R.G : 11/05150
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 21 juin 2011
4ème chambre
RG : 10/01045
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 Novembre 2012
APPELANTE :
SA PACIFICA
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL PINET BARTHELEMY OHMER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
[K] [N]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 12] (RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
assisté de Maître Matthieu ALLARD, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/019321 du 10/11/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
[O] [N], exerçant sous l'enseigne CARROSSERIE DE CHAPONOST
[Adresse 2]
[Localité 6]
citée à domicile par acte de la SCP DODET - JOO-BELDON - FAYSSE, huissiers de justice associés à [Localité 12] (Rhône), en date du 7 octobre 2011
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Date de clôture de l'instruction : 13 Mars 2012
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Septembre 2012
Date de mise à disposition : 22 novembre 2012, prorogée au 29 novembre 2012, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du code de procédure
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le 3 novembre 2008, Monsieur [V] [W] déposait plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 11] (69) pour le vol de son véhicule GOLF R32 immatriculé [Immatriculation 3] survenu le 2 novembre 2008.
Il expliquait que son véhicule avait été dérobé alors qu'il était en possession de la 'Carrosserie CHAPONOST' chargé de le récupérer après une intervention effectuée chez un concessionnaire VOLKSWAGEN.
Monsieur [K] [N] souscrivait une attestation le 2 décembre 2008 aux termes de laquelle il déclarait que, le dimanche matin 2 novembre 2008, voulant faire essayer le véhicule à un tiers, il se l'était fait dérober par quatre individus qui l'avait braqué au moment où il sortait du garage.
Il précisait avoir l'autorisation de Monsieur [W] pour rouler avec son véhicule et n'être pas assuré contre le vol.
La SA PACIFICA a indemnisé Monsieur [W], son assuré.
Subrogée dans ses droits, elle a assigné Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N], exerçant sous l'enseigne 'CARROSSERIE de CHAPONOST' afin d'obtenir leurs condamnations solidaires à lui payer le montant de l'indemnité versée à son assuré à raison:
- pour Monsieur [K] [N] de la faute commise en utilisant à des fins personnelles le véhicule de Monsieur [W],
- pour Madame [O] [N] de la faute commise dans la garde du véhicule qui lui avait été confié.
Par jugement en date du 21 juin 2011, retenant qu'en l'absence de contestation par la compagnie PACIFICA de l'existence du vol du véhicule sous la menace par quatre individus alors que Monsieur [N] le conduisait avec l'autorisation de son propriétaire, ces circonstances constitutives de la force majeure étant de nature à exonérer Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] de toute responsabilité, le tribunal de grande instance de LYON, 4ème chambre, a débouté la SA PACIFICA de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur [K] [N] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Appel de ce jugement a été interjeté le 19 juillet 2011 par la SA PACIFICA.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 octobre 2011, la SA PACIFICA, au visa des articles 1249 et suivants, 1382 et 1384, 1915, 1927 et 1930 du Code Civil, L 121-12 du code des assurances du code excipant d'une part d'une utilisation fautive par Monsieur [K] [N] du véhicule qui lui avait été confié, d'autre part de la faute commise par Madame [O] [N] pour avoir laissé son salarié utiliser le véhicule d'un client à des fins personnelles, à tout le moins de sa responsabilité en tant que commettant du fait de son préposé demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de:
- dire que la SA PACIFICA est régulièrement subrogée dans les droits et actions de Monsieur [W] à l'encontre de Monsieur [K] [N],
- dire que Monsieur [K] [N] a commis une faute en utilisant à des fins personnelles le véhicule de Monsieur [W],
- dire que Madame [O] [N] a commis une faute en laissant son préposé [K] [N] utiliser à des fins personnelles le véhicule de Monsieur [W] alors que le véhicule avait été confié aux fins de réparation à la Carrosserie de Chaponost,
et en conséquence,
- condamner solidairement, ou qui d'entre-eux mieux le devra Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] exerçant sous l'enseigne 'Carrosserie de CHAPONOST' à payer à la SA PACIFICA la somme de 20780 euros, outre intérêts depuis le 24 février 2009,
- condamner les mêmes à payer à la SA PACIFICA la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoué.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 décembre 2011, Monsieur [K] [N], plaidant qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de dépôt du véhicule de Monsieur [W] et qu'il est dépourvu, du fait du caractère de force majeure du vol avec violence du véhicule appartenant à Monsieur [W], de toute responsabilité dans la perte de la chose déposée, demande à la Cour de:
- confirmer le jugement déféré et y ajoutant de condamner la SA PACIFICA à payer à Monsieur [K] [N] la somme de 800 euros correspondant aux versements opérés sans cause,
- à titre subsidiaire de dire que la créance de la SA PACIFICA ne peut excéder 21 500 euros, somme réglée à Monsieur [W], réduire la dette à de plus justes proportions eu égard aux règlements déjà effectués et accorder à Monsieur [K] [N], débiteur de bonne foi, la faculté de se libérer par 23 versements mensuels de 100 euros et un 24 ème versement correspondant au solde restant dû,
et en toute hypothèse de condamner la SA PACIFICA à payer à Monsieur [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BAUFUME SOURBE avoué.
Régulièrement assignée à domicile le 7 octobre 2011, Madame [O] [N] n'a pas comparu.
Les dernières conclusions de la SA PACIFICA lui ont été signifiées le 24 octobre 2011 et celles de Monsieur [K] [N] le 23 décembre 2011.
La clôture de l'instruction est intervenue le 13 mars 2012.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nature de l'arrêt
Assignée à domicile, Madame [O] [N] n'a pas comparu: il est statué par arrêt de défaut en application de l'article 473 du code de procédure civile.
Sur les obligations de Monsieur [K] [N]
Les parties s'accordent sur le fait qu'au moment où le véhicule lui a été dérobé, Monsieur [K] [N] le détenait dans le cadre d'un contrat de dépôt passé avec Monsieur [W].
Aux termes de l'article 1930 du code civil, 'le déposant ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du déposant.'
Comme objecte la SA PACIFICA et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne résulte pas des déclarations de Monsieur [W] lors de son dépôt de plainte qu'il avait autorisé Monsieur [N] à utiliser de façon générale son véhicule, mais seulement que ce dernier avait le droit de conduire le véhicule litigieux après l'avoir récupéré chez le concessionnaire chargé de le réparer afin de le ramener à son garage où lui-même devait en reprendre possession.
Vainement Monsieur [N] soulève-t-il qu'en ne venant pas récupérer son véhicule le soir même, Monsieur [W] savait qu'il allait l'utiliser de sorte que la permission du propriétaire du véhicule doit être présumée, cette affirmation étant purement hypothétique, la circonstance supplémentaire qu'ils entretenaient de bons rapports et qu'une relation de confiance s'était établie entre eux, n'étant pas démontrée pour ne résulter que des seules déclarations de Monsieur [N] mais aucunement de celles de Monsieur [W].
Monsieur [N] plaide ensuite que le vol dont il a été victime, constituant un cas de force majeure doit l'exonérer de toute responsabilité.
Aux termes de l'article 1929 du code civil, 'le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée'.
En l'espèce, comme le soutient PACIFICA, c'est bien l'utilisation sans autorisation du véhicule pour le faire essayer à un ami qui a permis la commission du vol avec violences dont a été victime Monsieur [N], puisque celui-ci indique dans ses écritures qu'il a eu lieu le dimanche matin 2 novembre, alors qu'il venait de le sortir du garage et qu'il était à l'arrêt sur la voie publique, après avoir précisé dans son attestation versée aux débats par PACIFICA que la clef était sur le contact et qu'ils allaient partir.
Ce vol n'étant pas extérieur à Monsieur [N] dès lors que c'est sa faute qui en a permis la commission, il ne saurait être qualifié de force majeure et l'exonérer de sa responsabilité.
Le jugement déféré est réformé sur ce point.
Sur la responsabilité de Madame [O] [N]
Soeur de Monsieur [K] [N], elle était aussi son employeur.
Contrairement à ce qu'évoque la SA PACIFICA, sa responsabilité ne saurait être recherchée sur le fondement des dispositions de l'article 1384 du code civil dès lors que son obligation de ne pas laisser utiliser le véhicule par son salarié trouve son origine dans le contrat de dépôt noué avec elle par Monsieur [W], par l'intermédiaire de son salarié.
N'ayant pas satisfait à son obligation née du contrat de dépôt en laissant son salarié utiliser le véhicule confié à des fins personnelles, elle doit réparation du préjudice qui en est résulté.
Sur les sommes dues
La société PACIFICA justifie avoir versé une indemnité de 21 500 euros à son assuré et il n'est pas soutenu que son montant ne correspondrait pas à la valeur du véhicule.
Elle est fondée, par application des dispositions de l'article L 121-12 du code des assurances à en obtenir le paiement des tiers qui par leur fait ont causé le dommage.
Elle ne peut en revanche, sous couvert de déduction des frais de recouvrement amiable qu'elle a engagés des sommes déjà versées par Monsieur [K] [N], prétendre à une somme supplémentaire.
Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] exerçant sous l'enseigne Carrosserie de CHAPONOST sont condamnés in solidum à payer à la SA PACIFICA la somme de 21 500 euros en deniers ou quittances, outre intérêts au taux légal à compter du 24 février 2009, date de règlement de l'indemnité à son assuré.
Sur l'octroi de délais
Aux termes de l'article 1244-1 du Code Civil, 'compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années reporter ou échelonner le paiement des sommes dues'.
En l'espèce, Monsieur [K] [N], marié et père de deux enfants mineurs justifie qu'il percevait jusqu'en novembre 2011 une allocation de retour à l'emploi d'un montant mensuel d'environ 850 euros.
La modicité de ses ressources rend illusoire l'octroi d'un délai limité à deux ans qui ne saurait lui permettre d'apurer sa dette.
Sa demande à ce titre est rejetée.
Sur les frais irrépétibles
L'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions.
Sur les dépens
Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] qui succombent les supportent.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt de défaut,
Déboutant les parties de leurs plus amples demandes,
Vu les articles 1929 et 1930 du Code Civil,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Dit que Monsieur [K] [N] en utilisant sans autorisation et à des fins personnelles le véhicule déposé par Monsieur [W] dans le cadre du contrat de dépôt le liant à son employeur, Madame [O] [N] exerçant sous l'enseigne Carrosserie de CHAPONOST et Madame [O] [N] en laissant son salarié utiliser le véhicule déposé à des fins personnelles ont commis une faute dont ils doivent réparation des conséquences dommageables,
Condamne in solidum Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] exerçant sous l'enseigne Carrosserie de CHAPONOST à payer à la SA PACIFICA, subrogée dans les droits de son assuré Monsieur [V] [W] la somme de VINGT ET UN MILLE CINQ CENTS EUROS (21 500 euros) en deniers ou quittances, outre intérêts au taux légal à compter du 24 février 2009, date de règlement de cette indemnité à l'assuré,
Condamne in solidum Monsieur [K] [N] et Madame [O] [N] exerçant sous l'enseigne Carrosserie de CHAPONOST aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers, au profit des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET