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21/11/2013 | FRANCE | N°12/04092

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 21 novembre 2013, 12/04092


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 12/04092





SOCIETE GENERALE DE PROTECTION



C/

[F]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Mai 2012

RG : F 10/02097











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2013













APPELANTE :



SOCIETE GENERALE DE PROTECTION

[Adresse 3]



[Adresse 2]

[Localité 6]



représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau de MARSEILLE







INTIMÉ :



[J] [F]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de

Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SEL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/04092

SOCIETE GENERALE DE PROTECTION

C/

[F]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Mai 2012

RG : F 10/02097

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2013

APPELANTE :

SOCIETE GENERALE DE PROTECTION

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

[J] [F]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de

Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

substituée par Me Laurent CHABRY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 30 Novembre 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Septembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Novembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [J] [F] a été engagé en qualité de VRP pour une durée indéterminée à compter du 10 février 1994 par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE TÉLÉSÉCURITÉ, devenue LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION, spécialisée dans les systèmes de sécurité électronique qu'elle commercialise et installe essentiellement auprès de professionnels,

Après différentes promotions, il est devenu responsable de l'agence Compagnie Européenne de Télésécurité le 29 mars 1999 puis directeur régional opérationnel de la Société Générale de Protection le 1er janvier 2007, bénéficiant ainsi du coefficient 800 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 9 avril 2010, Monsieur [J] [F] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 20 avril 2010, puis a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2010 pour les motifs suivants :

- la persistance sur le 1er trimestre 2010 d'un niveau d'activité et de résultats insuffisants sur le périmètre de la région Rhône,

- des défaillances concernant la constitution et le pilotage de ses équipes,

- des attitudes et des comportements particulièrement déplacés.

Le 24 septembre 2010 la SOCIÉTÉ GÉNÉRATION PROTECTION, concurrente de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon. Ses co-gérants, Messieurs [J] [F], [U] et [I], sont tous trois d'anciens salariés de SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION .

Une action pour concurrence déloyale a été introduite à son encontre devant le tribunal de commerce et est actuellement en cours.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Monsieur [J] [F] a saisi la juridiction prud'homale le 28 mai 2010 pour obtenir le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour non information des droits à repos compensateur et pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un solde d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION s'est opposée à ses demandes et à sollicité l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement rendu le 10 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, a fait droit aux demandes présentées par Monsieur [J] [F] en disant que le paiement des heures supplémentaires était dû et que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et a condamné la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION à lui payer les sommes suivantes :

' 145. 897,73 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

' 14.589,77 € au titre des congés payés afférents,

' 75.177,78 € à titre d'indemnité pour non information des droits à repos compensateur pour les années 2008 à 2009,

' 7.517,77 € au titre des congés payés afférents,

' 61.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

' 16.477,08 € à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1.647.70 € au titre des congés payés afférents,

' 5.510,27 € à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a également ordonné le remboursement à POLE EMPLOI des sommes versées au titre des indemnités de chômage dans la limite de trois mois d'indemnité, et a fixé à 10.088,58 € la moyenne de la rémunération mensuelle de Monsieur [J] [F] pour les trois derniers mois.

LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION a relevé appel le 24 mai 2012 de ce jugement dont elle demande la réformation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 19 septembre 2013 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a transmises le 11 juin 2013 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses arguments et moyens, et tendant à :

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [J] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse;

- Débouter Monsieur [J] [F] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail;

- Dire et juger que Monsieur [J] [F] n'a accompli aucune heure supplémentaire;

- Débouter Monsieur [J] [F] de l'ensemble de ses demandes relatives à ce chef de condamnation;

- Condamner Monsieur [J] [F] au paiement de la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [J] [F] a pour sa part fait reprendre à cette audience les conclusions qu'il a fait déposer et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses arguments et moyens, aux fins de voir confirmer le jugement attaqué pour ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées, à l'exception du montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il forme un appel incident en sollicitant la condamnation de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION à lui verser en outre les sommes de :

' 60.768,00 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

' 162.048,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 3.000,00 € en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE ,

La Cour,

1°) Sur le rappel d'heures supplémentaires :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3171 ' 4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties dans la mesure où ce texte prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier des heures effectivement réalisées par le salarié, et qu'en considérant ces éléments et ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile;

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur [J] [F] exerçait les fonctions de directeur régional de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION pour lesquelles il percevait une rémunération mensuelle fixe de 4.550,71 € ainsi qu'une prime variable de 1,5 % sur le chiffre d'affaires facturé de la région, soit une rémunération mensuelle brute moyenne au cours des 12 derniers mois de 8.010,71 € aux dires de son employeur et de 10.128,00 € selon sa propre déclaration ;

qu'aucune convention individuelle de forfait compensant les dépassements d'horaires n'ayant été régularisée entre les parties pour la rémunération de Monsieur [J] [F], ce dernier était soumis à la durée légale du travail effectif des salariés fixée à trente-cinq heures par semaine et au régime des heures supplémentaires ;

Attendu que pour solliciter l'octroi de la somme totale brute de 145.927,08 €, outre les congés payés afférents à hauteur de 14.592,70 €, au titre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées au cours des années 2005 à 2010, Monsieur [J] [F] verse aux débats un décompte journalier qu'il a lui-même réalisé pour les années 2005 à 2010 faisant apparaître 3.450,50 heures supplémentaires prétendument accomplies ;

qu'il convient d'observer que celui-ci, qui se présente sous la forme d'un calendrier établi pour les besoins de la procédure, est renseigné de façon systématique sur les cinq dernières années en comportant, à quelques exceptions près, des horaires identiques, pour mentionner toujours les mêmes heures de début d'activité et de fin de journée, ainsi que l'existence d'un pose déjeuner continuellement limitée à une heure ;

que ce décompte ne s'appuie sur aucune fiche de pointage ou document objectif, tel un agenda personnel sur lequel le salarié aurait indiqué au jour le jour son activité et ses horaires de travail ;

Attendu que Monsieur [J] [F] produit en outre un grand nombre de courriers électroniques échangés dans l'exercice de son activité professionnelle pendant la période de novembre 2009 à avril 2010 dont il a pu conserver la copie ;

que s'il démontre avoir ainsi reçu après 18 heures de nombreux courriers électroniques sur son ordinateur professionnel et répondu à certains d'entre eux, il ne justifie pas que ces opérations aient nécessairement été effectuées depuis l'agence de Lyon où il aurait été personnellement présent, ni que l'urgence imposait un traitement de ces informations le soir-même ne pouvant être reporté au lendemain ;

Attendu qu'il produit également les attestations de plusieurs salariés de l'entreprise ayant pu constater que son amplitude horaire quotidienne était très supérieure à celle contractuelle, dans la mesure où il s'entretenait généralement le soir avec les commerciaux, recevait quotidiennement en fin de journée les rapports d'activité qui lui étaient faits par les personnes de l'agence dont il avait la responsabilité, ou participait à des séances de formation ;

Mais attendu qu'après avoir été responsable de l'agence Compagnie Européenne de Télésécurité, Monsieur [J] [F] exerçait à Lyon depuis le 1er janvier 2007 les fonctions de directeur régional de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION et avait en charge la région Rhône regroupant les agences de [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 3]; qu'il bénéficiait du coefficient de rémunération 800 prévu par la convention collective pour les cadres dirigeants bien que n'ayant pas cette qualité ;

Attendu que cette classification est ainsi définie par la convention collective :

« Très large autonomie du jugement et d'initiative. Expérience et connaissances, importance particulière des responsabilités. Postes justifiés par la valeur technique requise par la nature de l'entreprise, par l'importance de l'établissement ou par la nécessité d'une coordination à haut niveau entre plusieurs services ou activités »;

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION n'a dès lors fixé à Monsieur [J] [F] aucun mode d'organisation et de fonctionnement, pas plus qu'un quelconque horaire de travail ;

qu'il disposait du fait de ses importantes fonctions et responsabilités d'une grande liberté d'action dans l'organisation de son temps de travail qu'il effectuait loin du siège de la société qui l'employait situé à [Localité 6] (Bouches-du-Rhône) ;

Attendu en outre qu'en dépit des relations très étroites qu'il entretenait à distance avec son employeur, et dont les courriers électroniques qu'il verse aux débats sont la preuve, il n'a jamais sollicité le paiement de la moindre heure supplémentaire, ni ne s'est plaint de sa charge de travail tenant à ses horaires qui auraient excédé la durée légale ;

que, dans ces conditions, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION se trouve dans l'impossibilité matérielle de fournir le moindre élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

qu'elle n'était ainsi pas en mesure de constater s'il effectuait ou non des heures supplémentaires et par voie de conséquence de lui donner implicitement son accord pour la réalisation d'éventuelles heures supplémentaires qu'il aurait effectuées, à défaut de les lui avoir demandées pour des travaux les nécessitant ;

Attendu en conséquence qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'instruction qu'au demeurant les parties ne sollicitent pas, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires présentée par Monsieur [J] [F] qui n'en justifie pas ;

qu'il convient dès lors de réformer le jugement entrepris et de débouter le salarié de ses demandes relatives :

- au paiement d'heures supplémentaires sur la période de 2005 à 2010 et des congés payés afférents,

- au paiement de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris et congés payés afférents,

- au paiement de rappels d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis sur la base d'un salaire recomposé;

Attendu en outre que Monsieur [J] [F] ne peut obtenir le paiement de l'indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire pour travail dissimulé qu'il sollicite sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail , dans la mesure où il organisait lui-même librement son activité et n'a jamais fait part à son employeur d'un quelconque dépassement de l'horaire légal de travail ni réclamé le paiement d'heures supplémentaires, de sorte que celui-ci n'aurait pu en tout état de cause en être informé et avoir mentionné de manière intentionnelle sur ses bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué; qu'il doit encore être débouté de ce chef de demande et le jugement rendu par le conseil de prud'hommes confirmé sur ce point ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement du 3 mai 2010, qui fixe les limites du litige, est fondée sur trois griefs que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION considère constitutifs de fautes pour chacun d'eux ;

qu'en raison du caractère disciplinaire du licenciement ainsi prononcé, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du caractère délibéré des manquements imputés au salarié ;

que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION reproche ainsi à Monsieur [J] [F] :

La persistance sur le premier trimestre 2010 d'un niveau d'activité et de résultats insuffisants sur le périmètre de la région Rhône :

Attendu qu'il ressort des tableaux de bord versés aux débats que la région Rhône, qui était la mieux classée en terme de produit intérieur brut et venait directement après la région Île-de-France, a connu en 2009 une baisse de ses résultats en deçà de son budget prévisionnel et des réalisations d'autres régions alors que son potentiel était plus important;

que cette insuffisance de résultats est contestée par Monsieur [J] [F] qui se prévaut des termes d'un message envoyé par la Direction Commerciale de la société le 11 janvier 2010 mentionnant que « Lyon finit sur une bonne note et accroche du même coup une troisième place sur le podium des agences du réseau . . . En valeur d'abonnement, Lyon termine même premier du réseau » ;

qu'il fait également observer avoir obtenu en 2009 des primes CPAN (contrat d'activité périodiquement négociable) dont il n'aurait jamais pu bénéficier s'il n'avait pas atteint ses objectifs ;

Mais attendu que la lettre de licenciement se fonde sur les résultats obtenus par l'agence de Lyon au cours du premier trimestre 2010; qu'il est indéniable que ceux-ci ont été inférieurs aux attentes de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION dans la mesure où l'agence de Lyon n'a été classée qu'en cinquième position ;

que l'insuffisance de résultats ne constituant pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartenait à l'employeur de démontrer qu'elle résultait de faits objectifs et fautifs imputables au salarié ;

Des recrutements et un management insuffisants des commerciaux :

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION reproche ensuite à Monsieur [J] [F] des défaillances concernant la constitution et le pilotage des commerciaux placés sous sa responsabilité, dans la mesure où ils n'étaient que 4 à la fin du mois de mars 2010 alors qu'ils avaient été au nombre de 7 en 2009 et qu'ils auraient dû être 10, et que lui-même n'a reçu que deux candidats en entretien en vue d'une éventuelle embauche au cours des quatre premiers mois de l'année 2010 ;

que l'employeur ne justifie cependant pas des objectifs de recrutement qui auraient été fixés à Monsieur [J] [F] ;

qu'en outre, il avait fait appel à un cabinet spécialisé pour effectuer les opérations de recrutement dans la région Rhône-Alpes en 2009 et 2010 ;

que si des commerciaux ont témoigné de l'absence d'encadrement et d'une formation insuffisante, au point que plusieurs d'entre eux ont rompu leur contrat à l'issue de leur période d'essai, il convient d'observer que tous les vendeurs de la région Rhône-Alpes, à l'exception de Monsieur [E] qui s'était plaint, ont été classés au-dessus de la moyenne contractuelle ;

que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION prétend que le détachement de Monsieur [J] [F] dans ses missions de recrutement et d'encadrement résultait sans doute de son projet personnel de création d'une entreprise directement concurrente qu'il développait secrètement de longue date ;

qu'il ne s'agit dès lors que d'une hypothèse, au demeurant inconnue à la date du licenciement et formellement contestée par Monsieur [J] [F], qui rappelle que son employeur a fait le choix après son départ de lever la clause de non-concurrence à laquelle il était lié, de sorte qu'il qu'il est mal fondé à se prévaloir d'un défaut d'encadrement de ses équipes pour justifier son licenciement ;

que le grief, qui ressort de l'insuffisance professionnelle, n'est pas établi et manifestement insuffisant pour fonder le licenciement;

un comportement déplacé voire constitutif de harcèlement moral à l'égard d'autres salariés :

Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION reproche encore à Monsieur [J] [F] des faits de harcèlement moral à l'encontre de Madame [R], qui avait saisi le 18 septembre 2008 le conseil de prud'hommes de Lyon pour contester son licenciement pour inaptitude au motif que celle-ci résultait directement du comportement que Monsieur [J] [F] avait adopté à son égard ;

que cette salariée a vu ses prétentions aboutir aux termes d'un jugement rendu le 11 juin 2010 par cette juridiction prononçant la nullité de son propre licenciement du fait du harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de Monsieur [J] [F] ;

que si la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION avait jusqu'alors contesté le harcèlement moral ainsi dénoncé en se fondant sur les affirmations de Monsieur [J] [F] qui en niait l'existence, elle prétend n'avoir réellement pris conscience de l'exacte situation qu'à l'audience du 2 mars 2010 au cours de laquelle le conseil de prud'hommes a procédé à l'audition des témoins, de sorte que, sans encourir la prescription, elle a pu motiver le lendemain la lettre de licenciement de Monsieur [J] [F] en date du 3 mars 2010 par l'adjonction de ce grief ;

Mais attendu qu'il appartenait à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION, informée à tout le moins depuis la saisine du conseil de prud'hommes par Madame [R] le 18 septembre 2008, de vérifier la réalité des faits dénoncés en procédant elle-même à toutes investigations utiles par voie d'enquête interne; qu'il lui revenait également de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs conformément aux dispositions de l'article L. 4121 ' 1 du code du travail ;

qu'en assumant ainsi ses responsabilités, elle aurait nécessairement eu connaissance de l'exactitude des faits de harcèlement dénoncés par la salariée plus de deux mois avant la date du licenciement ;

qu'elle est dès lors mal fondée à se prévaloir à présent de l'ignorance dans laquelle elle serait restée jusqu'à l'audience du conseil de prud'hommes du 2 mars 2010;

que les faits de harcèlement moral reprochés à Monsieur [J] [F] étant ainsi prescrits pour être antérieurs de plus de deux mois au licenciement de ce dernier, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION ne saurait s'en prévaloir pour fonder la rupture de son contrat de travail ;

Attendu qu'elle invoque enfin le comportement adopté par Monsieur [J] [F] à l'égard de deux autres salariés; que Monsieur [Q] avait souhaité ne plus travailler avec lui et avait demandé sa mutation et Madame [Y] s'était plainte de ce qu'il avait forcé la porte de son bureau en son absence et transporté ses effets et contenus des tiroirs et des meubles dans un nouveau bureau ;

que la demande de mutation de Monsieur [Q], formulée le 10 décembre 2009 sans mettre en cause le comportement de Monsieur [J] [F], puis réalisée courant janvier 2010, n'a toutefois donné lieu à aucune demande d'explication de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION jusqu'à la procédure de licenciement engagée le 9 avril suivant à l'encontre de Monsieur [J] [F] qui reconnaît l'existence de difficultés relationnelles avec ce salarié, mais tenant à son attitude à son égard; que le grief n'est ainsi pas fondé ;

qu'il ressort en outre de la lettre remise en main propre à Madame [Y] par son employeur, et dont elle a accusé réception sans émettre le moindre protestation ou réserve, que le déplacement de ses effets personnels avait été effectué en son absence début septembre 2009 par Monsieur [J] [F] à la suite des multiples demandes qui lui avaient été faites de changer de bureau et auxquelles elle ne s'était pas opposée, sans toutefois déplacer ses effets ;

que si la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION avait, avec raison, considéré comme déplorable le comportement de Monsieur [J] [F], à qui il n'appartenait pas de déménager les effets personnels d'une salariée sans son accord, ce motif ne saurait toutefois justifier son licenciement intervenu 8 mois plus tard ;

Attendu en conséquence que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes mérite d'être confirmé en ce qu'il a dit que les griefs reprochés étaient infondés et que le licenciement de Monsieur [J] [F] ne reposait dès lors sur aucune cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, l'indemnité versée aux salariés ayant fait l'objet d'une mesure de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, mais peut être fixée à une somme supérieure évaluée souverainement par les juges du fond, en fonction de l'importance et de la nature du préjudice subi par le salarié ;

que Monsieur [J] [F] justifie à cet égard par ses déclarations fiscales qu'il produit aux débats, n'avoir perçu aucun revenu des mois de septembre à décembre 2010 dans le cadre de sa nouvelle activité à la suite de l'acquisition d'un fonds de commerce d'une entreprise comparable, puis que ses revenus ont été inférieurs à ceux dont il disposait lorsqu'il était au service de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION; qu'il peut ainsi lui être alloué la somme de 90.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif en réparation de son préjudice; que le jugement déféré doit en conséquence être réformé sur ce chef de demande ;

Attendu enfin qu'aucune des parties ne voyant aboutir intégralement ses demandes devant la cour, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION, qui succombe dans une large part, supporte cependant la charge des entiers dépens d'instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement rendu le 10 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Monsieur [J] [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- ordonné le remboursement par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [J] [F] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois d'indemnité ;

L'INFIRME en toutes ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 90.000,00 € (QUATRE VINGT DIX MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

LE DÉBOUTE de toutes ses autres demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

DIT que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire de Monsieur [J] [F] s'élève à 8'010,71 € brut ;

Condamne la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE PROTECTION aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/04092
Date de la décision : 21/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/04092 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-21;12.04092 ?
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