La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2016 | FRANCE | N°14/05834

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 01 avril 2016, 14/05834


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/05834





[A]



C/

SAS CHENE VERT







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Juin 2014

RG : F 13/00034

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 1er AVRIL 2016





APPELANT :



[B] [A]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



C

omparant en personne, assisté de Me Virginie WAGNER-PERRIN de la SELARL CARLER SOCIAL POUEY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,



Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 14/06047 (Fond)



INTIMÉE :



SAS CHENE VERT

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/05834

[A]

C/

SAS CHENE VERT

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Juin 2014

RG : F 13/00034

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 1er AVRIL 2016

APPELANT :

[B] [A]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me Virginie WAGNER-PERRIN de la SELARL CARLER SOCIAL POUEY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 14/06047 (Fond)

INTIMÉE :

SAS CHENE VERT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hervé FOURNIE, avocat au barreau d'ALBI substitué par Me Jean-baptiste TRAN-MINH, avocat au barreau de LYON,

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 14/06047 (Fond)

Parties convoquées le : 23 février 2015

Débats en audience publique du : 12 février 2016

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fatima-Zohra AMARA, Greffier stagiaire en pré-affectation.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 1er Avril 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La SAS CHÊNE VERT a pour activité la fabrication de meubles de salle de bain (hors pose).

Cette société a embauché [B] [A] à compter du 1er juillet 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de cadre délégué technico-commercial, niveau C12'coefficient 560 de la convention collective nationale 'fabrication de l'ameublement'.

[B] [A] était ainsi contractuellement 'chargé du développement de la commercialisation, essentiellement au travers de la prescription, des produits de CHÊNE VERT, notamment auprès des entreprises générales du bâtiment, de promoteurs, d'architectes, et plombiers, menuisiers, maisons de retraite, offices municipaux de HLM, hôtels, (etc.') et, de façon générale, de toute cible relevant de l'activité 'bâtiment'de ladite société.'

Le contrat précisait que constituait une 'cible prioritaire d'action commerciale la zone Centre Est, comprenant les départements suivants : 01'03'38'39'42'43'58'63'69'71'73'74.' Il semble que ce secteur est par la suite été élargie aux départements 21 et 25, sans modification du contrat de travail.

Ce contrat de travail prévoyait un salaire de base brut mensuel de 2203,99 euros pour 151,67 heures par mois, majoré de plusieurs primes :

'une prime différentielle mensuelle brute de 1244,29 euros,

'une prime de régularité prévue par la convention collective, proportionnelle au temps de travail effectif, égal à 1,5 % du salaire de base brut majoré de la prime différentielle,

'une prime d'objectif annuelle fixe de 4000 € bruts, payable par mensualités de 166,67 euros avec versement du solde en janvier N+1, au prorata du temps de présence sur l'année,

'à compter du 1er janvier 2009, une prime complémentaire variable sur objectifs, mise en place en accord avec la direction commerciale et versée en janvier de l'année suivant chaque année civile.

Le contrat prévoyait également une clause obligeant le salarié à consacrer professionnellement toute son activité et tous ses soins à l'entreprise, s'interdisant en conséquence tout autre activité professionnelle et de s'intéresser directement ou indirectement de quelque manière que ce soit à tout affaire susceptible de concurrencer par son activité celle de l'employeur.

Enfin ce contrat de travail stipulait une clause de non-concurrence d'une durée de 18 mois à compter de la fin du contrat.

Le 22 janvier 2013, [B] [A] a adressé au président de la société CHÊNE VERT une lettre de démission ainsi motivée :

« Monsieur le président,

Je viens, par la présente, vous donnez ma lettre de démission.

En effet, après avoir subi, pendant de nombreux mois, les attitudes sournoises, moqueuses et déstabilisantes du responsable des ATC sédentaires, Monsieur [P], puis de son épouse, Madame [Q], je ne suis plus, psychologiquement, en situation de supporter votre attitude globale.

En effet, le 13 décembre 2012, vous m'avez convoqué, avec mon manager, et, en présence des ATC de la zone, sédentaires, et m'avez fait différents reproches publics alors que je n'avais été informé de l'ordre du jour que 2 jours auparavant et qu'une liste de différents sujets à préparer pour cette réunion m'avait été demandée la veille par mon manager, en copie cachée, les ATC de la zone, et vous-même, alors que j'étais dans l'avion.

Cette attitude déstabilisante, et humiliante, a eu un effet terrible sur mon moral, en cette fin d'année.

Par ailleurs, votre attitude qui vise à « me faire craquer » s'est à nouveau manifestée par votre mail du 8 janvier, où vous me demandez un formalisme de reporting qui n'existait pas avant, et qui non seulement se rajoute à la quantité de travail à fournir alors que les journées ne sont pas extensibles, mais surtout témoigne d'une défiance à mon égard, qui après 4 ans et demi d'ancienneté, est inacceptable, dès lors que, peut-être faut-il le rappeler, le chiffre d'affaire réalisé sur mon secteur a augmenté de 33 % sur la même période.

Je vous présente donc, par la présente, ma démission, qui est totalement irrévocable.

Je vous laisserai le soin de m'indiquer la façon dont vous souhaitez que j'effectue mon préavis. »

Par courrier du 25 janvier 2013, la société CHÊNE VERT a accusé réception de cette démission, a indiqué à [B] [A] qu'elle répondrait point par point dans les jours à venir en ce qui concernait tous les griefs formulés à l'encontre de l'entreprise, a proposé une entrevue fixée au 31 janvier 2013 pour faire le point sur les dossiers en cours, et informé le salarié qu'elle le dispensait de l'exécution de son préavis, qui lui serait donc rémunéré.

Par courrier du 7 février 2013, la société CHÊNE VERT a délié [B] [A] de sa clause de non-concurrence.

Par courrier du 13 février 2013, la société CHÊNE VERT a contesté en détail l'ensemble des reproches formulés par [B] [A] à son encontre, et a en conséquence indiqué considérer que cette démission devait bien s'analyser comme telle.

[B] [A] a saisi le 20 février 2013 le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône pour obtenir la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Devant le bureau de jugement, [B] [A] sollicitait de cette juridiction la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence la condamnation de la société CHÊNE VERT à lui payer les sommes suivantes :

'38'470 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'10'000 € à titre de dommages-intérêts pour attitude vexatoire

' 3462,30 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

' 5309,75 euros au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires

' 530,98 euros au titre des congés payés y afférents

' 23'082 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

' 15'000 €à titre d'indemnité pour travail à domicile

' 2500 €en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la société CHÊNE VERT concluait au rejet de l'ensemble de ces demandes, et à titre reconventionnel sollicitait la condamnation de [B] [A] à lui payer :

'la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts par l'application de l'article L 1222'1 du code du travail pour attitude déloyale et violation de la clause d'exclusivité visée au contrat,

' la somme de 11'540 € à titre de dommages-intérêts pour la non-exécution du préavis,

' la somme de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a estimé que les faits invoqués par [B] [A] n'était pas de nature à constituer des griefs faits à l'employeur pouvant produire les effets d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, et a en conséquence refusé la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, le conseil a estimé que [B] [A] ne rapportait la preuve ni de l'exécution d'heures supplémentaires non rémunérées, ni de la réalisation de travail à domicile, et a relevé que le salarié n'avait pas respecté la clause d'exclusivité de son contrat de travail en s'impliquant dans une société EMA dont il était associé.

Le conseil a donc débouté [B] [A] de l'ensemble de ses demandes et la société CHÊNE VERT de sa demande reconventionnelle, estimant que celle-ci ne rapportait ni la preuve du caractère abusif de la démission du salarié, ni la réunion des conditions d'application de l'article L 1237'1 du code du travail sur l'exécution du préavis.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée distribuée le 26 juin 2013.

[B] [A] en a interjeté appel le 9 juillet 2014.

*

Par ses dernières conclusions parvenues au greffe le 1er décembre 2015, [B] [A] demande à la Cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, le réformant, de :

'constater les faits de harcèlement dont [B] [A] a été la victime,

'constater des manquements contractuels de la société CHÊNE VERT à l'égard de [B] [A] ,

'dire que la rupture du contrat de travail de [B] [A] est imputable aux torts exclusifs de la société CHÊNE VERT et que la démission de [B] [A] est équivoque et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'condamner la société CHÊNE VERT au paiement des sommes suivantes :

39'778,40 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3778,95 euros à titre d'indemnité de licenciement,

11'933,52 euros à titre d'indemnité de préavis,

10'000 € à titre de rappel de salaire (solde des primes fixes sur objectifs),

1000 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

10'906,42 euros à titre de rappel des heures supplémentaires,

1090,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

10'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect de la législation sur la durée du travail,

23'867,04 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

15'000 € d'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles,

avec intérêts au taux légal au jour de la saisine ;

'ordonner la transmission des documents de fin contrat rectifiés (certificat travail, attestation ASSEDIC, solde de tout compte) sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

'dire qu'il serait inéquitable que [B] [A] supporte la charge des frais irrépétibles qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts ;

'condamner la société CHÊNE VERTe à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

'la condamner aux entiers dépens ;

'ordonner l'exécution provisoire pour le tout.

Par ses dernières conclusions lors de l'audience, la société CHÊNE VERT demande à la Cour d'appel de :

'dire et juger que [B] [A] a démissionné, que cette démission résulte d'une volonté claire et non équivoque,

'en tirer les conséquences de droit :

'rejeter l'ensemble de ses demandes au titre de la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'le débouter en outre de sa demande en paiement de rappel de primes, de sa demande en rappel de salaire pour heures supplémentaires, de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande en paiement d'indemnités d'occupation et de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

'le débouter de toutes ses autres demandes ;

statuant sur l'appel incident de la société CHÊNE VERT :

'condamner [B] [A] au paiement des sommes suivantes :

70'000 € à titre de justes dommages-intérêts pour violation de l'article L 1222'1 du code du travail, pour violation de la clause contractuelle d'exclusivité et agissements déloyaux concurrentiels,

12'523,62 euros à titre de dommages-intérêts pour non-exécution de préavis de démission,

'le condamner enfin aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.'Sur la rupture du contrat de travail :

La simple lecture de la lettre de démission motivée adressée par [B] [A] à son employeur le 22 janvier 2013 démontre qu'en réalité ce salarié démissionnait en raison de faits qu'il reprochait à son employeur.

Ce courrier doit en conséquence s'analyser en une prise d'acte de la rupture et produire les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Pour solliciter la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, [B] [A] reproche à son employeur de l'avoir harcelé moralement et d'avoir ainsi rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, au soutien de son accusation de harcèlement moral porté à l'encontre de la société CHÊNE VERT, [B] [A] invoque divers éléments :

* tout d'abord un échange de mails des 27 et 28 janvier 2011 entre [B] [A] et son supérieur hiérarchique [N] [P] (pièces numéros 5 et 21 du salarié) ainsi rédigés dans l'ordre chronologique :

'[B] [A] le 27 janvier à 10h34 : « pour info. Ci-joint un joli CCTP de ICADE ' verrouiller en CHÊNE VERT »

'[N] [P] le 28 janvier à 8h53 : « Trouduc, ton joli CCTP est tout pourri, je ne vais même pas plus loin que la première ligne. La gamme tactile c'est du STRATIFIÉ et non du MÉLAMINÉ. Pour conseil, arrête de te gausser, ça commence à devenir chiant. »

'[B] [A] Le 28 janvier à 12h52 :

« ça commence à me prendre sérieusement la tête'

1. Je ne me gausse pas et bien au contraire et surtout ce n'est pas dans ma nature, c'était juste un envoi pour que les filles aient un retour par rapport au nombreux chiffrages, et de montrer qu'un premier chiffrage même en gamme tactile pouvait se concrétiser' et peut être motivant en équipe' MAIS BON, FRANCHEMENT LE TRAVAIL EN ÉQUIPE EN PREND UN SACRÉ COUP'

2. J'ai bien signalé à ICADE que le TACTILE EST EN STRAT ET NON EN MELA ' erreur du BET certainement, et non la mienne, d'ailleurs signalée lors de ma dernière visite de mardi ».

* Échange de mails du 7 juin 2011 entre [B] [A] et [T] [Q], assistante commerciale sédentaire en charge de son secteur, mais aussi épouse de son supérieur hiérarchique [N] [P] :

'[B] [A] à 7 h 06 :

« bonjour [T]

en se reportant mon compte rendu du 26/4 on peut constater que les combinaisons retenues sur ce dossier sont : STYLE et GENIUS'

au vu de l'envoi adressé à l'installateur, celui-ci va de ce fait, proposer le tactile et chiffrer une moins-value de 300 € par meuble !

Non seulement se pose la question de l'intérêt de mon intervention, mais surtout celui de la société'

[B]. »

'[T] [Q] à 15h16 : « arrête de te la péter fait preuve un peu d'humilité ! ! ! Merci. [T] »

* un mail adressé par [H] [Y], responsable commercial zone sud France chez CHÊNE VERT à son subordonné [B] [A] lui réclamant le 12 décembre 2012 à 15h22 une analyse détaillée de son ressenti commercial et de son activité pour l'année 2012 ainsi que les prévisions qu'il envisageait pour 2013. Bien qu'il n'y fasse pas expressément référence, ce mail avait pour objet la préparation de la réunion du lendemain matin 13 décembre 2012 au cours de laquelle devait être évoqué le bilan d'activité du secteur Centre Est confié à [B] [A] et les perspectives 2013 de ce secteur.

Si l'objet de cette demande apparaît parfaitement légitime en vue d'une telle réunion, il n'apparaît en revanche pas normal de la formuler moins de 24 heures avant celle-ci, compte-tenu de l'important travail que suppose une telle synthèse.

Pour tenter d'échapper aux critiques encourues de ce chef, la société CHÊNE VERT affirme dans son courrier précité du 13 février 2013 répondant aux griefs du salarié, qu'en réalité ce dernier avait reçu de Monsieur [Y] le 25 novembre 2012 un mail fixant l'ordre du jour de cette réunion du 13 décembre, sous-entendant ainsi que cette synthèse avait déjà été réclamée antérieurement.

La cour ne peut toutefois que constater que ce mail du 25 novembre ne figure pas au dossier qui lui a été remis lors de l'audience de plaidoiries (plus de 65 cotes dont certaines très volumineuses, sans qu'y soit joint le moindre bordereau de communication de pièces')

Dans ce contexte, il y a lieu de considérer la tardiveté de cette demande comme abusive.

* [B] [A] invoque encore un mail que son responsable [H] [Y] lui a adressé le samedi 22 décembre à 17 h 09 dans les termes suivants :

« objet : TR : étude du mobilier de SdB'EHPAD de [Localité 2].

[B],

nous avons un problème sérieux avec ton client Vinci

peux tu me donner des explications concernant les offres en PJ '

Merci d'avance.

PS : nous avons besoin avec [F] de cette réponse en début de semaine pour faire une réponse à Vinci. »

[B] [A] fait valoir qu'en réalité le problème avait déjà été évoqué dès le 4 décembre.

En l'état, la société CHÊNE VERT ne fournit strictement aucune explication sur cette demande qui aboutissait à imposer à son salarié de travailler durant le week-end de Noël sur ce dossier, dont l'employeur ne démontre même pas l'urgence.

* Le mardi 8 janvier 2013, [H] [Y] a adressé à [B] [A] un nouveau mail intitulé « rappel et procédures commerciales » affirmant lui rappeler diverses procédures en vigueur dans l'entreprise relatives notamment à la communication des agendas aux attachées technico-commerciales, au déroulement des visites et aux comptes-rendus à en établir, ainsi qu'à la nécessité de respecter et réaliser les actions demandées qui « émettent » (sic) de la direction ou des ATC. (Pièce numéro 24A du salarié)

Par mail du 14 janvier 2013 à 7 h 00, [B] [A] a répondu à [H] [Y] que ce rappel n'en était pas un, qu'il s'agissait d'une nouveauté, qu'il n'avait jamais été informé d'un tel formalisme administratif depuis son entrée chez CHÊNE VERT en juillet 2008 et que ce lourd formalisme allait lui prendre du temps sur son travail quotidien, et nécessairement impacter ses tournées. (Pièce numéro 24 B du salarié).

Dans son courrier précité du 13 février 2013, la société CHÊNE VERT affirme qu'en réalité [B] [A] avait été informé de ces procédures lors d'une réunion avec [N] [P] le 20 octobre 2009.

Le seul compte-rendu qu'elle verse aux débats pouvant correspondre à cette réunion (pièce numéro 20 de l'employeur intitulée 'rencontre [B] [A]' [N] [P]') liste certes un grand nombre de démarches à mettre en 'uvre par le salarié dans l'exercice de son activité commerciale, mais ne fait en aucun cas mention des démarches administratives formalisées par le mail précité du 8 janvier 2013.

En l'état et en l'absence de tout autre explication émanant de l'employeur, il y a lieu de considérer que ce dernier a ainsi imposé en janvier 2013 à [B] [A] un nouveau formalisme administratif particulièrement lourd dont il ne démontre aucunement qu'il soit applicable aux autres commerciaux de l'entreprise.

En l'état de l'ensemble de ces éléments concordants, la cour estime que [B] [A] rapporte bien la preuve qui lui incombe de faits laissant présumer qu'il a été victime de la part de son employeur de faits répétés de harcèlement moral qui avaient pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il appartient donc dans ce cadre à la société CHÊNE VERT de rapporter la preuve contraire en démontrant que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'état, la cour constate que la société CHÊNE VERT procède ici par pure affirmation mais ne développe aucun argument sérieux de nature à renverser cette présomption de harcèlement, se bornant à invoquer la lettre précitée du 13 février 2013, dont les limites ont été rappelées ci-dessus.

Par ailleurs il est incontestable que ce harcèlement était susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ce salarié d'une part dans le cadre des mails méprisants de 2011 et surtout dans celui des exigences abusives de l'employeur de décembre 2012 et janvier 2013 qui n'avait manifestement pas d'autre but que de pousser [B] [A] soit à la faute, soit à la démission.

Ce harcèlement moral avéré est incontestablement à l'origine directe et certaine de la démission motivée notifiée par [B] [A] .

Il résulte de ces éléments que le courrier de démission adressée par [B] [A] le 22 janvier 2013 doit s'analyser en une légitime prise d'acte par ce salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.'Sur les heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, le contrat de travail de [B] [A] contenait la stipulation suivante :

« La durée hebdomadaire de travail sera de 39 heures, étant entendu que, compte-tenu de l'accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail conclu le 28 mai 1999, vous disposerez de l'octroi de jours de repos complémentaires dans les condition dudit accord.

La modalité de réduction du temps de travail par l'octroi de jours de repos ne constitue pas un élément déterminant du contrat. En cas de modification de dénonciation de l'accord d'entreprise, vous serez soumis aux nouveaux horaires et organisation collective des salariés travaillant à temps plein. »

[B] [A] fait valoir qu'il a ainsi toujours travaillé 39 heures hebdomadaires au minimum mais n'a été rémunéré que sur la base de 35 heures sans pour autant bénéficier du repos complémentaire prévu en contrepartie par cette stipulation contractuelle.

Il sollicite donc la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 10'906,42 euros, outre les congés payés y afférents, au titre du rappel des 4 heures supplémentaires par semaine travaillée depuis le 1er juillet 2008, date de son entrée dans l'entreprise.

En réponse sur ce point, la société CHÊNE VERT relève qu'il n'a jamais, au cours de l'exécution du contrat, présenté une telle demande d'heures supplémentaires, laquelle n'a pas non plus été évoquée dans la lettre de démission, et estime qu'en tout état de cause il ne rapporte pas la preuve de la réalité des heures supplémentaires ainsi alléguées.

Il convient toutefois de relever que le contrat de travail prévoyait effectivement un temps de travail hebdomadaire de 39 heures, soit 4 h de plus que la base de rémunération. Il appartient donc à l'employeur de démontrer qu'en contrepartie, le salarié a bien bénéficié des jours de repos complémentaires prévus par l'accord d'entreprise du 28 mai 1999.

Force est de constater que la société CHÊNE VERT ne produit ni cet accord d'entreprise, pourtant essentiel à la solution du litige, ni la preuve de ce que [B] [A] a bien pris les jours de repos complémentaires conformément aux stipulations contractuelles et à cet accord d'entreprise.

En l'état de ce contrat de travail et des feuilles de paye versées aux débats (pièce numéro 25 de l'employé), la cour ne peut que constater que [B] [A] rapporte la preuve, qui lui incombe, d'éléments laissant présumer qu'il a bien accompli chaque semaine sans contrepartie 4 heures supplémentaires qui ne lui ont jamais été rémunérées.

L'employeur ne rapportant pas la preuve contraire, cette demande en paiement de ces heures supplémentaires sera accueillie en son principe.

Sur le montant de sa demande, il y a lieu de relever, au vu des feuilles de paye versée aux débats (pièce numéro 25 du salarié) que [B] [A] a été embauché par la société CHÊNE VERT à compter du 1er juillet 2008, qu'il n'avait pris aucun congé payé au 31 décembre 2008, qu'il a ensuite pris de 2009 à 2012 inclusivement la totalité de ses 5 semaines conventionnelles de congés payés, et qu'au titre de l'année 2013, il a pris 3 jours de congés payés durant la première semaine de janvier.

Il est donc fondé à réclamer à son employeur les heures supplémentaires suivantes :

' 2008: 4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 14,5315 € majoré à 125 % pendant 26 semaines soit un total de 26 x4 x 14,5315 x 125 % = 1889,10 euros

'2009: 4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 14, 6768 € majoré à 125 % pendant 47 semaines soit un total de 47 x4 x 14, 6768 x 125 % = 3449,05 euros

'2010 :4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 14,8236 € majoré à 125 % pendant 47 semaines soit un total de 47 x4 x 14,8236 x 125 % = 3483,55 euros

'2011 : 4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 15,0459 € majoré à 125 % pendant 47 semaines soit un total de 47 x4 x 15,0459 x 125 % = 3535,79 euros

'2012 : 4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 15,2415 € majorés à 125 % pendant 47 semaines soit un total de 47 x4 x 15,2415 x 125 % = 3581,75euros

'2013: 4 heures supplémentaires par semaine au taux horaire de 15,4701 € majorés à 125 % pendant 7semaines, soit un total de 7 x4 x 15,4701 x 125 % = 541,45 euros

Sa créance d'heures supplémentaires s'élève donc à 16 480,69 euros.

L'intéressé ne demandant à ce titre que l'octroi d'un rappel de salaire de 10'906,42 euros, sans d'ailleurs en préciser le décompte, il y a lieu de lui allouer cette somme à ce titre, la Cour ne pouvant aller au-delà des demandes présentées par les parties.

La société CHÊNE VERT sera en outre condamnée à payer à [B] [A] la somme de 1090,64 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ainsi alloué pour heures supplémentaires.

Conformément aux dispositions de l'article 1153'1 du Code civil, ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 26 février 2013.

3.'Sur le défaut de paiement des primes contractuellement prévues :

Le contrat de travail conclu entre les parties stipulait que l'employeur était redevable envers [B] [A] des primes suivantes :

'une prime différentielle mensuelle brute de 1244,29 euros

'une prime de régularité égale à 1,5 % du salaire brut majoré de la prime différentielle

'une prime d'objectifs fixe d'un montant annuel de 4000 € payable en 12 mensualités de 166,67 euros, les 2000 € restants devant être réglé en janvier de l'année suivant celle en cours, sauf le cas échéant un prorata du temps de présence

'une prime d'objectifs variable due à compter de janvier 2009 et versée en janvier de l'année suivant chaque année civile.

[B] [A] fait valoir qu'en ce qui concerne la prime fixe sur objectifs, l'employeur ne lui a versé que les mensualités de 166,67 euros, soit un total de 2000 euros par an, mais n'a jamais procédé au versement du solde de 2000 € lui restant dû au titre de chacune de ces années.

Il sollicite donc la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 10'000 € de ce chef à titre de rappel de salaire, outre les congés payés y afférents.

Dans ses conclusions devant la Cour, la société CHÊNE VERT ne développe aucun argument à l'encontre de cette demande.

Dans son courrier précité du 13 février 2013 de réponse aux griefs contenus dans la lettre de démission, l'employeur avait sous-entendu qu'en réalité ce solde de prime fixe était intégré dans le montant des primes variables versé en janvier de chaque année au salarié.

Il y a lieu de relever que les montants des primes sur objectif versé en janvier de chaque année par l'employeur ont varié d'une année sur l'autre, ce qui implique qu'il s'agissait bien là du règlement de la prime variable prévue par le contrat de travail à compter de l'année 2009 et que les fiches de paye en cause ne comportent aucune ligne de régularisation par ailleurs du solde restant dû sur la prime fixe sur objectif.

Force est de constater que faute par l'employeur de justifier des conditions dans lesquelles il a calculé le montant des sommes versées en janvier de chaque année à [B] [A] au titre de sa prime variable sur objectifs, la preuve de l'intégration dans la prime variable du solde de prime fixe restant dû n'est aucunement démontrée et ne saurait se présumer.

Il appartient à l'employeur de justifier de ce qu'il a exécuté de bonne foi le contrat de travail et réellement payé au salarié la rémunération dont il lui était redevable.

La société CHÊNE VERT ne rapportant pas cette preuve, elle sera condamnée à payer à [B] [A] au titre de ce solde dû sur les primes fixes, la somme de 9250 €, la proratisation prévue contractuellement limitant les droits du salarié à 1000 € au titre de l'année 2008 et 250 €au titre de l'année 2013.

L'employeur sera en outre condamné à payer à [B] [A] la somme de 925 € au titre des congés payés afférents ce rappel de rémunération. Ces deux sommes porteront également intérêt au taux légal à compter du 26 février 2013, date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

4.'Sur le dépassement de la durée quotidienne maximale de travail:

L'article L 3131'1 du code du travail dispose que chaque salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives.

[B] [A] expose que pour faire face à l'augmentation toujours plus importante de sa charge de travail, il devait parfois travailler bien plus que les 13 heures par jour ainsi autorisées par ce texte.

Il affirme en rapporter la preuve par la production de courriels dont les horaires démontreraient que cette amplitude journalière maximale de travail de 13 heures a été dépassée au minimum à 24 reprises et que le repos quotidien de 11 heures n'a pas pu être respecté au minimum à 19 reprises.

Il sollicite donc en réparation du préjudice qu'il dit avoir subi de ce chef l'octroi d'une indemnité de 10'000 € à titre de dommages-intérêts.

Il résulte toutefois des explications du salarié lui-même dans ses conclusions qu'il conservait une grande latitude dans l'organisation de ses journées de travail. Par ailleurs et surtout le fait qu'il ait envoyé des mails tôt le matin et tard le soir certains jours ne démontre pas pour autant qu'il ait travaillé sans discontinuer durant toute la journée entre ces 2 moments, rien ne l'empêchant de prendre des pauses plus ou moins longues, notamment aux heures des repas.

La cour estime donc qu'en l'état [B] [A] ne démontre ni le manquement de l'employeur à ses obligations, ni le préjudice qu'il dit avoir subi de ce chef.

Cette demande de dommages-intérêts sera donc rejetée comme mal fondée.

5.' Sur le travail à domicile :

L'article L 1222'9 du code du travail dispose que :

'Sans préjudice de l'application, s'il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci.

Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa.

Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail.

Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.

A défaut d'accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail.'

Aux termes de l'article L 1222'10 du même code,

'Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l'employeur est tenu à l'égard du salarié en télétravail :

1° De prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ;

2° D'informer le salarié de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

3° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

4° D'organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité du salarié et sa charge de travail ;

5° De fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter.'

En l'espèce, [B] [A] soutient qu'il travaillait en moyenne 2 jours par semaine à son domicile, jours que la société CHÊNE VERT lui avait imposé de fixer au lundi et au vendredi, cette situation s'expliquant par le fait que la société CHÊNE VERT n'avait pas de bureau en région [Localité 3].

Il affirme avoir dû en conséquence aménager une pièce son domicile exclusivement dédié à son activité professionnelle et avoir dû l'équiper en achetant du matériel informatique et les fournitures de bureau nécessaire et avoir souscrit un abonnement Internet spécifique pris en charge par la société.

Il soutient enfin que ce bureau et une grande partie du garage de la maison était dédié de nombreuses documentations et aux échantillons mais qu'il n'a jamais été indemnisé par son employeur pour l'utilisation de son domicile à des fins professionnelles.

Il sollicite donc l'octroi d'une indemnité de 15'000 €en réparation du préjudice né pour lui de cette occupation son domicile à des fins professionnelles.

Cette demande est contestée par la société CHÊNE VERT, sans autre explication.

Force est de constater que [B] [A] exerçait pour le compte de la société CHÊNE VERT une activité de cadre délégué technico-commercial dans un secteur géographique Centre Est, comprenant de 12 à 14 départements répartis autour de la région [Localité 3].

À ce titre l'essentiel de son travail devait se faire dans le cadre de déplacements auprès de ses clients. Rien ne démontre donc que l'employeur lui ait, comme il le soutient, imposé de travailler à son domicile 2 jours par semaine.

Sa pièce numéro 30, qu'il invoque en ce sens, ne rapporte aucune preuve de ce genre. Il s'agit d'un compte rendu d'une réunion commerciale semestrielle du 16 décembre 2010 relative à la zone Centre Est qui concluait à la nécessité de réorganiser le travail de [B] [A] et préconisait : 'organisation : un jour par semaine=$gt; bureau : le lundi'

En l'état, la cour n'a aucun moyen de savoir si cette mention imposait effectivement à [B] [A] de travailler le lundi à son domicile, ou à son bureau au sein de l'entreprise dont le siège est situé à [Localité 4].

En l'absence de tout autre élément de preuve invoqué par le salarié au soutien de cette demande, il y a lieu de considérer qu'il ne démontre pas la réalité de l'utilisation habituelle par [B] [A] de son domicile comme lieu travail à la demande ou avec l'accord de son employeur.

Cette demande indemnitaire sera donc rejetée comme mal fondée.

6.'Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail :

La démission de [B] [A] étant requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce salarié est en droit de réclamer à la société CHÊNE VERT les sommes dues par un employeur en cas de licenciement abusif.

Au cours des 12 derniers mois effectivement travaillés par [B] [A] au sein de l'entreprise CHÊNE VERT, ce salarié a perçu un salaire total brut de 45'346,20 euros. Il aurait dû en outre percevoir en janvier 2013 le solde de sa prime fixe sur objectif, soit 2000€, ainsi que la somme de 3581,75 euros au titre de ses heures supplémentaires outre 358,17 euros de congés payés y afférents.

Sa rémunération totale sur ses 12 mois peut donc être fixée à la somme de 51286,12 euros bruts, soit une moyenne mensuelle de rémunération de 4273,84 euros bruts.

En conséquence, la société CHÊNE VERT devra payer à [B] [A] , compte-tenu de son ancienneté de 4 ans et 9 mois à l'expiration de son délai de préavis, la somme de 3778,95 euros qui lui est réclamée à titre d'indemnité de licenciement.

[B] [A] sollicite en outre la condamnation de la société CHÊNE VERT à lui payer la somme de 11'933,52 euros correspondant à l'indemnité de préavis de 3 mois à laquelle il estime avoir droit.

Il apparaît toutefois que ce salarié, qui a adressé le 22 janvier 2013 à son employeur sa lettre valant prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, a été payé par ce dernier jusqu'au 22 avril 2013, si bien qu'il y a lieu de considérer que son préavis lui a été intégralement réglé, bien qu'il ait été dispensé de l'exécuter.

Cette demande d'indemnité compensatrice de préavis sera donc rejetée comme mal fondée.

Par ailleurs, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances très particulières de la rupture, du montant de la rémunération versée à [B] [A] , de son âge (46 ans au jour de la rupture), de son ancienneté dans l'entreprise (4 ans et 9 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies (et notamment du fait qu'il a immédiatement retrouvé un autre travail), il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu en outre d'ordonner la transmission par l'employeur à [B] [A] des documents de fin de contrat rectifié pour tenir compte des condamnations prononcées par le présent arrêt (certificat travail, attestation pôle emploi, reçu pour solde de tout compte), sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 90 jours à compter de l'expiration d'un délai de 6 semaines après le prononcé du présent arrêt.

En tant que de besoin, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société CHÊNE VERT à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage que cet organisme a pu être amené à verser à [B] [A] en suite du licenciement ici litigieux, dans la limite maximale de 3 mois d'indemnités.

7.' Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, [B] [A] sollicite la condamnation de la société CHÊNE VERT à lui payer la somme de 23'867,04 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'employeur ayant omis lui payer 4 heures supplémentaires qu'il accomplissait par semaine comme de les faire figurer sur ses fiches de paye.

Compte-tenu des termes clairs du contrat de travail de l'intéressé, la société CHÊNE VERT ne pouvait ignorer que ce salarié accomplissait 39 heures de travail et n'était payé que sur la base de 35 heures sans qu'il bénéficie du repos compensateur prévu par ce contrat.

Il en résulte que la dissimulation par l'employeur de l'accomplissement de ces heures supplémentaires était nécessairement intentionnelle de sa part.

La société CHÊNE VERT sera donc condamnée à payer à [B] [A] la somme de 23'867,04 € qu'il réclame au titre de l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévu par l'article L 8223'1 précité.

8.'Sur les demandes reconventionnelles de la société CHÊNE VERT

En premier lieu, la société CHÊNE VERT sollicite la condamnation de [B] [A] à lui payer la somme de 12'523,62 euros à titre de dommages-intérêts pour non-exécution du préavis de démission.

La lettre de démission adressée par [B] [A] à son employeur le 22 janvier 2013 étant toutefois requalifiée en prise d'acte légitime de la rupture aux torts de l'employeur et valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette demande s'avère mal fondée et sera comme telle rejetée.

En second lieu, la société CHÊNE VERT sollicite la condamnation de [B] [A] à lui payer la somme de 70'000 € à titre de dommages-intérêts, par application de l'article L 1222'1 du code du travail, pour violation de la clause contractuelle d'exclusivité et agissements déloyaux concurrentiels.

En vertu de l'article L 1222'1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les deux parties.

En l'espèce, la société CHÊNE VERT affirme que [B] [A] a durant l'exécution de son contrat de travail violé de manière intentionnelle et délibérée la clause d'exclusivité figurant au contrat en travaillant dans le même temps pour une société EMA dans laquelle il était associé et qui avait selon l'employeur une activité concurrente de la sienne.

[B] [A] conteste catégoriquement cette accusation, exposant que la société CHÊNE VERT n'assure jamais la pose des meubles de salle de bain qu'elle fabrique et que c'est elle qui lui avait demandé de trouver un partenariat avec une entreprise de pose de sanitaires, ce qu'il a fait en contractant avec la société EMA ([A] MOBILIER ET AGENCEMENT).

Il estime que la société CHÊNE VERTe été la première à bénéficier de ce partenariat puisque la société EMA proposait uniquement des produits CHÊNE VERT à ses clients et qu'en faisant des bénéfices sur la pose, service que la société CHÊNE VERT n'assurait pas, la société EMA agrandissait donc le portefeuille clients de la société CHÊNE VERT sans lui faire de concurrence.

Cette dernière conteste cette présentation des faits et affirme qu'il résulte des courriels qu'elle a retrouvés dans l'ordinateur de son salarié après le départ de celui-ci que [B] [A] exerçait sous couvert de la société EMA une activité concurrente de la sienne de nature à lui nuire.

La lecture de ces très nombreux courriels, versés pêle-mêle aux débats par l'employeur sans un mot d'explication précise, si elle permet de confirmer l'implication de [B] [A] dans la vente de produits CHÊNE VERT dont la pose était assurée par la société EMA, ne permet en rien de caractériser une activité professionnelle de ce salarié distincte de celle qu'il devait à la société CHÊNE VERT dans le cadre de son contrat de travail.

La cour ne peut donc que constater que l'employeur procède ici par pure affirmation et ne démontre en rien le manquement de l'appelant à ses obligations contractuelles.

Surabondamment, il y a lieu de relever que la société chêne vert ne justifie en rien du préjudice qu'elle prétend avoir subi de ce chef.

Cette demande de dommages-intérêts sera donc rejetée comme particulièrement mal fondée.

9.'Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société CHÊNE VERT.

Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

DIT que la lettre de démission adressée à la société CHÊNE VERT par [B] [A] le 22 janvier 2013 s'analyse en une prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE à 4273,84 euros brut le salaire moyen mensuel de [B] [A] au cours de ses trois derniers mois de travail effectif ;

CONDAMNE la SAS CHÊNE VERT à payer à [B] [A] les sommes suivantes :

' 10'906,42 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre la somme de 1090,64 euros au titre des congés payés y afférents ;

' 9250 euros à titre de rappel de salaire correspondant au règlement du solde des primes fixes sur objectifs, outre la somme de 925 € au titre des congés payés y afférents ;

' 3778,95 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

' les intérêts au taux légal sur l'ensemble de ces sommes à compter du 26 février 2013 ;

' 30'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

' 23'867,04 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT que les sommes ainsi allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;

DIT que la société CHÊNE VERT devra transmettre à [B] [A], dans un délai de 6 semaines à compter du prononcé du présent arrêt, les documents de fin de contrat rectifiés pour tenir compte des condamnations prononcées par le présent arrêt (certificat travail, attestation PÔLE EMPLOI, reçu pour solde de tout compte) ;

CONDAMNE la société CHÊNE VERT à payer à [B] [A] passé ce délai une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant 90 jours ;

DÉBOUTE [B] [A] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés, de dommages-intérêts pour violation de la législation sur la durée du travail, et d'une indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles ;

DÉBOUTE la SAS CHÊNE VERT de sa demande reconventionnelle en paiement par [B] [A] de dommages-intérêts pour inexécution du préavis de démission, et pour violation de la clause contractuelle d'exclusivité et agissements déloyaux concurrentiels ;

ORDONNE le remboursement par la société CHÊNE VERT à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [B] [A] à la suite de son licenciement, dans la limite de 3 mois d'indemnités ;

CONDAMNE la SAS CHÊNE VERT aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu en l'espèce à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIE Michel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/05834
Date de la décision : 01/04/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/05834 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-01;14.05834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award