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27/09/2012 | FRANCE | N°10/09166

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 septembre 2012, 10/09166


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/09166





[F]



C/

SAS KORUS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Décembre 2010

RG : F 08/02630









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2012









APPELANTE :



[E] [F]

née en à

[Adresse 1]

[Localité 3]



compa

rant en personne, assistée l'audience de Me Pierre LAMY de la SELARL CABINET PIERRE LAMY DE SAINT JULIEN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SAS KORUS

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée à l'audience par Me Sébastien ARDILLIER de la SCP FROMONT BRIENS, av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/09166

[F]

C/

SAS KORUS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Décembre 2010

RG : F 08/02630

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2012

APPELANTE :

[E] [F]

née en à

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée l'audience de Me Pierre LAMY de la SELARL CABINET PIERRE LAMY DE SAINT JULIEN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS KORUS

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée à l'audience par Me Sébastien ARDILLIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 17 février 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Françoise CARRIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Septembre 2012, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Marie BRUNEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS :

La S.A.S. AD HOC SERVICE MT créée en 1997 par [W] [T] et basée au [Adresse 2]) avait pour activité les opérations de maintenance pour le compte de chaînes de magasins dans toute la France ;

Elle disposait notamment d'un centre d'appels à Lyon ;

En juillet 2005, elle embauchait par un contrat verbal à durée indéterminée et à temps partiel [E] [F], conjointe de [W] [T], en tant que directrice du service clients avec le statut de cadre selon la convention collective nationale des bureaux d'études techniques;

La salariée devenait membre du comité exécutif ;

Dans les premiers mois de 2006 s'engageaient des pourparlers de reprise du fonds de commerce de la S.A.S. AD HOC SERVICE MT par la S.A.S. DASA KORUS, implantée à [Localité 5] (Isère) et dirigée par [V] [B] ;

Par un contrat écrit à durée indéterminée signé le 28 avril 2006 par [W] [T] et ayant pris effet le 1er juin suivant, la S.A.S. AD HOC SERVICE MT engageait [E] [F] en tant que responsable des opérations avec le statut de cadre ;

Il était convenu les dispositions suivantes :

- rémunération fixe de 4.000 € par mois pour 121,33 heures de travail (28 heures hebdomadaires), (article 4.1),

- rémunération variable à compter du 1er janvier 2007 sous la forme d'une commission de 3% du résultat net, (article 4.2),

- 10 semaines de congés payés annuels (article 8),

- 6 mois de préavis en cas de licenciement, sauf faute grave ou lourde (article 2)

- indemnité spéciale de rupture, sauf faute lourde, égale à une année de salaire brut et nette de CSG et RDS (article 14) ;

La S.A.S. AD HOC SERVICE MT et son fonds de commerce passaient sous le contrôle de la S.A.S. DASA KORUS le 1er janvier 2007 ;

Au dernier trimestre de 2007, [W] [T] proposait à [V] [B] d'étendre les attributions de [E] [F] au secteur 'petits travaux' et d'augmenter sa rémunération;

[V] [B] refusait ce changement en objectant que les petits travaux relevaient davantage d'un commercial ;

Les relations entre [W] [T] et [E] [F] d'une part, les dirigeants de la S.A.S. DASA KORUS de l'autre, se détérioraient tout au long de l'année 2007 et des premiers mois de 2008 ;

Les résultats de la société devenaient déficitaires de 243.000 € au titre du compte d'exploitation de l'année 2007 ;

[W] [T] était licencié au cours du premier trimestre de 2008 ;

En mars 2008, la S.A.S. DASA KORUS faisait pratiquer un audit de la S.A.S. AD HOC SERVICE MT ;

[E] [F] était entendue le 18 de ce mois ;

À compter du 31 mars 2008, elle se trouvait en arrêt maladie ;

Le 23 avril 2008, le rapport d'audit était remis à la S.A.S. DASA KORUS ; il soulignait notamment le manque d'implication de [E] [F] ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 juin 2008, la S.A.S. DASA KORUS convoquait [E] [F] à un entretien préalable au licenciement fixé au 1er juillet 2008;

Par lettre recommandée avec avis de réception du lendemain, la S.A.S. DASA KORUS notifiait à [E] [F] une mise à pied conservatoire ;

L'entretien avait lieu le jour prévu, la salariée ne se faisant pas assister ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 juillet 2008, la S.A.S. DASA KORUS licenciait [E] [F] pour faute lourde dans les termes suivants :

« Vous avez été embauchée en qualité de responsable des opérations de la société AD 'HOC pour participer, dès 2005, au développement commercial de cette entreprise, qui était d'ailleurs détenue par votre conjoint.

En janvier 2007, suite au rachat du fonds de commerce de la société AD'HOC par notre entreprise, votre contrat de travail était transféré auprès de la société DASA KORUS, au sein de laquelle vous deviez continuer à mener à bien les missions qui étaient les vôtres.

Conscient de la dégradation de la situation économique de AD'HOC, le Président Directeur Général, Monsieur [V] [B], a sollicité un rapport d'audit, qui lui a été remis le 23 avril 2008 afin de comprendre les causes de ces difficultés.

Or, le contenu de ce document révèle notamment qu'à la suite du transfert de votre contrat de travail au sein de la société KORUS, vous avez fait preuve d'un comportement inadmissible et contraire à la loyauté à attendre d'un cadre de votre niveau.

En effet, alors que vous étiez toujours en charge du développement commercial de AD'HOC, je constate que vous avez délibérément cessé d'assumer vos fonctions et notamment le développement commercial de la société, laissant ainsi la situation économique de AD'HOC se détériorer.

Ce défaut de diligence à accomplir les tâches et responsabilités qui sont les vôtres s'est traduit par une baisse catastrophique du nombre de clients qui est passé de 30 lors de la reprise en janvier 2007 à moins de 20 près d'une année plus tard.

Le résultat d'exploitation de AD'HOC que vous nous aviez présenté comme étant pratiquement à l'équilibre en 2006 s'est effondré à -243 K€ en 2007.

Bien consciente des conséquences de votre inertie, vous avez d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'audit que vous en aviez 'ras le bol de courir dans toute la France et en plus de faire de l'administratif' et n'avez bien évidemment proposé aucune solution pour remédier à la situation.

Il est également déplorable de constater que non satisfaite de ne plus assumer vos fonctions de prospection commerciale, vous avez totalement délaissé le suivi de clients tels que FAÇONNABLE, MALIN PLAISIR ou BUFFALO GRILL et MADE IN SPORT malgré leurs sollicitations et leurs relances, relayées par vos propres collaborateurs.

Cette situation s'est également accompagnée par un manque de management ressenti par certains de vos collaborateurs se plaignant notamment de l'absence de suivi des dossiers et de remontée d'informations de votre part.

Cette situation et ce comportement de votre part sont d'autant plus inadmissibles que vous disposiez de l'ensemble des moyens matériels et humains vous permettant de pouvoir réaliser la mission qui est la vôtre.

Lorsque Monsieur [B] a également pris soin de vous rencontrer afin d'aborder votre activité, vous lui avez toujours dissimulé la situation en indiquant assurer normalement vos fonctions.

Par conséquent, alors que vous deviez remplir vos fonctions de manière loyale et satisfaisante, vous avez donc délibérément violé les obligations qui découlent de votre contrat de travail.

Nous considérons donc que ces faits, qui vous sont directement imputables, traduisent clairement une intention délibérée et malveillante de votre part vis-à-vis de la société KORUS.

En effet ce changement d'attitude de votre part est intervenu à la suite de la cession du fonds de commerce de la société AD'HOC détenue par votre mari, Monsieur [T].

Il apparaît en réalité que si vous avez su mener à bien vos missions avant la vente du fonds de commerce, qui s'est d'ailleurs réalisée sur la base de vos résultats commerciaux et du volume de clientèle, vous avez volontairement choisi de ne plus remplir vos fonctions avec loyauté à partir du moment où la vente a été conclue par votre mari.

Plutôt que d'accompagner les repreneurs, vous avez au contraire choisi de cesser toute action commerciale alors que vous saviez pertinemment que le développement de la clientèle ne reposait que sur vous puisque vous étiez la seule à tenir ces fonctions.

Ce comportement intentionnel de votre part révèle aussi une volonté malveillante vis-à-vis de la société et de ses dirigeants visant à nuire à leur réussite, comme le démontre votre attitude critique vis-à-vis de la direction.

Vos n'avez eu de cesse que de contester la politique mise en place au sein de l'entreprise comme l'illustrent vos courriers répétés qui n'ont pour objectif que de faire état de contrevérités destinées à contester les orientations décidées par la nouvelle direction et à vous poser en victime.

Votre attitude inadmissible, procédant de la malveillance vis-à-vis de notre société, est constitutive d'une faute lourde très préjudiciable, tant en termes financiers qu'en terme d'image de marque.' ;

PROCÉDURE :

Contestant le licenciement, [E] [F] saisissait le conseil de prud'hommes de Lyon le 21 juillet 2008 en condamnation de la S.A.S. DASA KORUS à lui payer les sommes suivantes :

- 9.555 € à titre de rappel de salaires 'petits travaux',

- 1.911 € au titre des congés payés y afférents,

- 764 € au titre de l'augmentation générale de salaire de 2%,

- 152,80 € au titre des congés payés y afférents,

- 17.195,11 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 146.880 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 36.720 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 7.344 € au titre des congés payés y afférents,

- 5.834,40 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 64.113,22 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture,

- 143,22 € au titre des frais professionnels de mars et avril 2008,

- 5.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle soulevait la prescription des faits à l'origine du licenciement pour dépassement du délai de deux mois ;

Comparaissant, la S.A.S. DASA KORUS concluait au débouté total de [E] [F] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;j

Par jugement contradictoire du 16 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de Lyon, section de l'encadrement, disait les faits non prescrits et le licenciement fondé sur une faute lourde, et déboutait [E] [F] de toutes ses demandes et la S.A.S. DASA KORUS de la sienne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

[E] [F] en interjetait appel le 23 décembre 2010 ;

Reprenant ses moyens de première instance, elle conclut à la condamnation de la S.A.S. DASA KORUS à lui payer les sommes suivantes :

- 9.555 € à titre de rappel de salaires 'petits travaux',

- 1.911 € au titre des congés payés y afférents,

- 764 € au titre de l'augmentation générale de salaire de 2%,

- 152,80 € au titre des congés payés y afférents,

- 17.195,11 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 146.880 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 36.720 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 7.344 € au titre des congés payés y afférents,

- 5.834,40 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 64.113,22 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture,

- 431,82 € au titre des frais professionnels de mars et avril 2008,

- 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La S.A.S. DASA KORUS conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de [E] [F] à lui payer une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; elle soutient d'une part que le contrat de travail du 28 avril 2006 a été conclu en fraude à ses droits, ce qui le rend sans effet, d'autre part que la faute lourde de la salariée est avérée ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaires 'petits travaux' et les congés payés y afférents

Attendu que [E] [F] était en dernier lieu responsable des opérations avec le statut de cadre ;

Attendu qu'au dernier trimestre de 2007, [W] [T], dirigeant de la société AD'HOC jusqu'à la prise de contrôle de celle-ci, proposait à [V] [B], dirigeant de la S.A.S. DASA KORUS, d'étendre les attributions de sa conjointe [E] [F] au secteur 'petits travaux' et d'augmenter sa rémunération ;

Attendu que [V] [B] refusait ce changement en objectant que les petits travaux relevaient davantage d'un commercial ;

Attendu que du fait du rachat du fonds et de la prise de contrôle de la société AD'HOC par la S.A.S. DASA KORUS [W] [T] n'était plus dirigeant statutaire mais salarié de cette dernière ;

Attendu qu'il n'avait pas reçu du repreneur une délégation de pouvoirs en matières administrative et financière ;

Attendu qu'il ne pouvait ainsi consentir aucune augmentation salariale à [E] [F], ce qui rend cette dernière mal fondée en sa demande ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;

Sur le rappel de salaires au titre de l'augmentation générale de 2%

Attendu que [E] [F] ne présente aucun élément probant au soutien de sa demande, son mail du 22 mars 2008 adressé à des collaborateurs ne pouvant constituer un titre à elle-même ;

Attendu que la décision des premiers juges, qui ont rejeté la demande, doit être confirmée ;

Sur le salaire brut mensuel moyen

Attendu qu'il ressort des fiches de paie et du tableau des salaires de la S.A.S. DASA KORUS que [E] [F] percevait au moment du licenciement un salaire brut mensuel de 4.484 € ;

Attendu que la cour retiendra cette somme ;

Sur la fraude aux droits de la S.A.S. DASA KORUS

Attendu que la S.A.S. AD HOC SERVICE MT embauchait en juillet 2005 par un contrat verbal à durée indéterminée et à temps partiel [E] [F], conjointe de [W] [T], en tant que directrice du service clients avec le statut de cadre selon la convention collective nationale des bureaux d'études techniques ;

Attendu que dans les premiers mois de 2006 s'engageaient des pourparlers de reprise du fonds de commerce de la S.A.S. AD HOC SERVICE MT par la S.A.S. DASA KORUS, implantée à [Localité 5] (Isère) et dirigée par [V] [B] ;

Attendu que par un contrat écrit à durée indéterminée signé le 28 avril 2006 par [W] [T] et ayant pris effet le 1er juin suivant, la S.A.S. AD HOC SERVICE MT engageait [E] [F] en tant que responsable des opérations avec le statut de cadre ;

Attendu qu' il était convenu les dispositions suivantes :

- rémunération fixe de 4.000 € par mois pour 121,33 heures de travail (28 heures hebdomadaires), (article 4.1),

- rémunération variable à compter du 1er janvier 2007 sous la forme d'une commission de 3% du résultat net, (article 4.2),

- 10 semaines de congés payés annuels (article 8),

- 6 mois de préavis en cas de licenciement, sauf faute grave ou lourde (article 2)

- indemnité spéciale de rupture, sauf faute lourde, égale à une année de salaire brut et nette de CSG et RDS (article 14) et se cumulant avec l'indemnité conventionnelle de licenciement;

Attendu que la conclusion de ce contrat, dont les signataires étaient les conjoints [T] - [F], intervenait au cours des négociations avec la S.A.S. DASA KORUS ;

Attendu que ni la situation de la S.A.S. AD HOC SERVICE MT ni les qualités de [E] [F] ne justifiaient le brusque octroi de tels avantages ;

Attendu que la S.A.S. AD HOC SERVICE MT et son fonds de commerce passaient sous le contrôle de la S.A.S. DASA KORUS quelques mois plus tard le 1er janvier 2007 ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que le contrat de travail du 28 avril 2006 était conclu en fraude aux droits de la S.A.S. DASA KORUS ;

Attendu qu'il convient ainsi de retenir le moyen et d'en tirer les conséquences ;

Sur la prescription des faits à l'origine du licenciement

Attendu que selon l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Attendu que ce délai ne court que lorsque l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à la salariée ;

Attendu que la S.A.S. DASA KORUS commandait en mars 2008 un audit sur le fonctionnement de l'ancienne S.A.S. AD HOC SERVICE MT ;

Attendu que le rapport était remis à son PDG [V] [B], le 23 avril 2008 ;

Attendu que l'employeur avait une connaissance précise de la situation à cette dernière date ;

Attendu qu'il engageait la procédure de licenciement le 18 juin 2008, moins de deux mois plus tard ;

Attendu que la prescription ne peut dès lors être retenue ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;

Sur le licenciement

Attendu que la faute grave ou lourde visée par les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable à la salariée qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, qu'elle soit légale, conventionnelle ou contractuelle ; que le faute lourde implique en outre l'intention de la salariée de nuire à l'employeur ;

Attendu que la preuve de la faute grave ou lourde incombe à l'employeur ;

Attendu que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, contient les motifs suivants :

« Vous avez été embauchée en qualité de responsable des opérations de la société AD 'HOC pour participer, dès 2005, au développement commercial de cette entreprise, qui était d'ailleurs détenue par votre conjoint.

En janvier 2007, suite au rachat du fonds de commerce de la société AD'HOC par notre entreprise, votre contrat de travail était transféré auprès de la société DASA KORUS, au sein de laquelle vous deviez continuer à mener à bien les missions qui étaient les vôtres.

Conscient de la dégradation de la situation économique de AD'HOC, le Président Directeur Général, Monsieur [V] [B], a sollicité un rapport d'audit, qui lui a été remis le 23 avril 2008 afin de comprendre les causes de ces difficultés.

Or, le contenu de ce document révèle notamment qu'à la suite du transfert de votre contrat de travail au sein de la société KORUS, vous avez fait preuve d'un comportement inadmissible et contraire à la loyauté à attendre d'un cadre de votre niveau.

En effet, alors que vous étiez toujours en charge du développement commercial de AD'HOC, je constate que vous avez délibérément cessé d'assumer vos fonctions et notamment le développement commercial de la société, laissant ainsi la situation économique de AD'HOC se détériorer.

Ce défaut de diligence à accomplir les tâches et responsabilités qui sont les vôtres s'est traduit par une baisse catastrophique du nombre de clients qui est passé de 30 lors de la reprise en janvier 2007 à moins de 20 près d'une année plus tard.

Le résultat d'exploitation de AD'HOC que vous nous aviez présenté comme étant pratiquement à l'équilibre en 2006 s'est effondré à -243 K€ en 2007.

Bien consciente des conséquences de votre inertie, vous avez d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'audit que vous en aviez 'ras le bol de courir dans toute la France et en plus de faire de l'administratif' et n'avez bien évidemment proposé aucune solution pour remédier à la situation.

Il est également déplorable de constater que non satisfaite de ne plus assumer vos fonctions de prospection commerciale, vous avez totalement délaissé le suivi de clients tels que FAÇONNABLE, MALIN PLAISIR ou BUFFALO GRILL et MADE IN SPORT malgré leurs sollicitations et leurs relances, relayées par vos propres collaborateurs.

Cette situation s'est également accompagnée par un manque de management ressenti par certains de vos collaborateurs se plaignant notamment de l'absence de suivi des dossiers et de remontée d'informations de votre part.

Cette situation et ce comportement de votre part sont d'autant plus inadmissibles que vous disposiez de l'ensemble des moyens matériels et humains vous permettant de pouvoir réaliser la mission qui est la vôtre.

Lorsque Monsieur [B] a également pris soin de vous rencontrer afin d'aborder votre activité, vous lui avez toujours dissimulé la situation en indiquant assurer normalement vos fonctions.

Par conséquent, alors que vous deviez remplir vos fonctions de manière loyale et satisfaisante, vous avez donc délibérément violé les obligations qui découlent de votre contrat de travail.

Nous considérons donc que ces faits, qui vous sont directement imputables, traduisent clairement une intention délibérée et malveillante de votre part vis-à-vis de la société KORUS.

En effet ce changement d'attitude de votre part est intervenu à la suite de la cession du fonds de commerce de la société AD'HOC détenue par votre mari, Monsieur [T].

Il apparaît en réalité que si vous avez su mener à bien vos missions avant la vente du fonds de commerce, qui s'est d'ailleurs réalisée sur la base de vos résultats commerciaux et du volume de clientèle, vous avez volontairement choisi de ne plus remplir vos fonctions avec loyauté à partir du moment où la vente a été conclue par votre mari.

Plutôt que d'accompagner les repreneurs, vous avez au contraire choisi de cesser toute action commerciale alors que vous saviez pertinemment que le développement de la clientèle ne reposait que sur vous puisque vous étiez la seule à tenir ces fonctions.

Ce comportement intentionnel de votre part révèle aussi une volonté malveillante vis-à-vis de la société et de ses dirigeants visant à nuire à leur réussite, comme le démontre votre attitude critique vis-à-vis de la direction.

Vos n'avez eu de cesse que de contester la politique mise en place au sein de l'entreprise comme l'illustrent vos courriers répétés qui n'ont pour objectif que de faire état de contrevérités destinées à contester les orientations décidées par la nouvelle direction et à vous poser en victime.

Votre attitude inadmissible, procédant de la malveillance vis-à-vis de notre société, est constitutive d'une faute lourde très préjudiciable, tant en termes financiers qu'en terme d'image de marque.' ;

Attendu que [E] [F] était responsable des opérations et cadre de haut niveau ;

Attendu que l'action de terrain de l'ancienne S.A.S. AD HOC SERVICE MT lui incombait ;

Attendu qu'il ressort tant des documents comptables que des courriers et courriels échangés que la situation de cette entité s'est considérablement dégradée en 2007 après qu'elle fut acquise par la S.A.S. DASA KORUS ;

Attendu que son résultat d'exploitation, qui était bénéficiaire en 2006, a accusé un déficit de 243.000 € en 2007 ;

Attendu que selon le rapport de l'audit pratiqué en mars et avril 2008 [E] [F] a montré un important manque d'implication à partir de l'année 2007 et laissé péricliter la structure ;

Attendu que la faute de la salariée est ainsi avérée ;

Attendu que celle-ci se commettait toutefois dans un climat très difficile après la prise de contrôle de la S.A.S. AD HOC SERVICE MT par la S.A.S. DASA KORUS, laquelle était intervenue après d'âpres négociations auxquelles elle avait participé en même temps que son conjoint [W] [T] ;

Attendu que ce dernier était licencié au cours du premier semestre de l'année 2008;

Attendu que la tension atteignait son paroxysme au printemps et au début de l'été 2008 ;

Attendu que la cour considère au vu de l'ensemble de ces éléments, qui résultent des nombreuses pièces versées aux débats, que le licenciement de [E] [F] se justifiait sans dispenser la S.A.S. DASA KORUS d'observer le délai-congé ;

Attendu que le licenciement repose ainsi sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

Attendu qu'en l'absence d'une faute grave ou lourde la salariée est fondée en sa demande ;

Attendu qu'en raison de la fraude retenue ci-dessus [E] [F] ne saurait prétendre au préavis contractuel de six mois mais à celui conventionnel de trois mois selon l'article 15 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques ;

Attendu que sur la base d'un salaire brut mensuel de 4.484 € l'indemnité s'élève à 13.452 €, somme à laquelle s'ajoutent les congés payés de 10% et non 20% comme demandé sans motif, soit la somme de 1.345,20 € ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Attendu qu'en l'absence d'une faute grave ou lourde la salariée est fondée en sa demande ;

Attendu que selon l'article 19 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques l'indemnité est égale à 1/3 du salaire brut mensuel par année d'ancienneté ;

Attendu que [E] [F] engagée le 1er juillet 2005 comptait le 11 octobre 2008, à l'expiration du délai-congé, une ancienneté de 3 ans et 3 mois ;

Attendu que sur la base d'un salaire brut mensuel de 4.484 € l'indemnité se calcule comme suit :

4.484 € / 3 X 3,25 = 4.857,67 € ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Attendu qu'en l'absence d'une faute lourde la salariée est fondée en sa demande ;

Attendu qu'en présence de la fraude retenue [E] [F] ne peut prétendre à 10 semaines de congés payés mais à ses droits légaux ;

Attendu que selon l'article L. 3141-22 du code du travail le congé annuel prévu par l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ;

Attendu que sur la base d'un salaire brut mensuel de 4.484 € l'indemnité se calcule comme suit :

4.484 € X 12 / 10 = 5.380,80 € ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur l'indemnité spéciale de rupture

Attendu qu'en présence de la fraude retenue [E] [F] est mal fondée en sa demande ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;

Sur le remboursement des frais professionnels

Attendu que [E] [F] est fondée en sa demande au vu des pièces qu'elle présente ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le contrat de travail du 28 avril 2006 a été conclu en fraude aux droits de la S.A.S. DASA KORUS,

Fixe le salaire brut mensuel à 4.484 €,

Dit que le licenciement de [E] [F] ne repose ni sur une faute lourde ni sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la S.A.S. DASA KORUS à payer à [E] [F] les sommes suivantes :

- 5.380,80 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 13.452 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.345,20 € au titre des congés payés y afférents,

- 4.857,67 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 431,82 € au titre des frais professionnels,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Rejette les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel,

Condamne la S.A.S. DASA KORUS aux dépens d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/09166
Date de la décision : 27/09/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/09166 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-27;10.09166 ?
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