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15/03/2012 | FRANCE | N°10/00890

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 15 mars 2012, 10/00890


R.G : 10/00890









Décision du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse

Au fond du 29 janvier 2010



RG : 08/011949





















COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 15 Mars 2012







APPELANTE :



SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

siège social :

[Adresse 5]

[Localité 10]



prise en son établissement secondaire :

[Adresse 7]


[Adresse 7]

[Localité 8]



représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON



assistée de Maître Jean-Pierre COÏC, avocat au barreau de LYON









INTIMEES :



SNC OTV FRANCE

siège social :

[Adresse 2]

[Localité 14]



prise en son établ...

R.G : 10/00890

Décision du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse

Au fond du 29 janvier 2010

RG : 08/011949

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 15 Mars 2012

APPELANTE :

SCA VEOLIA EAU - COMPAGNIE GENERALE DES EAUX

siège social :

[Adresse 5]

[Localité 10]

prise en son établissement secondaire :

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avocats au barreau de LYON

assistée de Maître Jean-Pierre COÏC, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SNC OTV FRANCE

siège social :

[Adresse 2]

[Localité 14]

prise en son établissement régional :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY ET LIGIER, avocats au barreau de LYON

assistée de la SCP DELORMEAU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE SPECIALTY ( France)

venant aux droits de la Compagnie AGF

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 13]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY ET LIGIER, avocats au barreau de LYON

assistée de la SCP DELORMEAU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

SA CABINET D'ETUDES MARC MERLIN

[Adresse 6]

[Localité 8]

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON

assistée de la SCP REFFAY & ASSOCIES, avocats au barreau de L'AIN,

SAS FAMY

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

assistée de la SELARL MONOD-TALLENT, avocats au barreau de LYON,

SA GAN ASSURANCES IARD

[Adresse 12]

[Localité 10]

représentée par le cabinet d'avocats Jean-Christophe BESSY, avocats au barreau de LYON,

******

Date de clôture de l'instruction : 14 Juin 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Janvier 2012

Date de mise à disposition : 08 Mars 2012, prorogée au 15 Mars 2012, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Michel GAGET, président

- François MARTIN, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 29 janvier 2010 qui déclare la société Veolia - Compagnie Générale des Eaux irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société OTV France, la compagnie AGF, le cabinet Merlin, la société Famy et la compagnie Gan et qui la condamne à payer diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile au motif que Veolia n'a pas qualité pour agir contre les sociétés qui ont participé aux travaux de réhabilitations et d'extension de la station d'épuration dont la communauté de communes du [Localité 17] est propriétaire et qui se trouve à l'origine de la contamination du réseau d'eau potable pour lequel Veolia a reçu par contrat l'exploitation par affermage du service de distribution publique d'eau potable ;

Vu la déclaration d'appel faite le 09 février 2010 par la société Veolia eau ;

Vu les conclusions de cette société en date du 10 juin 2010 qui conclut à la réformation de cette décision, au visa de l'article 1382 du code civil et qui sollicite ceci :

1 - le paiement des sommes suivantes par les sociétés intimées qui doivent être condamnées in solidum :

1 - l'indemnisation des victimes............................................... 105.571,87 euros

2 - frais de gestion de la crise.................................................. 414.279,30 euros

3 - frais de gestion du litige...................................................... 335.581,78 euros

4 - préjudice commercial.......................................................... 2.097.265,00 euros

5 - frais financiers au 18 décembre 2009................................. 471.270,00 euros

6 - les intérêts moratoires à compter du 12 mars 2004,

avec capitalisation...............................................................

7 - article 700 du code de procédure civile.............................. 25.000,00 euros

aux motifs que les causes de la contamination de l'eau potable de la ville de [Localité 16] sont imputables aux sociétés OTV France, Merlin et Famy et qu'elles doivent indemniser Veolia du préjudice qu'elle a subi par leur faute respective qui ont concouru à la réalisation de son dommage ;

Vu les conclusions de la Sa cabinet d'études Marc Merlin en date du 27 décembre 2010 qui conclut, à titre principal, à la confirmation de la décision attaquée au motif que Veolia ne justifie pas de sa qualité à agir, réclamant, en outre, 10.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ; et qui, à titre subsidiaire, fait valoir que Veolia ne justifie d'aucune faute imputable au cabinet d'études Marc Merlin et que le préjudice doit être fixé à la somme maximale de 422.047,75 euros ;

Vu les mêmes conclusions dans lesquelles elle demande à être relevée et garantie par les autres intimés dans la mesure où la cause du sinistre réside dans l'existence d'une canalisation pirate laissée sur place par la société Famy et dans les modalités de gestion de la crise par la société Veolia eau, elle-même ;

Vu les mêmes conclusions de la société OTV France et de la compagnie A.G.C.S. (France) venant aux droits de la compagnie AGF en date du 14 septembre 2010 qui concluent aussi à la confirmation de la décision attaquée aux motifs que la société Veolia eau est dépourvue de qualité à agir et que la société OTV n'a commis aucune faute ;

Vu les mêmes conclusions qui, à titre subsidiaire, observent :

1 - l'article 4 du contrat d'affermage exclut la responsabilité de Veolia eau en cas de sinistre résultant de l'existence des ouvrages.

2 - les frais financiers et les frais de gestion sont dus à la gestion et à la faute de Veolia qui en est responsable.

3 - le préjudice s'élève à 150.217,62 euros.

4 - la société OTV ne saurait avoir une part de responsabilité supérieure à 10 %.

5 - elles doivent être relevées et garanties par les autres intimées pour la part supérieure à 10 %.

6 - la garantie AGF intervient après déduction de la franchise contractuelle opposable aux tiers à concurrence de 20.000 euros.

7 - l'article 700 du code de procédure civile doit recevoir application pour 20.000 euros.

Vu les conclusions de la compagnie Gan Assurances IARD en date du 23 mars 2011 qui conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la compétence du tribunal administratif ;

Vu les mêmes conclusions qui soutiennent, à titre subsidiaire, que la faute de la société Famy n'est pas prouvée et que les fautes du cabinet Merlin, de la société OTV et de la société Veolia ont concouru à la réalisation du sinistre de sorte que la part de la société Veolia doit être de 50 % et que Le Gan peut opposer à son assuré et au tiers Veolia le plafond de garantie de 76.224,51 euros ;

Vu les conclusions de la Sas Famy en date du 11 avril 2011 soutenant la confirmation et le mal fondé de l'appel et des demandes à son endroit ;

Vu les mêmes conclusions dans lesquelles elle demande à être garantie par son assureur Gan ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 juin 2011 ;

Les conseils des parties ont donné leurs explications orales à l'audience du 05 janvier 2012 après le rapport de Monsieur le Président Michel Gaget.

DECISION

I - Il ressort des pièces produites au débat et contradictoirement communiquées entre les parties les faits suivants :

1 - En 1995, la commune de [Localité 16] a délégué à la communauté de communes du [Localité 17] (CCPG) ses compétences en matière de production, transport et distribution d'eau potable, ainsi que la gestion des réseaux d'assainissement et de traitement des eaux usées.

2 - Par deux contrats d'affermage en date des 15 et 16 décembre 1998, la CCPG a confié à la Compagnie Générale des Eaux (CGE), devenue Veolia Eau Compagnie Générale des Eaux, l'exploitation du service de distribution publique d'eau potable de la commune d'une part, ainsi que l'exploitation du service d'assainissement de la commune.

3 - dans le courant de l'année 2000, l'unité de dépollution (propriété de la CCPG) doit faire l'objet de travaux d'extension.

4 - les travaux sont confiés à :

* la société OTV France (membre, comme la CGE du groupe Veolia)

* sous le contrôle du cabinet Merlin, maître d'oeuvre,

* OTV sous-traitant notamment la réalisation des branchements d'eau potable

à la société Famy.

5 - les opérations préalables à la réception ont lieu le 19 février 2003.

6 - Par avenant n°1 du 14 mars 2003 l'extension de l'unité de dépollution est intégrée dans le périmètre du contrat d'affermage de la CGE, une période d'observation étant prévue pour des essais de performance, période au cours de laquelle la société OTV conserverait la responsabilité de l'unité de dépollution.

7 - L'avenant précise en outre (article 5) qu'à l'issue de cette période d'observation... 'le Maître d'oeuvre procède aux opérations préalables à la réception, le Fermier y participera... Le Fermier prend possession des nouveaux ouvrages dès que la réception est dûment prononcée'.

6 - Le 25 août 2003, le centre d'appel de la CGE est alerté par un particulier qui signale de l'eau trouble au robinet à proximité de l'unité de dépollution, ce qui est effectivement constaté par un agent de la CGE.

7 - Rien d'anormal n'est constaté le 26 août, mais le 27 août, cinq cas de gastro-entérite sont constatés et l'analyse des prélèvements fait apparaître une forte contamination locale.

8 - Trois autres cas de gastro-entérite chez de jeunes enfants seront signalés le 30 août.

9 - Veolia eau, responsable de la qualité de l'eau potable distribuée, accomplit pour faire face à la prétention des diligences importantes :

- analyse sur la ressource naturelle et sur le réseau public pour rechercher l'origine et l'étendue de la contamination ;

- distribution d'eau en bouteilles et cetera...

10 - Il ressort de l'expertise diligentée en référé et du rapport du 20 février 2008 que la cause de la contamination du réseau d'eau potable est la station d'épuration de [Localité 16] et ses connexions indues avec le réseau d'eau potable.

11 - L'expert identifie avec clarté trois causes certaines : l'existence d'une canalisation qu'il qualifié de pirate ; une conception défectueuse de l'extension ; une insuffisance dans la surveillance des opérations par le maître d'oeuvre.

II - Il ressort des constatations, observations et analyse de l'expert dont le rapport est détaillé, clair et précis que les entreprises qui ont participé aux travaux d'extension de la station d'épuration, ont commis des fautes contractuelles dans l'exécution des missions qui leur étaient confiées en laissant subsister la canalisation 'pirate 4". Elle aurait dû être supprimée par OTV et par Famy qui ne l'ont pas neutralisée.

L'expert a noté un défaut de conception qui a permis la contamination du réseau public d'eau potable. Le constructeur OTV a conçu un réseau non conforme aux exigences réglementaires et comportant des défauts qui ont conduit pour une part à l'accident de pollution.

L'expert a observé que le maître d'oeuvre, le cabinet Merlin n'a pas contrôlé notamment lors de la réception du 19 février 2003 les vannes indues au sein du système interne de la station d'épuration et la non conformité des protections du réseau d'eau potable.

III - Il est donc certain que les manquements reprochés à OTV, à Famy et au cabinet Merlin, sont à l'origine de la contamination de l'eau potable dont la société Veolia eau avait la responsabilité à l'égard des usagers.

La faute que l'on peut reprocher à chaque participant a bien concouru à la réalisation du sinistre dont Veolia a assumé la responsabilité vis à vis des usagers de l'eau potable.

Il ne peut être soutenu que la seule faute de la société Famy qui n'a pas neutralisé la canalisation 'pirate' serait à l'origine du sinistre. Il ne peut non plus être soutenu que la société Veolia eau aurait une part de responsabilité dans la survenance du sinistre.

Les constatations, observations et avis de l'expert comme les faits prouvés dans le débat montrent en effet que Veolia eau n'a pas commis de faute dans la survenance de la pollution ni dans la gestion de la crise née de la contamination auquelle elle a dû faire face, comme responsable de la distribution d'eau potable qui a l'obligation impérative de délivrer une eau exempte de toute contamination et de tout mettre en oeuvre lorsqu'il y a pollution pour faire cesser cette contamination.

IV - Et il est évident, en droit, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu et à ce que les intimées soutiennent que la société Veolia eau comme distributrice d'eau potable a intérêt à agir et qualité, pour réclamer, par application de l'article 1382 du code civil, réparation des dommages qu'elle a subi, en lien de causalité avec la contamination à laquelle elle a dû remédier et laquelle porte atteinte à son image et à ses finances.

L'action de Veolia eau est donc bien recevable à l'endroit des sociétés qui, par leur faute personnelle, lui portent préjudice personnel.

Cette action de nature délictuelle est recevable.

V - Comme le soutient Veolia eau dans ses conclusions du 10 juin 2010, le contrat d'affermage du service de distribution publique d'eau potable des 15 et 16 décembre 1998 l'oblige à assurer, dès la prise en charge des installations, la responsabilité résultant des fonctionnement des ouvrages du service affermé et la responsabilité des dommages occasionnés lors de l'exploitation des ouvrages.

Conformément au contrat, la société Veolia devait gérer les risques et périls et garantir la collectivité contre tout recours des usagers ou des tiers, ce qu'elle a fait, à bon droit, et à juste titre, alors qu'elle avait reçu mission d'exploiter les ouvrages dès leur réception provisoire.

Il ne peut donc pas être reproché à Veolia eau d'agir, sans avoir à mettre en cause la communauté de communes.

VI - Il est bien évident que l'action et les prétentions de Veolia eau à l'encontre des intimées ne sont pas de la compétence du tribunal administratif mais de la juridiction judiciaire compétent pour apprécier un litige fondé sur l'application de l'article 1382 du code civil, opposant des sociétés commerciales pour les fautes dont elle sont responsables à l'égard des tiers.

VII - Sur les préjudices, la cour doit vérifier qu'ils sont en rapport de causalité directe avec les fautes retenues.

Sur l'indemnisation des victimes

Veolia eau apporte la preuve qu'elle a bien déboursé la somme de 105.571,87 euros à ce titre ce qui correspond à l'ensemble des préjudices des victimes de la contamination qu'elle a pris en charge, de ses propres deniers dans la mesure où son assureur lui opposait une franchise contractuelle de 150.000 euros et où il n'existe aucune raison de déduire les ristournes de 20 % et de la redevance de prélèvement comme le souhaitent certaines intimées.

L'expert financier sapiteur a contrôlé que les dépenses sont bien réelles et elles se trouvent en rapport avec le fait dommageable.

Cette somme est due, y compris le coût de l'indemnisation versée à la ville de [Localité 16] pour la somme de 51.606,10 euros retenue aux termes d'une transaction.

Les vérifications faites par la cour à la lecture des pièces de preuve permettent de retenir, comme l'a fait l'expert financier au travers de ses constatations et explications, une dépense globale justifiée de 105.571,87 euros, telle que Veolia eau le réclame dans ses conclusions, les dernières en date.

Sur les frais de gestion de la crise

L'expert financier retient la somme de 328.574,30 euros.

Gan, assureur de Famy, accepte la somme de 318.290,42 euros alors que la société OTV et son assureur, comme le cabinet Merlin ne reconnaissent qu'une somme de 146.186,41 euros.

Mais la vérification faite par l'expert financier démontre, comme la cour s'en convainc en lisant les pièces de preuve que la somme de 328.574,30 euros a bien été dépensée par Veolia eau, en rapport de cause à effet avec le sinistre dont elle a assumé les conséquences.

Le coût des analyses d'eau faites par des laboratoires extérieurs à l'entreprise était une nécessité. Il doit être compté. Le coût des analyses Veolia était aussi une nécessité dans la gestion de la crise, notamment pour permettre de répondre aux pouvoirs publics.

Le coût du transport des échantillons est aussi une dépense réelle, en rapport avec la gestion de la crise et du sinistre.

En résumé cette somme de 328.574,30 euros dont le détail est connu et donné dans les conclusions, est bien due.

Sur les frais de gestion du litige

Veolia eau réclame, à ce titre, et après actualisation, la somme de 335.581,78 euros.

L'expert financier a retenu sans réserve la somme de 161.560,01 euros et 100.127,00 euros avec réserves.

La lecture des pièces justificatives et des observations de l'expert financier permet à la cour de retenir une somme justifiée de 235.454,48 euros comme le propose Veolia eau, en page 30 de ses dernières conclusions.

En effet, aux dépenses retenues sans réserve par l'expert pour 161.560,01 euros, il doit être ajouté les compléments des honoraires d'expert de partie, d'avocat, d'expert judiciaire et frais d'huissiers, soit un total de 73.894,77 euros.

Ces dépenses dont le coût est justifié et a été déboursé sont bien la conséquence du sinistre, et la valeur d'un préjudice indemnisable.

Ces dépenses ne relèvent pas de l'application de l'article 695 ou de l'article 700 du code de procédure civile, applicables à cette instance.

Ce sont des dépenses en rapport direct avec le sinistre et la contamination, des dépenses nécessaires.

La cour retient donc pour sa part la somme de 235.454,78 euros.

Veolia eau réclame, en outre, la somme de 100.127 euros de frais de gestion de dossier, somme qui représente un surcoût de prestations générées par le litige et facturés par la compagnie [Adresse 15] du groupe Veolia à Veolia eau.

Mais ce surcoût, s'il est bien en relation avec le sinistre, a pour cause déterminante une organisation interne au groupe Veolia et une gestion des facturations, des prestations entre les sociétés filiales. Il est donc un préjudice indirect qui ne se rattache pas avec un lien de causalité suffisant au sinistre. Il ne peut être indemnisé par les auteurs du sinistre.

Cette somme n'est pas due.

Sur le préjudice commercial

Veolia eau réclame la somme de 2.097.265 euros au motif qu'elle a subi un important préjudice commercial en rapport avec la contamination.

Elle soutient avoir perdu une chance de renouveler les contrats d'affermage qui arrivait à expiration le 31 décembre 2005 et que si le CCPG n'a pas renouvelé la délégation qu'elle avait, la cause doit en être recherchée dans le sinistre de 2003.

Mais s'il est vrai que les deux contrats de service public dont bénéficiait Veolia eau (eau et assainissement) n'ont pas été reconduits, dans le cadre des appels d'offres, après décembre 2005, il n'est pas prouvé que la cause en réside dans le fait du sinistre.

En effet les critères de la procédure d'appel d'offres et les critères de choix retenus pour caractériser la meilleure offre correspondante aux cahiers des charges ont déterminé les décideurs, sans que l'on puisse retenir d'autres causes que celles figurant dans les documents de la procédure d'appel d'offre. Le sinistre n'a pas joué le rôle que lui attribue Veolia eau.

Toutefois l'ensemble des pièces démontre bien que Veolia eau a subi, par l'effet de la contamination, une atteinte à son image commerciale, malgré la gestion de la crise qu'elle a conduite pour remédier au plus tôt aux inconvénients.

Cette atteinte portée à son image est certaine.

Et la cour trouve dans les éléments de la cause, sans le recours à une expertise, les preuves nécessaires pour fixer à la somme de 300.000 euros le montant des dommages intérêts réparant cette atteinte certaine.

Sur les frais financiers

Veolia eau réclame 471.270,00 euros de frais financiers au 18 décembre 2009 calculés sur la base du préjudice total x 2,5484 % x nombre de jours depuis le 15 septembre 2003.

Elle soutient que, compte tenu de la mise en commun des fonds de l'ensemble des filiales du groupe, dans le cadre de la technique du 'cash pooling' qui permet de gérer de façon centralisée, elle a subi des frais financiers supplémentaires pour faire face aux dépenses générées par la pollution.

Elle considère que le taux à retenir est de 2,5484 % à appliquer au montant total des dépens et à compter du 15 septembre 2003.

Mais la cour observe que le calcul de Veolia eau est un calcul hypothétique dans la mesure où il ne repose sur aucune pièce justificative permettant de vérifier qu'elle a bien subi un préjudice réel tenant à des frais financiers supplémentaires.

Il n'est pas établi que Veolia eau a dû recourir à des emprunts générant des frais financiers ou à des opérations effectives créant de tels frais.

Cette demande est donc mal fondée.

Sur les intérêts moratoires

Veolia demande le paiement d'intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2004 et avec capitalisation de l'article 1154 du code civil.

Elle soutient qu'elle a mis en demeure la société OTV France de payer la somme de 562.696,84 euros le 12 mars 2004.

Mais, vu l'article 1153.1 du code civil, la condamnation à indemnité emporte, en l'espèce, eu égard aux circonstances, intérêts au taux légal à compter des assignations faites les 17, 18 et 19 septembre 2008 dans lesquelles Veolia avait, après expertise, proposé une liquidation de ses préjudices, soit donc à compter du 19 septembre 2008.

Il est donc dû à Veolia, avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2008 et avec capitalisation de ceux-ci année par année à compter de cette date en application de l'article 1154 du code civil les sommes suivantes ;

1 - indemnisation des victimes............................................ 105.571,87 euros

2 - frais de gestion de la crise............................................. 328.574,30 euros

3 - frais de gestion du litige................................................. 235.454,78 euros

4 - préjudice commercial..................................................... 300.000,00 euros

----------------

Total............ 969.600,95 euros

Cette condamnation est prononcée solidairement à l'égard de toutes les sociétés intimées, sous réserve des franchises que les sociétés d'assurance peuvent opposer à la victime et des plafonds des garanties contractuelles.

Dans les rapports entre OTV, Famy et le cabinet Merlin

Les constatations et observations de l'expert permettent de retenir que, dans les rapports entre eux, co-débiteurs solidaires de la réparation, chacun a commis une faute qui a concouru pour une part égale au tiers des dommages.

Et c'est dans cette mesure que les recours entre ces trois sociétés doivent être faits.

L'assureur Gan est bien fondé à opposer à son assuré la société Famy et à Veolia eau le plafond de garantie de 76.224,51 euros.

La compagnie Allianz Global Corporate Speciality est bien fondée à opposer la franchise contractuelle de 20.000 euros à OTV et aux tiers.

Sur l'équité

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Veolia eau pour lui accorder la somme de 15.000 euros alors que les autres parties doivent conserver la charge de leurs frais, non compris dans les dépens.

Sur les dépens

Les sociétés OTV France, Allianz Iard, Sa cabinet Merlin, Sas Famy et la compagnie Gan doivent supporter les dépens solidairement et chacune entre elles pour 1/5 dans les rapports entre elles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- réforme le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 29 janvier 2010, en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau ;

- déclare recevable en ses demandes la société Veolia eau ;

- condamne les sociétés OTV, Sa Famy et Sa le cabinet Merlin à payer, solidairement à Veolia eau, avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2008 et avec capitalisation année par année à compter de cette date et conformément à l'article 1154 du code civil, les sommes suivantes :

1° indemnisation des victimes........................................... 105.571,87 euros

2° frais de gestion de la crise............................................ 328.574,30 euros

3° frais de gestion du litige................................................ 235.454,78 euros

4° préjudice commercial.................................................... 300.000,00 euros

----------------

soit la somme totale de................ 969.600,95 euros

- dit que les assureurs d'OTV et de Famy seront tenus solidairement aussi de ces condamnations, sous réserves des plafonds de garantie et franchise contractuels opposables aux tiers ;

- dit en effet que la compagnie Allianz G.C.S., assureur d'OTV, peut opposer sa franchise de 20.000 euros à OTV et aux tiers dont Veolia eau ;

- dit en effet que la compagnie Gan, assureur de Famy peut opposer le plafond de garantie et la franchise à Famy et aux tiers dont Veolia eau ;

- dit que dans les rapports entre les sociétés OTV, Famy et Sa cabinet Merlin, la faute de chacune a contribué pour une part d'un tiers et que les condamnations seront reportées entre elles dans ces proportions ;

- dit que cette répartition s'impose aux assureurs sous réserve des plafonds contractuels de garantie et des franchises contractuelles opposables aux tiers ;

- condamne solidairement toutes les intimées à verser à Veolia eau la somme globale de QUINZE MILLE EUROS (15.000 EUROS) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, qu'elles se répartiront entre elles par cinquième ;

- condamne solidairement les mêmes aux dépens de première instance et d'appel ;

- dit qu'entre elles, dans leur rapport, le partage des dépens se fait par cinquième ;

- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à recouvrer les dépens d'appel aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/00890
Date de la décision : 15/03/2012

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°10/00890 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-15;10.00890 ?
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