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14/05/2012 | FRANCE | N°11/01672

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 mai 2012, 11/01672


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 11/01672





[Y]



C/

SAS TAXICOLIS venant aux droits de la SARL TRANSROUTE SANTE LYON







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Janvier 2010

RG : F07/04024











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 MAI 2012







APPELANTE :



[U] [Y]

née le [Date naissan

ce 1] 1972 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]



comparant en personne, assistée de Me Michel NIEF, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS TAXICOLIS venant aux droits de la SARL TRANSROUTE SANTE LYON

[Adresse 2]

[Adresse 9]

[Localité 3]


...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 11/01672

[Y]

C/

SAS TAXICOLIS venant aux droits de la SARL TRANSROUTE SANTE LYON

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Janvier 2010

RG : F07/04024

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 MAI 2012

APPELANTE :

[U] [Y]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de Me Michel NIEF, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS TAXICOLIS venant aux droits de la SARL TRANSROUTE SANTE LYON

[Adresse 2]

[Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par Me Thierry ROMAND, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE substitué par Me VIANA-BACKOUCHE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2012

Présidée par Didier JOLY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Mai 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

[U] [Y] a été engagée par la S.A.R.L. TAXICOLIS en qualité de chargée d'affaires senior (statut agent de maîtrise, groupe 2, coefficient 157,5) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 13 septembre 2004, soumis à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport. Elle a été affectée à l'agence de Roissy.

Le 27 mars 2006, [U] [Y] s'est portée candidate à un poste d'ingénieur d'affaires santé basé à l'agence de [Localité 7] (Rhône).

La S.A.R.L. TAXICOLIS lui a fait savoir par lettre du 27 juin 2006 qu'elle donnait une suite favorable à sa candidature en vue d'une prise de fonctions le 1er septembre 2006.

Par avenant du 22 août 2006 au contrat de travail, il a été convenu que [U] [Y] exercerait les fonctions d'ingénieur d'affaires santé (statut agent de maîtrise, groupe 8, coefficient 225) pour la zone géographique sud France.

Sa rémunération brute a été fixée ainsi qu'il suit :

un salaire mensuel forfaitaire de 2 700 € puis de 2 800 € après trois mois de fonctions,

un forfait mensuel de 300 € pendant les quatre premiers mois d'activité,

à compter du 1er janvier 2007, une partie variable dont les modalités seraient définies par avenant.

Compte tenu de la nature des fonctions de [U] [Y] et de la liberté qui lui était laissée dans l'organisation de son travail, il a été convenu que cette rémunération était forfaitaire et rémunérait les éventuels dépassements d'horaires.

Par lettre recommandée du 19 octobre 2007, [U] [Y] a fait part à son employeur de sa volonté de trouver un accord à l'amiable pour mettre fin à leur collaboration sans démission de sa part. Elle a rappelé son souhait exprimé à plusieurs reprises de faire partie du 'plan social économique'.

Par lettre recommandée du 30 octobre, la S.A.R.L. TAXICOLIS lui a répondu qu'elle ne pouvait bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi, son poste d'ingénieur d'affaires n'étant pas concerné par une modification du contrat de travail ni supprimé. Elle a annoncé à la salariée qu'elle prenait contact avec le médecin du travail pour examiner avec ce dernier les contours du poste et la charge qu'il impliquait afin de rechercher des solutions pour diminuer le stress de [U] [Y].

[U] [Y] s'est trouvée en congé de maladie du 8 novembre au 21 décembre 2007.

Le 12 novembre 2007, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Elle ne s'est pas présentée le 27 novembre au rendez-vous pris par l'employeur avec le médecin du travail, que la salariée avait déjà rencontré le 8 octobre.

L'audience du bureau de conciliation s'est tenue le 10 décembre 2007.

Par lettre recommandée du 14 décembre 2007, [U] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs que :

elle avait subi une multiplication de ses tâches et une pression en termes de résultat sans obtenir les moyens correspondants,

elle avait un statut d'agent de maîtrise alors que ses collègues masculins bénéficiaient du statut cadre pour les mêmes fonctions,

elle ne parvenait pas à obtenir le paiement de ses heures supplémentaires,

elle n'avait pas obtenu l'avenant qui devait fixer sa rémunération variable, ce dont la société avait profité pour lui allouer une part variable de salaire de manière discrétionnaire et arbitraire.

Le Conseil de prud'hommes a statué sur le dernier état des demandes le 18 janvier 2010.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 22 janvier 2010 par [U] [Y] du jugement rendu le 18 janvier 2010 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section commerce) qui a :

- mis hors de cause la société TRANSROUTE SANTE,

- dit que la demande de [U] [Y] est irrecevable,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 21 février 2012 par [U] [Y] qui demande à la Cour de :

- dire et juger nul et de nul effet le jugement du Conseil de prud'hommes du 18 janvier 2010,

- dire et juger irrecevables les conclusions et pièces de l'intimée tardivement communiquées en appel comme non conformes au respect du principe du contradictoire,

- réformant le jugement entrepris, condamner la société TAXICOLIS à payer à [U] [Y] les sommes suivantes :

heures supplémentaires 15 738,00 €

congés payés correspondants1 573,80 €

indemnité compensatrice de préavis6 522,00 €

congés payés sur préavis652,20 €

indemnité conventionnelle de licenciement 3 097,95 €

dommages-intérêts pour résolution du contrat de travail 32 000,00 €

dommages-intérêts pour travail dissimulé19 500,00 €

dommages-intérêts pour harcèlement 20 000,00 €

article 700 du code de procédure civile 3 500,00 €

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes s'agissant des cinq premiers chefs de demande et de l'arrêt à intervenir concernant les autres chefs ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 21 février 2012 par la société TRANSROUTE SANTE, aux droits de laquelle vient la société TAXICOLIS, qui demande à la Cour de :

- débouter [U] [Y] de sa demande de nullité du jugement entrepris,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société TRANSROUTE SANTE, aux droits de laquelle vient la société TAXICOLIS,

- dire et juger que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission,

- débouter [U] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- à titre reconventionnel, condamner [U] [Y] à verser à la société TAXICOLIS :

la somme de 6 522 € à titre d'indemnité pour non-exécution du préavis,

la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la demande tendant à ce que soient écartées les conclusions et pièces de l'intimée :

Attendu que la tardiveté des conclusions et communications de pièces ne s'apprécie pas par rapport à la date de l'appel, mais au regard de la date des débats ; que les conclusions de la S.A.S. TAXICOLIS sont parvenues au greffe de la Cour le 9 février 2012 ; que [U] [Y] a répliqué par des conclusions récapitulatives n°2 du 20 février 2012, dont la lecture démontre qu'elle a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des éléments transmis par son adversaire ; qu'il n'y a donc lieu d'écarter les conclusions et pièces de la S.A.S. TAXICOLIS ;

Sur le prétendu appel-nullité :

Attendu que l'excès de pouvoir rendant recevables les recours nullité à l'encontre d'une décision de justice ne saurait résulter d'une violation du principe de la contradiction ;

Attendu, ensuite, que [U] [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes de demandes dirigées contre la société TRANSROUTE SANTE qui n'a jamais été son employeur ; qu'elle a déposé devant le bureau de jugement des conclusions tendant à la condamnation de cette société ; qu'il ne résulte pas des notes de l'audience du 21 septembre 2009 qu'elle ait formé des demandes orales contre la S.A.S. TAXICOLIS, intervenant volontaire ;

Que le Conseil de prud'hommes a statué dans les limites des demandes dont il était saisi ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement du 18 janvier 2010 ;

Attendu que si, dans le dispositif de ses conclusions, [U] [Y] présente une demande de dommages-intérêts pour harcèlement, elle sollicite dans les motifs de ses écritures (page 24) réparation du préjudice subi au titre d'une discrimination, du harcèlement, de l'exécution déloyale du contrat de travail, du paiement arbitraire de la partie variable de salaire convenue par l'allocation d'une indemnité unique ;

Sur la discrimination :

Attendu que selon l'article L 3221-2 du code du travail, tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 1132-1 du même code, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison de son sexe ; qu'en application de l'article L 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en l'espèce, [U] [Y] ne communique aucun élément laissant supposer l'existence d'une inégalité de statut et d'une différence de rémunération entre elle-même et ses collègues masculins occupant des fonctions identiques ; qu'elle développe un abondant discours qui ne trouve appui sur aucune pièce de son dossier ; qu'elle démontre qu'elle ne connaît pas le texte de l'article L 1134-1  en faisant grief à la S.A.S. TAXICOLIS de ne pas communiquer les bulletins de paie de [W] [N] pour la période de janvier à novembre 2007, alors qu'elle même ne communique pas ses bulletins de paie (sinon ceux d'août 2007 et janvier 2008) ; qu'elle reproche à l'intimée de ne pas considérer la formation et les diplômes acquis, alors qu'elle est dans l'incapacité de justifier des diplômes et du niveau de formation qu'elle attribue tant à [W] [N] qu'à elle-même ; qu'il est déconcertant de constater qu'elle dit s'être trouvée dans une situation de discrimination comparable à celle de [R] [T], alors que celle-ci a été déboutée par le Conseil de prud'hommes et n'a pas sollicité le rétablissement de son affaire devant la Cour depuis une ordonnance de radiation du 18 octobre 2010 ; que l'échange de courriels du 8 mars 2006 au sujet du salaire de [R] [T] n'autorise aucune généralisation ; qu'il est d'ailleurs antérieur à l'avenant du 22 août 2006 qui a confié à [U] [Y] les fonctions d'ingénieur d'affaires santé ; que, de façon générale, celle-ci se borne à avancer des faits invérifiables ou à tenter d'exploiter les pièces communiquées par son adversaire sans nourrir elle-même le débat ; qu'elle ne se compare pas aux mêmes salariés pour ce qui concerne le statut et la rémunération ; que [U] [Y] étend l'échantillon de comparaison des rémunérations à [X] [Z] et [J] ; qu'en revanche, s'agissant du statut cadre, l'appelante soutient que les éléments de comparaison pertinents sont ceux de [I] [A] et [W] [N], qui seuls exerçaient la même fonction qu'elle, sur le même secteur d'activité, à savoir la santé ; qu'elle exclut donc [X] [Z] et [J], tous deux agents de maîtrise (groupe 8, coefficient 225) ; que l'affirmation de l'appelante, selon laquelle leur statut pouvait être justifié par le fait que ces deux ingénieurs d'affaires intervenaient sur un secteur d'activité (automobile ou industrie) et un secteur géographique différents, et supportaient une charge moindre d'animation d'équipe commerciale est purement gratuite ;

Que la S.A.S. TAXICOLIS explique la différence de statut et de rémunération entre [U] [Y] d'une part et [W] [N] et [I] [A] d'autre part par l'ancienneté dans l'entreprise de [I] [A] (neuf ans et dix mois en décembre 2007) et par l'expérience antérieure de [W] [N] ; que l'article 2 de l'annexe IV de la convention collective nationale des transports routiers retient l'expérience professionnelle comme condition d'accès au statut cadre, au même titre que la formation ; que l'ancienneté peut justifier une différence de rémunération puisque les annexes III et IV de la convention collective applicable instituent des majorations de la rémunération minimale professionnelle garantie en fonction de l'ancienneté ; qu'en décembre 2007, les salaires mensuels bruts de base de [U] [Y], d'[X] [Z] et de [J] étaient respectivement de 2 800 €, 2 750 € et 2 600 € ; que contrairement à la démarche suivie par l'appelante, la comparaison des rémunérations des salariés occupant des fonctions identiques ne peut inclure des primes d'objectifs dont le montant est fonction de performances individuelles ;

Que la S.A.S. TAXICOLIS a démontré que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination salariale ;

Sur le harcèlement :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; 

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en l'espèce, le harcèlement résulterait d'une multiplication des tâches, d'une absence de réponse ou de moyens correspondant aux besoins de la fonction, d'une pression constante, génératrice de difficultés de santé de la salariée, que la S.A.S. TAXICOLIS aurait poussée à démissionner par le biais d'une prise d'acte plutôt que de prononcer son licenciement économique ; que l'appelante communique de très nombreux courriels qui reflètent des échanges normaux au sein d'une entreprise de messagerie dont l'activité, a fortiori s'agissant du transport de produits de santé, implique de répondre dans l'urgence aux demandes des clients ; que le fait que [U] [Y] ait mal vécu les audits effectués par les clients GENZYME et SANOFI PASTEUR n'implique aucune situation de harcèlement ; qu'enfin, l'appelante n'a pas qualité pour substituer son appréciation des compétences de tel ou tel salarié à celle de l'employeur, et en particulier pour remettre en cause les capacités de [B] [E] à pallier le départ de [C] [V] ; qu'enfin, la S.A.S. TAXICOLIS n'a manqué à aucune de ses obligations en n'incluant pas le poste de [U] [Y] dans le champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Que [U] [Y] n'a pas établi de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement ;

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le paiement de la rémunération variable :

Attendu que selon l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;

Qu'en l'espèce, sans attendre la signature de l'avenant qui confiait à [U] [Y] les fonctions d'ingénieur d'affaires santé, le service des ressources humaines de la société TAXICOLIS a transmis le 26 juillet 2006 à la salariée le modèle d'avenant de rémunération des ingénieurs d'affaires pour 2006 afin qu'elle puisse se faire une idée des critères et des montants ; qu'il a ajouté qu'il enverrait à [U] [Y], avant la fin de l'année, son avenant de rémunération pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 ; que l'avenant du 22 août 2006 au contrat de travail vise un avenant relatif à la partie variable de la rémunération ; que par couriel du 5 juin 2007, [U] [Y] a appelé l'attention du service des ressources humaines sur le fait qu'elle n'avait toujours pas d'avenant de rémunération à la fin du premier semestre 2007 ; que l'employeur est demeuré inerte et n'est pas en mesure de justifier devant la Cour son manquement à l'engagement qu'il avait pris de contractualiser les bases de calcul de la rémunération variable de l'appelante ; que cette attitude est d'autant moins compréhensible que des avenants de rémunération avaient été soumis à la salariée les 13 septembre 2004, 27 avril 2005, 1er juin 2005 et 14 mars 2006, avant son changement de fonctions ; que [U] [Y] est donc fondée à demander des dommages-intérêts, sur le fondement de l'article L 1222-1 du code du travail, en réparation d'un préjudice limité à la seule année 2007 ; qu'il y a lieu d'allouer à l'appelante une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur les heures supplémentaires :

Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge forme sa conviction au vu des éléments que l'employeur doit lui fournir pour justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;

Attendu ensuite que la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait ;

Qu'en l'espèce, la S.A.S. TAXICOLIS ne communique aucun élément permettant de connaître le nombre d'heures de travail effectuées par [U] [Y] ; qu'elle se borne à souligner l'absence de demande ou d'accord implicite de sa part à la réalisation d'heures supplémentaires et à relever des incohérences dans les tableaux communiqués par la salariée ; que selon l'article 5 de l'avenant du 22 août 2006 au contrat de travail, la nature des fonctions de l'appelante impliquait de fréquents déplacements que celle-ci s'engageait à assurer, quelles que soient leur durée et leur fréquence, tout refus de déplacement étant susceptible de constituer une faute grave ; qu'en outre, dans un courriel du 22 novembre 2006, [U] [Y] a informé son responsable de ce qu'elle serait à [Localité 6] toute la journée du 29 novembre et à Nantes le 30 novembre ; que la S.A.S. TAXICOLIS ne peut sérieusement contester que les heures supplémentaires résultant des nombreux déplacements prévus au contrat de travail ont été effectuées avec son accord au moins implicite ; que les tableaux de l'appelante sont étayés par de très nombreux titres de transport ; que la Cour retire de la carence de la S.A.S. TAXICOLIS et des éléments communiqués par [U] [Y] la conviction que celle-ci a effectué des heures supplémentaires lui ouvrant droit au paiement d'un rappel de salaire de 15 738 € outre 1 573,80 € au titre des congés payés incidents ;

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

Attendu qu'aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail [L 324-10 (dernier alinéa)], la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre II du titre 1er du livre II de ce code, une dissimulation d'emploi salarié ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

Qu'en l'espèce, [U] [Y] ne caractérise pas l'intention de la S.A.S. TAXICOLIS de dissimuler une partie de ses heures de travail ; qu'en effet, il ne résulte d'aucune pièce que l'employeur ait été informé par la salariée de son temps de travail effectif ; que celle-ci bénéficiait d'une réelle autonomie ; qu'elle ne justifie d'aucune réclamation contemporaine de l'exécution du contrat de travail ;

Qu'en conséquence, elle sera déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Qu'en l'espèce, le non-paiement des heures supplémentaires et l'absence de remise d'un avenant de rémunération variable permettant à [U] [Y] de vérifier le montant de celle-ci justifiaient la prise d'acte qui produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que [U] [Y] qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 20 000 € le montant de l'indemnité due à l'appelante en réparation de son préjudice ;

Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la S.A.S. TAXICOLIS à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [U] [Y] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage ;

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Attendu qu'aux termes de l'article L 1234-5 du code du travail, l'inobservation du délai-congé ouvre droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice égale aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail ; qu'une indemnité compensatrice de 6 522 € sera donc allouée à [U] [Y] outre 652,20 € de congés payés incidents ;

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Attendu que l'indemnité de licenciement prévue par l'article 18 de l'annexe III de la convention collective nationale applicable s'élève à 3 097,95 € ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter les conclusions et pièces de la S.A.S. TAXICOLIS,

Dit qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement rendu le 18 janvier 2010 par le Conseil de prud'hommes de LYON,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Dit que [U] [Y] n'a subi ni discrimination ni harcèlement moral,

Condamne la S.A.S. TAXICOLIS à payer à [U] [Y] la somme de cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Condamne la S.A.S. TAXICOLIS à payer à [U] [Y] :

la somme de quinze mille sept cent trente-huit euros (15 738 €) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

la somme de mille cinq cent soixante-treize euros et quatre-vingts centimes (1 573,80 €) au titre des congés payés incidents,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2007, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la S.A.S. TAXICOLIS à payer à [U] [Y] la somme de vingt mille euros (20 000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la S.A.S. TAXICOLIS à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [U] [Y] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage,

Condamne la S.A.S. TAXICOLIS à payer à [U] [Y] :

la somme de six mille cinq cent vingt-deux euros (6 522 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

la somme de six cent cinquante-deux euros et vingt centimes (652,20 €) au titre des congés payés afférents,

la somme de trois mille quatre-vingt-dix-sept euros et quatre-vingt-quinze centimes

( 3 097,95 €) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2007, date de la prise d'acte ;

Déboute [U] [Y] du surplus de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. TAXICOLIS aux entiers dépens.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 11/01672
Date de la décision : 14/05/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°11/01672 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-14;11.01672 ?
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