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11/02/2014 | FRANCE | N°13/00133

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 11 février 2014, 13/00133


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/00133





SAS PERONNET DISTRIBUTION



C/

[V]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de SAINT-ETIENNE

du 11 Décembre 2012

RG : 11/00117











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 11 FEVRIER 2014













APPELANTE :



SAS PERONNET DISTRIBUTION

[Adre

sse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Eric ANDRES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[FH] [V]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

verger de [Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par Me Géraldine VILLAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE






...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/00133

SAS PERONNET DISTRIBUTION

C/

[V]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de SAINT-ETIENNE

du 11 Décembre 2012

RG : 11/00117

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 11 FEVRIER 2014

APPELANTE :

SAS PERONNET DISTRIBUTION

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Eric ANDRES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[FH] [V]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

verger de [Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Géraldine VILLAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Décembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Février 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La SAS PERONNET DISTRIBUTION est une entreprise de transports

M. [ZS] [V] a été embauché par la société TRANSPORT PERONNET , par contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 juillet 2006 , à compter du 10 juillet 2006, en qualité de conducteur SPL. Son contrat de travail a été par la suite transféré à la SAS PERONNET DISTRIBUTION,

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Le 25 octobre 2010, M. [ZS] [V] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Le 10 novembre 2010,un licenciement pour faute grave lui a été notifié dans les termes suivants':

«'(')

Nous avons le regret de constater depuis plusieurs semaines une attitude délibérément fautive au temps et au lieu du travail qui n'est pas celle que nous sommes en droit légitimement d'attendre de l'un de nos collaborateurs au sein de l'entreprise et plus particulièrement au sein de l'agence de [1] dans le cadre d'une relation contractuelle.

Nous sommes d'autant plus déçu de votre attitude que nous avons tout mis en oeuvre pour répondre favorablement à votre demande de mutation sur [1] en septembre 2009 et ce malgré à l'époque un contexte difficile. Cette mutation vous a permis de vous rapprocher de votre domicile et diminuer ainsi vos temps de trajet et améliorer par conséquent votre vie de famille.

Le 21 septembre 2010, M. [YK] [R], Responsable d'Exploitation, n'a pas pu répondre favorablement à votre demande de décaler votre prise de service du lendemain compte tenu des contraintes d'exploitations particulièrement fortes à cette période.

Malgré la position claire et non équivoque de votre Responsable hiérarchique de la veille, vous n'avez pas pris votre service à l'heure le 22 septembre au matin. Vous avez dans un premier temps justifié votre retard par une panne de réveil auprès du signataire de la présente, votre Directeur d'Agence. Quelques jours plus tard, vous êtes revenu sur vos déclarations pour finalement reconnaître que vous vous étiez affranchi du refus et pris consciemment votre service en retard.

Ce manquement à votre obligation de loyauté à laquelle s'ajoute une insubordination caractérisée sont inadmissibles. Ces faits dénotent de l'état d'esprit qui vous anime depuis plusieurs semaines.

L'objectif recherché et votre stratégie ne font désormais plus aucun doute.

Votre comportement fautif et répréhensible ne s'arrête pas là.

En effet, vous avez reconnu vouloir, de votre seule initiative, faire circuler une pétition contre votre Responsable d'Exploitation. Cette décision était motivée, selon vos propres déclarations réitérées, pour satisfaire exclusivement des motifs personnels tenant au refus du report de votre prise de service et à des convocations abusives I

Là encore, nous ne saurions tolérer un tel comportement. Compte tenu des rumeurs grandissantes qui circulaient sur l'agence notamment sur l'initiateur de cette pétition et ce à tort, vous avez pris conscience que la situation était sur le point de vous échapper.

C'est pourquoi début octobre, vous avez alors demandé à rencontrer le signataire de la présente pour l'informer de vos actions. Toutefois, le mal était déjà fait.

En effet, M. [YK] [E], Responsable d'Exploitation, récemment intégré sur l'agence, affecté par votre attitude eu égard à l'investissement dont il a fait preuve sur l'agence a souhaité rencontrer le signataire de la présente pour lui faire part de son incompréhension et de son écoeurement. Quelques jours plus tard, ce dernier nous a informé de sa décision irrévocable de démissionner de son poste, écoeuré d'une telle attitude et préférant par défaut mener à terme un autre projet personnel !

Ces faits destinés à dénigrer un collègue de travail de surcroît Responsable hiérarchique sont inacceptables. Nous avions pris la peine de vous recevoir il y a quelques semaines car nous sentions que vous n'étiez pas à l'aise avec votre Responsable d'Exploitation. Nous avions pris le soin d'organiser une rencontre à trois pour que chacun puisse librement s'exprimer. Tout était rentré dans l'ordre et nous nous assurions régulièrement auprès de vous que tout allait bien.

Nous ne pouvons donc admettre que vous puissiez instrumentaliser vos collègues de travail en initiant une pétition pour satisfaire des enjeux personnels en évoquant notamment des convocations abusives de la part de votre Responsable d'Exploitation qui n'ont jamais existé. A aucun moment, vous n'avez jugé bon de présenter vos excuses à M. [E].

Pire encore....

Le 15 octobre 2010, nous vous avons confié par téléphone la responsabilité d'un enlèvement chez [Localité 3] (43) dans le cadre de l'exécution normale de vos fonctions de conducteur routier. A l'occasion de cet échange téléphonique, vous avez indiqué à votre responsable hiérarchique qu'il vous semblait que cet enlèvement avait déjà été effectué.

Votre interlocutrice a maintenu cette consigne d'exploitation en vous précisant qu'elle n'avait pas eu cette information et qu'elle n'avait pas le temps de le vérifier dans le feu de l'action et de l'exploitation.

A votre arrivée chez ce client, il vous a été confirmé que l'enlèvement avait été déjà réalisé. A votre retour sur l'agence de [1], vous avez fait preuve d'un comportement inacceptable de la part de l'un de nos conducteurs lors d'un retour de tournée.

En effet, vous avez remis à M. [TP] [GI], Responsable Administratif, votre lettre de voiture n°2272607 originale sur laquelle vous n'avez pas hésité à porter de façon manuscrite en prenant le soin de signer :

«Je vous est (sic) informé que l'enlèvement a déjà été effectué le 15-10-10 et vous m'affirmez que c'est quelque chose de nouveau. La prochaine fois, prenez le temps de vérifier cela sera plus utile que d'être fainéant et de dire des conneries ».

Vous avez manifestement manqué de respect et de courtoisie à l'égard de votre responsable et supérieur hiérarchique. Vous vous êtes emporté en faisant preuve d'une agressivité dans vos propos que nous ne saurions tolérer. Vous avez tenu des propos irrespectueux et insultants en prenant le soin de les consigner par écrit sur un document officiel de transport susceptible de circuler dans l'entreprise. Situation exceptionnelle et provocante à laquelle le signataire de la présente et/ou le D.R.H de l'entreprise n'ont jamais été confronté que ce soit en 20 ans d'expérience dans le transport et/ou deux ans au sein de PERONNET DISTRIBUTION. Ce comportement est d'autant plus irrespectueux qu'il visait une collaboratrice de l'entreprise. Le fait que vous preniez le temps et le soin de l'écrire suffit à caractériser une action préméditée destinée à nuire.

Vous avez ainsi fait preuve d'un comportement excessif, intempestif, irascible et injurieux. Nous ne pouvons pas tolérer une telle violence verbale purement gratuite et déplacée, de la part de l'un de nos collaborateurs. Vous avez fait preuve, à cette occasion, d'un comportement intolérable qu'aucun élément n'est de nature à justifier. Vos propos insultants excèdent sans commune mesure la liberté de langage en usage dans notre secteur d'activité. Les impondérables de notre métier, ni l'attitude et les paroles de votre interlocutrice ne seraient (sic) justifier une telle attitude. Vous ne bénéficiez d'aucune circonstance atténuante.

Une fois encore, vous n'avez pas pris la peine de présenter vos excuses.

Nous avons déjà insisté à plusieurs reprises par le passé sur l'importance que nous accordions aux relations de travail et à la politesse que nous attendions de chaque collaborateur de l'agence quel que soit son poste ou ses fonctions que ce soit en interne ou à l'extérieur de l'entreprise dans le cadre de ces fonctions. Cette exigence nous ayant d'ailleurs contraint à prononcer des sanctions disciplinaires qui n'ont pu vous échapper tout comme toutes les actions de communication et réunions que nous mettons en place pour rompre avec l'historique des ex TRANSPORTS PERONNET.

Enfin, l'analyse de votre activité telle qu'elle ressort de votre tachynumérique sur ces dernières semaines fait ressortir une manipulation frauduleuse de votre sélecteur d'activité générant la prise en compte et la rémunération d'heures de temps de service indues notamment avant et après votre pause déjeuner. Compte tenu de votre expérience, vous ne pouvez ignorer les règles élémentaires de manipulation que vous vous devez de respecter en tant que professionnel de la route. Ces faits fautifs et répréhensibles pénalement constituent une violation caractérisée de l'obligation de loyauté que vous devez à l'égard de l'entreprise qui vous emploie.

Nous ne pouvons pas tolérer de tels manquements à vos obligations professionnelles et contractuelles. Ils constituent également un trouble caractérisé dans la bonne marche de l'entreprise. Ces faits portent incontestablement préjudice et nuisent aux relations professionnelles et hiérarchiques existantes ainsi qu'au climat social de l'agence que certains tiers à l'entreprise cherchent sournoisement et par tous moyens à déstabiliser, ce qui n'a pas pu non plus vous échapper. Votre comportement n'est pas non plus sans conséquence sur votre positionnement quant au pouvoir légitime de direction de l'entreprise qui vous rémunère.

Ces faits notamment de dénigrements dont vous êtes exclusivement et directement responsable sont d'autant plus graves eu égard au contexte de l'entreprise que vous ne pouvez ignorer. Votre comportement fautif porte gravement atteinte au bon fonctionnement et à l'organisation de l'agence de [1]. Ces agissements sont inadmissibles et portent irrémédiablement atteinte à la confiance que nous vous accordions jusqu'alors.

(') L'accumulation de ces faits répétés, objectifs, circonstanciés d'une extrême gravité ne permettent pas, sans risque de trouble important dans la marche de l'entreprise, votre maintien dans nos effectifs, y compris pendant la durée du préavis. Aussi, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, privative des indemnités de licenciement et de préavis. Vous cessez de faire partie des effectifs de PERONNET DISTRIBUTION à compter de la date d'envoi de la présente, prenant acte de notre décision. L'ensemble des documents relatif à la rupture de votre contrat de travail vous sera exceptionnellement adressé le 15 novembre 2010 en recommandé à votre domicile.

Nous regrettons que les multiples rappels à l'ordre verbaux ou sanction disciplinaire dont vous avez l'objet n'aient pas suffi à vous faire prendre conscience de l'impérieuse nécessité de changer d'attitude.

Nous déplorons que vous n'avez pas pris vos responsabilités qui auraient dû vous conduire normalement à démissionner de l'entreprise, ayant déjà pris les devants par des contacts d'employabilité à l'extérieur, plutôt que de nous contraindre à prendre l'initiative de la rupture dans le seul but de vous permettre de saisir le Conseil de Prud'hommes. Nous nous abstiendrons de qualifier ce scénario et votre stratégie qui nous l'espérons ne tromperont personne .(...)'»

Contestant la mesure de licenciement prise à son encontre, M. [ZS] [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE, le 16 février 2011, aux fins de voir, selon le dernier état de la procédure dire et juger que le licenciement est abusif, et condamner en conséquence la société PERONNET DISTRIBUTION au versement de diverses sommes.

Le Conseil de prud'hommes de Saint Etienne section commerce, en formation de départage qui, par jugement du 11 décembre 2012', a :

DIT que le licenciement pour faute grave notifié à M. [ZS] [V] le 10 novembre 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la SAS PERONNET DISTRIBUTION à verser à M. [ZS] [V] les sommes suivantes :

- 3614,54 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

-361,45 € bruts au titre des congés payés afférents, avec intétêts, au taux légal à compter: de la demande,

-1590,10 € bruts -à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

-15000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts à taux légal à compter de la présente décision,

ORDONNE la rectification et la remise à M. [V] de l'attestation POLE EMPLOI et d'un certificat de travail,

CONDAMNE la SAS PERONNET DISTRIBUTION à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage,

CONDAMNE la SAS PERONNET DISTRIBUTION à payer à M. [ZS] [V] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

(...)

CONDAMNE la SAS PERONNET DISTRIBUTION au paiement des dépens,

La SAS PERONNET DISTRIBUTION a interjeté appel de cette décision par déclaration du 7 janvier 2013.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 décembre 2013, elle demande à la Cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de SAINT-ÉTIENNE du 11 décembre 2012 ;

Débouter Monsieur [FH] [V] de la totalité de ses demandes injustifiées et non fondées ;

Condamner Monsieur [V] à payer à la société PERONNET DISTRIBUTION la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dire que l'arrêt à intervenir constituera le titre permettant la restitution de la somme versée au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du 11 décembre 2012 ;

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 décembre 2013, M. [FH] [V] conclut ainsi :

Dire l'appel interjeté par la société PERONNET DISTRIBUTION à l'encontre du jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de Saint Etienne du 11 décembre 2012 recevable mais non fondé';

Déboutant la société PERONNET DISTRIBUTION de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions';Vu les articles L.1234-1 et L 1235-3 et suivants du Code du Travail';Confirmant sur le principe de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint Etienne du 11 décembre 2012 rendu en départage':

Constater que le licenciement de M.[FH] [V] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse parfaitement vexatoire';

Condamner en conséquence la Sté PERONNET DISTRIBUTION à régler à Mr [FH] [V] les sommes suivantes :

-3 614,54 euros soit deux mois de saloirs au titre de l'indemnité de préavis ;

-361, 45 euros d'indemnité de congés payés sur préavis ;

-1 590, 40 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

-32 530,86 euros soit 18 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

-5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, le doute profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 novembre 2010, qui fixe les limites du litige, reproche à M. [V], quatre fautes.

1) Le retard du 22 septembre 2010 :

M. [V] reconnaît être arrivé en retard le 22 septembre 21010 à sa prise de poste mais indique qu'il n'a nullement passé outre un refus de son employeur et que ce retard était exceptionnel.

Sont versés aux débats, l'attestation de M. [YK] [R], responsable ayant refusé de permettre au salarié d'arriver en retard, le relevé chronotachygraphe de M. [V] pour la journée du 22 septembre 2010, faisant apparaître une prise de fonction dans le véhicule à partir de 9h09, ainsi qu'une attestation de M. [DP] [P] mentionnant : « Il (M. [V]) m'a finalement dit qu'il n'avait pas eu de panne de réveil et qu'il n'avait pas tenu compte volontairement de la décision du responsable d'exploitation ».

La cour relève qu'il est donc établi que M. [ZS] [V] est arrivé en retard le 22 septembre 2010', puisqu'il aurait dû prendre son service à 8H30 et ne l'a pris qu'à 9H09'.

Cependant s'agissant d'un acte d'insubordination reproché au salarié, constitutif d'une faute grave selon l'employeur, la charge de la preuve incombe à ce dernier. En l'espèce, la simple attestation émanant de M. [G], directeur d'agence, qui est contestée par le salarié et qui n'est pas corroborée par d'autre documents, ne permet d'établir le caractère intentionnel du retard et donc la réalité de l'acte d'insubordination.

2) La pétition

Il est constant qu'il est reproché au salarié, non d'avoir fait circuler ou rédiger une « pétition », mais d'en avoir lancé la « rumeur ». M. [ZS] [V] reconnaît avoir eu l'idée de lancer une pétition.

En l'espèce, il résulte de l'attestation, établie par M. M. [YK] [R], responsable d'exploitation dans l'entreprise entre le 29 mars et le 30 novembre 2010, qu'il avait eu connaissance en septembre 2010 d'une «'pétition en cours d'élaboration contre (lui)'» «'par le responsable de quai'» M. [L]'; qu'interrogé ce dernier avait nié en être l'auteur'; que dans les jours qui ont suivi M. [V] est venu voir le directeur afin de lui avouer que c''était lui qui avait eu cette idée.

M. [D] [L], dans l'attestation qu'il a rédigé, indique que convoqué par son responsable d'exploitation qui lui reprochait de faire circuler une pétition le concernant, il lui avait assuré qu'il n'était pas au courant'; que discutant par la suite avec M. [V] il avait appris que c'était lui qui souhaitait faire circuler une pétition contre M . [R]'; qu'agacé d'être accusé à tort, il avait demandé à M. [V] de prendre ses responsabilités'; que ce dernier lui avait dit qu'il irait voir M. [G] pour lui «'dire et la vérité et faire en sorte que les bruits circulants auprès des conducteurs s'arrêtent'»

Dans ces conditions, le fait que M. [V] ait manifesté l'intention de faire circuler une pétition, qui en fait n'a jamais existé et se soit dénoncé auprès de sa direction comme étant l'auteur d'une telle idée, pour disculper un tiers accusé à tort, ne peut être constitutif d'une faute.

3) La mention sur la lettre de voiture en date du 15 octobre 2010

Le document versé aux débats, intitulé «'lettre de voiture 2272607'», porte la mention manuscrite suivante':'«'je vous ai informé que l'enlèvement a déjà été effectué le 15 octobre 2010. Vous m'affirmez que c'est quelque chose de nouveau . La prochaine fois prenez le temps de vérifier cela sera plus utile que d'être fainiant (sic) et de dire des conneries. Merci d'avance'» signé [N] .

M. [QW] ne conteste pas être l'auteur de cette mention manuscrite. Ce document est daté du 15 octobre 2010. Il porte en outre un tampon dateur de la société PERONNET DISTRIBUTION du 18 octobre 2010'.

Dans ses écritures, M. [V] a indiqué que ces propos avaient été dits sur le coup de la colère et souligné qu'il était faux de prétendre que cette lettre de voiture comportant son commentaire manuscrit ait été scannée pour être accessible aux clients, alors que cette lettre avait nécessairement été scannée le 15 octobre 2010, lors du premier enlèvement et ne pouvait plus l'être le 18 octobre 2010', lors du deuxième.

C'est à juste titre que le premier juge a relevé que M. [V] n'avait jamais été sanctionné pour des problèmes de comportement par le passé.

M. [V] verse aux débats plusieurs attestations de ses collègues, tels MM [KT] [WI], [Y] [IA], [B] [J], [U] [Q], [D] [O], [H] [Z], [T] [A], [M] [X], ou encore [F] [C] qui affirment tous qu'il n'a jamais eu de comportement agressif sur son lieu de travail, le décrivant même comme une personne calme et courtoise.

L'employeur conteste la validité de ces attestations qui ne seraient pas accompagnées des pièces d'identité de leurs auteurs et n'indiquent que leurs auteurs ont connaissance du fait qu'ils s'exposent à des sanctions pénales en cas de fausses attestations'; que de surcroît M. [S] qui avait attesté dans un premier temps en faveur de M. [V] a dans un deuxième temps rédigé une deuxième attestation dans laquelle il indique avoir rédigé sa première attestation en faveur de M'. [V], suite à des pressions exercées par ce dernier et que s'il «'avai(t)u la vérité sur les raisons de son licenciement (il) n'aurait pas écrit cette attestation'».

La cour relève que les attestations litigieuses, qui sont toutes accompagnées des copies des pièces d'identité de leurs auteurs relèvent plutôt du témoignage de moralité sur le caractère et l'attitude générale de M. [V]'. Elles sont toutes rédigées de manière manuscrites en des termes distincts. Il importe peu que leurs auteurs aient tous quitté l'entreprise selon l'employeur.

L'attestation litigieuse délivrée par M. [S] à M. [V] est des plus sobres puisqu'il a attesté «'avoir de bons rapports avec M. [ZS] [V]'; Aucun cas avoir de différents comme chauffeur dans l'entreprise. Un homme très gentil. Jamais de problème'»(sic). En revanche, la cour relève que sur la deuxième attestation qu'il a rédigé à la demande de la société, M. [S] indique ne pas être parent, allié, subordonné, collaborateur et ne pas avoir une communauté d'intérêt avec M. [V]'». Il ne précise pas ses liens avec la société PERONNET DITRIBUTION.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter ces attestations qui établissent que M. [V] était d'un tempérament posé. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'employeur, c'est bien sous l'effet de la colère qu'il a porté cette mention manuscrite après avoir effectué les 50 kms de retour au siège de l'exploitation après cette course inutile.

4) la manipulation volontairement erronée des disques du chronotachygraphe

L'employeur reproche en dernier lieu à son salarié les faits suivants': «'l'analyse de votre activité telle qu'elle ressort de votre tachynumérique sur ces dernières semaines fait ressortir une manipulation frauduleuse de votre sélecteur d'activité générant la prise en compte et la rémunération d'heures de temps de service indues notamment avant et après votre pause déjeuner. Compte tenu de votre expérience, vous ne pouvez ignorer les règles élémentaires de manipulation que vous vous devez de respecter en tant que professionnel de la route. Ces faits fautifs et répréhensibles pénalement constituent une violation caractérisée de l'obligation de loyauté que vous devez à l'égard de l'entreprise qui vous emploie'».

A ce propos, la société verse aux débats les disques chronotachygraphes utilisés par M. [V] et leur exploitation par un logiciel, pour septembre 2010 et octobre 2010.

Il résulte des éléments d'exploitation de ces disques que M. [W] a été en «'temps de travail'» juste avant et juste après de sa pause «'repos'» pour déjeuner .

Mme [K] [I], chargée de la gestion des disques, atteste pour l'employeur, qu'alertée par M. [GI] sur la manipulation du sélecteur d'activité de M. [V] elle a effectivement constaté une manipulation irrégulière de son appareil de contrôle, qu'en effet sur les «'mois de septembre et octobre 2010, M. [V] manipulait son sélecteur d'activité en travail avant et après sa pause déjeuner alors que cette manipulation n'était pas systématiquement justifiée par rapport à l'activité normale'.'» M. [GI]', à l'époque responsable administratif de l'agence et actuellement responsable d'exploitation atteste «'qu'en charge du suivi des temps des conducteurs sur l'agence pour le compte du service social, j'ai remarqué que M. [V] ne manipulait pas correctement son sélecteur d'activité et que les temps figurant sur le relevé ne correspondaient pas régulièrement à la réalité. (que) c'était très souvent le cas pendant le temps de midi'».

M. [V] récuse toute mauvaise manipulation des disques chronotachygraphes et explique qu'en fait ces temps «'en travail'» avant et après sa pause déjeuner étaient justifiés, compte tenu de l'organisation de sa journée de travail '.

La cour constate que la société PERONNET DISTRIBUTION ne démontre pas que M. [V] ait manipulé frauduleusement ses disques. Les critiques formulées à l'encontre de M. [V] sont des plus vagues, puisqu'il est dit par les témoins que la manipulation n'était pas systématiquement justifiée par rapport à l'activité normale. Il en résulte que l'employeur reconnaît que la manipulation du sélecteur sur «'travail»avant et après la pause déjeuner pouvait être justifiée. Or M. [V], explique sans être démenti par son employeur qu'en fait ses journées de travail se déroulaient tout le temps de la même manière avec un retour à l'entreprise en milieu de journée pour la pause déjeuner. Dans ces conditions, ce grief imprécis n'est pas établi.

M. [V] avant son licenciement n'a fait l'objet que d'un seul avertissement par le passé, en date du 25 mars 2009, et pour des faits différents, puisqu'il s'agissait de deux accrochages avec son véhicule de travail , il lui était également reproché de ne pas lire ses disques journellement et de ne pas les rendre de manière régulière.

M. [V] n'a jamais fait l'objet de rappel, remarques ou sanctions concernant d'éventuels retard ou comportements incorrects sur son lieu de travail'.

Dans ces conditions, seuls un retard en date du 22 septembre 2010, fait isolé et exceptionnel, et une annotation sur la feuille de voiture sur le coup de la colère, sont des griefs caractérisés dans la lettre de licenciement et ne peuvent constituer même appréciés dans leur ensemble, ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse, justifiant une mesure de licenciement.

Le licenciement dont s'agit étant abusif ouvre pour M. [V] le droit de percevoir les indemnités de rupture ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Sur les conséquences indemnitaires

M. [ZS] [V] sollicite une somme de 3614,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis. La société PERONNET DISTRIBUTION ne conteste pas cette demande sur le quantum.

Au regard des pièces versées aux débats, la société PERONNET DISTRIBUTION sera donc condamnée à verser à M. [ZS] [V] la somme de 3614,54 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 361,45 € bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Aux termes de l'article L1234-9 du code du travail, M. [V] qui bénéficiait, au moment de son licenciement, d'une ancienneté de 4 ans et 4 mois est en droit de prétendre à une indemnité légale de licenciement de 1590,10 € bruts.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il résulte des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il ressort des pièces du débat que M. [ZS] [V] a retrouvé un emploi depuis son licenciement, d'abord en contrats de travail à durée déterminée, puis par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le mois de mai 2011 . Il justifie de charges de famille, étant marié avec cinq enfants. Il justifie également devoir assumer un crédit immobilier, en cours à la date de son licenciement.

Au regard de ces éléments, de l'ancienneté du salarié et des circonstances de la rupture du contrat de travail, c'est de manière pertinente que le premier juge a fixé à la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application de l'article L 1235-4 du Code du-travail

Dans les cas prévus aux articles L1235-3 et L12.35-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie ces indemnités de chômage versées au-salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le remboursement dans la limite d'un mois.

Sur la remise de documents

La société PERONNET DISTRIBUTION sera condamnée à remettre à M. [ZS]

[V] un certificat de travail et une attestation destinée à POLE, EMPLOI rectifiés

Sur les autres demandes

La société PERONNET DISTRIBUTION, succombant dan ses prétentions doit être condamnée au paiement des entiers dépens. L'équité commande de mettre à la charge de la SAS PERONNET DISTRIBUTION une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris';

y ajoutant

Condamne la SAS PERONNET DISTRIBUTION à verser à M. [FH] [V] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Sophie MASCRIER Didier JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/00133
Date de la décision : 11/02/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°13/00133 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-11;13.00133 ?
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