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25/06/2010 | FRANCE | N°09/03412

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 25 juin 2010, 09/03412


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/03412





[F]

C/

SA EUROLINES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 30 avril 2009

RG : F 07/03633











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 25 JUIN 2010













APPELANT :



[V] [F]

né le [Date naissance 1] 1947

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localit

é 5]



comparant en personne, assisté de Maître Olivier BAGLIO, avocat au barreau D'AVIGNON





Autre(s) qualité(s) : Intimé incident





INTIMÉE :



SA EUROLINES

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Maître Claude MINCHELLA, avocat au barreau de PARIS





Autre(s) qualit...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/03412

[F]

C/

SA EUROLINES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 30 avril 2009

RG : F 07/03633

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 25 JUIN 2010

APPELANT :

[V] [F]

né le [Date naissance 1] 1947

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Maître Olivier BAGLIO, avocat au barreau D'AVIGNON

Autre(s) qualité(s) : Intimé incident

INTIMÉE :

SA EUROLINES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître Claude MINCHELLA, avocat au barreau de PARIS

Autre(s) qualité(s) : Appelant incident

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 avril 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Françoise CLEMENT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 juin 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Statuant sur l'appel formé par Monsieur [V] [F] d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon, en date du 30 avril 2009, qui a :

- dit que le licenciement de Monsieur [F] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société EUROLINES FRANCE à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :

* 13 830,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 383,04 €à titre de congés payés afférents,

* 3 049,97 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

* 305,00 € à titre de congés payés afférents,

* 42 182,78 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Monsieur [F] du surplus de ses demandes et la société EUROLINES FRANCE de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société EUROLINES FRANCE aux dépens.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 1er avril 2010, de Monsieur [V] [F], appelant, qui demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes sur les salaires et indemnités alloués ;

y ajoutant :

- de condamner la société EUROLINES FRANCE à lui payer la somme de 120 000,00 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la société EUROLINES FRANCE au paiement de 3 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 1er avril 2010, de la société EUROLINES SA, intimée, qui demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la cause du licenciement ;

- de dire que le licenciement de Monsieur [F] repose sur des faits caractérisant une faute grave;

- de débouter en conséquence Monsieur [F] de l'intégralité de ses prétentions ;

- de condamner Monsieur [F] à lui rembourser la somme de 41 490,00 € versée en exécution provisoire du jugement ;

- de condamner Monsieur [F] aux dépens ainsi qu'au paiement de 3 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Attendu que Monsieur [V] [F] a été embauché à durée indéterminée le 21 juin 1982 par la société SEAFEP, société de transports par autocar, en qualité d'employé qualifié au service commercial ;

Qu'ensuite de la restructuration de l'entreprise, son contrat de travail a été transféré au sein du GIE EUROLINES SUD, puis, de la société EUROLINES SA ;

Que dans la même période, il a été promu successivement au poste de sous-directeur de réseau avec le statut cadre et de directeur régional, moyennant une rémunération brute mensuelle fixée en dernier lieu à 4 610,14 € ;

Que par courrier remis en mains propres, le 9 mai 2006, la société EUROLINES l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement éventuel et l'a mis à pied à titre conservatoire ;

Qu'après cet entretien qui s'est tenu le 16 mai 2006, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2006 ;

Que les motifs du licenciement exposés dans cette lettre étaient les suivants :

'Au cours du mois d'avril 2006, vous avez demandé à votre hiérarchie à de nombreuses reprises de procéder au recrutement de M. [Z] [L], au bureau d'[Adresse 7]. Votre hiérarchie a refusé de procéder à ce recrutement à de nombreuses reprises par oral, mais aussi par écrit. En effet, les personnes participant à la procédure de recrutement en vigueur dans l'entreprise Eurolines et en particulier pour la Région dont vous avez la charge ont toutes signifié un refus ferme à ce recrutement, qu'il s'agisse notamment de la Responsable de la Gestion du Personnel ou de votre responsable hiérarchique direct.

Or il est apparu que vous avez exercé des pressions à de nombreuses reprises sur l'assistante de la Direction Générale, pour exiger la rédaction d'un contrat de travail destiné à cette personne, en prétextant que cette embauche avait été décidée verbalement avec votre hiérarchique direct, Monsieur [M].

Ces déclarations mensongères et les pressions exercées sur une collaboratrice sont totalement inacceptables par nature et ne trouvent aucune justification dans l'intérêt de l'entreprise. Votre comportement a été intolérable et ce d'autant plus qu'une note de procédure émanant de la Direction générale en Juillet 2005 vous rappelait bien la procédure de validation en vigueur dans l'entreprise en matière d'embauche de personnel.

Non seulement vos déclarations mensongères et les pressions que vous avez exercées sont intolérables mais elles ont été suivies d'un acte d'insubordination de votre part dans la mesure où un certain nombre d'éléments semblent indiquer que vous avez embauché au mépris des instructions contraires de votre hiérarchie cette personne à partir du 2 mai 006.

En outre, vous auriez fait participer cette personne de votre connaissance, M. [Z] [L], à une formation interne au bureau de Marseille le 4 mai, sans en avertir votre hiérarchie ni même les personnes assurant cette formation. Vous n'étiez pas sans savoir que cette formation était réservée aux salariés de notre entreprise et vous avez par conséquent fait prendre un risque certain à notre société au regard de nos obligations auprès des URSSAFF et votre comportement a impliqué un risque de désorganisation de nos services fonctionnels en raison d'un recrutement non souhaité ; cette personne n'ayant aucune raison valable ni aucun contrat de travail justifiant sa présence au cours de cette formation interne.

Vous avez ici cherché à imposer une personne de votre connaissance à un poste de l'entreprise, alors que votre hiérarchie vous a exprimé à de nombreuses reprises son refus à l'égard de ce recrutement.

Nous considérons que vous avez ici accompli un acte d'insubordination inacceptable et intolérable de votre part.

En outre, le 9 mai dernier, nous vous avons demandé de nous remettre votre ordinateur portable à titre provisoire, pendant le temps de la procédure disciplinaire en cours à votre encontre et notamment de votre mise à pied conservatoire.

Vous avez alors formulé expressément le souhait d'effacer certains fichiers, qui se sont révélés être des fichiers d'un volume important, environ u Giga octet, de fichiers vidéos et rédactionnels à caractère pornographique, zoophile scatologique et des documents nostalgiques de l'époque Nazie ou en faisant l'apologie.

Outre le fait que nous ayons été profondément choqués par ces documents et stupéfaits de voir de tels fichiers classés sous des dossiers intitulés par exemple 'Anal, Bestial, Ejacs, Lesbien, Poilues, Scato, Sodo, Trio...' dans votre ordinateur professionnel, il va sans dire que vous avez pris le risque de mettre en danger l'image de la société en cas d'enquête judiciaire comme il se pratique de plus en plus communément si l'adresse IP de l'ordinateur vous ayant été confié devait faire l'objet d'une investigation approfondie présente ou à venir.

Dans ces conditions, nous ne pouvons admettre que vos agissements sur du matériel de la société puissent d'une quelconque façon porter préjudice à la société Eurolines, sans compter que vos responsabilités en tant que cadre titulaire sont incompatibles avec un tel comportement.

En outre, il est apparu également que votre ordinateur à usage professionnel contenait l'intégralité des documents informatiques de Monsieur [K] [M], [B] de la société et votre Responsable hiérarchique.

Il semblerait que vous ayez transféré l'intégralité de ces données lors d'un déplacement professionnel fait en collaboration avec M. [M] au cours duquel il vous aurait confié pendant quelques instants son ordinateur portable. Vous auriez manifestement abusé de sa confiance pour procéder à un transfert de l'intégralité de ses données professionnelles et personnelles ; ce procédé est totalement inacceptable et intolérable.

Vous avez reconnu avoir effectué ce transfert de données au cours de notre entretien préalable du 16 mai dernier, mais sans nous apporter ni justification ni explication à ce sujet.

Votre comportement démontre ici un abus de confiance caractérisé et une absence manifeste de respect de votre supérieur hiérarchique et de son autorité. Il démontre aussi de votre part un comportement déloyal et fautif.

Par ailleurs, depuis quelques temps, vous avez enfreint sciemment l'instruction qui vous avait été donnée par la Direction en 2001 quand vous avez bénéficié d'une contribution financière pour l'acquisition d'un véhicule personnel utilisable en partie pour raisons professionnelles de ne plus utiliser les cartes Shell et Esso exclusivement affectées aux véhicules de services immatriculés au nom de la société Eurolines. Vous aviez pris un engagement moral de vous conformer aux procédures en la matière qui disposent que les frais professionnels exposés dans les déplacements en cas d'utilisation du véhicule personnel sont déclarés mensuellement et vous sont remboursés directement par la société sur justificatifs.

Or nous constatons après un audit que nous venons d'achever que vous avez régulièrement utilisé un certain nombre de cartes attribuées à des véhicules du ressort des bureaux dont vous avez la responsabilité en tant que Délégué Régional.

Ainsi, nous avons pu constater depuis quelques temps que vous aviez utilisé plusieurs voitures et plusieurs cartes d'essence qui étaient sous votre responsabilité au même moment et en des lieux éloignés. Manifestement, vous faites utiliser les biens et avantages accordés par l'entreprise pour votre usage professionnel à des personnes de votre entourage, à des fins personnelles. Ainsi, les 16 mars 2006, 8 avril 2006, 20 avril 2006, des pleins d'essence et des paiements de péages ont été effectués pour deux véhicules avec deux cartes essences au même moment.

Nous ne pouvons accepter de votre part une telle pratique manifestement abusive de biens de notre entreprise et particulièrement nuisible à l'entreprise.

En plus de tous ces éléments, tous extrêmement graves, vous avez envoyé le 10 mai 2006 un courriel à caractère menaçant et diffamatoire de votre messagerie à un nombre important de vos collègues d'Eurolines. Dans ce mail vous semblez vouloir justifiez votre comportement, avant même votre entretien préalable, en employant des termes diffamatoires et insultants que nous ne pouvons accepter. Il manque totalement de professionnalisme et de retenue de la part d'un salarié, qui à la date de sa rédaction fait toujours partie des effectifs et ne s'est pas encore rendu à son entretien préalable.

Ce message présente un caractère très fautif par son caractère mensonger, diffamatoire et insultant vis-à-vis de plusieurs collaborateurs, ce que nous ne pouvons pas tolérer.

Alerté par votre comportement, et en particulier par le non respect de la procédure de recrutement de votre part et par les pressions que vous avez exercées sur nos collaborateurs à ce sujet, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire par lettre remise en main propre le 9 mai 2006.'

Que le 11 octobre 2007, Monsieur [V] [F] a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale, laquelle a rendu la décision aujourd'hui frappée d'appel ;

Attendu que Monsieur [V] [F] conteste les cinq types de griefs qui lui sont reprochés en indiquant qu'il a parfaitement suivi la procédure de recrutement avant de prendre acte du refus qui lui était opposé et que Monsieur [L] a choisi de sa propre initiative de participer au séminaire de formation, que les fichiers à caractère pornographique ne sont pas des documents téléchargés par lui sur Internet mais envoyés par ses collègues de travail et que ces documents étaient répertoriés dans un dossier personnel, qu'il n'a pas transféré des dossiers de l'ordinateur portable de son supérieur sur son propre ordinateur mais seulement le contenu d'une clef USB qui comportait des documents de travail en ignorant qu'elle contenait aussi d'autres informations, qu'il n'a jamais utilisé frauduleusement les cartes de crédit affectées aux véhicules de l'entreprise, les frais en cause étant justifiés par son activité professionnelle, que le courriel du 10 mai 2006 ne contient ni propos insultants ni propos diffamatoires et a été seulement adressé dans les boites personnelles des destinataires ;

Attendu que la société EUROLINES prétend justifier le licenciement de Monsieur [V] [F] par l'insubordination et le manque de loyauté flagrant du salarié en indiquant que son ancienneté ne saurait constituer une excuse ;

Qu'elle se réfère aux termes de la lettre de licenciement en précisant qu'il n'est pas reproché à Monsieur [V] [F] d'avoir embauché Monsieur [L] mais d'avoir cherché à imposer ce salarié au mépris de la procédure de recrutement, que les fichiers à caractère pornographique ou raciste d'une capacité d'un giga octet ont manifestement été téléchargés et révèlent un usage abusif par le salarié de l'ordinateur qui lui était confié, que Monsieur [V] [F] a transféré sur son ordinateur personnel des documents de son supérieur hiérarchique sans rapport avec ses besoins, qu'il a également utilisé abusivement les véhicules et cartes de crédit de l'entreprise au profit d'autres personnes, que la virulence des propos contenus dans le mail du 10 mai 2006 adressé à dix collaborateurs de l'entreprise caractérise un comportement incompatible avec l'exercice de ses fonctions de directeur régional ;

MOTIFS DE LA COUR

Attendu que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre et d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation du contrat de travail ou des obligations résultant du travail d'une importance telle qu'elle rend nécessaire la rupture immédiate de ce contrat ;

- Sur l'infraction à la procédure d'embauche du personnel en vigueur au sein de la société EUROLINES

Attendu qu'il est principalement reproché à Monsieur [V] [F] d'avoir exercé des pressions sur une collaboratrice afin qu'elle établisse un contrat de travail au profit de Monsieur [Z] [L] en prétextant un accord de sa hiérarchie qui n'avait jamais été donné ;

Qu'il résulte de la note d'organisation versée aux débats que la procédure d'embauche au sein de la société EUROLINES est subordonnée à l'autorisation du CEO (Chief Exécutive Officer) qui définit les critères et les conditions de l'embauche et qu'elle est ensuite conduite par le supérieur hiérarchique direct du collaborateur recruté ;

Que l'employeur produit un courriel adressé par Monsieur [V] [F] le 21 avril 2006 à Madame [O], responsable du personnel, pour lui demander de déclarer [Z] [L] pour un début le 2 mai 2006 à Marseille et de lui faire un contrat à durée indéterminée, en lui précisant qu'il avait eu le CEO, Monsieur [M] au téléphone ;

Qu'il produit aussi un courriel de ce dernier en date du 22 avril 2006 qui prévient Madame [O] qu'il n'a pas donné son accord à l'embauche de Monsieur [L] et qu'il a simplement dit à Monsieur [V] [F] qu'il était d'accord pour embaucher quelqu'un mais qu'il fallait suivre la marche normale ;

Que d'autres courriels révèlent que le salarié est aussi intervenu le 27 avril 2006 auprès de l'assistante de direction Madame [S], en l'absence de Madame [O], pour lui demander que Monsieur [L] commence à travailler le 2 mai, ce qui a été refusé faute de déclaration préalable d'embauche et de contrat de travail ;

Que dans ce contexte, Monsieur [L] n'a pas été embauché en mai 2006, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement ;

Que pour affirmer qu'il avait obtenu l'accord de son supérieur hiérarchique, Monsieur [V] [F] se prévaut d'un échange de correspondance avec Monsieur [M] le 29 avril 2006 ;

Qu'en réalité, la lecture de cette correspondance révèle que l'accord donné au salarié portait seulement sur le recrutement de personnes en contrat à durée déterminée pour les bureaux de [Localité 8], [Localité 5] et [Localité 6], mais non pour le bureau de Marseille ;

Qu'il résulte de ces éléments que Monsieur [V] [F] a bien exercé des pressions en vue de faire embaucher Monsieur [L] sans avoir obtenu l'accord préalable de sa hiérarchie ;

Que dans cette limite, le non respect de la procédure d'embauche est caractérisé ;

Attendu en revanche qu'il n'est pas formellement établi que la présence de Monsieur [L] à une séance de formation au bureau de Marseille le 4 mai 2006 relève de l'initiative de Monsieur [V] [F] ;

Qu'en effet, Monsieur [V] [F] se trouvait à l'époque en congés à l'étranger, ce depuis le 28 avril et les témoignages de Monsieur [L] mais aussi d'un collaborateur du bureau de Marseille mettent hors de cause le salarié ;

- Sur l'usage de l'ordinateur professionnel

Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait grief à Monsieur [V] [F] d'avoir stocké sur son ordinateur portable professionnel un volume important de fichiers vidéos à caractère pornographique et des documents nostalgiques de l'époque nazie au risque de mettre en danger l'image de la société en cas d'enquête judiciaire et en méconnaissance de ses responsabilités en tant que cadre de l'entreprise ;

Que la société EUROLINES a fait procéder par son technicien informatique, le 9 mai 2006, sur l'ordinateur portable de Monsieur [V] [F], à la récupération des fichiers récemment supprimés par celui-ci et a découvert effectivement avec plusieurs documents de travail un très grand nombre de fichiers vidéos à caractère pornographique soigneusement classés dans des dossiers aux noms évocateurs ;

Que ces fichiers n'étaient pas identifiés comme personnels ni classés dans des dossiers de même nature de sorte que l'employeur n'a pas méconnu par ses investigations les droits du salarié ;

Que cependant, les éléments fournis à la Cour ne permettent pas de déterminer le mode d'acquisition par le salarié des fichiers en cause et que ceux-ci n'ont pas de caractère délictueux ;

Que rien ne permet d'affirmer qu'il existait un risque d'atteinte à l'image de l'entreprise dans l'hypothèse d'une enquête judiciaire, notamment depuis l'adresse IP de l'ordinateur ;

Que le grief ne peut donc être retenu et qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question d'un usage abusif de l'ordinateur qui n'est pas visé dans la lettre de rupture ;

- Sur le détournement des documents informatiques appartenant au responsable hiérarchique

Attendu qu'il n'est pas contesté que Monsieur [V] [F] avait également transféré sur son ordinateur portable des fichiers professionnels appartenant à son supérieur hiérarchique Monsieur [M] ;

Que ce dernier explique dans une attestation que pendant l'interruption d'une réunion professionnelle pour le déjeuner, le salarié qui était resté seul dans la salle et à qui il avait prêté son ordinateur pour sortir des grilles de prix en avait profité pour copier l'ensemble de ses fichiers sur son propre ordinateur ;

Que Monsieur [V] [F] affirme qu'il a seulement transféré le contenu d'une clef USB qui lui avait été remise par Monsieur [M] ;

Que cette explication ne change rien à l'indélicatesse commise ;

Que la faute du salarié est caractérisée ;

- Sur l'usage frauduleux de voitures de société et de cartes d'essence associées

Attendu que la société EUROLINES se prévaut d'un audit réalisé par son service comptable et duquel il résulte que deux véhicules de société, un véhicule XSARA et un véhicule MEGANE, ont été utilisés au même moment dans des lieux plus ou moins éloignés les 4 mars, 16 mars, 8 avril et 20 avril 2006 ;

Que le salarié fournit devant la Cour des explications sur l'utilisation de ces deux véhicules en précisant les trajets qu'il a effectués et le fait qu'il a demandé à deux reprises le 16 mars et le 20 avril à son épouse de faire le plein du véhicule MEGANE pour lui éviter une perte de temps lors de son prochain déplacement ;

Que ces explications sont plausibles ;

Que le reproche fait aujourd'hui au salarié d'avoir utilisé leur véhicule RENAULT MEGANE sans en avoir le droit n'est pas visé dans la lettre de licenciement et se trouve au demeurant contredit par Monsieur [V] [F] qui explique qu'il avait obtenu un accord de principe courant mars pour utiliser ce véhicule de temps en temps à titre professionnel dans le but de l'essayer avant de l'acheter ;

Qu'il n'est pas établi que Monsieur [V] [F] ait utilisé abusivement des véhicules et des cartes d'essence de l'entreprise de sorte que ce grief ne saurait prospérer ;

- Sur la correspondance adressée par le salarié à certains collaborateurs de la société

Attendu que Monsieur [V] [F] a adressé le 10 mai 2006 à une dizaine de collaborateurs un courriel dans lequel il explique principalement qu'il a été accusé à tort d'avoir recruté Monsieur [L] sans l'accord de la direction, en donnant sa version des faits et en concluant:

'Je ne suis nullement atteint par la mesquinerie de gens qui ne connaissent rien d'autre que les profits au détriment de l'individu dont vous n'avez rien à attendre et qui finiront par détruire notre idéal professionnel tel que nous le concevons' après avoir commencé son courrier par : 'Cette fois, n'en doutez plus, les loups sont entrés dans la bergerie' ;

Que ces propos sont particulièrement déplacés de la part d'un directeur régional même dans le contexte d'une procédure de licenciement et ont aussi un caractère insultant à l'égard de la direction de l'entreprise ;

Que le grief de l'employeur est fondé ;

Attendu que les faits imputables à Monsieur [V] [F] traduisent tour à tour un comportement d'insubordination et un comportement déloyal à l'égard d'un supérieur hiérarchique et à l'égard de la direction de l'entreprise ;

Que ces faits par leur nombre et par leur nature sont suffisamment graves pour justifier la décision prise par la société EUROLINES de rompre immédiatement, pour faute grave, le contrat de travail ;

Que la décision des premiers juges doit en conséquence être infirmée et Monsieur [V] [F] débouté de l'intégralité de ses prétentions ;

Attendu que le présent arrêt entraînant de plein droit la restitution par le salarié des sommes versées en exécution du jugement, il n'est pas nécessaire d'ordonner le remboursement sollicité par la société EUROLINES ;

Attendu que Monsieur [V] [F] supportera les dépens ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable ;

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Monsieur [V] [F] par la SA EUROLINES est justifié par la faute grave du salarié ;

Déboute en conséquence Monsieur [V] [F] de l'intégralité de ses prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [V] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/03412
Date de la décision : 25/06/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/03412 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-25;09.03412 ?
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