AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 13/00793
Me [C] [R] - Syndic de STE SCHIFFARHRTSGESELLSCHAFT PRINCESSE DE PROVENCE MBH & CO.KG
C/
[X]
AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
UNEDIC DELEGATION AGS FAILLITE TRANSNATIONALE
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION :
jugement du 31 janvier 2011 du conseil de prud'hommes de MACON
RG : F 09/00361
arrêt du 16 juin 2011 de la cour d'appel de DIJON
RG : 11/00248
arrêt de la Cour de Cassation de PARIS
du 19 Décembre 2012
RG : B 11 22 838
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 31 MARS 2014
APPELANTE :
Me [R] [C] -
Syndic de STE SCHIFFARHRTSGESELLSCHAFT PRINCESSE DE PROVENCE MBH & CO.KG
représenté par Me Patrick EHRET, avocat au barreau de STRASBOURG substitué par Me DUGUET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
[L] [X]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Mme Ghislaine DELENNE (Délégué syndical ouvrier)
AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
UNEDIC DELEGATION AGS FAILLITE TRANSNATIONALE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Février 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Agnès THAUNAT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Mars 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE :
La société Schiffarhrtsgesellschaft Princesse de Provence avait pour activité le transport à titre touristique de voyageurs à bord du bateau de croisière fluviale «Princesse de Provence».
Elle a engagé [L] [X] en qualité de capitaine dans le cadre d'un contrat saisonnier à compter du 26 mars 2005, la rémunération étant fixée à 4 000 € pour 208 heures.
Ce contrat a été poursuivi par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 février 2006 en qualité de premier capitaine. Les parties ont précisé que le contrat était soumis à la loi allemande et que le tribunal compétent, en cas de litige, était le tribunal allemand du travail de première instance de Lübeck.
Elles ont ajouté «si toutefois des clauses du contrat devaient ou devraient être sans effet, les autres clauses resteraient effectives. Une clause ineffective sera remplacée par une réglementation légitime et recevable, qui sera volontairement et expressément la plus proche de la clause ineffective.»
Par ordonnance du 1er septembre 2009, le tribunal d'instance de Cuxhaven (Allemagne) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'égard de la société Princesse de Provence et a désigné Me [C] [R] comme syndic judiciaire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 janvier 2010, [L] [X] a été licencié pour motif économique.
[L] [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Macon pour avoir paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette juridiction, par jugement du 31 janvier 2011, relevant que le contrat de travail avait été exclusivement exercé en France, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le mandataire judiciaire, dit que le centre de gestion et d'études AGS-CGEA pouvait être appelé en la cause et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
Sur contredit formé par Me [C] [R] es qualités de syndic de la société Princesse de Provence, la cour d'appel de Dijon, par arrêt du 16 juin 2011, a réformé cette décision, déclaré le Conseil de prud'hommes de Macon territorialement incompétent pour connaître de l'action engagée par [L] [X] et l'a renvoyé à mieux se pourvoir.
Sur pourvoi de [L] [X], la Cour de cassation, par arrêt du 19 décembre 2012, au visa de l'article 19 du Règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance des décisions en matière civile et commerciale, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2011, entre les parties par la cour d'appel de Dijon, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon.
[L] [X] a saisi la cour d'appel de Lyon par déclaration du 23 janvier 2013.
Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 10 février 2014, il demande à la Cour de :
- dire que le contrat de travail dépend du droit et de la juridiction française,
- dire que le bureau de jugement de la section encadrement du Conseil de prud'hommes de Macon est compétent pour trancher le litige puisque le salarié avait un lieu de travail itinérant
subsidiairement
- dire que le Conseil de prud'hommes de Lyon, ville où le salarié prenait et finissait son poste, est compétent,
- allouer à [L] [X] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le bateau dont il était le capitaine ne navigue que sur des eaux fluviales françaises, qu'il a signé son contrat de travail et exercé ses fonctions en France où sont versées les cotisations sociales et que la relation de travail est régie par la convention collective du transport de passagers navigation intérieure
Me [C] [R] es qualités de syndic de la société Princesse de Provence, conclut à l'incompétence de la Cour au profit des juridictions allemandes, au renvoi de [L] [X] à mieux se pourvoir et à sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
Il souligne que nonobstant l'article 19 du Règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, c'est le règlement n°1346/2000 relatifs aux procédures collectives qui doit s'appliquer en l'espèce, dans la mesure où la procédure diligentée par [L] [X], qui tend à la fixation d'une créance salariale dans le cadre de la procédure d'insolvabilité, dérive directement de la procédure d'insolvabilité. Il invoque la primauté de ce dernier règlement sur le premier.
Le Centre de gestion et d'études AGS (le CGEA) d'Ile de France Ouest, dans ses écritures régulièrement communiquées et reprises à l'audience du 10 février 2014, forme les demandes suivantes: :
- dire irrecevable la demande de [L] [X] sauf pour lui à justifier du
respect des règles allemandes de déclaration de créances et de justifier d'une admission provisionnelle permettant à la juridiction prud'homale et à la Cour de statuer,
- débouter [L] [X] de ses demandes,
- rappeler les limites légales de sa garantie.
MOTIFS DE LA DECISION :
[L] [X] a été engagé par la société Schiffarhrtsaesellschaft Princesse de Provence ayant son siège à Neustadt en Allemagne.
L'article 19 du Règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (entré en
vigueur le 1er mars 2002) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit de Bruxelles l, prévoit qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait :
1) devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile,
ou
2) dans un autre État membre:
a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail,
ou
b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.
Il s'agit de règles de compétences spéciales qui interdisent au juge de se référer à ses propres règles de compétence internes.
Selon la Cour de Justice de l'Union Européenne, ainsi qu'elle l'a rappelé dans l'arrêt du 27 février 2002 Herbert Weber/Universal Ogden Services ltd, le lieu où le salarié
exerce habituellement son travail est l'endroit où, ou à partir duquel, compte tenu de toutes les circonstances du cas d'espèce, il s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.
Ainsi, selon la Cour, il est nécessaire de protéger la partie la plus faible au contrat de travail, le salarié, et ne pas obliger celui-ci à saisir une juridiction éloignée, telle celle de l'établissement qui l'a embauché, alors même qu'on peut déterminer un lieu principal d'exercice de ses activités dans un Etat où il a établi son bureau ou sa résidence.
Ici, selon le contrat de travail, [L] [X], engagé en qualité de premier capitaine, était affecté sur le bateau de croisière fluvial'Princesse de Provence' dont il n'est pas contesté qu'il ne naviguait qu'en France.
Les pièces produites attestent que ce bateau effectuait, au départ de [Localité 7], des croisières en empruntant la Saône et le Rhône, de [Localité 5] à [Localité 3] avec des escales à [Localité 7], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 6].
Le salarié exerçait toute son activité professionnelle sur le territoire français où il avait également fixé son domicile.
Dès lors, au cours de la relation de travail qui doit être considérée dans son ensemble, [L] [X] a rempli exclusivement ses obligations professionnelles en France à partir du port d'attache de Lyon où était basé son outil de travail (Ie bateau 'Princesse de Provence') justifiant la compétence de la juridiction française, le choix du Conseil de Prud'hommes de Macon n'étant pas autrement contesté.
Me [C] [R] es qualités oppose que l'action de [L] [X], tendant à l'admission d'une créance salariale dans le cadre de la procédure d'insolvabilité ouverte à l'égard de la société Schlffarhrtsgesellschaft Princesse de Provence, est nécessairement soumise à la loi allemande en application de l'article 4.2 du Règlement CE n°1348/2000 relatifs aux procédure d'insolvabilité.
L'article 10 de ce règlement énonce que les effets de la procédure d'insolvabilité sur
un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de
l'Etat membre applicable au contrat de travail.
Ces dispositions traitent de la loi applicable mais non de la détermination de la juridiction ayant à connaître de l'application de cette loi.
D'autre part, les demandes de [L] [X] visant à obtenir diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ne dérivent pas directement d'une procédure d'insolvabilité et ne s'insèrent pas étroitement dans la procédure d'insolvabilité.
Elles ne font dès lors pas obstacle à l'application du règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2012,
Rejette le contredit,
Confirme le jugement entrepris,
Dit l'arrêt opposable au CGEA d'Ile de France Ouest,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Me [C] [R] es qualités aux frais du contredit.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY