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22/06/2010 | FRANCE | N°09/03944

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 22 juin 2010, 09/03944


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 09/03944





[T]



C/

SARL DOMBES VIANDE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 28 Mai 2009

RG : 07/03657











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 22 JUIN 2010







APPELANTE :



[H] [T]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité

3]



comparante en personne, assistée de Me Gabriel GUERY, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



SARL DOMBES VIANDE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Véronique MASSOT-PELLET, avocat au barre...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 09/03944

[T]

C/

SARL DOMBES VIANDE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 28 Mai 2009

RG : 07/03657

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 22 JUIN 2010

APPELANTE :

[H] [T]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Gabriel GUERY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL DOMBES VIANDE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique MASSOT-PELLET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Anne-Claire TAUVEL-VICARI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mai 2010

Didier JOLY, Président et Danièle COLLIN-JELENSPERGER, conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

Hervé GUILBERT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Juin 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

[H] [T] a été engagée par la S.A.R.L. DOMBES VIANDES, appartenant au Groupe BOUCHERIES [R] en qualité de responsable marketing/communication (cadre, coefficient 400), suivant contrat écrit à durée indéterminée du 21 novembre 2003, soumis à la convention collective nationale de l'industrie et du commerce de gros des viandes.

Elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 2 468,17 € et se trouvait placée sous l'autorité de [F] [U], soeur d'[D] [U], directeur général.

Des avis médicaux d'arrêt de travail ont été délivrés à [H] [T] à compter du 24 septembre 2007 pour dépression à la suite d'un harcèlement moral.

Le 15 octobre 2007, le conseil de [H] [T] a saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par décision du 13 décembre 2007, le Bureau de conciliation a ordonné à la S.A.R.L. DOMBES VIANDES de payer à [H] [T] les sommes de :

- 7 503 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 750,30 € à titre de congés payés afférents,

- 2 167 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le 20 décembre 2007, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a émis l'avis suivant :

Inapte à la reprise à son poste

Inaptitude décidée sur une seule visite médicale en raison d'un danger immédiat pour la santé de la salariée (article R 241-51-1 du code du travail)

Je ne vois pas de reclassement possible dans l'entreprise.

Par lettre recommandée du 22 février 2008, le conseil de [H] [T] a pris acte de la rupture du contrat de travail à compter du lundi 25 février 2008 en raison de la méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L 122-24-4 du code du travail, devenu L 1226-4.

Le Conseil de prud'hommes a statué sur le dernier état des demandes le 28 mai 2009.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par [H] [T] le 20 juin 2009 du jugement rendu le 28 mai 2009 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :

- constaté l'absence de harcèlement moral de [F] [U] à l'encontre de [H] [T],

- dit que la rupture datée du 22 février 2008 produit les effets d'une démission,

- débouté [H] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la S.A.R.L. DOMBES VIANDES de ses demandes reconventionnelles ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 17 mai 2010 par [H] [T] qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- dire et juger bien fondée la prise d'acte par [H] [T] de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à compter du 25 février 2008,

- condamner en conséquence la société BOUCHERIES [R] à lui verser les sommes suivantes :

indemnité de préavis7 503,00 €

congés payés y afférents750,30 €

indemnité conventionnelle de licenciement 2 167,00 €

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 22 609,00 €

- condamner la société BOUCHERIES [R] à verser à [H] [T] les sommes suivantes :

rappel de salaire (21 janvier au 25 février 2008)2 834,66 €

congés payés y afférents238,44 €

remboursement de frais professionnels318,77 €

- condamner la société BOUCHERIES [R] à verser à [H] [T] la somme de 1 525,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la S.A.R.L. DOMBES VIANDES qui demande à la Cour de :

- constater l'absence de harcèlement moral de [F] [U] à l'encontre de [H] [T],

- en conséquence, voir produire à la rupture datée du 22 février 2008 les effets d'une démission,

- débouter [H] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner [H] [T] à rembourser à la S.A.R.L. DOMBES VIANDES les sommes suivantes :

indemnité de préavis7 503,00 €

congés payés y afférents750,30 €

indemnité conventionnelle de licenciement 2 167,00 €

versées en exécution de l'ordonnance rendue par le Bureau de conciliation du 13 décembre 2007,

- condamner [H] [T] à payer à la S.A.R.L. DOMBES VIANDES la somme de

2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la décision du bureau de conciliation :

Attendu qu'aux termes de l'article R 1454-14 du code du travail, le bureau de conciliation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne se présente pas, ordonner :
1° La délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer ;
2° Lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable : a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;
b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

Que l'existence de l'obligation de payer les indemnités de préavis et de licenciement est sérieusement contestable lorsque, comme en l'espèce, le contrat de travail n'est pas rompu à la date de l'audience de conciliation ; que le bureau de conciliation a donc excédé ses pouvoirs ;

Attendu ensuite que le jugement rendu le 28 mai 2009 constituait le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de la décision du bureau de conciliation, et que les sommes devant être restituées portaient intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, date de la notification à [H] [T], valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; 

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'il ressort en l'espèce des pièces et des débats que [H] [T] pouvait avoir dans le cadre professionnel un comportement peu conciliant voire abrupt, et ce quelle que soit la qualité de son interlocuteur ; que quelques courriels adressés au directeur général [D] [U] sont révélateurs à cet égard :

7 juin 2006 :

Si [E] a fait le tour des magasins c'est bien dans l'objectif voulu et pour des raisons précises ;

Je souhaite en effet une explication de vive voix sur ce sujet car ces remarques sont incorrectes ;

21 novembre 2006 :

Je crois qu'on ne s'est pas bien compris : il ne s'agit pas de réfléchir à comment réorganiser le service marketing en vue du départ d'[E] en février, mais d'une demande URGENTE de remplacement IMMEDIAT [...] ;

18 janvier 2007 :

Je souhaite qu'ON EN PARLE avant, je vous l'ai demandé plusieurs fois, car ce n'est pas aussi simple qu'un déménagement d'ordinateur ;

Que [S] [L], superviseur filière produits frais, a attesté des 'prises de bec' de [H] [T] avec différentes personnes de la société ; qu'il a ajouté que cette salariée n'acceptait aucune remarque, étant persuadé de détenir la vérité ; que le témoin a été plusieurs fois dans l'obligation de lui demander de changer de ton avec lui et de se comporter différemment, c'est-à-dire de cesser de 'passer en force' sans écouter remarques et suggestions ; que la responsable communication de l'enseigne 'Grand Frais' a décrit une interlocutrice peu conciliante, dont l'attitude avait parfois affecté la qualité des échanges entre les deux sociétés et rendu difficile la conduite de projets marketings communs ; que ce comportement a nécessairement pesé sur les rapports professionnels de [H] [T] avec son supérieur hiérarchique [F] [U] ; que les courriels échangés par celle-ci avec l'appelante contiennent de nombreux reproches de [F] [U] à l'adresse de la salariée ; qu'il est impossible de déterminer si ces critiques étaient ou non fondées ; que pour ce qui la concerne, [H] [T] se défend pied à pied, ne concède rien et échange avec sa directrice marketing et achats sur un pied d'égalité ; que contrairement à ce que soutient la salariée, aucun des courriels de [F] [U] n'est humiliant ; qu'au soutien de sa demande, [H] [T] verse aux débats deux attestations :

l'une de [A] [P], assistante administrative et comptable à la S.A.R.L. DOMBES VIANDES de juillet 2005 à août 2007, qui affirme qu'elle a eu à subir les vexations et remarques outrageantes de [F] [U] et qui souhaite soutenir [H] [T] ; qu'outre les dires de celle-ci, le témoin relate les hurlements de [F] [U], entendus à travers les cloisons : [H] [T], tais-toi maintenant ; qu'elle rapporte aussi cette phrase de la directrice marketing : ce sont les Boucheries [R] qui font [H] [T] et pas [H] [T] qui fait les Boucheries [R] ; tu ne fais jamais ce qu'il faut dans l'esprit Boucherie [R] ; qu'on ne peut que regretter que le témoin ne précise pas à quels propos ou attitude de [H] [T] [F] [U] réagissait ;

l'autre de [I] [G], stagiaire au service marketing de janvier à juillet 2007 et dont les liens d'amitié avec l'appelante sont établis par la consultation du site internet Facebook ; que le témoin décrit une forte pression, des reproches infondées, des attaques personnelles et une violente altercation verbale au cours de laquelle [F] [U] hurlait dans le bureau de [H] [T] ;

Que ces attestations, dont l'impartialité est sujette à caution, témoignent de relations tendues entre [F] [U] et [H] [T] et en imputent la responsabilité à la première sans jamais s'interroger sur le comportement professionnel de la seconde ; que la forte pression exercée par la directrice marketing peut paraître justifiée à la lecture de l'attestation du co-gérant de la société LIGHT AIR ; que ce témoin a dû travailler avec [H] [T] dans l'urgence et le non-respect des délais souhaités par LIGHT AIR, en vue de l'ouverture du magasin de [Localité 5] ; que selon la directrice des magasins de [Localité 6] et [Localité 7], dont [H] [T] était l'interlocutrice, il fallait attendre des jours, voire des semaines, affiches, recette, banque réfrigérée, etc ;

Que [H] [T] communique ce qu'elle appelle un 'carnet de souffrances' manuscrit (9 pages), qu'elle a tenu sur le conseil que le médecin du travail lui avait donné début octobre 2007 ; qu'elle y relate d'abord, en termes généraux, le comportement qu'elle reproche à [F] [U] et qui constitue la base de ses conclusions devant la Cour ; qu'elle consacre les quatre dernières pages à la relations de faits plus circonstanciés qu'elle date de juillet-août 2007 et des 24, 25 et 27 septembre 2007 ; que les deux dernières pages du 'carnet de souffrances' font question car un arrêt de travail a été prescrit à la salarié pour la période du 24 au 28 septembre ; que [H] [T] soutient qu'elle ne s'est pas arrêtée, ce qui est incompréhensible dans un contexte de harcèlement moral ; que la S.A.R.L. DOMBES VIANDES met en doute la présence de la salariée à son poste les jours considérés et fait observer que des courriels peuvent être émis à distance ; qu'en tout cas, ce carnet a été rédigé a posteriori, de manière non spontanée et contient pour l'essentiel des généralités qui n'apportent rien au débat ;

Que la Cour ne retient pas comme constitutifs de harcèlement le retrait des clefs, justifié par des impératifs de sécurité, le report des congés payés résultant de contraintes inhérentes à l'ouverture du nouveau magasin de Rillieux, le refus d'un jour de réduction du temps de travail le 7 mai pour maintenir une égalité entre salariés ; que l'aménagement des nouveaux locaux, que [H] [T] a d'ailleurs très peu occupés, n'est pas davantage critiquable, la présence des armoires de rangement à l'extrémité de la pièce et non à proximité immédiate du bureau de [H] [T] étant anecdotique ;

Qu'en revanche, [H] [T] est fondée à se plaindre de l'ascension rapide de [J] [U], jeune soeur de [F] [U] ; que [J] [U], esthéticienne de formation, a été engagée en qualité d'assistante communication ; qu'en juillet 2007, [H] [T], qui l'avait formée, a perçu une somme de 925 € sous le libellé 'prime de tutorat' ; que très rapidement, [F] [U], dans une démarche de népotisme, a mis en avant sa soeur de façon injustifiée au regard de sa qualification et de sa faible expérience ; que le 31 mai 2007, [F] [U] a informé [H] [T] de ce que [J] [U] et elle-même avaient rendez-vous le 4 juin avec '[K]' au sujet du plan de communication concernant l'ouverture du magasin de [Localité 5] ; que l'appelante n'a pas été conviée à cette réunion ; que par courriel du 4 juin, [F] [U] a fait savoir à [H] [T] que c'était '[J]' (communication) et '[Z]' (équipe vente) qui décideraient des besoins en signalétique pour annoncer l'animation de [Localité 3] ; que le 18 septembre, [F] [U] a demandé à [H] [T] pourquoi [J] n'était pas en copie des courriels qu'elle lui envoyait ; que [H] [T] a répondu que [J] était à côté d'elle, qu'elle lui montrait tout et partageait avec elle les mêmes fichiers sur le serveur ; que [F] [U] a insisté néanmoins pour que sa soeur reçoive copie des courriels  ; que le 21 septembre 2007, [F] [U] a adressé à [H] [T] un courriel de vingt-cinq lignes, dont deux de post-scriptum, qui contenait des instructions détaillées au sujet de l'intégration de [J] dans le service communication et marketing ; que [H] [T] a été invitée à consacrer davantage de temps à [J], à la faire participer à tous les rendez-vous physiques ou téléphonique, à lui donner tous les éléments et la formation nécessaires, etc ; que [F] [U] a ajouté qu'elle souhaitait viser tous les contrats avant signature, en précisant: En mon absence, ce sera [J] qui aura la signature ; que [H] [T] a répondu qu'elle ne comprenait pas ces reproches, car elle savait se rendre totalement disponible pour [J] et lui consacrait un tiers de son temps ; que le 25 septembre 2007, [F] [U] a écrit : je renouvelle ma demande initiale sur ce dossier, c'est [J] qui en a la charge ; que [H] [T] ayant objecté que [J] était à [Localité 3] et ne pouvait pas s'en occuper, [F] [U] a conclu péremptoirement : je pense avoir été clair (sic) dans mon mail précédent, c'est NON [...] enfin, c'est [J] qui s'occupe de ce dossier ;

Que [F] [U] a fait prévaloir les liens de la parenté sur l'organisation hiérarchique de l'entreprise pour accorder à sa soeur, encore en formation, un rôle hors de proportion avec sa qualification, évinçant [H] [T] d'une partie de ses attributions ; qu'en définitive, celle-ci a dû partager sa ligne téléphonique avec [J] [U] (04.27.46.06.33), tandis qu'un hypothétique stagiaire marketing disposait d'une ligne pour lui seul (04.27.46.06.32) ; qu'aucune justification sérieuse n'a été fournie de cette situation ; que le congé de maladie de [H] [T] a suivi presque immédiatement ces derniers épisodes, ce qui n'est pas fortuit ;

Que l'appelante a établi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; que la S.A.R.L. DOMBES VIANDES n'a pas rapporté la preuve de ce que les agissements de [F] [U] n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que les décisions de celle-ci étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la Cour en tire la conviction que [H] [T] a été victime d'un harcèlement moral dans la dernière période de la relation de travail ; qu'elle est fondée à solliciter réparation du préjudice en résultant ;  qu'en conséquence, la S.A.R.L. DOMBES VIANDES sera condamnée à verser à [H] [T] la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur les effets de la prise d'acte de la rupture :

Attendu qu'aux termes de l'article L 1226-4 du code du travail, sous lequel sont désormais codifiées les dispositions de l'article L 122-24-4, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ;

Qu'en l'espèce, le délai d'un mois prévu par les dispositions légales susvisées était expiré depuis plus d'un mois lorsque [H] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'alors, la S.A.R.L. DOMBES VIANDES n'avait ni reclassé l'appelante ni repris le paiement de son salaire ; que les explications de la société intimée, selon lesquelles la décision du bureau de conciliation lui avait laissé penser que le contrat de travail était déjà rompu ne peuvent être entendues dans le contexte de harcèlement qui a précédé l'avis d'inaptitude ; qu'il appartenait à l'employeur de se faire valablement représenter devant le bureau de conciliation et de prendre conseil en tant que de besoin ; que la méconnaissance par la S.A.R.L. DOMBES VIANDES des prescriptions de l'article L 1226-4 du code du travail constitue un manquement suffisamment important de celle-ci à ses obligations pour justifier la prise d'acte qui produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que [H] [T] qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'appelante ne communique aucune pièce justifiant l'octroi d'une indemnité supérieure au minimum légal défini qui s'élève à 16 533,88 € ;

Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [H] [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

Sur les indemnités de rupture :

Attendu que la S.A.R.L. DOMBES VIANDES ne remet pas en cause les bases de calcul de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement que [H] [T] sollicite ; que les indemnités de rupture allouées par le présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ;

Sur la demande de rappel de salaire :

Attendu que la S.A.R.L. DOMBES VIANDES doit être condamnée à payer à [H] [T], en application de l'article L 1226-4 du code du travail, la somme de 2 834,46 € à titre de rappel de salaire sur la période du 21 janvier au 25 février 2008, outre 283,44 € de congés payés incidents (après rectification d'une interversion de deux chiffres dans les conclusions de l'appelante) ; que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ;

Sur les frais professionnels :

Attendu que [H] [T] ne produit aucun justificatif des frais professionnels dont elle sollicite le remboursement ; que le jugement qui l'a déboutée de ce chef de demande sera donc confirmé ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser [H] [T] supporter les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 1 525 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Dit que le jugement rendu le 28 mai 2009 constituait le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de la décision du bureau de conciliation, et que les sommes devant être restituées portaient intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, date de la notification à [H] [T], valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [H] [T] de sa demande de remboursement de frais professionnels,

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que [H] [T] a été victime d'un harcèlement moral,

En conséquence, condamne la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à lui payer la somme de six mille euros (6 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à payer à [H] [T] la somme de seize mille cinq cent trente-trois euros et quatre-vingt-huit centimes

(16 533,88 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [H] [T] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Condamne la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à payer à [H] [T] :

la somme de sept mille cinq cent trois euros (7 503 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

la somme de sept cent cinquante euros et trente centimes (750,30 €) au titre des congés payés afférents,

la somme de deux mille cent soixante-sept euros (2 167 €) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

la somme de deux mille huit cent trente-quatre euros et quarante-six centimes

(2 834,46 €) à titre de rappel de salaire sur la période du 21 janvier au 25 février 2008,

la somme de deux cent quatre-vingt-trois euros et quarante-quatre centimes

(283,44 €) au titre des congés payés incidents, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2008 ;

Condamne la S.A.R.L. DOMBES VIANDES à payer à [H] [T] la somme de mille cinq cent vingt-cinq euros (1 525 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.R.L. DOMBES VIANDES aux dépens de première instance et d'appel.


Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 09/03944
Date de la décision : 22/06/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°09/03944 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-22;09.03944 ?
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