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10/04/2015 | FRANCE | N°14/04866

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 10 avril 2015, 14/04866


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/04866





SOCIETE STYLE DECOR



C/

[X]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 14 Mai 2012

RG : F12/00095











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 10 AVRIL 2015













APPELANTE :



SAS STYLE DECOR

[Adresse 2]

[Localité 1]
>

représentée par Me Anne LONGUEVILLE de la SELARL ADES CONSEIL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assistée de Me Julie BURDIN, avocat au barreau de ROANNE



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle num...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/04866

SOCIETE STYLE DECOR

C/

[X]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 14 Mai 2012

RG : F12/00095

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 10 AVRIL 2015

APPELANTE :

SAS STYLE DECOR

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Anne LONGUEVILLE de la SELARL ADES CONSEIL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assistée de Me Julie BURDIN, avocat au barreau de ROANNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/031370 du 06/11/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

PARTIES CONVOQUÉES LE : 27 Juin 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Février 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

[E] DEVALETTE, Président de chambre

[J] BORDENAVE, Conseiller

[L] THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de [I] CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Avril 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par [E] DEVALETTE, Président de chambre, et par [E] SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [E] [X] a été embauchée par la SAS STYLE DECOR, en qualité de comptable, par un contrat à durée indéterminée du 1er avril 2005, pour un horaire hebdomadaire de 37 heures, et une rémunération mensuelle brute de 1600 euros, pour un horaire mensuel de 160,33 heures.

La convention collective nationale de l'industrie du textile est applicable.

Par lettre du 28 février 2011, madame [X] a présenté sa démission, indiquant qu'elle quitterait l'entreprise le 31 mars, au terme d'un préavis de 1 mois.

Par lettre du 18 août 2011, madame [X] a informé la société STYLE DECOR qu'elle 'sollicite depuis plusieurs mois la rémunération de [ses] heures supplémentaires (...) ce qui a provoqué [sa] démission' reprochant également à l'employeur d'être resté sourd sur un rattrapage de ses salaires, autre cause de sa démission, et lui demandant de lui faire parvenir 'la totalité de [son] dû'.

Madame [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Roanne le 31 juillet 2012.

Le conseil de prud'hommes de Roanne, dans une décision de départage du 14 mai 2014, a :

-condamné la SAS STYLE DECOR à payer à madame [X] la somme de 43 714 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale,

-débouté madame [X] de l'ensemble de ses autres demandes,

-débouté la SAS STYLE DECOR de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné la SAS STYLE DECOR à payer à madame [X] la somme de 1000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SAS STYLE DECOR aux dépens.

La société STYLE DECOR a interjeté appel partiel le 13 juin 2014, 'concernant la demande formée par madame [X] de dommages et intérêts justifiés par une prétendue discrimination salariale'.

Par conclusions visées au greffe le 28 août 2014, maintenues et soutenues à l'audience, la société STYLE DECOR demande à la cour de :

-réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Roanne,

à titre principal,

-constater que madame [X] n'a pas fait l'objet de discrimination salariale,

-débouter madame [X] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue discrimination salariale,

à titre subsidiaire,

-limiter les dommages et intérêts qui lui seraient dus à ce titre à la somme de 9419,47 euros,

à titre infiniment subsidiaire,

-limiter les dommages et intérêts qui lui seraient dus à ce titre à la somme de 23594,12 euros,

En tout état de cause,

-condamner madame [X] à verser à la société STYLE DECOR la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir, à titre principal, que la différence de rémunération entre madame [X] et son prédécesseur s'opérait sur des critères objectifs : âge plus avancé, expérience professionnelle plus importante, formation professionnelle plus poussée (ancien expert comptable), responsabilité plus importante de son prédécesseur et qu'elle n'a pas été embauchée avec la même qualification (chef comptable contre comptable).

Elle soutient que madame [X] disposait d'un véhicule de fonction, que son salaire a augmenté après sa formation qualifiante en janvier 2007, puis en septembre et octobre 2007, que madame [X] n'apporte pas la preuve d'une autorisation de changement de coefficient sur son bulletin de paye de mars 2011, et qu'elle a détourné des fonds au détriment de la société STYLE DECOR.

À titre subsidiaire, elle expose que madame [X] n'a pas formulé une demande de rappel de salaire, mais une demande en dommages et intérêts, ce qui ne fait pas échec aux règles de prescription triennale, soutient que sa demande d'indemnisation est une demande nouvelle, et qu'elle ne justifie pas du calcul de ses demandes.

La société STYLE DECOR expose avoir calculé la différence de salaire entre madame [X] et son prédécesseur, en prenant en compte le coût du véhicule de fonction de madame [X], cette différence n'étant que de 9419,47 euros sur la base du dernier salaire de son prédécesseur.

À titre infiniment subsidiaire, sans retenir le coût du véhicule, la différence est de 23594,12 euros.

Par conclusions en réponse visées au greffe le 23 février 2015, maintenues et soutenues à l'audience, madame [X] demande à la cour de :

-réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Roanne en date du 14 mai 2014, sauf en ce qu'il a constaté qu 'elle avait été victime d'une discrimination salariale, et condamné la SAS STYLE DECOR à lui payer la somme de 43 714 euros,

-rejeter en conséquence comme injustifié et mal fondé l'appel partiel interjeté par la SAS STYLE DECOR,

-la débouter de l'ensemble de ses prétentions,

-dire et juger recevables, justifiées et bien fondées les demandes présentées par elle,

-constater qu 'elle n'a pas été remplie de ses droits en ce qui concerne les rémunérations lui revenant,

-condamner la société STYLE DECOR à lui payer la somme de 6708 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, outre celle de 670,80 euros au titre des congés payés y afférent,

-condamner la société STYLE DECOR à lui payer la somme de 300 euros au titre de la prime de motivation due au 31 décembre 2010,

-constater qu 'elle a en réalité pris acte de la rupture de son contrat de travail, et requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner en conséquence la société STYLE DECOR à lui payer les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 3428,60 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1100,40 euros à titre de solde de l'indemnité compensatrice de préavis,

-la condamner encore à lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un reçu pour solde de tout compte,

-la condamner enfin aux entiers dépens, et mettre à sa charge, au profit de madame [X], la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la Loi du 10 juillet 1991.

Elle fait notamment valoir que, dans la mesure où des salariés sont placés, au sein d'une même entreprise, dans des situations identiques, le principe d'égalité de rémunération s'applique, et soutient que monsieur [S], son prédécesseur, avait été engagé en qualité de comptable, tout comme elle l'a été, et qu'elle exerçait des fonctions plus étendues que son prédécesseur.

Elle indique que la société n'apporte pas la preuve de critères objectifs justifiant la différence de traitement, que la société n'apporte pas la preuve de l'exclusivité de l'utilisation du véhicule par elle, ni du montant de l'avantage, ni de sa présence sur les bulletins de salaires, et conteste que monsieur [S] ait pu avoir des responsabilités plus étendues que les siennes, soutenant être à l'origine de la mise en place de différentes outils de gestion.

Elle expose qu'elle justifie de nombreuses heures supplémentaires, dont elle a sollicité le règlement, en vain, auprès de son employeur, et que le refus par celui ci de la remplir de ses droits l'a contrainte à donner sa démission.

Elle indique que la prime de motivation avait le caractère d'usage, et était donc devenue un élément normal et permanent de son salaire, que la démission est équivoque, car elle a été établie dans un contexte litigieux du fait du refus de l'employeur de procéder à la réévaluation des salaires, et de lui régler ses heures supplémentaires, qu'elle doit donc être considérée comme une prise d'acte de la rupture.

Elle demande que la société STYLE DECOR lui règle l'indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions de la convention collective et le solde de l'indemnité de préavis.

Elle expose qu'après avoir retrouvé un poste de comptable elle a été licenciée pour motif économique de sorte que son préjudice financier perdure.

La société STYLE DECOR a remis à l'audience des conclusions responsives par lesquelles elle maintient ses prétentions et réitère ses demandes quant à l'infirmation de la décision, en ce qu'elle a accédé à la demande au titre de la discrimination salariale, et s'oppose aux demandes incidentes de madame [X].

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la discrimination salariale

Attendu qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008- 496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son sexe.

Que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Attendu par ailleurs que l'article L 3221-2 du même code dispose que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, l'article L 3221-4 précisant que sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Attendu en l'espèce que madame [X] soutient avoir fait l'objet d'une discrimination salariale, comparant sa situation à celle de monsieur [S], personne qu'elle a été amenée à remplacer.

Attendu que madame [X] a été embauchée par la société STYLE DECOR le 1er avril 2005, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de comptable, sous le statut d'employé de bureau, pour un horaire hebdomadaire de 37 heures, et une rémunération brute de 1600 euros, correspondant à un horaire mensuel de 160,33 heures, avec une période d'essai d'un mois renouvelable.

Que le dit contrat ne comportait aucune mention dans les rubriques 'coefficient' et 'niveau'.

Attendu que la description de sa mission était la suivante : tenir l 'ensemble de la comptabilité jusqu'à l'établissement du bilan et de la liasse fiscale, établir les déclarations sociales et fiscales, fournir les éléments nécessaires à l'établissement des feuilles de paie.

Qu'il ressort des éléments du dossier, et notamment du CV communiqué, que cette dernière, née en [Date naissance 3], était titulaire d'un baccalauréat de technicien G2 obtenu en 1986, ( comptabilité ) et d'un BTS informatique, et que l'entreprise lui a fait bénéficier, entre 2005 et 2008, de différentes formations complémentaires de base et de perfectionnement dans le domaine de la comptabilité.

Attendu que ses fiches de salaire font ressortir :

- le versement d'un salaire brut de 1600 euros, entre avril 2005 et novembre 2005, pour 160, 33 heures,

- le versement d'un salaire brut de 1513, 58 euros, à compter de décembre 2005, pour un horaire de 151,67 heures,

- le versement d'un salaire brut porté à 1769, 39 euros, pour le même horaire, à compter de juillet 2006,

- le versement d'un salaire brut de 1857 euros, pour le même horaire, à compter d'août 2007, salaire ramené à 1856,44 euros à compter de mars 2008, et versé pour ce même montant jusqu'au terme du contrat.

Qu'il apparaît qu'elle a ainsi bénéficié, au cours de l'exercice de son contrat de travail de deux augmentations de salaire, l'une en juillet 2006, l'autre en septembre 2007.

Qu'il doit être noté qu'aucun coefficient n'a été mentionné sur ses fiches de salaire avant mars 2011, soit après l'envoi de sa lettre de démission, un coefficient de 400 étant alors porté sur les fiches de paie.

Attendu qu'il ressort des éléments communiqués quant à la situation de monsieur [W] [S], licencié pour faute grave le 14 février 2005 :

- qu'au vu de son contrat de travail, ce dernier, né en [Date naissance 1], a été embauché par la société le 12 novembre 2001, pour exercer les fonctions de comptable, avec un statut cadre, ce avec une période d'essai de trois mois, renouvelable une fois,

- qu'il avait pour mission 'de tenir l'ensemble de la comptabilité jusqu'à l'établissement du bilan et de la liasse fiscale et d'établir les fiches de paie, etc...'

- que la rémunération, pour un horaire hebdomadaire de 39 heures et de 169 heures par mois, était fixée à la somme de 15 000 francs, soit 2286, 73 euros,

- que l'attestation Pole Emploi établie à la suite de la rupture du contrat le présente comme chef comptable, avec un niveau de qualification employé qualifié, statut non cadre.

Attendu qu'il apparaît que les investigations conduites par la société STYLE DECOR auprès de Manpower pour obtenir d'autres éléments sur la situation de monsieur [S], CV, expériences professionnelles, diplômes, se sont avérées infructueuses, Manpower précisant être sans nouvelle de ce dernier depuis octobre 2005.

Que dans le cadre de l'échange de mail d'avril 2014, la société STYLE DECOR rappelait avoir mandaté Manpower en 2001, pour la recherche d'un chef comptable qualifié.

Attendu que madame [X] produit, au nombre de ses pièces :

-le bulletin de salaire de monsieur [S] du 1er décembre 2001, lequel ne porte aucune mention dans les rubriques emploi, qualification, classification, et fait ressortir un salaire brut de 15 000 francs soit 2286, 73 euros,

- les bulletins de salaire de monsieur [S] des mois de janvier et février 2005 portant la mention d'emploi 'chef comptable' avec un salaire brut de 2355, 35 euros en janvier pour 169, 65 heures, et de 2112, 57 euros en février 2005, mois au cours duquel le licenciement est intervenu.

Attendu que ces divers éléments permettent de retenir une différence de traitement entre madame [X] et monsieur [S], à hauteur de 600, 24 euros brut au moment de leur embauche, pour un horaire ramené à une durée équivalente, et de 249, 28 euros à la fin de leur contrat respectif.

Attendu que s'il est établi que la société STYLE DECOR a mis à disposition de madame [X] un véhicule Peugeot 207 entre novembre 2008 et le 2 octobre 2011, soit au delà de la rupture du contrat, véhicule que la société louait dans le cadre d'un contrat de crédit bail, avec mensualités de 404,99 euros, pour autant elle ne saurait soutenir que cette situation compenserait la disparité salariale relevée alors :

- qu'il n'est pas démontré que ce véhicule aurait été mis à la disposition exclusive de la salariée, aucun conducteur n'étant désigné auprès de la compagnie d'assurances,

- qu 'il n'est pas plus établi que cet avantage était inscrit dans la relation de travail et qu'il faisait l'objet d'une déclaration à l'administration fiscale

Qu'aucun élément ne permet en conséquence de retenir qu'il s'agissait là d'un véhicule de fonction, ou d'un avantage en nature pérenne, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cette mise à disposition ne pouvait être utilement invoquée pour compenser la disparité de rémunération.

Attendu qu'il apparaît, face aux éléments apportés par la salariée, qui témoignent d'une différence de rémunération pour un emploi identique de comptable, ainsi que libellé sur le contrat de travail, et avec une mission à minima identique, que la société STYLE DECOR n'apporte aucun élément objectif permettant de justifier cette rémunération.

Qu'en effet, tout en soutenant que monsieur [S] avait une expérience professionnelle plus importante, un titre d'expert comptable, des responsabilités professionnelles plus importantes, elle ne communique aucun élément sur le cursus professionnel de celui ci, sur ses diplômes, sur son expérience antérieure ou sur des attributions autres que celles exercées par madame [X].

Que la seule différence d'âge entre les deux salariés au moment de l'embauche, ou la différence de catégorie professionnelle ne sauraient, à défaut d'autres éléments permettre de justifier la différence salariale.

Attendu que la société se réfère dans ses écritures, à la situation de monsieur [B], pour contester toute discrimination salariale.

Qu'il apparaît cependant que monsieur [B], né en [Date naissance 2], embauché après le départ de madame [X], le 29 avril 2011, dans le cadre d'un contrat de mise à disposition de deux mois, suite à accroissement temporaire d'activité, sur un poste de comptable avec une mission de tenue de la comptabilité et gestion des paies, percevait une rémunération brute de 2000 euros pour 151,67 heures, soit supérieure à celle de madame [X] en fin de contrat.

Que c'est à bon droit en conséquence que les premiers juges ont retenu l'existence d'une discrimination salariale.

Attendu qu'il apparaît que madame [X] fonde sa demande financière non au titre d'un rappel de salaires, mais sur la base des dispositions de l'article L 1134-5 du code du travail, lequel ouvre une action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination, qui se prescrit par cinq années à compter de la révélation de celle ci.

Attendu qu'en l'absence de toute justification de fiches de salaire de monsieur [S], hormis celle du mois d'embauche et celle du mois de fin de contrat, il apparaît que les calculs faits par l'une et l'autre des parties ne peuvent être utilisés pour apprécier l'indemnisation du préjudice.

Qu'au regard des éléments de comparaison ci dessus rappelés, au début et à la fin de chaque contrat, il convient d'infirmer la décision déférée et, à titre d'indemnisation du préjudice, d'allouer à madame [X] la somme de 25 000 euros.

* Sur les heures supplémentaires

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et qu'il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Attendu en l'espèce, qu'aux termes de son contrat de travail, madame [X] devait effectuer 37 heures de travail par semaine, selon un horaire précisé dans le contrat, soit du lundi au jeudi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures, et le vendredi de 8 heures à 13 heures.

Qu'à l'appui de sa demande, madame [X], qui ne justifie nullement de ce que les heures réclamées auraient été effectuées sur demande de son employeur, ou avec son accord implicite, communique des relevés horaires manuscrits, sur des éphémérides, qu'elle transmet en original.

Qu'elle soutient avoir effectué 332,25 heures supplémentaires non récupérées entre le 1er janvier 2008 et le 1er avril 2011, aux motifs notamment qu'elle a pris en charge le poste de la paie, et a rencontré des difficultés dans l'installation du logiciel réalisée en 2007.

Attendu que tout en faisant état de difficultés dans la mise en place de ce logiciel, source d 'heures supplémentaires réalisées, il apparaît que madame [X] ne communique aucun élément sur ce point, ne produisant notamment aucun échange avec son employeur à cette période d'installation, pour dénoncer des difficultés rencontrées, susceptibles d'être à l'origine d'un surcroît de travail, étant rappelé qu'elle avait préalablement bénéficié d'une formation.

Que le seul échange communiqué faisant état d'heures supplémentaires est le mail du 23 juillet 2010, par lequel elle indique n'avoir pu 'suite à ses heures de fonctionnaire' accomplir et terminer diverses tâches, indiquant que, selon l'accord trouvé, elle n'a pas récupéré ses heures supplémentaires des derniers jours.

Qu'il apparaît cependant, à l'examen de l'éphéméride pour ce mois de juillet 2010, qu'elle ne mentionne quasiment aucun temps supplémentaire pour la période du 1er au 23 juillet 2010.

Qu 'elle ne justifie nullement, comme elle le soutient dans la lettre du 18 août 2011, avoir sollicité à plusieurs reprises son employeur pour le règlement d'heures supplémentaires, la seule pièce produite, soit le mail du 19 août 2010 intitulé ' remis : heures 2008/2009 [E]' ne pouvant être interprété en ce sens.

Attendu qu'il apparaît par ailleurs que les horaires inscrits sur les éphémérides ne sauraient être utilement retenus, alors que ceux ci mentionnent généralement les horaires de début et de fin de journée de travail, sans nullement décompter le temps de pause d' une heure prévu au contrat.

Attendu enfin que l'employeur justifie, par production de diverses attestations :

- que le poste occupé par madame [X] est assuré par son successeur sans dépassement annuel de la durée moyenne de travail fixé pour lui à 35 heures par semaine, ( attestation de monsieur [B] )

- que madame [X] avait des horaires de travail irréguliers et bénéficiait de liberté dans ses horaires de travail, ( attestation [V] [O] )

- que les éventuelles heures supplémentaires réalisées étaient récupérées, ainsi qu'en attestent [V] [O], [P] [O] et madame [F], et que le reconnaît d'ailleurs madame [X] aux termes de ses écritures.

Que ces divers éléments conduisent à confirmer la décision déférée, qui a rejeté la demande au titre des heures supplémentaires.

* Sur la prime de motivation

Attendu que l'octroi d'un avantage régulier n'est pas suffisant pour faire naître un usage, lorsque sa réalisation dépend exclusivement de la volonté de l'employeur, seul le versement d'une prime, dont le versement est constant, fixe et général, permettant de caractériser un tel usage.

Qu'il ne peut être soutenu en l'espèce par madame [X] que la prime de motivation aurait un caractère d'usage, alors que l'avantage était attribué par l'employeur, sur la base de critères liés à la motivation de chacun, avec des conditions d'attributions personnelles et différenciées selon les salariés.

Qu 'ainsi, l'examen du tableau des primes de motivation accordées aux salariés entre 2005 et 2010 permet de retenir que celle ci, d'un montant variable, était versée en juillet et en décembre, et qu'elle n'était pas systématiquement octroyée à l'ensemble des employés.

Que les fiches de salaires de madame [X] permettent de constater que celle ci a perçu cette prime deux fois par an, jusqu'en juillet 2010, pour des montants chiffrés entre 76 et 950 euros, et ne l'a pas perçue au mois de décembre 2010.

Que pour autant, alors que les conditions étaient fixées unilatéralement par l'employeur pour apprécier les critères d'attribution de cette prime exceptionnelle, cette situation ne saurait avoir crée quelconque droit à madame [X], alors que les critères de constance, généralité et fixité ne sont pas réunis.

Que la décision sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande.

*Sur la demande de requalification de la démission

Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d'une démission.

Qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Attendu en l'espèce que le 28 février 2011 madame [X] a remis en mains propres à son employeur une lettre libellée comme suit :

Objet: Démission - lettre remise en main propre contre décharge.

Madame, Monsieur,

Par cette lettre, je vous présente ma démission de l'emploi de comptable que j'occupe dans votre société depuis le 2 février 2005.

La convention collective du textile prévoyant une période de préavis de 1 mois, je quitterai donc définitivement l'entreprise le 31 mars 2011.

Je me réserve le droit, comme le prévoit la convention collective, de m'absenter pour rechercher un emploi pendant la durée du préavis dans une limite de cinquante heures, pour un mois de préavis et qui ne seront pas rémunérées.

Dès lors, je vous remercie par avance de bien vouloir préparer le solde de mon compte ainsi que mon certificat de travail pour cette date.

Je reste à votre disposition, afin de convenir d'un rendez-vous à votre convenance.

Attendu qu'il apparaît que cette lettre, remise en mains propres, est claire et non équivoque, madame [X] n'ayant émis aucune réserve avant de quitter l'entreprise, la première lettre de réclamation intervenant le 18 août 2011, soit plus de six mois après l'envoi de la lettre de démission.

Qu'elle ne justifie nullement avoir, au cours de la relation de travail, sollicité auprès de son employeur le paiement d'heures supplémentaires ou le rattrapage de salaires, se limitant à communiquer un seul mail ,daté du 23 juillet 2010 ,faisant état de ce qu'elle n'a pu accomplir diverses taches 'suite à ses horaires de fonctionnaire' et mentionnant un accord selon lequel elle n'a pas récupéré ses heures supplémentaires des derniers jours.

Que les termes de la lettre du 18 août 2011, selon lesquels elle aurait 'par de multiples courriels et différentes conversations non moins nombreuses 'sollicité depuis plusieurs mois la rémunération de ses heures supplémentaires 2008 à 2010, situation qui serait à l'origine de sa démission, ne sont étayés par aucun élément.

Que, si sa demande au titre de discrimination salariale a été jugée recevable et bien fondée, pour autant il n'apparaît pas que cette situation puisse être de nature à rendre la démission équivoque, alors que madame [X] ne justifie nullement, ni en cours d'exécution du contrat, ni au stade de la rupture, avoir formé à ce titre quelconque réclamation.

Que le fait qu'elle ait pu continuer à intervenir dans l'entreprise au delà de la date du 31 mars 2011, et qu'elle ait continué à bénéficier du véhicule de celle ci, vient conforter l'absence de manquements imputables à son employeur à l'origine de la rupture de la relation contractuelle, de même que la teneur des mails adressés à ses divers collègues pour faire part de son départ de la société, et dont le contenu ne révèle nullement une rupture dans un contexte conflictuel, mais témoigne d'une démission pour rejoindre une nouvelle fonction.

Qu'au regard de ces éléments, il convient de confirmer la décision déférée qui a rejeté la demande de requalification et les demandes subsidiaires.

* Sur les autres demandes

Attendu que les premiers juges, saisis d'une demande de paiement au titre du solde de tout compte, ont rejeté celle ci, en estimant que madame [X] n'apportait aucun élément matériel, ni aucune explication juridique convaincante, susceptibles de remettre en cause le principe et le montant de la somme déduite de celle de 2020, 04 euros au titre de l'indemnité nette de congés payés.

Attendu que si madame [X] ne reprend pas expressément cette demande dans le dispositif de ses écritures, se limitant à voir ' constater qu'elle n'a pas été remplie de ses droits en ce qui concerne les rémunérations lui revenant ' elle développe celle ci dans son argumentation.

Attendu que madame [X] n'apporte pas plus d'éléments devant la cour pour contester le montant du solde de tout compte alors que l'employeur justifie :

- avoir déduit la somme de 200 euros que madame [X] avait versé sur son compte en décembre 2010, et celle de 719,64 euros correspondant à des règlements fournisseurs litigieux, déduction que cette dernière ne conteste pas dans le courrier du 27 juillet 2011,

- avoir sollicité auprès de madame [X], à plusieurs reprises, la communication des indemnités journalières perçues dans le cadre d'arrêts de travail survenus entre le 15 octobre 2010 et le 8 novembre 2010, alors qu'elle avait maintenu son salaire durant cette période.

Qu'il apparaît effectivement que les fiches de paie de madame [X] des mois d'octobre et novembre 2010 établissent que celle ci a perçu l'intégralité de son salaire de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle n'apportait pas d'élément, ni matériel ni juridique, pour étayer sa demande.

Attendu que la société STYLE DECOR sera tenue de remettre un reçu pour solde de tout compte au regard des dispositions du présent arrêt sans qu'il soit besoin d'assortir cette remise d'une astreinte.

Attendu que la décision déférée sera confirmée, en ce qu'elle a condamné la société STYLE DECOR à verser à madame [X] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens.

Qu'il est inéquitable de laisser supporter à cette dernière les frais engagés dans l'instance d'appel, et qu'il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Que la société STYLE DECOR sera déboutée de la demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages intérêts accordés à madame [X] pour discrimination salariale,

Statuant à nouveau,

Condamne la société STYLE DECOR à verser à madame [X] la somme de 25.000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination salariale,

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur à l'audience de conciliation,

Ajoutant au jugement,

Dit que la société STYLE DECOR devra remettre à madame [X] un reçu pour solde de tout compte au regard des dispositions du présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte,

Condamne la société STYLE DECOR à verser à madame [X] la somme 1.000 euros au titre au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991,

Déboute la société STYLE DECOR de sa demande d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société STYLE DECOR aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

[E] SENTIS[E] DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/04866
Date de la décision : 10/04/2015

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/04866 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-10;14.04866 ?
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