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09/06/2010 | FRANCE | N°09/03167

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 juin 2010, 09/03167


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/03167





SA SANOFI PASTEUR



C/

[T]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 23 Avril 2009

RG : F 07/03423











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 JUIN 2010













APPELANTE :



SA SANOFI PASTEUR

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée

par Me Xavier BLUNAT, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



[C] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Nathalie CAZEAU, avocat au barreau de PARIS

















































DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2010



COMPOSITION DE LA COUR ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/03167

SA SANOFI PASTEUR

C/

[T]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 23 Avril 2009

RG : F 07/03423

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 JUIN 2010

APPELANTE :

SA SANOFI PASTEUR

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Xavier BLUNAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[C] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie CAZEAU, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Catherine ZAGALA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Juin 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Madame [C] [T] embauchée par la Société AVENTIS PASTEUR devenue SANOFI PASTEUR s'est vue confier le 31 juillet 2002 une mission de trois ans pour exercer à compter du 22 août 2002 les fonctions de 'Responsable Afrique Occidentale et Centrale pour Aventis Pasteur International' en Côte d'Ivoire.

Il était expressément prévu que cette mission ne mettait pas fin au contrat conclu entre la Société AVENTIS PASTEUR et Madame [T] mais en suspendait temporairement et partiellement l'exécution en France.

Le 28 avril 2004 à [Localité 5], Madame [T] était victime d'une agression prise en charge par la Caisse des Français de l'Etranger (CFE) en tant qu'accident du travail par décision du 13 octobre 2004.

Le 12 novembre 2007 Madame [T] était déclarée inapte à son poste en une seule visite au visa de l'article R241-51-1 du Code du Travail, devenu R4624-31, avec reclassement envisageable.

Licenciée par lettre du 18 février 2008, au motif de son inaptitude et de l'impossibilité de procéder à son reclassement, elle a contesté cette décision devant le Conseil des Prud'hommes de LYON.

' ' ' ' ' ' ' '

Vu la décision rendue le 23 avril 2009 par le Conseil de Prud'hommes de LYON ayant:

- jugé que la Société SANOFI PASTEUR n'avait pas respecté ses obligations en matière de sécurité,

- jugé que le licenciement de Madame [T] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la Société SANOFI PASTEUR au paiement des sommes suivantes:

- 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en dédommagement des diverses difficultés rencontrées pour faire reconnaître son préjudice,

- 60.000,00 € à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.200,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 30.000,00 €,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel formé le 18 mai 2010 par la Société SANOFI PASTEUR,

Vu les conclusions de la Société SANOFI PASTEUR déposées le 19 novembre 2009 et reprises et soutenues oralement à l'audience,

Vu les conclusions de Madame [T] déposées le 15 février 2010 et reprises et soutenues oralement à l'audience.

' ' ' ' ' ' ' '

La Société SANOFI PASTEUR demande à la Cour:

' de dire que Madame [T] est irrecevable à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil,

' de réformer en tous les cas le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle avait manqué à ses obligations d'employeur,

' de constater la réalité des recherches de reclassement,

' de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de Madame [T] sans cause réelle et sérieuse,

' confirmant le jugement entrepris sur ce point, de dire que la législation sur l'obligation de ré-entraînement était inapplicable au cas de Madame [T],

' de débouter Madame [T] de l'ensemble de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Madame [C] [T] demande à la Cour:

' de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la Société SANOFI PASTEUR avait manqué à son obligation de sécurité et lui a accordé la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts du fait des difficultés rencontrées pour faire reconnaître son préjudice,

- jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' infirmant le jugement pour le surplus, de condamner la Société SANOFI PASTEUR au paiement des sommes suivantes:

. 40.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation des souffrances morales et physiques subies en suite de l'agression dont elle a été victime et que la Société SANOFI PASTEUR aurait pu permettre d'éviter si elle avait agi conformément à son obligation de sécurité,

. 30.000,00 € à titre de dommages et intérêts en compensation de la perte de revenus découlant de son incapacité de travail, conséquence directe de son agression,

. 120.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur la base d'une moyenne de salaire de 6.736,97 €

. 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de réentraînement,

. 8.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le respect par la Société SANOFI PASTEUR de ses obligations contractuelles:

. Sur la recevabilité de la demande de Madame [T]:

Par arrêt du 18 avril 2007, la cour d'Appel de MONTPELLIER a confirmé la décision d'irrecevabilité rendue par le Tribunal des Affaires de la sécurité sociale au motif que la législation française sur les accidents du travail n'étant pas applicable à Madame [T] en sa qualité de salariée expatriée, elle ne pouvait rechercher la faute inexcusable de son employeur visée à l'article L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Si l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale dispose que, sous réserve notamment des dispositions de l'article L.451-1 du même code, aucune action en réparation des accidents du travail ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants-droits, il convient de constater que Madame [T] a été déclarée irrecevable à agir sur le terrain de la faute inexcusable au motif que la législation française sur les accidents du travail ne lui était pas applicable, de telle sorte que la Société SANOFI PASTEUR est malvenue à lui opposer la disposition susvisée.

Par ailleurs, Madame [T] ne fait nullement état d'une faute inexcusable au sens du texte précité, mais demande à la Cour de juger que la Société SANOFI PASTEUR n'a pas respecté son obligation contractuelle de sécurité. Il ne peut donc lui être opposé l'incompétence du Conseil des Prud'hommes pour statuer sur la faute inexcusable de son employeur.

La demande de Madame [T] en reconnaissance de faute inexcusable n'a pas été rejetée mais déclarée irrecevable; il ne peut donc lui être fait grief de former une demande déjà tranchée devant les juridictions exclusivement compétentes contrairement à ce que soutient la Société SANOFI PASTEUR.

En application de l'article 1147 du Code Civil et en vertu du contrat de travail, les salariés peuvent prétendre à la réparation des conséquences du non respect par l'employeur de l'article L4121-1 du Code du Travail qui dispose:

' L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (...)'

La prise en charge de l'agression dont Madame [T] a été victime par la Caisse des Français de l'Etranger ( CFE) au titre d'un accident d'origine professionnelle sans aucune considération de la faute de l'employeur, est sans incidence sur le droit de la salariée de mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de la Société SANOFI PASTEUR.

Il convient donc de conclure que Madame [T] est recevable en sa demande tendant à engager la responsabilité de son employeur en application de l'article L.4121-1 du Code du Travail.

. Sur le respect par la Société SANOFI PASTEUR de son obligation de sécurité à l'encontre de Madame [T]

Il n'appartient pas à la Cour de juger si l'agression dont Madame [T] a été victime, constitue un accident de travail ou de trajet mais de statuer sur la responsabilité de la Société SANOFI PASTEUR dans la survenance de ce dommage au regard de son obligation de sécurité.

Madame [T] a été victime d'une agression alors qu'elle se trouvait du fait de son contrat de travail dans un lieu particulièrement exposé au risque.

Pour conclure à l'absence de risques particuliers à [Localité 5] à l'époque de l'agression dont Madame [T] a été victime, la Société SANOFI PASTEUR se contente de produire le document consultable sur le site de l'ambassade de France en Côte d'Ivoire mis à jour en mars 2006 et rappelant l'historique des événements ayant affecté les ressortissants français depuis septembre 2002.

Le fait que ce document, qui n'a vocation qu'a rappeler en termes succincts les éléments jugés les plus marquants, ne mentionne aucun événement entre octobre 2003 et juin 2004, n'est pas de nature à contredire les nombreux éléments produits par Madame [T] établissant , comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'existence de risques ne relevant pas du droit commun mais d'une situation politique très perturbée compromettant gravement la sécurité des ressortissants français.

Ce risque était connu de la Société SANOFI PASTEUR qui avait été alertée par Madame [T] en termes très circonstanciés sur l'accroissement des dangers encourus par les ressortissants français.

Elle avait en effet demandé expressément par fax du 31 mars 2004 non seulement à pouvoir organiser le rapatriement de ses biens et animaux mais aussi à quitter son domicile d'[Localité 5] pour un retour sécurisé en France.

Par fax du 14 avril 2004, Madame [T] rappelait sa demande concernant le rapatriement de ses biens indiquant qu'elle comprenait que la réponse sur l'exercice de ses fonctions en France puisse prendre plus de temps. Il lui a été répondu dès le 16 avril 2004 que si le rapatriement de ses biens pouvaient être organisé, il n'était pas envisageable qu'elle exerce sa mission en France étant nommée sur un poste devant s'exercer à plein temps en Côte d'Ivoire.

Aucune réponse n'a été apportée sur les craintes exprimées par Madame [T] sur sa sécurité et la Société SANOFI PASTEUR s'est contentée de faire état du lieu contractuel de travail sans prendre en compte le danger que son maintien faisait encourir à la salariée.

La Société SANOFI PASTEUR n'a donc pris aucune mesure de protection pour prévenir le dommage dont le caractère prévisible est amplement démontré.

Alors qu'il n'est nullement établi que Madame [T] en prenant des risques inconsidérés au moment de l'agression a commis un faute de nature à exonérer la Société SANOFI PASTEUR de sa responsabilité, il convient de conclure que le manquement de l'employeur est à l'origine de l'agression subie par la salariée.

Le fait que Madame [T] ait bénéficié pendant son arrêt de travail du maintien de son salaire et qu'elle se soit vue reconnaître une incapacité à hauteur de 40% à compter du 1er juin 2007 lui ouvrant droit à une rente mensuelle de 727,42 € ne répare pas l'intégralité du préjudice subi par la salariée du fait de cette agression.

En effet, si elle n'a pas subi de préjudice économique pendant l'arrêt de travail et si son incapacité lui ouvre droit à une rente, elle n'a été indemnisée ni des souffrances morales et physiques subies ni de l'intégralité du préjudice professionnel résultant de son incapacité.

Compte des éléments médicaux produits sur l'intensité des douleurs morale et physique subies par Madame [T] du fait de son agression, il convient de fixer son indemnisation à ce titre à hauteur de 15.000,00 €.

Par ailleurs, le retentissement professionnel de l'incapacité dont est atteinte Madame [T] du fait de l'agression dont elle a été victime justifie que lui soit accordée la somme de 10.000,00 €.

La Société SANOFI PASTEUR sera donc condamnée au paiement de la somme 35.000,00 € à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie 28 avril 2004 par Madame [T]

. Sur l'obligation d'information de la Société SANOFI PASTEUR en matière de prévoyance

La Société SANOFI PASTEUR devait non seulement prendre toutes les dispositions utiles et nécessaires pour assurer la sécurité de Madame [T] mais en outre l'informer expressément de toute les mesures utiles pour pallier les risques aux quels elle s'exposait notamment par le biais d'une assurance volontaire.

Madame [T] ne fait pas état d'un défaut d'information sur le contenu de son contrat souscrit avec la CFE mais d'un défaut d'information de son employeur sur la nécessité de souscrire une assurance volontaire.

Pour caractériser le manquement de la Société SANOFI PASTEUR ouvrant droit au profit de Madame [T] à une somme de 5.000,00 € en 'dédommagement des diverses difficultés pour faire reconnaître son préjudice' le Conseil des Prud'hommes relève que la Société SANOFI PASTEUR a omis de procéder aux déclarations obligatoires liées au statut d'expatriation et précise que celle-ci ayant reconnu son erreur, elle a décidé de faire une déclaration d'accident du travail.

Madame [T] qui demande à la cour de confirmer la décision indique qu'aux termes de sa lettre de mission elle était portée à croire que son employeur maintenait en sa faveur le même statut que ses salariés non expatriés et que le défaut d'information par l'employeur est à l'origine de nombreuses difficultés.

Elle ne fournit cependant aucune précision sur les conséquences de l'information qui lui aurait fait défaut et il n'est pas établi que le refus initial de prise en charge de son agression au titre d'un accident d'origine professionnelle par la CFE soit la conséquence d'un défaut d'information de la Société SANOFI PASTEUR à son encontre ou d'un autre manquement à ses obligations contractuelles.

En effet, le relevé de sa situation auprès de la CFE du 24 mars 2004, soit avant l'accident, établit qu'elle était adhérente en qualité de 'salariée ou volontaire assimilé' à l'assurance Maladie-Maternité-Invalidité, Accident du Travail et Vieillesse.

Par ailleurs, par lettre du 13 octobre 2004, la CFE a avisé Madame [T] qu'à la suite de son recours formé sur la décision de refus initial elle avait décidé 'après étude du dossier et des renseignements complémentaires fournis par l'employeur' que son accident serait pris en charge en tant qu'accident du travail.

Ce courrier ne caractérise aucun manquement de la Société SANOFI PASTEUR à son obligation d'information, à l'origine du refus initial de la CFE et du retard avec lequel Madame [T] a été prise en charge.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Aux termes de l'article L1226-10 du Code du Travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites de ce médecin et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, l'article L1132-1 du Code du Travail fait interdiction à tout employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail conformément aux dispositions de l'article R.4624-31 et il résulte de l'article L.1226- 12 du même code, que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement et ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

En l'espèce, Madame [T] en arrêt maladie depuis le 28 avril 2004 a été examinée le 12 novembre 2006 par le docteur [D], médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise.

Madame le docteur [D], a rendu un avis d'inaptitude de Madame [T] à son emploi de 'Responsable Afrique Occidentale et Centrale' en une seule visite au visa de l'article R241-51-1 du Code du Travail devenu article R4624-31.

Elle précisait toutefois :

' Reclassement envisageable à un poste sédentaire, voir à domicile, non basé sur le siège lyonnais, sans déplacements.

Des aménagements matériels pourraient être nécessaire pour un travail sur écran. A revoir donc en fonction des propositions.'

Par lettre du 30 novembre 2007, la Société SANOFI PASTEUR informait Madame [T] qu'elle prenait en considération les remarques formulées par le médecin du travail, la tiendrait informée dans les meilleurs délais de la suite à donner à sa situation et lui demandait de faire parvenir un curriculum vitae actualisé.

Par lettre du 11 janvier 2008, la Société SANOFI PASTEUR informait Madame [T] qu'une recherche active d'emploi avait été faite au regard de ses qualifications, compétences et expériences au sein de SANOFI PASTEUR à l'exclusion du siège puis au sein du Groupe SANOFI AVENTIS et concluait:

'Après examen des quelques postes ouverts au recrutement, nous avons le regret de vous informer que votre reclassement sur un poste aussi comparable que possible à celui que vous occupiez précédemment s'avère impossible. En effet, la plupart de ces postes sont des postes d'opérateurs techniques en production, et les autres sont incompatibles avec les restrictions édictées par le médecin du travail.'

Madame [T] a été licenciée par lettre du 18 février 2008 visant l'application de l'article L.122-32-6 du Code du Travail devenu L1226-14, au motif de son inaptitude et de l'impossibilité de procéder à son reclassement, étant précisé à propos des postes ouverts au recrutement: 'la plupart de ces postes sont des postes d'opérateurs techniques de production et les autres sont incompatibles avec les restrictions édictées par le médecin du travail.'

La Société SANOFI PASTEUR avait informé Madame [T] par lettre du 30 octobre 2007 qu'elle devait effectuer la visite de reprise auprès du médecin du travail de l'entreprise en précisant : ' Seul notre médecin du travail connaît avec précision les postes de l'entreprise et est donc en mesure d'apprécier votre aptitude au travail, objet de cette visite.'

Si l'inaptitude prononcée en une seule fois lors de cette visite de reprise n'est pas contestée, il convient de relever qu'elle ne porte que sur le poste de 'Responsable Afrique Occidentale et Centrale' que Madame [T] exerçait en Côte d'Ivoire, le médecin ayant estimé qu'elle était dans l'incapacité de reprendre ce poste à l'issue de son arrêt maladie.

Alors que le médecin du travail envisageait de manière explicite un reclassement possible en posant des limites à l'aptitude de Madame [T] en prévoyant une nouvelle visite 'en fonction des propositions', il convient de relever que la Société SANOFI PASTEUR n'a fait aucune proposition de reclassement à Madame [T] et n'a nullement repris contact avec le médecin du travail pour envisager les aménagements matériels que ce dernier se proposait d'examiner ou un aménagement du temps de travail. Elle ne justifie donc pas de l'impossibilité à laquelle elle s'est heurtée de donner suite au reclassement envisagé par le médecin du travail.

En se contentant de rechercher, même au sein du groupe, des postes disponibles en faisant état des restrictions posées par le médecin du travail, sans s'interroger sérieusement sur les possibilités de transformation d'emplois, pour les rendre compatibles avec l'aptitude de la salariée, ou d'aménagement du temps de travail, la Société SANOFI PASTEUR a méconnu les exigences de l'article L1226-10 du Code du Travail et le licenciement Madame [T] doit donc être jugé illicite.

Aucune réintégration n'ayant été envisagée par les parties, il convient de faire application de l'article L.1226-15 du Code du Travail prévoyant le versement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et d'accorder à Madame [T] compte tenu des éléments versés aux débats la somme de 90.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

Sur l'obligation de réentraînement au travail et de rééducation professionnelle:

Il résulte de l'article L. 5213-3 du code du travail que tout travailleur handicapé peut bénéficier d'une réadaptation, d'une rééducation ou d'une formation professionnelle.

L'article L. 5213-5 du même code dispose en outre:

' Tout établissement ou groupe d'établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de cinq mille salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés.

Les inspecteurs du travail peuvent mettre les chefs d'entreprise en demeure de se conformer à ces prescriptions.'

Il n'est pas contestable que la déclaration d'inaptitude définitive du salarié à son poste par le médecin du travail ne libère pas l'employeur de cette obligation qui ne se confond pas avec celle prévue par l'article L.1226-10 du Code du Travail et que le non respect par l'employeur de son obligation de ré-entraînement au travail et de rééducation professionnelle, s'il n'affecte pas le licenciement, peut causer au salarié un préjudice distinct qu'il convient de réparer.

Il convient cependant de relever que si l'article L. 5213-5 du Code du travail inséré dans un chapitre relatif à la reconnaissance et l'orientation des travailleurs handicapés, met à la charge des établissement ou groupe d'établissements employant plus de 5000 salariés une obligation supplémentaire, celle-ci ne concerne que les salariés handicapés tels que défini par l'article L5213-2 qui dispose;

' La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'Article L146-9 du code de l'action sociale et des familles.(...)'

Alors que la condition liée à l'effectif de l'entreprise n'est pas contestée, il convient de vérifier pour apprécier l'éventuel manquement de la Société SANOFI PASTEUR à son obligation, que celle-ci connaissait de la décision de la COTOREP, reconnaissant à Madame [T] le statut de salarié handicapé, avant d'engager la procédure de licenciement.

Or, si Madame [T] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé par décision de la COTOREP du 8 octobre 2007 notifiée le 20 octobre 2008, elle ne justifie pas en avoir avisé son employeur et aucun élément produit aux débats ne permet d'établir que la Société SANOFI PASTEUR était informée de cette décision.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [T] de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :

En application de ce texte, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges et, y ajoutant, de condamner la Société SANOFI PASTEUR au paiement de la somme de 2.500,00 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

' Déclare la Société SANOFI PASTEUR recevable en son appel,

' Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a accordé à Madame [T] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en dédommagement des diverses difficultés rencontrées pour faire reconnaître son préjudice, et en ce qu'il a fixé l'indemnisation du licenciement de Madame [T] à hauteur de 60.000,00 €.

Et statuant à nouveau:

' Condamne la Société SANOFI PASTEUR au paiement de la somme de 35.000,00 € à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de l'agression subie 28 avril 2004 par Madame [T],

' Dit que le licenciement de Madame [T] est illicite et condamne la Société SANOFI PASTEUR au paiement de la somme de 90.000,00 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1226-15 du Code du Travail,

' Condamne la Société SANOFI PASTEUR à payer à Madame [T] la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

' Condamne la Société SANOFI PASTEUR aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/03167
Date de la décision : 09/06/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/03167 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-09;09.03167 ?
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