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12/05/2010 | FRANCE | N°09/02928

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 12 mai 2010, 09/02928


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 09/02928





SARL CP LAFAYETTE

C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYONdu 20 avril 2009

RG : F 07/04126











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 12 MAI 2010







APPELANTE :



SARL CP LAFAYETTE

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Maître Thierry CARRON, avocat au

barreau de LYON









INTIMÉ :



[T] [R]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Maître Karine THIEBAULT, avocat au barreau de LYON













































DÉBATS EN AUDIENCE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 09/02928

SARL CP LAFAYETTE

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYONdu 20 avril 2009

RG : F 07/04126

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 12 MAI 2010

APPELANTE :

SARL CP LAFAYETTE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Maître Thierry CARRON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[T] [R]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Maître Karine THIEBAULT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 mars 2010

Présidée par Dominique DEFRASNE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Catherine ZAGALA, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 mai 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Statuant sur l'appel formé par la SA CP LAFAYETTE d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Lyon, en date du 20 avril 2009, qui a :

- dit que le licenciement de Monsieur [T] [R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société CP LAFAYETTE à lui verser les sommes suivantes :

* 1 046,02 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

* 104,60 € à titre de congés payés afférents,

* 4 473,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 447,36 € à titre de congés payés afférents,

* 1 472,58 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 20 100,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 700,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Monsieur [T] [R] de ses autres demandes et la société CP LAFAYETTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société CP LAFAYETTE aux dépens.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 12 mars 2010, de la société CP LAFAYETTE, appelante, qui demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes et statuant à nouveau :

- de dire que Monsieur [R] a commis une faute grave et que son licenciement est bien fondé ;

- de débouter Monsieur [R] de l'intégralité de ses demandes ;

- de le condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 12 mars 2010, de Monsieur [T] [R], intimé, qui demande de son côté à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris sauf à porter à 26 842,00 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

y ajoutant :

- d'ordonner la suppression d'un passage figurant en page 7 des écritures de la société CP LAFAYETTE comme étant attentatoire à son honneur et à sa considération et de lui allouer la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, ce en application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

- de condamner la société CP LAFAYETTE aux dépens ainsi qu'au paiement de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle allouée par les premiers juges.

EXPOSE DU LITIGE

Attendu que Monsieur [T] [R] a été embauché à durée indéterminée, le 17 mars 2001 par la société RHODANIENNE DES VIANDES, en qualité de boucher, coefficient 135 selon la convention collective de la boucherie - charcuterie ;

Que par jugement du 28 juin 2007, le Tribunal de commerce de Lyon a homologué un plan de cession de l'activité de la société RHODANIENNE DES VIANDES au profit de la société CP LAFAYETTE, exploitant sous l'enseigne 'CERISE ET POTIRON' une activité de commerce de fruits et légumes et que le contrat de travail de Monsieur [R], comme celui des autres salariés de la société RHODANIENNE DES VIANDES, s'est poursuivi avec la société CP LAFAYETTE, en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ;

Que par lettre recommandée du 5 juillet 2007, la société CP LAFAYETTE a proposé à Monsieur [R] une mutation professionnelle à un poste de vendeur hautement qualifié mais que le salarié, le 16 juillet 2007, a décliné cette proposition qui entraînait une modification de son contrat de travail ;

Que par courrier recommandé du 7 août 2007, faisant suite à un entretien préalable du 2 août, la société CP LAFAYETTE a notifié à Monsieur [R] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'En effet, en date du 6 juillet 2007, vous avez agressé Madame [F] [I] en la menaçant avec un couteau, et l'avez accusée d'être à l'origine des difficultés de l'entreprise, et du départ de certains salariés au seul motif qu'elle était déléguée du personnel.

Les jours précédant cet incident, vous avez eu à son égard une attitude agressive, cherchant sans cesse à la provoquer, et lui tenant des propos inconvenants et déplacés. Un pneu de son véhicule a d'ailleurs été lacéré à l'aide d'un couteau.

Le 6 juillet 2007, alors que Madame [F] [I] vous demandait de cesser de la harceler, vous avez alors proféré de nombreuses injures et menaces à son encontre jusqu'à venir pointer un couteau dans sa direction ne vous arrêtant qu'à une vingtaine de centimètres de son visage. Il a fallu que deux employés, Messieurs [P] et [B] interviennent pour mettre fin à cette agression.

Il s'agit d'un acte gravissime attentatoire à l'intégrité physique et mentale de l'une de vos collègues de travail. Pendant plusieurs jours, celle-ci est restée dans la crainte que vous ne recommenciez votre acte jusqu'à ce qu'elle ait le courage de déposer plainte auprès du Commissariat de [Localité 5], dont procès-verbal a été dressé en date du 18 juillet 2007.

Suite à cet incident, vous n'avez d'ailleurs manifesté ni remord, ni excuse.

Votre comportement témoigne d'un manque évident de respect à l'égard de votre collègue de travail, et constitue un danger, et une atteinte à son intégrité physique, comportement que nous ne saurions tolérer.

Votre conduite, parfaitement inqualifiable, constitue un manquement grave à vos obligations professionnelles élémentaires, et remet en cause la poursuite de votre contrat de travail.

Compte tenu de la gravité des agissements fautifs qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, même pour la durée réduite d'un préavis.

En conséquence, nous n'avons pas d'autre issue que de prononcer la rupture immédiate de nos relations contractuelles, et de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Cette mesure prend donc effet immédiatement, et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de première présentation de ce courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement.'

Que Monsieur [R] a vivement contesté son licenciement tant en la forme qu'au fond auprès de l'employeur, puis saisi aux mêmes fins, le 16 novembre 2007, la juridiction prud'homale, laquelle a rendu en sa faveur la décision aujourd'hui frappée d'appel ;

Attendu que la société CP LAFAYETTE prétend justifier le licenciement à la fois par les insultes et par les menaces au moyen d'un couteau de Monsieur [R] à l'égard de Madame [I], en précisant que ces insultes ont motivé un rappel à la loi ;

Qu'elle fait valoir que dans ces conditions et compte tenu des antécédents judiciaires de Monsieur [R], elle a décidé de préserver la santé physique et mentale de Madame [I] ;

Qu'elle conteste la sincérité des témoignages produits par le salarié à l'appui de sa contestation;

Attendu que Monsieur [R] indique que s'il a eu des mots avec Madame [I] qui l'avait elle-même interpellé en termes déplacés, il n'a jamais menacé cette salariée avec un couteau et que d'ailleurs le Parquet de Lyon a décidé de ne pas donner de suites judiciaires à l'affaire ;

Qu'il ajoute que le rappel à la loi n'emporte pas par lui-même la preuve des faits et de la culpabilité ;

Qu'il fait valoir également qu'il n'a jamais fait l'objet de reproches antérieurs de l'employeur ni d'aucune condamnation pénale et que la condamnation pour violences volontaires visée par la société CP LAFAYETTE dans ses écritures, en portant atteinte à son honneur et sa considération, lui cause un préjudice moral dont il est fondé à réclamer réparation ;

MOTIFS DE LA COUR

Attendu que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation du contrat de travail ou des obligations résultant de la relation de travail, d'une importance telle qu'elle rend nécessaire la rupture immédiate de ce contrat ;

Attendu que la société CP LAFAYETTE reproche principalement à Monsieur [R] d'avoir insulté et menacé avec un couteau Madame [F] [I] le 6 juillet 2007 dans les locaux de l'entreprise ;

Qu'il est versé aux débats le procès-verbal de l'enquête diligentée par les services de police de [Localité 4] à la suite d'une plainte de Madame [I], le 18 juillet 2007, contre Monsieur [R] et un autre salarié, Monsieur [C] pour dégradation volontaire de véhicule et menaces avec arme;

Qu'il apparaît que dans les jours précédents le 6 juillet 2007, le véhicule de Madame [I] avait eu un pneu crevé et qu'elle avait accusé Monsieur [R] et l'autre salarié ;

Que cependant la responsabilité de Monsieur [R] dans cette dégradation n'a pas été démontrée ;

Que le salarié a expliqué aux policiers que Madame [I] l'avait accusé sans preuve d'avoir crevé son pneu et que le 6 juillet elle était venue le voir dans le laboratoire pour lui reparler de la voiture, l'avait traité 'd'enculé' et que lui-même l'avait traitée 'de salope' en retour ;

Qu'il a affirmé ne l'avoir jamais menacé avec un couteau, ayant seulement un couteau en main pour couper de la viande ;

Que Monsieur [B], chauffeur livreur et présent le 6 juillet dans le laboratoire, a confirmé les explications du salarié en précisant que lorsque Madame [I] était arrivée, Monsieur [R] était en train d'aiguiser ses couteaux, qu'il l'avait entendu insulter Madame [I] en ces termes 'sale pute, salope', qu'ils avaient discuté tous les deux avec véhémence, que Monsieur [R] n'avait pas pointé le couteau dans la direction de Madame [I], qu'il s'agitait avec son couteau à la main mais sans la menacer ;

Que Monsieur [B] ajoute qu'il a demandé à Monsieur [R] de poser le couteau, ce qu'il a fait ;

Qu'aux termes de l'enquête, Monsieur [R] a fait l'objet d'un rappel à la loi, seulement pour avoir insulté Madame [I] ;

Attendu que les menaces avec un couteau reprochées au salarié ne sont pas établies ;

Que les insultes sont avérées mais qu'elles s'inscrivent, selon les éléments communiqués à la Cour dans un contexte où Madame [I] accusait sans preuve Monsieur [R] d'avoir dégradé son véhicule ;

Que ces insultes dans un tel contexte ne sont pas de nature à fonder un licenciement ;

Attendu en conséquence que le licenciement de Monsieur [R] doit être jugé sans cause réelle et sérieuse et la décision des premiers juges confirmée de ce chef ;

Attendu que Monsieur [R] est en droit de réclamer le paiement des salaires correspondant à la mise à pied conservatoire, soit 1 046,02 € ainsi que les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de deux mois de salaire, soit 4 473,68 €, outre les congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement égale à 1/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté, soit 1 472,58 € ;

Que le salarié qui avait plus de deux ans d'ancienneté au moment de son licenciement dans une entreprise occupant plus de dix salariés est en droit de prétendre à l'indemnité prévue par l'article L1235-3 du code du travail ;

Que compte tenu des éléments de la cause, il convient de lui allouer la somme de

25 000,00 € à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

2 - Sur la demande d'application de l'article 41 3ème alinéa de la loi du 29 juillet 1981

Attendu que Monsieur [R] reproche à la société CP LAFAYETTE d'avoir mentionné faussement dans ses écritures qu'il avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour violences volontaires en 1993 ;

Qu'il résulte des éléments de la cause que l'employeur s'est contenté de reprendre une indication mentionnée dans le procès-verbal des services de police après exploitation du fichier STIC ;

Que quelles que soient les critiques formulées à l'égard de ce fichier, la Cour n'estime pas nécessaire en l'espèce d'ordonner la suppression du passage litigieux, étant rappelé que cette mesure n'est pas obligatoire pour le juge ;

Attendu que la société CP LAFAYETTE qui succombe supportera les dépens ;

Qu'il convient d'allouer à Monsieur [R] en cause d'appel la somme de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable ;

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la SA CP LAFAYETTE à payer à Monsieur [T] [R] la somme de

25 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à ordonner la suppression du passage litigieux dans les écritures de

l'appelante ;

Condamne la SA CP LAFAYETTE à payer à Monsieur [T] [R] la somme de

1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée au même titre par les premiers juges ;

Condamne la SA CP LAFAYETTE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/02928
Date de la décision : 12/05/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/02928 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-12;09.02928 ?
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