AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/04232
Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN
C/
[E]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE
du 30 Avril 2012
RG : F 11/00038
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 24 MAI 2013
APPELANTE :
Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES (Me Pascal GARCIA), avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
[Y] [E]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assistée de la SCP CROCHET-DIMIER null (Me Hélène CROCHET), avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro RG 12/7525 du 26/02/2013 accordée par la juridiction du Premier Président LYON)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Mars 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Michèle JAILLET, Conseiller
Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 Mai 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er septembre 2000, [Y] [E] a été embauchée par l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN à temps partiel selon contrat emploi solidarité d'une année puis par contrat emploi consolidé de cinq ans ; la relation de travail s'est poursuivie sans conclusion d'un nouveau contrat ; [Y] [E] a été mise à pied le 19 octobre 2010 et a été licenciée le 15 novembre 2010 pour faute grave, l'employeur lui reprochant une déloyauté en abandonnant l'activité mosaïque pour travailler dans une autre association.
[Y] [E] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE ; elle a réclamé des rappels de salaire, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts et une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 30 avril 2012, le conseil des prud'hommes a :
- décidé que le licenciement était privé de cause,
- condamné l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN à verser à [Y] [E] la somme de 1.750,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 175,03 euros de congés payés afférents, la somme de 2.223,95 euros au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 201,19 euros au titre de la rémunération correspondant à la mise à pied, la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 314,18 euros au titre des heures de rénovation de bureau, outre 31,41 euros de congés payés afférents, et la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN aux dépens.
Le jugement a été notifié le 9 mai 2012 à l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 1er juin 2012 ; [Y] [E] a interjeté appel incident sur les rappels de salaire et l'indemnité pour travail dissimulé par lettre recommandée adressée au greffe le 14 février 2013.
Une ordonnance du 15 mars 2013 a joint les procédures.
Par conclusions visées au greffe le 29 mars 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN :
- expose que la salariée a été initialement embauchée pour effectuer de la maintenance, qu'elle lui a fait suivre des formations qui ont permis à la salariée d'animer l'atelier mosaïque-vitrail, que le temps passé à la maintenance a été réduit et que la salariée a été classée et rémunérée en fonction de ses activités d'animatrice,
- conteste que la salariée a accompli du travail au delà des 20 heures hebdomadaires contractuellement fixées et ajoute que la salariée accomplissait moins de 20 heures hebdomadaires,
- précise que la salariée a rénové un bureau un jour férié à l'insu de la direction et que la salariée a été déchargée de ses activités de maintenance pour un temps équivalent à celui des activités d'animation,
- fait valoir qu'en juin 2010, la salariée s'était engagée à animer l'atelier mosaïque le lundi de 14 heures à 17 heures 30 et a annoncé sa défection par courrier reçu le 27 septembre 2010, soit le premier jour de début de l'activité,
- soutient que la salariée savait dès le mois de juin 2010 qu'elle ne pourrait pas assumer l'atelier puisqu'elle avait pris d'autres engagements et que l'annonce tardive et la cause mensongère de son désengagement sont fautives,
- demande le rejet des prétentions de la salariée,
- sollicite la condamnation de la salariée à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 29 mars 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [Y] [E] :
- prétend que, malgré ses réclamations, elle n'a jamais été rémunérée pour l'animation de l'atelier mosaïque qui se déroulait le lundi de 14 heures 30 à 20 heures et dénie toute diminution de ses activités de maintenance,
- justifie son refus de poursuivre l'animation de l'atelier mosaïque par l'absence de rémunération,
- argue de son libre exercice d'une activité professionnelle,
- estime le licenciement dénué de cause et réclame la somme de 1.750,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 175,03 euros de congés payés afférents, la somme de 2.223,95 euros au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 201,19 euros au titre de la rémunération correspondant à la mise à pied et la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- affirme qu'elle a accompli des heures complémentaires et réclame la somme de 5.473,64 euros au titre des heures d'animation de l'atelier mosaïque et vitrail, outre 547,36 euros de congés payés afférents, et la somme de 314,18 euros au titre des heures de rénovation de bureau, outre 31,41 euros de congés payés afférents,
- formant une demande nouvelle, réclame la somme de 5.250 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- sollicite pour son conseil la somme de 2.500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et la condamnation de l'employeur aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les heures complémentaires :
En cas de litige relatif aux heures complémentaires, l'article L.3171-4 du code du travail oblige le salarié à apporter des éléments à l'appui de sa demande et impose à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
Le contrat de travail initial fixait la durée hebdomadaire de travail à 20 heures, soit tous les matins de la semaine de 8 heures à 12 heures.
S'agissant de l'animation de l'atelier mosaïque et vitrail :
L'atelier mosaïque et vitrail se tenait le lundi de 14 heures à 16 heures 30 et de 18 heures à 20 heures.
L'employeur verse des attestations manuscrites qui sont signées, qui contiennent l'avertissement concernant la production en justice et le faux témoignage et auxquelles sont jointes les photocopies des pièces d'identité ; les signatures sur les attestations coïncident avec celles apposées sur les pièces d'identité ; la validité et la valeur probante de ces attestations ne sont pas sérieusement contestables et il n'y a pas lieu d'écarter ces attestations.
La directrice de l'association en fonction jusqu'au 31 décembre 2006 atteste qu'[Y] [E] travaillait 20 heures par semaine, qu'elle effectuait la maintenance, que lorsqu'elle a pris en charge l'atelier mosaïque et vitrail, les heures consacrées à la maintenance ont été réduites à 15 heures hebdomadaires ; la directrice de l'association en fonction depuis le 1er janvier 2007 atteste qu'[Y] [E] travaillait 20 heures par semaine dont 22,5 % en animation et 77,5 % en maintenance ; la secrétaire de l'association atteste qu'[Y] [E] venait le lundi de 14 heures 30 à 18 heures, le mardi, mercredi et jeudi de 9 heures à 12 heures 30 et le vendredi de 12 heures 30 à 15 heures 30 et que les membres de l'équipe ont accepté d'assumer les charges supplémentaires de ménage pour collaborer au projet d'[Y] [E] d'animer un atelier ; le responsable du développement de l'association atteste qu'[Y] [E] travaillait 20 heures par semaine incluant le temps consacré à l'atelier et qu'elle venait le lundi après midi et repartait avant 18 heures 30, venait les mercredi et jeudi matin, qu'elle venait le vendredi après-midi et repartait avant 15 heures 30, lui même ne travaillant pas le mardi ; l'ancienne présidente de l'association atteste que le conseil d'administration a décidé en 2004 de confier un atelier à [Y] [E] et de fixer ses heures d'animation à 5 heures et ses heures de maintenance à 15 heures par semaine ; une animatrice atteste qu'elle nettoyait son atelier.
La salariée verse une seule attestation sur son temps de travail ; l'ancienne secrétaire de l'association qui est partie en avril 2007 atteste qu'[Y] [E] travaillait 20 heures par semaine pour la maintenance et effectuait l'animation de l'atelier mosaïque en plus de 14 heures à 16 heures le lundi et le mardi.
Lors de sa réunion du 18 octobre 2007, le conseil d'administration a décidé de rémunérer toutes les heures d'[Y] [E] sur un emploi d'animation.
Dans sa lettre du 23 septembre 2010, [Y] [E] écrit qu'elle animait l'atelier mosaïque et vitrail en plus de ses heures de travail sans être rémunérée et que c'est seulement à partir de la saison 2009-2010 qu'il lui a été enlevé 4 heures sur ses 20 heures de travail en guise de compensation ; dans sa lettre de contestation du licenciement du 7 décembre 2010, [Y] [E] écrit qu'elle a animé l'atelier mosaïque et vitrail sans jamais être payée ; elle réclame des heures jusqu'en juillet 2009.
De la confrontation de ces éléments, la Cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'instruction que les parties ne sollicitent d'ailleurs pas, qu'[Y] [E] a animé l'atelier mosaïque et vitrail sans devoir accomplir d'heures complémentaires.
S'agissant de la rénovation d'un bureau :
La secrétaire de l'association atteste que tous les membres de l'équipe se sont partagés le travail de rénovation du bureau et qu'[Y] [E] a fait le travail en dehors de son temps de travail et a refusé l'aide, s'estimant être la seule capable de rénover le bureau.
Si [Y] [E] a bien effectué des heures complémentaires pour rénover le bureau, ce n'est nullement à la demande de sa direction.
En conséquence, [Y] [E] doit être déboutée de sa demande en paiement d'heures complémentaires.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; en cas de rupture de la relation de travail, l'article L. 8223-1 du code du travail octroie au salarié dont le travail a été dissimulé une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Aucune heure complémentaire n'étant allouée à [Y] [E], cette dernière doit être déboutée de sa demande nouvelle en indemnité pour travail dissimulé.
Sur le licenciement :
L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce le grief de s'être engagée au mois de juin à reconduire l'animation de l'atelier mosaïque pour l'année 2010/2011, d'avoir annoncé sa défection par courrier du 23 septembre 2010 alors que l'activité devait débuter le 27 septembre 2010, d'avoir intégré une autre association pour animer un atelier mosaïque fixé sur la même plage horaire et d'avoir pris cet engagement fin juin ou début juillet ; l'employeur écrit que cette action préméditée caractérise une totale déloyauté et lui a causé un préjudice.
Lors de sa réunion du 3 juin 2010, le conseil d'administration a décidé après discussion avec les adhérents et [Y] [E] de fixer l'horaire de l'atelier mosaïque le lundi de 14 heures à 17 heures ou de 14 heures 30 à 17 heures 30.
Par lettre datée du 23 septembre 2010, [Y] [E] a avisé son employeur qu'elle n'animerait plus l'atelier mosaïque et vitrail et a invoqué comme motif qu'elle animait cet atelier en plus de ses heures de travail sans être rémunérée et que c'est seulement à partir de la saison 2009-2010 qu'il lui a été enlevé 4 heures sur ses 20 heures de travail en guise de compensation.
L'employeur a reçu le courrier le samedi 25 septembre 2010 et en a pris connaissance le lundi 27 septembre 2010.
Le responsable du développement de l'association atteste que le 27 septembre 2010 correspondait à une période de 'portes ouvertes'.
Le quotidien local du 29 septembre 2010 a publié un article qui informait ses lecteurs que l'espace Boris VIAN mettait en place un atelier mosaïque et vitraux animé par [Y] [E] les lundi et jeudi de 14 heures à 16 heures 30.
[Y] [E] pouvait parfaitement être embauchée par un autre employeur puisqu'elle travaillait à temps partiel ; en revanche, [Y] [E] ne pouvait pas se faire embaucher pour un travail dont la plage horaire coïncidait avec celle du travail pour lequel l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN l'employait ; [Y] [E] a annoncé à l'Association ATELIERS DE LA RUE RAISIN sa défection le jour où l'activité reprenait ; cette annonce tardive était préjudiciable à l'association qui ne pouvait plus s'organiser et a dû annuler au dernier moment l'atelier mosaïque et vitrail ; enfin, la raison de la défection avancée par [Y] [E] était fausse comme les énonciations précédentes sur les heures complémentaires l'ont montré.
En agissant ainsi, [Y] [E] a commis une déloyauté fautive.
Nonobstant l'ancienneté de la salariée et l'absence d'antécédent disciplinaire, l'importance de la faute rendait proportionnée la sanction du licenciement.
L'employeur a initié la procédure de licenciement le 19 octobre 2010, soit dans un délai restreint.
Le comportement déloyal de la salariée entraînait une perte de confiance telle que son maintien dans l'entreprise était impossible.
En conséquence, le licenciement repose sur une faute grave et [Y] [E] doit être déboutée de ses demandes indemnitaires.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur la mise à pied :
Eu égard à la faute commise par la salariée, la mise à pied ne doit pas être rémunérée.
En conséquence, [Y] [E] doit être déboutée de sa demande en paiement des salaires correspondant à la période de mise à pied et des congés payés afférents.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
[Y] [E] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute [Y] [E] de sa demande en paiement d'heures complémentaires,
Juge que le licenciement repose sur une faute grave,
Déboute [Y] [E] de ses demandes indemnitaires,
Déboute [Y] [E] de sa demande en paiement des salaires correspondant à la période de mise à pied et des congés payés afférents,
Déboute [Y] [E] de sa demande nouvelle en indemnité pour travail dissimulé,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
Condamne [Y] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christine SENTIS Nicole BURKEL