONVOYAGE, qui a succédé à [Q] [Y], a repris le contrat de travail de [M] [S].
En dernier lieu, [M] [S] percevait un salaire mensuel brut de base de 2 086.93 euros pour 169 heures de travail. Son contrat de travail n'était soumis à aucune convention collective.
Au printemps de l'année 2013, [M] [S] a demandé à la société [Y] CONVOYAGE de bénéficier de la formation de chauffeur routier, dite formation FCOS .
La société [Y] CONVOYAGE a rejeté la demande du salarié au motif qu'elle n'était pas obligatoire compte tenu de la nature son emploi au sein de l'entreprise.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2013, [M] [S] a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail au motif que le salarié souhaitait s'investir dans un nouveau projet professionnel.
La société [Y] CONVOYAGE a refusé d'accéder à la demande de [M] [S].
Le 8 octobre 2013, [M] [S] a été placé en arrêt maladie pour un 'surmenage au travail'.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2013, la société [Y] CONVOYAGE a notifié à [M] [S] un avertissement pour avoir eu un comportement menaçant à l'égard de [J] [O], gérant de l'entreprise, en lui indiquant qu'il entendait occasionner à son employeur le maximum de frais lors de son travail et lui faire perdre ainsi de l'argent.
Le 18 octobre 2013, l'arrêt maladie de [M] [S] a été prolongé jusqu'au 31 octobre 2013.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2013, [M] [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur de ne pas lui avoir payé ses heures supplémentaires résultant des 200 heures effectuées en moyenne chaque mois, de ne pas lui avoir fait bénéficier des majorations et compensations pour ses heures de nuit, de ne pas avoir respecté les règles relatives au repos quotidien de 11 heures minimum, d'avoir modifié son contrat de travail en cessant de payer ses repas lors de ses déplacements, de ne pas avoir bénéficié des visites médicales périodiques depuis le mois de mars 2011 et de ne pas avoir respecté son obligation de préserver la santé de son salarié.
Le 10 février 2014, [M] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE en lui demandant sous le bénéfice de l'exécution provisoire d'ordonner à la société [Y] CONVOYAGE de lui remettre sous astreinte les rapports d'activité hebdomadaire de septembre 2011 à octobre 2013, de dire que sa prise d'acte est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société [Y] CONVOYAGE à lui remettre les documents de fin contrat conformes sous astreinte et à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de la majoration des heures de nuit et les congés payés afférents, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents , une indemnité légale de licenciement, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 24 septembre 2015, le conseil de prud'hommes:
- a dit que la prise d'acte est assimilée à une démission,
- a débouté [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,
- a débouté la société [Y] CONVOYAGE de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,
- a condamné [M] [S] aux dépens.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 10 octobre 2015 par [M] [S].
Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 23 novembre 2015, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, [M] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et:
- d'ordonner à la société [Y] CONVOYAGE de lui remettre les rapports d'activité hebdomadaire de septembre 2011 à octobre 2013,
- de requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société [Y] CONVOYAGE au paiement des sommes suivantes:
* 11 514.77 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 1 151.47 euros au titre des congés payés afférents,
* 770.13 euros au titre de la majoration des heures de nuit et 77.01 euros au titre des congés payés afférents,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 5 735.42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 573.54 euros au titre des congés payés afférents,
* 6 022.19 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- d'ordonner la rectification des bulletins de salaire depuis novembre 2011 sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de délivrer une attestation Pôle Emploi conforme au 'jugement' sous astreinte de 20 euros par jour de retard et de délivrer un certificat de travail conforme au 'jugement' sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- de condamner la société [Y] CONVOYAGE au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 23 novembre 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société [Y] CONVOYAGE demande à la cour:
- de confirmer le jugement entrepris sur les demandes de [M] [S],
- de le réformer pour le surplus et de condamner [M] [S] au paiement de la somme de 5 735.42 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis,
- de condamner [M] [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [Y] CONVOYAGE a en outre oralement demandé à la cour d'écarter des débats les pièces n°17 bis, 18 bis et 19 bis pour avoir été communiquées le jour de l'audience.
MOTIFS
Attendu liminairement que les pièces n°17 bis, 18 bis et 19 bis de [M] [S] n'ont pas été versées au dossier remis à la cour lors de la clôture des débats; que la cour en conclut qu'elles ont été retirées subrepticement par l'appelant ;
Que la demande de la société [Y] CONVOYAGE sera donc rejetée comme devenue sans objet.
1 - sur les heures supplémentaires
Attendu que la durée légale du travail effectif des salariés est fixé à 35 heures par semaine; que les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.
Attendu qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Attendu que la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties; que le salarié est tenu de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à
justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que [M] [S] a été rémunéré en contrepartie d'une durée de travail fixée à 169 heures dont 17.33 heures constituent des heures supplémentaires.
Attendu que [M] [S] sollicite le paiement de la somme de 11 514.77 euros au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées entre le 29 novembre 2011 et le 4 octobre 2013.
Attendu que [M] [S] verse aux débats les éléments suivants:
- trois tableaux en pièces n° 17, 18 et 19 correspondant respectivement aux périodes du 29 novembre 2011 au 30 décembre 2011, du 2 janvier 2012 au 28 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 4 octobre 2013; chacun de ces tableaux indique, pour chaque semaine des périodes de référence, le nombre d'heures supplémentaires accomplies au-delà de 39 heures; elles sont ensuite réparties selon leur majoration à 125% ou à 150% sur la base d'un taux horaire de 12.04 euros;
- des rapports d'activité pour les périodes du 9 au 29 décembre 2011, du 3 janvier au 18 juillet 2012 et du 13 septembre au 4 octobre 2013;
- ses agendas personnels pour les années 2012 et 2013 sur lesquels le salarié a reporté pour chaque jour travaillé des horaires de début et de fin, ainsi que le nom d'une ville ou le détail d'un trajet.
Mais attendu que la cour relève après analyse de ces éléments:
- que le décompte des heures supplémentaires résultant des trois tableaux est imprécis en ce qu'il ne laisse pas apparaître les horaires de travail accomplis chaque jour précis de chaque semaine;
- qu'il n'est fourni aucune information sur les circonstances dans lesquelles [M] [S] a pu entrer en possession des rapports d'activité qu'il verse aux débats; que la cour est d'autant plus perplexe que le salarié n'a de cesse, y compris devant cette cour, de demander au juge d'ordonner à la société [Y] CONVOYAGE de lui remettre les rapports d'activité hebdomadaire de septembre 2011 à octobre 2013;
- qu'il sera au surplus observé qu'aucun de ces volumineux rapports d'activité ne peut être rattaché à [M] [S]; qu'en effet, au-delà de la lecture incompréhensible de cette liasse de documents, la cour constate que le nom de [M] [S] n'est à aucun moment mentionné alors qu'il résulte des pièces de la procédure que la société [Y] CONVOYAGE employait 4 salariés lorsque [M] [S] y était présent; qu'en outre, ces rapports d'activité ne couvre pas la totalité de la période alléguée par [M] [S] pour la réalisation de ces heures supplémentaires;
- que les tableaux et les rapports d'activité devant ainsi être écartés, il ne subsiste que les agendas dont les mentions ne sont corroborées par aucune pièce de la procédure (aucune attestation ou autre facture d'hébergement ou de restauration).
Attendu qu'il s'ensuit que les éléments fournis par [M] [S] ne sont ni clairs ni précis; qu'ils ne sont donc pas de nature à étayer ses prétentions ni à laisser supposer qu'il a bien accompli les heures supplémentaires qu'il allègue; que sa demande de ce chef doit par conséquent être rejetée; que jugement est confirmé sur ce point.
2 - sur les heures de travail de nuit
Attendu que tout travail accompli entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit sauf disposition conventionnelle modifiant cet horaire; que tout travailleur est considéré comme travailleur de nuit lorsqu'il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien entre 21 heures et 6 heures, ou lorsqu'il accomplit au cours d'une période de référence un nombre minimal d'heures de travail de nuit; que le travailleur de nuit bénéficie de contreparties données obligatoirement sous forme de repos compensateurs rémunérés et éventuellement d'une compensation salariale.
Attendu qu'en l'espèce, [M] [S] expose que les heures supplémentaires qu'il a accomplies comprennent des heures de travail de nuit pour avoir été effectuées entre 21 heures et 6 heures; qu'il n'a bénéficié d'aucune contrepartie; qu'il sollicite le paiement de la somme de 770.13 euros au titre de la majoration des heures de nuit, soit 422.75 heures en 2012 et 219.25 heures en 2013, sur la base d'un taux horaire de 12.04 euros d'une part et de la majoration de 10% habituellement appliquée dans les activités similaires du transport faute de convention collective applicable d'autre part; que [M] [S] invoque à l'appui de sa demande ses agendas et les rapports d'activité qui établissent selon lui la réalité des heures supplémentaires invoquées.
Mais attendu qu'il résulte de ce qui précède que [M] [S] a été débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires pour ne pas avoir produit d'éléments de nature à étayer sa demande; que par voie de conséquence, sa demande au titre de des heures des travail de nuit n'est pas fondée et doit en conséquence être rejetée; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
3 - sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Attendu que tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de bonne foi.
Attendu que la réparation d'un préjudice suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir l'existence et l'étendue de celui-ci.
Attendu qu'en l'espèce, [M] [S] sollicite pour la première fois en cause d'appel le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en reprochant à la société [Y] CONVOYAGE:
- le non-respect du temps maximum et de l'amplitude de travail quotidien,
- le non-respect du repos minimum quotidien de 11 heures,
- la non-comptabilisation des heures supplémentaires,
- le non-respect de la préservation de son état de santé physique et mental en l'absence de la surveillance bénéficiant au travailleur de nuit et en l'absence de visites médicales périodiques.
Mais attendu que la cour relève:
- qu'il résulte de ce qui précède que [M] [S] a été débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des heures de travail de nuit de sorte qu'aucun manquement ne peut être imputé à la société [Y] CONVOYAGE de ces chefs;
- que [M] [S] ne justifie d'aucun préjudice causé par l'absence alléguée de visites médicales périodiques organisées par l'employeur auprès de la médecine du travail.
- que pour soutenir que la société [Y] CONVOYAGE a manqué à ses obligations d'assurer au salarié d'une part une durée quotidienne de travail effectif qui n'excède pas 10 heures et d'autre part un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, [M] [S] se fonde, aux termes de ses écritures, exclusivement sur ses agendas personnels renseignés par ses soins quant aux horaires accomplis; que force de constater que les mentions d'horaires ne sont étayées par aucune pièce de la procédure; qu'il ressort en revanche de l'attestation de [G] [J], qui a travaillé au sein de la société [Y] CONVOYAGE comme [M] [S] en qualité de convoyeur, que les horaires pour cet emploi étaient libres dans la mesure où le salarié pouvait décider de l'heure à laquelle il récupérait le véhicule à convoyer et donc de l'horaire de départ à son domicile; que cette attestation se trouve confirmée par celle d'[X] [U], autre salarié de la société [Y] CONVOYAGE en qualité de convoyeur.
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que [M] [S] ne rapporte pas la preuve de manquements imputables à la société [Y] CONVOYAGE au titre de son obligation d'exécution loyale du contrat de travail; que la demande n'est donc pas fondée; qu'il convient de débouter [M] [S] de ce chef.
4 - sur la rupture du contrat de travail
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant sa poursuite; qu'il incombe au salarié d'établir la réalité des faits invoqués à l'encontre de l'employeur.
Attendu que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits justifient la prise d'acte par le salarié; que la prise d'acte produit les effets d'une démission dans le cas contraire.
Attendu qu'il appartient au juge d'analyser tous les manquements invoqués par le salarié, y compris ceux qui ne figurent pas dans l'écrit de prise d'acte, qui à l'inverse de la lettre de licenciement ne fixe pas les limites du litige.
Attendu qu'en l'espèce, [M] [S] a pris d'acte de la rupture du contrat de travail aux termes d'un courrier en date du 22 octobre 2013.
Attendu qu'à l'occasion de la présente instance, [M] [S] invoque à l'encontre de la société [Y] CONVOYAGE des griefs reposant sur:
- le non-paiement des heures supplémentaires,
- le non paiement des heures de nuit,
- le non-respect du temps de repos quotidien,
- le non-respect du temps de travail maximum quotidien,
- le non-respect des visites périodiques de la médecine du travail ,
- la détérioration de son état de santé dû au travail,
- la modification unilatérale de son contrat de travail ,
- la retenue de salaire excessive pour les jours de carence.
Attendu que la cour rappelle qu'il résulte de ce qui précède que [M] [S] a été débouté de ses demandes en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des heures de travail de nuit; qu'aucun manquement de ces chefs ne pouvant dès lors être imputé à l'employeur, ils ne sauraient donc fonder la prise d'acte;
qu'il résulte en outre de ce qui précède que la preuve de manquements imputables à la société [Y] CONVOYAGE au titre de la durée quotidienne de travail effectif et du repos quotidien n'est pas rapportée; qu'ils ne peuvent donc pas fonder la prise d'acte;
que les griefs allégués au titre du non-respect des visites périodiques de la médecine du travail et de la retenue de salaire excessive pour les jours de carence ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail; qu'ils ne peuvent donc pas justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail;
qu'aucune pièce de la procédure n'établit que la dégradation de la santé de [M] [S] résultant de son arrêt maladie qui a débuté le 8 octobre 2013 est imputable à ses conditions de travail; que la responsabilité de l'employeur n'est donc pas établie; qu'aucun manquement de ce chef ne peut dès lors lui être imputé et ne peut fonder la prise d'acte;
que la preuve d'une modification du contrat de travail n'est pas rapportée; qu'en effet, [M] [S] se prévaut d'une note de service du 15 septembre 2013 qui a supprimé deux dispositions essentielles selon lui à son contrat de travail en ce que d'une part elle a limité le véhicule de l'entreprise à un usage professionnel sauf tolérance expresse pour le trajet entre le domicile et le bureau et que d'autre part elle a mis fin à la prise en charge par l'employeur de tous les repas du salarié au cours de ses déplacements; que la société [Y] CONVOYAGE justifie cependant que cette note n'a jamais été appliquée pour avoir été rédigée par le gérant sous le coup d'une colère, ainsi que cela ressort de l'attestation non contredite de [G] [J], salarié en qualité de convoyeur au sein de la société [Y] CONVOYAGE.
Attendu qu'au surplus, il est justifié que [M] [S] a été embauché en qualité de conducteur poids lourds par le groupe CAYON du 7 novembre 2013 au 6 janvier 2014, par la société de travail temporaire ADECCO pour une mission du 27 au 28 janvier 2014, puis du 29 au janvier au 14 février 2014 par la société TRANSPORTS BRESSANS VOISIN;
qu'il apparaît donc que [M] [S] a pris l'initiative de rompre son contrat de travail non pas en raison de manquements de l'employeur mais dans le but de mettre en oeuvre son projet d'exercer un emploi de chauffeur routier poids-lourds, projet dont il n'est pas contesté qu'il l'avait invoqué dès le printemps 2013 lors de sa demande de rupture conventionnelle du contrat de travail présentée à la société [Y] CONVOYAGE.
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun des manquements invoqués par [M] [S] ne justifie sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail, laquelle produit dès lors les effets d'une démission; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a usé d'une formule maladroite en disant que la prise d'acte est assimilée à une démission; qu'il sera confirmé en ce qu'il a débouté [M] [S] de sa demande au titre des rapports d'activité hebdomadaire de septembre 2011 à octobre 2013 et de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
5 - sur le préavis de démission
Attendu qu'il résulte de l'article L 1237-1 du code du travail qu'en cas de démission, le salarié est redevable, sauf incapacité, à l'égard de l'employeur d'un préavis dont la durée est fixée par la loi pour certaines catégories de salariés, et par la convention collective applicable à la relation de travail pour les autres; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles, la durée du préavis résultent des usages pratiqués dans la localité et dans la profession.
Attendu que le salarié qui n'exécute pas son préavis doit à l'employeur une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé; que l'indemnité pour non-respect du préavis de démission n'impose pas la preuve d'un préjudice pour être allouée.
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que le contrat de travail, qui n'est soumis à aucune convention collective, a été rompu le 22 octobre 2013 par suite de la prise d'acte de [M] [S]; que celui-ci n'a ensuite effectué aucun préavis.
Attendu que la société [Y] CONVOYAGE sollicite le paiement de la somme de 5 735.42 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis de démission.
Mais attendu que la cour relève qu'au jour de la rupture du contrat de travail, [M] [S] se trouvait en prolongation d'arrêt de travail pour maladie; que le salarié s'est donc trouvé du fait de sa maladie dans l'incapacité d'effectuer le préavis de démission; qu'aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut donc être mise à sa charge; que la société [Y] CONVOYAGE se trouve en conséquence mal fondée en sa demande et doit en être déboutée; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
6 - sur les demandes accessoires
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Attendu que [M] [S] sera condamné aux dépens d'appel.
Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
REJETTE comme sans objet la demande de la société [Y] CONVOYAGE relative aux pièces n°17 bis, 18 bis et 19 bis de [M] [S],
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prise d'acte est assimilée à une démission,
STATUANT à nouveau sur le chef infirmé,
DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE [M] [S] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
CONDAMNE [M] [S] aux dépens,
CONDAMNE [M] [S] à payer à la société [Y] CONVOYAGE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY