AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 12/05619
[S]
C/
EURL E.U.R.L. BOUZOBRA
SARL AYOUB
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Roanne
du 19 Juin 2012
RG : F11/00211
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 15 FEVRIER 2013
APPELANT :
[W] [S]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] (Rhône)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par la SELARL SELARL AD JUSTITIAM (Me Sylvain SENGEL), avocats au barreau de ROANNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/021652 du 27/09/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉES :
E.U.R.L. BOUZOBRA
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par la SCP BDMV AVOCATS (Me Hubert DUMAS), avocats au barreau de ROANNE
SARL AYOUB
[Adresse 9]
[Localité 2]
représentée par la SCP BDMV AVOCATS (Me Hubert DUMAS), avocats au barreau de ROANNE
PARTIES CONVOQUÉES LE : 24 Septembre 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2013
Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Michèle JAILLET, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Février 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Ouarda BELAHCENE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er décembre 2010, [W] [S] a été embauché par l'E.U.R.L. BOUZOBRA qui exploite un hôtel en qualité de gérant débutant ; le 21 décembre 2010, il a été victime d'un accident que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ; par jugement définitif du 18 octobre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de ROANNE a reconnu l'origine professionnelle de l'accident ; suite aux visites de reprise du 3 octobre 2011 et du 17 octobre 2011, le médecin du travail a déclaré [W] [S] inapte à son poste ; le 10 novembre 2011, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 12 septembre 2011, la S.A.R.L. AYOUB a racheté le fonds de commerce de l'E.U.R.L. BOUZOBRA et a repris le contrat de travail.
[W] [S] a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE ; il a invoqué l'accomplissement d'heures supplémentaires et la dissimulation de son travail et a réclamé des rappels de salaire, des dommages et intérêts pour défaut de respect de la législation sur le temps de travail, l'indemnité pour travail dissimulé, la remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés et une indemnité au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il a agi contre l'E.U.R.L. BOUZOBRA et la S.A.R.L. AYOUB.
Par jugement du 19 juin 2012, le conseil des prud'hommes a :
- condamné solidairement l'E.U.R.L. BOUZOBRA et la S.A.R.L. AYOUB à verser à [W] [S] la somme de 503,40 euros à titre de rappel de salaire, outre 50,34 euros de congés payés afférents, et la somme de 3.895,08 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- ordonné la remise du certificat de travail, de l'attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire rectifiés,
- débouté [W] [S] de ses autres demandes,
- condamné solidairement l'E.U.R.L. BOUZOBRA et la S.A.R.L. AYOUB aux dépens.
Le jugement a été notifié le 9 juillet 2012 à [W] [S] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 20 juillet 2012.
Par conclusions visées au greffe le 10 janvier 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [W] [S] :
- soutient qu'il devait assumer la gestion de l'hôtel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, que d'ailleurs il occupait une chambre dans l'hôtel et que, plus précisément, il devait travailler de 5 heures 30 à 23 heures 30 ce qui impliquait la réalisation de nombreuses heures supplémentaires,
- souligne qu'il ne bénéficiait pas du statut de cadre et que le contrat de travail fixait la durée hebdomadaire du travail à 35 heures,
- réclame la somme de 3.519,12 euros, outre 351,91 euros de congés payés afférents,
- prétend que l'employeur savait qu'il accomplissait un grand nombre d'heures supplémentaires et réclame la somme de 17.482,74 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- reproche à l'employeur d'avoir méconnu la législation relative à la durée du travail et réclame la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- demande la condamnation solidaire de l'E.U.R.L. BOUZOBRA et de la S.A.R.L. AYOUB dans la mesure où il est dans l'ignorance des accords passés entre ces deux sociétés concernant la reprise de la gestion de l'hôtel et le transfert de son contrat de travail,
- souhaite la remise du certificat de travail, de l'attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire rectifiés et mentionnant une date d'embauche au 1er décembre 2010, et, ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la notification du présent arrêt,
- fait courir les intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à l'audience de conciliation sur les créances salariales et à compter de la décision à intervenir sur les dommages et intérêts,
- sollicite pour son conseil la somme de 3.500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et la condamnation des intimés aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 10 janvier 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'E.U.R.L. BOUZOBRA et la S.A.R.L. AYOUB qui interjettent appel incident :
- indiquent que le contrat de travail a été transféré de l'E.U.R.L. BOUZOBRA à la S.A.R.L. AYOUB le 12 septembre 2011,
- soutiennent que le salarié travaillait de 7 heures à 9 heures et de 17 heures 30 à 21 heures 30, que le taux d'occupation de l'hôtel était trop peu important pour générer des heures supplémentaires et contestent l'accomplissement d'heures supplémentaires,
- dénient toute volonté de dissimuler le travail du salarié,
- prétendent avoir respecté la législation du travail,
- observent que les documents sociaux rectifiés en ce qui concerne la date d'embauche ont été remis au salarié,
- demandent le rejet des prétentions du salarié et sa condamnation à verser à l'E.U.R.L. BOUZOBRA la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, la Cour interroge les parties sur la mise hors de cause de l'E.U.R.L. BOUZOBRA, l'employeur étant la S.A.R.L. AYOUB ; [W] [S], par la voix de son conseil s'y oppose et maintient ses demandes contre les deux sociétés.
Mention de cette déclaration a été portée sur la note d'audience signée par le conseiller rapporteur et le greffier.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les heures supplémentaires :
En cas de litige relatif aux heures supplémentaires, l'article L.3171-4 du code du travail oblige le salarié à apporter des éléments à l'appui de sa demande et impose à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
Le contrat de travail stipulait une durée hebdomadaire de travail de 35 heures
[W] [S] a travaillé du 1er au 21 décembre 2010.
[W] [S] verse les attestations de :
* son fils qui habite dans le département du Rhône et qui n'a pas personnellement assisté au travail accompli par son père,
* [J] [U], voyageur représentant placier, qui témoigne qu'à chaque visite et à chaque appel, [W] [S] était présent à l'hôtel et qu'elle sait qu'il travaillait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, étant observé que ce témoin habite à la même adresse que le fils d'[W] [S] et que son nom ne figure pas parmi ceux des clients de l'hôtel pour la période travaillée,
* [O] [K] qui témoigne qu'[W] [S] travaillait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, étant observé que ce témoin était employée dans l'hôtel en qualité de femme toutes mains à temps partiel du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 11 heures 30,
* [D] [G] qui témoigne qu'[W] [S] travaillait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, étant observé que ce témoin a été client de l'hôtel les 4, 7, 17 et 20 décembre 2010,
* [N] [Y], ancien gérant de l'établissement, qui décrit sa journée de travail comme suit : prise du service entre 5 heures 30 et 6 heures, préparation des petits déjeuners, nettoyage de la salle, transmission des chiffres de la veille, entretien des abords, approvisionnement tous les deux ou trois jours, prévision des repas de midi, tournée des chambres, prise des réservations, accueil des clients, repas du soir, entretien courant de la cuisine, dépôts des chèques et espèces en banque une fois par semaine, fermeture du poste à 23 heures 30 ; ce témoin précise que les chambres pouvaient être louées pour l'après-midi et qu'il était dérangé deux à trois fois par nuit ; il décrit sa journée de travail mais non celle d'[W] [S].
L'employeur produit le tableau d'occupation de l'hôtel dont il résulte la présence de :
* sept clients la nuit du 1er décembre 2010,
* neuf clients la nuit du 2 décembre 2010,
* six clients la nuit du 3 décembre 2010,
* trois clients la nuit du 4 décembre 2010,
* un client la nuit du 5 décembre 2010,
* aucun client la nuit du 6 décembre 2010,
* six clients la nuit du 7 décembre 2010,
* deux clients la nuit du 8 décembre 2010,
* aucun client la nuit du 9 décembre 2010,
* deux clients la nuit du 10 décembre 2010,
* un client la nuit du 11 décembre 2010,
* aucun client la nuit du 12 décembre 2010,
* un client la nuit du 13 décembre 2010,
* trois clients la nuit du 14 décembre 2010,
* un client la nuit du 15 décembre 2010,
* cinq clients la nuit du 16 décembre 2010,
* quatre clients la nuit du 17 décembre 2010,
* neuf clients la nuit du 18 décembre 2010,
* six clients la nuit du 19 décembre 2010,
* un client la nuit du 20 décembre 2010.
La plaquette publicitaire de l'hôtel indiquait que le petit déjeuner était servi entre 7 heures et 9 heures, que les arrivées des clients étaient prévues entre 17 heures 30 et 21 heures 30 et leur départ entre 7 heures et 9 heures.
De la confrontation de ces éléments, la Cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'instruction laquelle n'est pas sollicitée, qu'[W] [S] n'a pas accompli d'heures supplémentaires.
En conséquence, [W] [S] doit être débouté de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de l'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour violation de la législation relative à la durée du travail.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur la remise des documents :
Le certificat de travail mentionne que la S.A.R.L. AYOUB a employé [W] [S] en qualité de gérant débutant du 13 septembre 2011 au 10 novembre 2011 et que son contrat de travail avait été repris lors de l'acquisition du fonds de commerce de l'E.U.R.L. BOUZOBRA dans laquelle il avait été employé du 1er décembre 2010 au 12 septembre 2011.
Aucune erreur n'affecte ce certificat.
En conséquence, [W] [S] doit être débouté de sa demande nouvelle de remise, sous astreinte, d'un certificat de travail rectifié en ce qui concerne la date d'embauche.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
[W] [S] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,
Statuant à nouveau,
Déboute [W] [S] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de l'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour violation de la législation relative à la durée du travail,
Condamne [W] [S] aux dépens de première instance,
Ajoutant,
Déboute [W] [S] de sa demande nouvelle de remise, sous astreinte, d'un certificat de travail rectifié en ce qui concerne la date d'embauche,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
Condamne [W] [S] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président
Ouarda BELAHCENENicole BURKEL