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18/11/2015 | FRANCE | N°14/08357

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 18 novembre 2015, 14/08357


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/08357





ASSOCIATION EBULLISCIENCE

C/

[L]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Septembre 2014

RG : F 12/00223











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2015







APPELANTE :



ASSOCIATION EBULLISCIENCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adre

sse 1]



Comparante par Mme [V] [D] (Directrice de l'Association), munie d'un pouvoir, assistée par Me Julia PETTEX-SABAROT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



[W] [L]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 14/08357

ASSOCIATION EBULLISCIENCE

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Septembre 2014

RG : F 12/00223

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2015

APPELANTE :

ASSOCIATION EBULLISCIENCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante par Mme [V] [D] (Directrice de l'Association), munie d'un pouvoir, assistée par Me Julia PETTEX-SABAROT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[W] [L]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Sonia MECHERI de la SCP VUILLAUME-COLAS & MECHERI, avocat au barreau de LYON

Parties convoquées le : 27 janvier 2015

Débats en audience publique du : 14 octobre 2015

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 novembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de LYON en date du 16 septembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

L'association EBULLISCIENCE a pour objet d'offrir des animations scientifiques dans deux salles de découvertes à [Localité 2] et [Localité 3] où le public est guidé par des animateurs scientifiques aidés par des assistants techniques.

[W] [L] a été engagée par l'association EBULLISCIENCE en qualité d'assistant technique dans le cadre d'un contrat emploi solidarité à temps partiel (20 heures hebdomadaires) et à durée déterminée, du 1er octobre 1999 au 31 mars 2000, moyennant un salaire égal au SMIC.

A dater du 1er avril 2000, elle a été employée dans le cadre d'un contrat emploi consolidé conclu pour une durée indéterminée. Sa durée hebdomadaire de travail a été portée à 30 heures.

Suivant avenant du 30 janvier 2002, [W] [L] est devenue animateur scientifique le 1er janvier 2002, moyennant un salaire mensuel brut de 1 079,45 € pour 35 heures hebdomadaires de travail.

A l'époque, l'association EBULLISCIENCE employait six animateurs et ne disposait que d'un site.

En 2011, l'association occupait deux sites ([Localité 2] et [Localité 3]) outre une activité itinérante.

Par lettre de mission du 14 avril 2004, le directeur a fixé ainsi qu'il suit l'emploi du temps de [W] [L] à compter du 1er janvier 2004 :

- interventions dans le cadre des animations de la salle de découvertes scientifiques de [Localité 2] dans la limite de 50% du temps de travail,

- travaux au siège (Régie Ebulliscience) :

réparation, maintenance technique, montage d'expériences et de matériels pédagogiques,

assistance à la préparation des commandes et à la gestion des achats et stocks,

- interventions dans la programmation des activités de [Localité 3] dans le cadre des rotations de personnels entre les sites,

et ce moyennant un salaire mensuel brut de 1 275,23 €.

Dans un courrier du 2 juillet 2010, [R] [I], qui avait été engagée par l'association EBULLISCIENCE six mois plus tôt, s'est plainte de ce que ses collègues [C] [X] et [W] [L] l'ignoraient et faisaient comme si elle n'existait pas.

Par lettre recommandée du 17 février 2011, l'association EBULLISCIENCE a notifié un avertissement à [W] [L] pour avoir contesté pendant une réunion des décisions sur lesquelles elle avait déjà été consultée et dit au sous-directeur [K] [Z] : "t'as décidé, tu fais ! "

Par note de service du même jour, le directeur a rappelé que [R] [I], agent administratif et commercial, était en charge des réservations avec un objectif d'occupation optimale des plages réservées à l'accueil du public, qui devait conduire les animateurs en service sur ces plages à prendre en charge les visiteurs sans délai.

Par note du 7 avril 2011, [R] [I] a signalé au directeur que le 6 avril 2011, [W] [L] n'était pas prête à recevoir le groupe, qui était arrivé à l'heure et qu'elle avait fait attendre dix minutes dans l'espace accueil.

Dans une note du 16 mai 2011, [K] [Z] a communiqué aux salariés les conclusions qu'il tirait de l'analyse du relevé du fonctionnement de la salle de découvertes scientifiques au mois d'avril : la durée moyenne du séjour des groupes variait entre 1 heure 18 et 2 heures 35, chacune des étapes de la visite révélant des écarts de traitement inadmissibles.

Par lettre du 10 octobre 2011, le directeur a constaté que la part de l'emploi du temps de [W] [L] consacrée aux animations représentait moins de 50% de son temps de travail effectif au cours des douze derniers mois et que ces animations étaient essentiellement réalisées sur le site de [Localité 2]. Il a demandé à la salariée de se conformer au planning hebdomadaire des travaux d'atelier qui serait établi par le sous-directeur et de rendre compte en fin de semaine de la réalisation des travaux qui lui auraient été confiés.

Par lettre du 1er novembre 2011, [R] [I], responsable d'exploitation, a rendu compte d'incidents des 29 septembre, 14 octobre et 20 octobre 2011, révélant, selon elle, les relations conflictuelles de [W] [L] avec l'équipe d'Ebulliscience.

Le 8 novembre 2011, [W] [L] a été convoquée le 23 novembre en vue d'entretiens avec [K] [Z], directeur-adjoint et [V] [B], chef de projet, pour faire le point sur son poste.

Par lettre recommandée du 4 décembre 2011, [W] [L] a contesté l'avertissement du 17 février 2011, ce qu'elle prétendait avoir déjà fait le 23 mars 2011, sans l'établir.

Dans un second courrier du même jour, la salariée a répondu à la lettre que son directeur lui avait adressée le 10 octobre en le renvoyant à sa dernière lettre de mission du 14 avril 2004 et en soulignant qu'elle ne maîtrisait pas son emploi du temps puisqu'il était élaboré par [K] [Z].

Dans un long courrier du 7 décembre 2011 au président de l'association EBULLISCIENCE, [W] [L] a fait savoir à ce dernier que depuis plusieurs années, le comportement du directeur [Q] [C] à son égard était agressif, méprisant et humiliant, et qu'elle ne pouvait plus supporter d'être traitée ainsi. Elle a illustré son propos en reprenant des faits des novembre 2009, janvier 2011, mars 2011 et septembre 2011.

Par lettre du 14 décembre 2011, remise en main propre, l'association EBULLISCIENCE a convoqué [W] [L] le 19 décembre 2011 en vue d'un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Le 15 décembre 2011, [R] [I] a informé le directeur de ce qu'elle avait demandé le 14 décembre à [W] [L] pourquoi elle n'avait pas rangé la salle. Celle-ci lui avait répondu qu'elle n'avait pas à lui parler car il était 17 heures et qu'elle ne ferait aucune minute supplémentaire pour Ebulliscience. A la fin de cet échange, [W] [L] avait sorti son dictaphone pour montrer à [R] [I] qu'elle avait enregistré la conversation.

Par lettre recommandée du 16 décembre 2011, l'association EBULLISCIENCE a annulé sa convocation et, au vu de ces nouveaux faits, elle a convoqué [W] [L] le 4 janvier 2012 en vue d'un entretien préalable à son licenciement en la mettant à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 9 janvier 2012, l'employeur a notifié à [W] [L] son licenciement pour faute grave en raison des faits suivants :

[...] Aussi, nous sommes conduits par la présente à vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les motifs que nous vous avons exposés de vive voix et que nous vous rappelons ci-après.

- le 14 décembre 2011, après la dernière animation, votre responsable d'exploitation Madame [R] [I] vous a demandé pourquoi vous n'aviez pas rangé la salle en vous rappelant qu'il est toujours prévu dans les plannings prévisionnels un quart d'heure au début et à la fin de chaque animation pour préparer puis pour ranger la salle de découvertes scientifiques.

Vous lui avez répondu que vous n'aviez pas à lui parler car il était 17 heures, que vous ne feriez aucune minute supplémentaire pour EBULLISCIENCE.

Madame [I] vous a fait remarquer que vous aviez pourtant pris 15 minutes à discuter avec les visiteurs au lieu de ranger la salle pendant les heures de travail et comme prévu.

A la fin de cette conversation, vous avez sorti un dictaphone et avez indiqué à Madame [I] que celle-ci avait été enregistrée.

Ces faits sont d'une particulière gravité, témoignent d'une déloyauté de votre part et sont en violation avec notre règlement intérieur qui prévoit notamment que tout salarié adopte un comportement et des attitudes qui respectent la liberté et la dignité de chacun.

Par la suite, nous avons appris de Monsieur [Z], Directeur Adjoint, que vous aviez déjà indiqué que vous procéderiez à des enregistrements, menaces qu'il n'avait pas prises au sérieux.

- Nous venons également d'apprendre que vous avez tenu auprès des visiteurs et des prestataires extérieurs (société de nettoyage) des propos malveillants à l'égard de la Direction, allant même jusqu'à accuser Monsieur [Q] [C], Directeur, de détourner de l'argent de l'Association, mettant en cause son intégrité morale.

Ces accusations mensongères et cette remise en cause de l'honnêteté des personnes travaillant à EBULLISCIENCE sont intolérables et contreviennent là encore à vos obligations de réserve et de discrétion professionnelles mentionnées tant dans votre contrat de travail que dans le règlement intérieur.

- Nous avons également appris que vous indiquiez à vos collègues de ne pas faire les animations selon les directives données par l'Association, ce qui caractérise là encore une volonté de nuire et qui déstabilise vos collègues : pour exemple, c'est exactement ce que vous avez indiqué à une nouvelle animatrice en présence de Mesdames [G] et [B] le 7 octobre 2011.

- Vos collègues et supérieurs n'ont d'ailleurs de cesse de se plaindre de votre comportement général : vous prenez à parti de manière incessante vos collègues, vous fermez à clé les armoires de matériel et refusez de les ouvrir à vos collègues, vous vous accaparez le local de rangement, vous ne respectez ni vos horaires ni les consignes données par vos supérieurs.

Le 17 février dernier, nous avions d'ores et déjà, après plusieurs remises en cause verbales, dû vous notifier un avertissement eu égard à votre attitude désinvolte et irrespectueuse, en vous invitant à changer de comportement.

Malgré cet avertissement et de nouvelles mises en garde orales postérieures, vous avez persisté dans ce comportement de perpétuelle opposition à votre hiérarchie et dans votre attitude désinvolte tant à l'égard de vos collègues que des personnes tierces à l'Association (visiteurs, prestataires extérieurs) :

Ainsi et pour exemple, vous persistez à prendre en charge les groupes de visiteurs avec retard, vous vous plaignez auprès de ces derniers d'être brimée par la Direction, vous ne respectez pas les temps de manipulation, vous donnez de fausses informations aux visiteurs sur les documents disponibles et tenez des propos scientifiquement aberrants, vous refusez à vos collègues l'accès aux matériels pédagogiques. Alors que vous vous enfermez dans l'atelier, il s'avère que les tâches de maintenance programmées sur le matériel pédagogique n'avancent pas...

Il s'avère également que vous avez sorti de la salle d'animation une expérience en prétextant au fait qu'elle était détériorée. Six semaine plus tard, le 13 décembre 2011 Monsieur [Z] ne voyant pas le matériel revenir, a pu constater que l'expérience fonctionnait parfaitement, contrairement à ce que vous aviez prétendu.

- Vous avez un comportement totalement irrespectueux à l'égard de Madame [I].

Cette dernière nous avait dès juillet 2010 alerté de votre comportement à son égard, comportement qui avait des conséquences sur son état de santé : nous avions pris en considération cette souffrance et vous avions recadré afin que vous adoptiez un comportement respectueux.

Au lieu de cela, il s'avère que vous refusez toute instruction de la part de Madame [I], notamment quant à vos retards ou votre dépassement du temps d'introduction pour les visiteurs au détriment de l'animation.

Le 22 novembre 2011, vous avez à nouveau réagi de manière irrespectueuse à l'égard de Madame [I] et avez manifesté votre intention de ne pas respecter les consignes.

- Votre perpétuelle opposition aux consignes données s'est également manifestée le 29 septembre 2011, date à laquelle Monsieur [Q] [C], Directeur, vous avait demandé de lui remettre une liste des tâches ou travaux à accomplir, en l'absence de toute animation prévue.

Au lieu de répondre à ses instructions, vous vous êtes comportée de façon hystérique, jetant le matériel et donnant des coups de pieds.

Craignant pour votre état de santé, Monsieur [C] a fait appel à un médecin urgentiste auprès duquel vous avez prétendu être victime de harcèlement.

A notre demande, vous avez été vue par le Docteur [W] le 5 octobre dernier lequel à conclu à votre aptitude sans réserve à occuper votre poste.

Suite à nos demandes d'éclaircissement quant aux accusations portées, vous ne nous avez fourni aucune explication valable quant à un prétendu harcèlement.

Au contraire, il s'avère bien que c'est vous qui refusez toute instruction, tout ordre de votre hiérarchie.

L'ensemble de ces faits ne permettent pas d'envisager la poursuite de votre collaboration au sein de notre entreprise. [...]

[W] [L] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 18 janvier 2012.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 22 octobre 2014 par l'association EBULLISCIENCE du jugement rendu le 26 septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section activités diverses) qui a :

- dit que le licenciement de [W] [L] par l'association EBULLISCIENCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixé à 1 579,89 € la moyenne des salaires de [W] [L],

- condamné l'association EBULLISCIENCE au paiement des sommes suivantes :

rappel de salaire704,84 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente70,48 €

indemnité compensatrice de préavis3 159,78 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente315,97 €

indemnité de licenciement4 476,33 €

article 700 du code de procédure civile1 000,00 €

et s'est déclaré en partage sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, renvoyant l'affaire devant le juge départiteur ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 14 octobre 2015 par l'association EBULLISCIENCE qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon,

- en conséquence, dire que le licenciement de [W] [L] repose sur une faute grave,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- lui ordonner le remboursement de la somme nette de 7 796 € versée à [W] [L] le 1er novembre 2014 en exécution provisoire du jugement infirmé,

- la condamner à verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance ;

Subsidiairement, si la Cour jugeait sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

- prendre acte du règlement de la somme nette de 7 796 € versée à [W] [L] le 1er novembre 2014 en exécution provisoire du jugement déféré,

- fixer le montant des dommages-intérêts à de plus justes proportions tenant compte de l'absence de justification du préjudice et de la situation de l'association ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 14 octobre 2015 par [W] [L] qui demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de [W] [L] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association EBULLISCIENCE au paiement des sommes suivantes :

rappel de salaire704,84 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente70,48 €

indemnité compensatrice de préavis3 159,78 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente315,97 €

indemnité de licenciement 4 476,33 €

- condamner l'association EBULLISCIENCE à verser à [W] [L] la somme de 15 000,00 € à titre de dommages-intérêts,

- allouer à [W] [L] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association EBULLISCIENCE aux entiers dépens ;

Sur le motif du licenciement :

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu, ensuite, que selon l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; que ne peut être prise en considération une attestation qui rapporte ce que son auteur a entendu dire par le témoin direct des faits, a fortiori lorsque le scripteur est le directeur-adjoint et supérieur hiérarchique de la salariée ;

Qu'en l'espèce, aucun fait antérieur à l'engagement de [R] [I] ne semble avoir été reproché à [W] [L] ; que la note de [R] [I] en date du 15 décembre 2011, est directement à l'origine de la substitution d'une procédure de licenciement à une procédure de sanction disciplinaire ; que les faits rapportés dans cette note constituent aussi le premier grief visé dans la lettre de licenciement ; qu'il est en effet reproché à [W] [L] d'avoir refusé de ranger la salle parce qu'il était 17 heures et d'avoir enregistré sa conversation avec [R] [I], responsable d'exploitation, le 14 décembre 2011 ; que malgré les dénégations de l'intimée, qui conteste avoir exhibé un dictaphone, ce grief sera retenu au vu de l'attestation de [V] [B] qui donne corps aux dires de [R] [I] ; qu'en effet, [V] [B] épouse [D], devenue directrice-adjointe, a attesté de ce qu'un mois après son arrivée comme stagiaire, [W] [L] lui avait montré un appareil qui lui servait, selon ses dires, à enregistrer clandestinement certaines conversations avec le directeur ; qu'il n'existe aucune contradiction entre la lettre de licenciement et les pièces de l'appelante, [K] [Z] ayant lui aussi appris de [W] [L] qu'elle enregistrait certaines conversations ;

Que le second grief a trait à de prétendus propos malveillants de [W] [L], accusant le directeur [Q] [C] de détourner l'argent de l'association ; que la lecture des attestations de [K] [Z] et de [N] [H], directeur de la société de nettoyage prestataire, conduit à conclure que la salariée a réitéré ses accusations pendant quatre ans et, selon [K] [Z], de manière régulière depuis l'automne 2007 ; que ce dernier prête à [W] [L] une expression favorite : "quand on manipule du miel, on finit par se lécher les doigts"; que l'attestation de [N] [H] est moins précise puisque ce témoin certifie qu'en juillet 2011, la salariée a remis en cause la gestion de l'argent de l'association par la direction, ce qui n'impliquait pas que cette dernière commettait des malversations ; que [F] [F] n'a jamais attesté ; qu'il est cependant établi que [W] [L] a tenu à plusieurs reprises des propos mettant en cause la probité de [Q] [C] ; que la gravité de ces faits doit cependant être relativisée puisque [K] [Z], devenu directeur adjoint, en était informé depuis plusieurs années et qu'il ne leur avait pas accordé une importance suffisante pour provoquer une sanction disciplinaire ;

Que le grief d'incitation des autres salariés à l'insubordination repose exclusivement sur l'attestation du directeur adjoint [K] [Z] ; qu'aucun des salariés dont celui-ci est censé rapporter les dires n'a attesté ; que ce témoignage indirect ne peut être pris en considération ; qu'il ne résulte pas de l'attestation de [V] [B] épouse [D] que celle-ci a entendu [W] [L] donner de mauvais conseils à une nouvelle animatrice le 7 octobre 2011 ; que le grief sera donc écarté ;

Que le grief tiré de la collaboration difficile de [W] [L] avec ses collègues appelle des observations similaires ; que l'attestation de [K] [Z] vise en effet des doléances que celui-ci aurait recueillies à plusieurs reprises de [R] [I], [J] [Y] et [D] [V] ; que la note de [R] [I] à la direction, datée du 1er novembre 2011, est intitulée abusivement 'relation conflictuelle entre Mme [L] et l'équipe d'ébulliscience' puisqu'elle rend seulement compte des difficultés que [R] [I] rencontrait elle même avec la salariée ; que l'attestation de [P] [E] ne relate aucun fait précis ; que la collaboration difficile de [W] [L] avec ses collègues n'est pas établie ;

Que l'association EBULLISCIENCE reproche aussi à [W] [L] son attitude à l'égard des visiteurs (retard de prise en charge, non-respect des temps de manipulations, fausses informations) sur la base de courriers exprimant le mécontentement des groupes accueillis ; que le 24 mars 2011, une seule animatrice a dû accueillir 25 élèves de cours moyen et 18 élèves de grande section de maternelle, ce qui a pénalisé les plus jeunes ; qu'est ici en cause un problème d'organisation non imputable à [W] [L] ; qu'en revanche, le courriel du centre '[Établissement 1]' vise un manque d'encadrement et une mauvaise utilisation du temps disponible, qui concernaient directement la salariée ; que le questionnaire rempli par la responsable du groupe de l'école maternelle '[Établissement 2]' exprime une insatisfaction quant à l'accueil et à la gestion de ce groupe par [W] [L] ; que celle-ci élude les reproches qui lui sont adressés en mettant en avant les nombreux témoignages de satisfaction qu'elle a reçus par ailleurs ; qu'en réalité, et l'analyse du relevé de fonctionnement de la salle (pièce 26 de l'appelante) le démontre, il existait un problème de gestion des temps qui dépassait le cas individuel de [W] [L] et dont les causes auraient mérité d'être davantage étudiées ; que ce grief ne pouvait justifier un licenciement ;

Que le grief pris du refus des instructions de la hiérarchie, et de [R] [I] en particulier, est la cause immédiate de l'engagement de la procédure de licenciement ; que [W] [L], qui était initialement la seule salariée de l'association a vu arriver en 2010 [R] [I] qui, avec le titre pompeux de 'responsable d'exploitation', s'est intercalée ensuite sur l'organigramme entre elle et la direction ; que selon [K] [Z], [R] [I] se trouvait en première ligne face à des comportements peu signifiants pris isolément, mais qui devenaient insupportables par accumulation ; qu'en novembre 2010, revenant de congé de maladie, [R] [I] a remis à son employeur une lettre du médecin du travail faisant état d'un lien possible entre sa santé et un conflit avec une collègue qui n'était autre que [W] [L] ; que les pièces communiquées rendent compte de la situation de blocage qui existait à l'automne 2011, [W] [L] n'acceptant plus de s'inscrire dans un fonctionnement hiérarchique ; que parmi d'autres, l'incident des 14 octobre et 20 octobre 2011, jours où [R] [I] n'a pu obtenir de l'intimée l'ouverture de deux placards de l'atelier, est particulièrement révélateur ; que [P] [E], engagé en octobre 2009 par l'association, a attesté de ce que ses échanges avec [W] [L] se bornaient le plus souvent à de longs monologues de celle-ci, qui ressassait des faits parfois très anciens et invérifiables, exprimant une rancoeur absolue ; que l'utilisation d'un dictaphone par l'intimée, dans le contexte précédemment décrit, ne peut être considéré comme compatible avec la poursuite de relations professionnelles exigeant un niveau minimum de confiance réciproque ;

Qu'en conclusion, qu'il ait pris la forme d'imputations de vol visant le directeur, de l'enregistrement de certaines conversations avec l'encadrement ou d'une résistance pied à pied aux instructions de sa supérieure hiérarchique directe [R] [I], le comportement fautif de [W] [L] perturbait le fonctionnement de l'association et constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en revanche, le caractère chronique de ce comportement, dont certaines manifestations étaient connues depuis plusieurs années, ne permet pas de considérer, en l'absence de fait nouveau plus important, que le maintien de [W] [L] dans l'entreprise en était rendu soudain impossible ; que la qualification de faute grave sera donc écartée ;

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de [W] [L] par l'association EBULLISCIENCE n'est pas fondé sur une faute grave

- condamné l'association EBULLISCIENCE au paiement des sommes suivantes :

rappel de salaire704,84 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente70,48 €

indemnité compensatrice de préavis3 159,78 €

indemnité compensatrice de congés payés afférente315,97 €

indemnité de licenciement4 476,33 €

article 700 du code de procédure civile1 000,00 €

- condamné l'association EBULLISCIENCE aux dépens de première instance ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de [W] [L] par l'association EBULLISCIENCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

DIT que le licenciement procède d'une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

DÉBOUTE [W] [L] de sa demande de dommages-intérêts,

Y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE [W] [L] aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,

CHAUVY LindseySORNAY Michel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 14/08357
Date de la décision : 18/11/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°14/08357 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-18;14.08357 ?
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