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19/06/2015 | FRANCE | N°14/05090

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 juin 2015, 14/05090


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/05090





[C]



C/

SA EDF - ELECTRICITE DE FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 20 Mai 2014

RG : F 10/04049











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 19 JUIN 2015













APPELANT :



[I] [C]

né le [Date naissance 1] 1958 à [

Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 3]



comparant en personne, assisté de Me Sophie LE GAILLARD de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SA EDF - ELECTRICITE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 4]



représentée par Me Christian BROCH...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/05090

[C]

C/

SA EDF - ELECTRICITE DE FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 20 Mai 2014

RG : F 10/04049

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 JUIN 2015

APPELANT :

[I] [C]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Sophie LE GAILLARD de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA EDF - ELECTRICITE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

représentée par Me Christian BROCHARD de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 25 Juillet 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mai 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Isabelle BORDENAVE, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Juin 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [I] [C] a été engagé par la SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF) à compter du 21 juin 1985 en qualité de Releveur de Compteur à un poste classé groupe 2, niveau II, échelon 2 ; il a été rattaché au centre de [Localité 6].

Après l'obtention d'un BTS Mécanique et Automatisme Industriel il a été replacé dans un emploi de jeune technicien à compter du mois de juillet 1990 et a intégré en cette occasion le GRPH RHONE avec un positionnement GF8NR09 à compter du mois de février 1991; il a bénéficié au mois de novembre 1991 d'une promotion sur un emploi d'agent technique niveau II ( GF 08 NR10) et son contrat de travail a été transféré à l'USI Rhône-Alpes à compter du 1er janvier 1993.

Au mois de juin 1994, M. [I] [C] a été promu dans les fonctions d'Agent Technique Principal ( GF 09 NR11) et il a été affecté à l'agence de [Localité 5].

Après avoir bénéficié d'un avancement au choix au mois de janvier 2007 ( GF 08 NR115), M. [I] [C] a signé une Convention aux termes de laquelle il a accepté d'être muté à l'antenne de [Localité 4] de la LS TCM (GF 09 NR130) cette mutation devenant définitive au 1er janvier 2008.

Agissant selon requête du 20 octobre 2010, M. [I] [C] a saisi le Conseil des prud'hommes de Lyon pour obtenir son repositionnement depuis le mois d'octobre 2005 accompagné du rappel de salaire correspondant sur une période de 13 mois et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Le Conseil des prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 16 avril 2013 et le juge départiteur, statuant seul après avis des conseillers présents selon jugement du 20 mai 2014 a:

-condamné la société EDF à payer à M. [I] [C] la somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-condamné la société EDF à payer à M. [I] [C] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté les autres demandes,

-condamné la société EDF aux dépens.

M. [I] [C] a interjeté appel de ce jugement le 20 juin 2014.

Il demande à la Cour de réformer partiellement le jugement entrepris, d'ordonner son repositionnement de la manière suivante :

Octobre 2005 :GF11 NR150,

mai 2007 :GF11 NR160,

mars 2008 :GF12 NR160,

septembre 2009 :GF12 NR170,

avril 2012 : GF12 NR180,

juin 2013 :GF13 NR190,

Il réclame également paiement d'un rappel de salaire afférent sur 13 mois outre les congés payés, soit la somme de 77740 € augmentée des congés payés afférents, ainsi que des sommes de 50'000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir au soutien de ses demandes :

1/ sur l'exécution déloyale de son contrat de travail :

- qu'un employeur est tenu d'assurer une égalité de traitement entre ses salariés placés dans une même situation, de leur garantir une adaptation tant à leur poste de travail qu'à leur employabilité au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations et de veiller à leur état de santé,

- qu'il avait évolué de manière tout à fait normale depuis 1985, ayant bénéficié de 7 GF et de 9NR en 11 ans d'activité, ce qui représente une évolution de carrière très largement supérieure à la moyenne, mais que celle-ci a été interrompue, sans raison objective, lors de la réforme organisationnelle opérée en 1996 et qu'il a été, à compter de cette période, évincée de tout emploi permanent,

-qu'il a en effet été informé dans le cadre de cette réorganisation que son poste allait être supprimé à compter du mois de novembre suivant, par courrier du 6 mai 1996 comportant une proposition d'affectation qu'il a été contraint de refuser s'agissant d'un poste à dominante informatique dépendant de l'agence SIRA de Lyon et devant l'amener à de nombreux déplacements à [Localité 1] ; qu'il n'a fait l'objet d'aucune autre réaffectation en violation des dispositions conventionnelles applicables entre les parties et qu'il a été placé en surnombre sans aucun poste officiel dans l'organigramme,

- qu'à défaut de réaffectation il aurait dû, conformément à la procédure EDF (note 70-48), être considéré comme un « agent disponible » et figurer à ce titre sur la liste communiquée aux organisations syndicales ainsi qu'à la Commission compétente, ce qui n'a pas été fait, et que le caractère anormal de la situation est d'autant plus criant que les dispositions conventionnelles relatives au ' classement avancement des mouvements de personnel' (PERS 212) prévoient que toute vacance doit être proposée, voire conduire à une affectation d'office et que l'agent doit continuer à avancer sur la base de son classement antérieur,

-que cette situation provisoire a perduré jusqu'au mois de janvier 2008 soit pendant 12 ans, en dépit de sa motivation pour tenter de retrouver un emploi, ce qui démontre une violation flagrante à son égard du principe d'égalité de traitement de la part de son employeur,

- que dépourvu d'affectation et de travail, il a même été physiquement évincé de son bureau, puisque de retour d'un arrêt maladie de 5 jours au mois de février 2001, il a constaté que celui-ci avait été vidé et que ses affaires avaient été jetées dans des cartons retrouvés au 8 ème étage,

-que quelques missions ponctuelles et temporaires lui ont ensuite été confiées par la Direction à savoir :

*une réintégration partielle au sein de SIRA en 2003 qui s'est en réalité avérée être essentiellement un travail de photocopies,

* un rattachement de février à septembre 2005 au contrôleur de gestion M. [S] afin de répertorier les biens immobiliers de l'unité,

*une affectation du 21 septembre 2005 au 1er janvier 2006 au sein du service TELECOM, avec pour unique tâche la saisie des factures

* une affectation du 7 février 2006 jusqu'au mois de mars 2007 au sein du service foncier avec pour objectif de retranscrire sur ordinateur le patrimoine foncier d'EDF sur le territoire d'ANNECY, situation qu'il a dénoncée par courrier du 15 mai 2006,

- qu'il a postulé à 33 reprises entre 1996 et 2007 en vain, qu'aucune raison objective ne lui a été fournie quant à l'échec de ses demandes qui n'ont donné lieu qu'à trois avis favorables en 2004 et 2005 et qu'aucune chance de lui a été laissée, si besoin en était, pour améliorer ses candidatures ; qu'en effet, seulement trois entretiens professionnels individuels ont été réalisés en 1997, 1999 et 2000, ce qui s'est révélé fortement dommageable puisqu'il a perdu le bénéfice d'un outil qui aurait pu permettre un dialogue transparent, sérieux et constructif quant à ses perspectives d'évolution,

- qu'en dépit du caractère ponctuel des missions qui lui ont été confiées il n'a pas manqué de s'investir et de faire preuve d'une grande motivation mais que l'entreprise ne lui a pas permis d'évoluer dans les mêmes conditions que celles offertes à ses collègues de travail et qu'il appartient à la Direction de justifier du positionnement actuel des salariés ayant appartenu au même laboratoire que lui en 1996,

- que les arguments qui lui sont opposés par la société EDF liée à son manque de motivation ne sont ni sérieux ni suffisants, étant observé qu'étant dépourvu de tout emploi permanent, il avait décidé d'entamer lui-même un processus de formation dans le cadre d'un CIF au mois de septembre 2001, mais qu'il ne s'est nullement désintéressé de son travail durant cette formation de 2400 heures sur 3 ans,

-qu'il a rappelé être à la disposition de son employeur par courrier du 10 octobre 2007 et que ce n'est que le 12 novembre 2007 qu'il a été informé de son affectation d'office sur un poste de Technicien d'exploitation télécom, plage G, au sein du pôle nucléaire de la LS TÉLÉCOM de Saint-Alban, ce qui se traduisait par une rétrogradation, sa Direction s'engageant par ailleurs à étudier avant le 30 juin 2008 la possibilité de lui octroyer un troisième NR de manière à « solder la situation passée », ce procédé étant à la fois déloyal et révélateur de la reconnaissance d'un dysfonctionnement,

-que la convention qu'il a signée en cette occasion, 'de guerre lasse', ne vaut pas acquiescement de sa part à l'apurement auquel s'est ainsi livré l'entreprise,

2/ sur le préjudice qu'il a subi et sa réparation :

- que les graves manquements de son employeur ont eu des incidences irrémédiables sur sa situation professionnelle, qu'ils ont entraîné sa stagnation tant au niveau du Groupe Fonctionnel (GF) que du Niveau de rémunération (NR) et qu'ils lui ont causé un grave préjudice salarial et psychologique,

-qu'ainsi, et alors qu'il avait acquis 7 GF entre 1989 et 1994 il n'en a reçu aucun autre au cours des 20 années qui ont suivies, cette stagnation, qui ne repose sur aucun élément objectif, étant exceptionnelle au vu des données collectives de l'entreprise ; qu'il a de même bénéficié de 9 NR sur la même période puis aucune autre pendant 13 ans sans explication,

- qu'il a subi une affectation d'office en 2008 de nature punitive sur un poste où le minimum requis est un BEP alors qu'il possède un niveau Maîtrise en sciences humaines, 30 ans d'électronique et un BTS mécanique automatismes industriel, et qu'il a de surcroît perdu le titre d'Agent Technique Principal pour n'être plus qualifié que de simple technicien au sein d'un service où, habituellement, les salariés ne font que « transiter » ; qu'il a très vite constaté que son chef direct était verbalement violent et qu'il n'a pu éviter les altercations ainsi que les reproches violents et systématiques au point qu'il a dû être placé en arrêt de travail à la suite d'un incident grave survenu le 15 octobre 2008 et qualifié d'accident du travail, ensuite duquel il n'a jamais repris d'activité,

-qu'il est en conséquence bien fondé à solliciter non seulement un repositionnement de sa carrière telle qu'il l'a retracée en se basant sur un 'Rapport Égalité homme-femme de 2004" prévoyant que la moyenne pour l'obtention d'un GF est de 4,6 ans et pour un NR de 2,57 ans, mais également un rappel de salaire afférent sur une période de 13 mois selon un décompte qu'il a tenté d'établir au mieux malgré la complexité du système applicable ainsi que des dommages et intérêts au titre du préjudice moral que lui a causé cette exécution déloyale de son contrat de travail par son employeur.

La société Eléctricité de France demande en réplique la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [I] [C] en repositionnement dans un emploi bénéficiant du statut cadre ; elle a pour le surplus conclu, à titre principal, au rejet des demandes de ce salarié et sollicité subsidiairement la réduction à de plus justes proportions des dommages et intérêts auxquels il pourrait prétendre au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail; elle a également sollicité paiement de la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle préalablement en droit :

- que c'est au salarié qui invoque la mauvaise foi de son employeur et qui ne bénéficie d'aucune présomption en ce domaine de rapporter la preuve d'une faute suffisamment grave de ce dernier, d'un préjudice réel et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué,

- que le principe jurisprudentiel ' à travail égal salaire égal' s'applique aux salariés placés dans une situation identique et n'interdit pas à l'employeur d'individualiser les salaires sous réserve de tenir compte de critères objectifs, vérifiables par le juge, et étrangers à toute discrimination,

Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. [I] [C] et rappelle, concernant le déroulement de la carrière de ce dernier :

- que son évolution n'a posé aucun problème jusqu'aux réformes de structure mise en oeuvre en 1996 au sein de l'USI RHONE-ALPES et qu'elle a scrupuleusement respecté son obligation d'adaptation en faisant droit aux demandes de formation de ce salarié, ce qui lui a permis d'obtenir successivement un Bac Pro Equipement Installation Electrique puis un BTS Mécanique et Automatisme Industriel, ces nouvelles compétences ayant d'ailleurs été prises en compte dans le cadre d'une promotion aux fonctions de jeune technicien, emploi classé GF08NR09,

- que les réformes de structures constituent une notion spécifique du Statut National des Entreprises Electriques et Gazières, dont l'objectif est d'améliorer le fonctionnement des établissements concernés, ainsi que le service à la clientèle et les conditions de travail de l'ensemble du personnel, et qu'il est important de souligner que le licenciement pour motif personnel non disciplinaire ou le licenciement pour motif économique n'existe pas dans le Statut des salariés EDF, cette dernière ne pouvant rompre le contrat de l'agent qui refuse une modification de son contrat de travail, et se trouvant contrainte de le maintenir en surnombre,

- que c'est dans ce contexte que l'emploi occupé par M. [I] [C] a été supprimé, qu'une proposition d'affectation lui a été présentée sur le même bassin d'emploi, en l'occurrence sur un poste d'Agent Technique au sein du service Téléconduite Pole Réalisation Ingénierie de Maintenance à Lyon et que son refus, pour des raisons sur lesquelles il ne s'explique pas, l'a contrainte à le muter en surnombre à compter du 8 novembre 1996 dans les fonctions d'Agent Technique Principal Service Contrôle Electrique Pôle Réalisation à Saint Etienne, cette mutation ne changeant ni son classement statutaire ni son lieu de résidence,

- qu'elle a très rapidement constaté une baisse de motivation de son collaborateur qui a été actée dans son entretien professionnel individuel du 16 octobre 1997,

- qu'elle a donné une réponse positive à la demande de bilan de compétence formulée par M. [I] [C], qu'il a ensuite postulé auprès de différentes entreprises mais que sa candidature n'a pas été retenue, de sorte qu'il a été maintenu en surnombre ;que fin 1999, il a fait part de son insatisfaction professionnelle, ce qui a conduit sa hiérarchie à rechercher des solutions qui n'ont pu toutefois être trouvées, ce dernier n'acceptant aucune mobilité géographique,

- que M. [I] [C] a ensuite demandé et obtenu le bénéfice d'un CIF de 2400 h pour suivre sur 3 ans et à temps partiel une formation 'Deug licence maîtrise de psychologie' ; qu'il a, durant cette période et à compter du 1er mars 2003, été rattaché à l'Etat major SIRA et a assuré diverses missions et que si ces activités n'étaient pas strictement compatibles avec ses compétences, elle n'a pas eu d'autre alternative puisqu'il n'existait pas d'emploi disponible au sein de SIRA correspondant au diplôme préparé et obtenu ; que son affectation a ensuite été envisagée sur d'autres postes mais qu'aucune n'a pu aboutir, compte tenu du manque évident de motivation dont a fait preuve cet agent dans le cadre des entretiens individuels,

- qu'ensuite de ces échecs, et pour répondre à ses alertes auprès de sa hiérarchie, il a été décidé de procéder par voie de mutation d'office dans un emploi de Technicien TELECOM en GF9 au sein de l'antenne de [Localité 4], que M. [I] [C] a accepté moyennant des contreparties financières qui ont été négociées et ont abouti à la signature d'une convention tripartite lui accordant le bénéfice d'un 3ème NR au titre de l'avancement au choix 2008,

- qu'alors même que toute polémique aurait dû cesser, M. [I] [C] a saisi courant 2008 le délégué éthique EDF pour se plaindre à nouveau de son évolution de carrière depuis 1996; que sa requête a été transmise à la Commission nationale d'examen du numéro vert (vie au travail) qui, après enquête, a considéré qu'elle n'était pas justifiée ; qu'il a dans le même temps prétendu avoir été victime d'une agression verbale de la part de son supérieur hiérarchique et qu'il a bénéficié d'une suspension de son contrat de travail qui perdure à ce jour et qui a été prise en charge au titre de la législation professionnelle, un litige étant actuellement en cours à ce sujet devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne,

- qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que c'est bien le refus de M. [I] [C] d'accepter la mutation qui lui a été proposée en 1996 ainsi que son choix de s'inscrire dans une formation sans débouché au sein de son unité d'accueil qui ont eu pour effet de freiner son évolution de carrière sans que cette situation puisse être imputée à la faute de son employeur et qu'en engageant la présente procédure il est purement et simplement revenu sur l'accord donné dans le cadre de la Convention tripartite, nonobstant les avantages qui lui ont été conférés en cette occasion.

Elle ajoute, à titre subsidiaire :

-que M. [I] [C] n'invoque pas une discrimination mais une exécution déloyale de son contrat de travail, ce qui ne saurait fonder une reclassification et ne peut conduire qu'à l'allocation de dommages et intérêts ; qu'il n'existe sur ce point, en droit du travail, aucun principe de droit à promotion ou évolution de positionnement, sauf accord conventionnel ou règles statutaires qui n'existent pas en l'espèce et que sa référence à des statistiques d'évolution moyenne au sein d'EDF, lesquelles portent sur des situations extrêmement hétérogènes, n'est pas sérieuse,

- qu'enfin, les premiers juges ont alloué à M. [I] [C] l'équivalent de 9 mois de salaire, ce qui est manifestement excessif alors qu'il continue à bénéficier de dispositions statutaires très favorables en matière de suspension de contrat de travail pour raison de santé.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [I] [C] fait en substance grief à son employeur d'avoir, sans raison objective, entravé son évolution de carrière à compter de l'année 1996, en violation des dispositions de la note 70-48 du 5 juin 1970 relative aux réformes de structures au sein des entreprises Electriques et Gazières, et de son devoir d'exécution de bonne foi du contrat de travail résultant des dispositions de l'article L 1222-1 du code du travail.

1/ Sur la réaffectation de M. [I] [C] en 1996 :

Il est acquis aux débats que l'évolution de carrière de M. [I] [C] s'est déroulée sans difficulté de son embauche en 1985 à la suppression, à compter du 10 novembre 1996, du poste d'Agent Technique Principal qu'il occupait au sein du SIRA agence de Saint Etienne, dans le cadre de la réforme de structure mise en place à cette période au sein de l'US Rhône-Alpes.

Selon les dispositions de la note précitée, reprise intégralement par le premier juge en ses dispositions relatives à la 'Réaffectation des agents et garantie de carrière' (paragraphes 21 et 22), EDF a l'obligation de proposer une réaffectation à l'agent dont le poste se trouve supprimé; celui dont la situation n'a pu être réglée est considéré comme 'disponible', une nouvelle affectation devant être recherchée, d'abord dans sa Direction d'origine puis, en cas d'impossibilité, dans une autre Direction ; l'article 2232.1 précise à cet égard que 'lorsque l'affectation proposée n'entraîne ni changement de résidence ni changement de nature d'activité, elle est prononcée d'office dans le cadre des dispositions statutaires et réglementaires'

M. [I] [C] a refusé la proposition d'affectation qui lui a été faite sur un poste d'agent technique au sein du service Téléconduite Pole Réalisation Ingénérie de Maintenance à Lyon qui relevait pourtant du même bassin d'emploi, et ce, sans en justifier les motifs, et il a été muté d'office, en surnombre, à compter du 10 novembre 1996 dans les fonctions d'Agent Technique Principal Service Contrôle Electrique Pôle Réalisation à [Localité 5], sans changement statutaire.

Il ne conteste pas son refus de mobilité géographique et ne démontre l'existence d'aucun autre poste disponible à cette période, compatible avec ses compétences, ses contraintes familiales et ses possibilités de déplacement ; il ne produit par ailleurs aucun élément objectif de nature à laisser présumer une atteinte par son employeur au principe d'égalité de traitement dans le cadre de la réorganisation de ses structures et la Cour note, par ailleurs qu'il s'est abstenu de saisir la Commission compétente (article 2232.3) pour statuer à la requête des agents en désaccord sur leur réaffectation.

Enfin, se trouvant affecté d'office à un poste n'entraînant ni changement de résidence ni changement de nature d'activité, M. [I] [C] n'avait pas lieu, contrairement à ses allégations, d'être maintenu dans le statut d'agent disponible, la possibilité d'une affectation en 'étoffement' étant prévue par l'article 2232 de la note 70-48 ; ses reproches relatifs au non respect par EDF des règles applicables en matière de restructuration s'avèrent en conséquence sans fondement.

2/ Sur l'évolution de carrière de M. [I] [C] :

Une situation de surnombre ne peut avoir vocation à perdurer et l'économie de la note n°70-48 en général ainsi que de son article 2232 en particulier, impose manifestement à EDF de tout mettre en oeuvre pour permettre à ses agents concernés par une restructuration de poursuivre normalement leur carrière et d'évoluer professionnellement.

Or M. [I] [C] n'a ensuite bénéficié que de 3 entretiens professionnels individuels en 1997, 1999 et 2000, une seule proposition de réaffectation à égalité de classement sur [Localité 2] lui ayant été présentée le 24 octobre 2000, qu'il a refusée, la réalité de celle évoquée par EDF dans un courrier daté du 7 février 2001 sur un poste situé à [Localité 3] n'étant pas démontrée alors qu'elle est contestée par l'intéressé ; sa baisse de motivation au cours de cette période ne peut lui être sérieusement opposée par son employeur pour justifier sa stagnation professionnelle, alors que l'appelant a postulé à 19 reprises entre les mois d'octobre 1996 et janvier 2001, et que ses demandes ont toutes été rejetées.

Il a formulé le 22 novembre 2000 une demande d'autorisation d'absence à temps partiel pour 3 ans, dans le cadre du CIF, afin d'effectuer une formation devant aboutir à l'obtention d'une maîtrise de psychologie ; cette autorisation lui a été accordée à compter du mois de septembre 2001.

Il ne peut être sérieusement contesté que M. [I] [C] n'a reçu aucune mission entre les mois de janvier 2001 et juin 2003, alors que sa formation ne l'occupait pas à plein temps et que les tâches qui lui ont ensuite été confiées pour la période juin 2003 à juin 2006 ont été purement ponctuelles et surtout sans aucun lien avec ses compétences techniques ( enquête de satisfaction, inventaire des biens immobiliers de l'unité, saisie de factures....), alors même que sa formation s'était terminée le 7 juin 2004 ; ce n'est que le 12 novembre 2007 qu'il a été informé de sa prochaine affectation d'office dans un emploi de Technicien d'exploitation Télécom alors que l'appelant justifie dans le même laps de temps avoir présenté de nombreuses postulations qui ont toutes été rejetées ( 11).

EDF ne justifie en réplique d'aucune démarche sérieuse au cours de cette période pour répondre aux légitimes attentes de son salarié ; ni la nature des prétentions de ce dernier, selon elle surévaluées, ni le caractère effectivement peu exploitable en terme de besoins pour l'entreprise de la formation en psychologie qu'il avait choisi de mener dans le cadre de son CIF ne peut justifier une telle stagnation qui a perduré, à tout le moins jusqu'à la signature le 19 novembre 2007 d'une convention tripartite ; l'attribution de 2 NR concédée à M. [I] [C] en cette occasion à compter du 1er janvier 2008, complétée par un troisième NR octroyé dans le cadre d'un avancement au choix avant le 30 juin 2008, constitue à cet égard, ainsi que le soutient l'appelant, la reconnaissance implicite mais non équivoque par EDF de ses manquements contractuels et du préjudice de carrière qu'ils ont généré pour l'intéressé ; le courrier adressé le 20 décembre 2007 à M. [I] [C] par le Directeur délégué de SIRA est à ce titre tout à fait significatif, puisqu'il se conclut en ses termes : 'nous considérerons l'un et l'autre que cette intégration dans un emploi et les mesures d'accompagnement mises en place viennent solder la situation passée'.

Cette carence est manifestement constitutive d'une exécution déloyale par EDF du contrat de travail qui la lie à M. [I] [C].

3/ sur les demandes de M. [I] [C] :

L'affectation de M. [I] [C] au sein de la LS TELECOM ne peut sérieusement être considérée comme 'punitive' et a d'ailleurs été acceptée par ce dernier à l'issue de négociation lui ayant permis de bénéficier de 2NR, d'un nouveau contrat d'AIL et d'une prime d'adaptation de 2 mois de salaire ; l'agression verbale dont il indique avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique au mois d'octobre 2008 ainsi que sa prise en charge au titre de la législation professionnelle, contestée par EDF dans le cadre d'une procédure toujours en cours, sont manifestement étrangères au présent débat ayant trait au déroulement de la carrière de l'intéressé depuis 1996.

M. [I] [C], sans invoquer expressément l'existence d'une discrimination ni viser les textes législatifs afférents, met néanmoins (en p 15 de ses conclusions) sa situation en perspective avec celle d'autres agents qu'il désigne nommément et qui auraient exercé les mêmes fonctions que lui en 1996 mais il ne produit aucun élément objectif de nature à éclairer la Cour sur le parcours professionnel de ces derniers et leur choix de formation, alors que la charge de la preuve lui incombe sur ce point.

L'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur, sur laquelle il base en revanche clairement son action, ne peut servir de fondement à sa demande de reclassification et ouvre seulement droit au versement de dommages et intérêts.

Il convient de surcroît d'observer qu'il n'existe légalement ou même conventionnellement aucun droit à promotion ou à évolution de positionnement lié à l'ancienneté et que la référence de M. [I] [C] à de simples éléments statistiques est sur ce point inopérante ; il a, par suite, été justement débouté de ses demandes de repositionnement et de rappel de salaire par le premier juge.

La défaillance de son employeur dans le respect de ses obligations contractuelles a nécessairement généré une perte de chance pour M. [I] [C] d'évoluer dans sa carrière ; il ne peut toutefois être ignoré que ses propres choix de formation, peu adaptés aux nécessités de sa carrière au sein d'EDF, ainsi que son absence de mobilité ont directement participé à l'évolution dommageable de sa situation professionnelle.

Il apparaît, compte tenu de ces différentes considérations, que le premier juge a fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [I] [C] en lui allouant la somme de 30000 € à titre de dommages et intérêts.

La décision déférée sera en conséquence confirmée.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu du déséquilibre économique manifeste existant entre les parties, les dépens de la procédure seront laissés à la charge de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu le 20 mai 2014 par le Conseil de prud'hommes de Lyon,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de la SA Electricité de France.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/05090
Date de la décision : 19/06/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/05090 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-19;14.05090 ?
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