RAPPORTEUR
R. G : 07 / 07985
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C /
APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 06 Décembre 2007 RG : F 06 / 00556
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2009
APPELANTE :
comparant en personne, assistée de Maître Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SOCIETE KIABY EUROPE 100 Rue du Calvaire 59510 HEM
représentée par Maître Bruno PLATEL, avocat au barreau de LILLE
PARTIES CONVOQUÉES LE : 13 février 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Janvier 2009
Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Bruno LIOTARD, Président Hélène HOMS, Conseiller Marie-Claude REVOL, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 Février 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Bruno LIOTARD, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 6 décembre 2006, Audrey X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne aux fins de requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et d'obtenir la condamnation de la société KIABI EUROPE à lui verser un rappel de salaire et de congés payés ainsi qu'une indemnité de requalification.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 décembre 2007, a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 8 décembre 2007.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2007, la société KIABI EUROPE lui a notifié son licenciement en raison de la perte de son statut d'étudiante.
MOTIFS DE LA DÉCISION
sur la qualification du contrat
En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Aux termes de l'article L. 3123-31 du code du travail, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
Il en résulte que la convention ou l'accord collectif prévoyant le recours au travail intermittent doit désigner de façon précise les emplois permanents qui peuvent être pourvus par la conclusion de contrats de travail intermittent.
L'accord d'entreprise sur les contrats à la carte d'étudiant du 3 octobre 1988, modifié par un avenant du 31 mai 1996 qui prévoit le recours au travail intermittent au sein de la société KIABI EUROPE, précise dans son préambule : " le contrat à la carte d'étudiant est prioritairement utilisé pour satisfaire à des variations d'activité soudaine et de caractère imprévisible ou prévisible à très court terme ou à des remplacements en particulier pendant les périodes de vacances scolaires et universitaires. A ce titre, le contrat à la carte d'étudiant vient en complément des contrats à durée indéterminée ou contrat à durée déterminée de longue durée qui ont un caractère permanent et qui permettent la prise en charge des variations d'activité dont la saisonnalité est connue à l'avance (...) Ce type de contrat est réservé à des étudiants. "
Cet accord définit l'objet de ces contrats et les personnes pouvant les conclure mais ne définit pas les emplois permanents qui, par nature, comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
En application de l'article L. 3123-33 du code du travail, le contrat de travail intermittent est un contrat écrit à durée indéterminée mentionnant, notamment, la durée annuelle minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.
En l'absence des mentions légales exigées, le contrat de travail intermittent doit être requalifié en contrat de travail à temps complet, l'employeur étant cependant recevable à apporter la preuve contraire.
Le contrat de travail conclu entre les parties le 5 octobre 1999 stipule à l'article 4 relatif à la période de travail : " il a été expressément convenu qu'un minimum de 400 heures et 00 minutes de travail par année sera proposé à Melle X... par la société KIABI. Ce capital de 400 heures et 00 minutes est tacitement reconductible pour une année à compter de la date anniversaire de prise d'effet du contrat. Chaque fois que la société KIABI sera en mesure d'offrir à Melle X... une mission, la proposition correspondante lui sera présentée de préférence par écrit, et si possible une semaine à l'avance, sauf en cas de force majeure. Melle X... aura la faculté d'accepter ou de refuser cette proposition en fonction de sa disponibilité. Le volume d'heures annuel minimal prévu au troisième alinéa de cet article pourra être modifié par avenant, en particulier si une collaboration régulière est prévue avec Melle X... pendant la période des congés payés d'été pour remplacement de personnel absent. Toutefois, en cas de refus, le nombre d'heures de travail proposé par l'employeur viendra en déduction du contingent minimum annuel prévu ci-dessus au deuxième alinéa. "
Ces fiches font état d'indisponibilités certains jours de la semaine mais ne sont pas incompatibles avec un travail à temps complet répartis sur les autres jours ouvrables de la semaine dans la limite de la durée quotidienne maximale du travail prévue à l'article L. 3121-34 du code du travail. Elles ne démontrent pas que la salariée n'était pas disponible pour effectuer un temps complet.
Ces horaires variaient d'une semaine à l'autre et d'un mois à l'autre.
Audrey X... était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler puisque c'est la société KIABI EUROPE qui décidait des jours et volumes horaires qu'elle devait effectuer, en tenant compte ou non des fiches de disponibilités de la salariée. Elle avait la possibilité de refuser les propositions de l'employeur. Mais son refus était sanctionné par une diminution du contingent d'heure annuel.
Le contrat à la carte d'étudiant conclu entre les parties est irrégulier au regard des dispositions sur les contrats de travail intermittent des articles L. 3123-31 et L. 3123-33 précités.
Il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps complet.
Le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef.
sur le rappel de salaire
Aucun rappel de salaire n'est donc dû pour cette période.
- pour la période de novembre 2001 à septembre 2002 : (11 mois x 151, 67 heures)-398, 88 = 1. 269, 49 heures 1. 269, 49 x 7, 03 € = 8. 924, 51 €
- pour la période de juillet 2003 à octobre 2003 : (4 mois x 151, 67 heures)-149, 55 heures = 457, 13 heures 457, 13 x 7, 35 € = 3. 359, 90 €
- pour la période de novembre 2003 à octobre 2004 : 1. 820-354, 12 = 1. 465, 88 heures 1. 465, 88 x 7, 50 € = 10. 994, 10 €
- pour la période de novembre 2004 à octobre 2005 : 1. 820-339, 84 = 1. 480, 16 heures 1. 480, 16 x 7, 83 € = 11. 589, 65 €
- pour la période de novembre 2005 à octobre 2006 : 1. 820-666, 26 = 1153, 74 heures 1153, 74 x 8, 17 € = 9. 426, 06 €
- pour la période de novembre 2006 à octobre 2007 : 1. 820-273, 44 = 1. 546, 56 heures 1. 546, 56 x 8, 52 = 13. 176, 69 €
- pour la période de novembre 2007 à Décembre 2008 303, 03-106, 09 = 197, 21 heures 197, 21 x 8, 52 = 1. 680, 22 €
- total du rappel de salaires : 59. 151, 13 €.
sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
En application de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
Les avenants des 17 juin et 13 juillet 2006 conclus entre les parties sont identiques et stipulent : " Préambule : Etant donné que la période des congés payés nécessite de nombreux remplacements et que, par ailleurs, des titulaires de contrats à la carte sont volontaires pour travailler pendant les périodes de vacances scolaires, il est convenu de rapprocher ces préoccupations mutuelles par les dispositions suivantes permettant le travail des étudiants en période de congés payés. Art. 1 : La période de remplacement est prévue du 19 / 06 / 2006 au 01 / 07 / 2006. Les horaires de travail de Mlle X... seront répartis selon les modalités qui restent à convenir avec le responsable du magasin. Art. 2 : Les heures effectuées à l'occasion du remplacement des absences pour congés payés ne sont pas imputables sur le capital d'heures. Art. 3 : La mission de Mlle X... sera identique en tout ou partie de la mission de la (ou des) personne (s) remplacée (s), étant entendu que seront données à Mlle X... les directives, consignes, moyens et formation nécessaires à l'exercice de cette mission. Art. 4 : A la fin de la période de remplacement congés payés soit le 01 / 07 / 2006, les dispositions du contrat initial reprendront dans leur intégralité et le capital d'heures sera repris pour la valeur qu'il avait atteint à la date de prise d'effet du présent avenant. Art. 5 : Pendant la période de remplacement congés payés, toutes les autres dispositions du contrat initial que celles indiquées ci-dessus restent valables en tous points. "
Ils constituent une modification temporaire de son contrat de travail, acceptée par la salariée, les autres clauses du contrat étant maintenues conformément à l'article 5 des avenants.
sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L'article L. 1232- 1du code du travail prévoit que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement prévoir qu'une circonstance quelconque constituera un motif de rupture. Il appartient au juge d'apprécier, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 1232-1, si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En tout état de cause, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.
La lettre de licenciement du 19 décembre 2007 est motivée de la manière suivante : " Conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise en date du 03 octobre 1988, signé par la CFDT, la CFTC et la CGT-FO, il est prévu par ledit accord que la relation contractuelle cessera lorsque l'étudiant aura cessé ses études et aura de facto perdu son statut d'étudiant. C'est en application de ces dispositions conventionnelles que votre contrat de travail rappelle que l'arrêt des études est de nature à justifier la rupture de votre contrat de travail. Au regard de la perte de votre statut d'étudiant, nous sommes donc amenés à vous notifier, par la présente, votre licenciement, la perte de votre statut emportant, sur le plan juridique, l'impossibilité de poursuivre l'application de l'accord d'entreprise relatif aux « contrats à la carte étudiant » et rendant de manière générale impossible la poursuite de votre contrat de travail. "
Le licenciement d'Audrey X... est motivé par l'arrêt de ses études et la perte de son statut d'étudiant.
Ce motif, non disciplinaire, tiré de la vie personnelle de la salariée constitue une restriction à sa liberté de poursuivre ou non des études en dehors de l'exécution de son contrat de travail.
La société KIABI EUROPE n'établit pas que la nature de la tâche à accomplir rendait nécessaire cette restriction aux droits de la salariée, ni qu'elle était proportionnée au but recherché.
Le licenciement d'Audrey X... est sans cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail et compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la Cour, il convient de fixer à la somme de 8. 000 € les dommages intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi par la salariée du fait de son licenciement injustifié.
sur le caractère vexatoire du licenciement
Elle ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui qui est déjà réparé par l'indemnité ci-dessous allouée.
Elle doit être déboutée de sa demande.
sur les intérêts
En application de l'article 1153 du code civil, les créances salariales portent intérêts à compter de la réception par la société KIABI EUROPE de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes, soit le 11 décembre 2006.
En application de l'article 1153-1 du code civil, les créances indemnitaires portent intérêts à compter du prononcé de la présente décision.
sur les dépens et frais non répétibles
L'indemnité fixée par les premiers juges doit être confirmée et une indemnité complémentaire de 1. 000 € doit être ajoutée pour les frais exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf sur l'indemnité allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Juge le licenciement d'Audrey X... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société KIABI EUROPE à verser à Audrey X... la somme de 8. 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Déboute Audrey X... de ses autres demandes,
Condamne la société KIABI EUROPE aux dépens de première instance et d'appel.