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07/12/2007 | FRANCE | N°06/07903

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 07 décembre 2007, 06/07903


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 06/07903

X...SOCIETE TENTATION REPRESENTEE PAR SON PRESIDENT EN EXERCICE

C/SOCIETE TENTATIONX...

APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNEdu 08 Novembre 2006RG : F05/01101

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
Mademoiselle Isabelle X......84160 LOURMARIN

comparante en personne, assistée de Maître Christine ETIEMBRE, avocat au barreau de LYON
intimée sur appel incident,

INTIMEE :

SOCIETE TENTATION1 bis rue de la Rivièr

e42290 SORBIERS

représentée par Maître Antoine FARRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
appelante incidente,
PARTIES...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 06/07903

X...SOCIETE TENTATION REPRESENTEE PAR SON PRESIDENT EN EXERCICE

C/SOCIETE TENTATIONX...

APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNEdu 08 Novembre 2006RG : F05/01101

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
Mademoiselle Isabelle X......84160 LOURMARIN

comparante en personne, assistée de Maître Christine ETIEMBRE, avocat au barreau de LYON
intimée sur appel incident,

INTIMEE :

SOCIETE TENTATION1 bis rue de la Rivière42290 SORBIERS

représentée par Maître Antoine FARRE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
appelante incidente,
PARTIES CONVOQUEES LE :12 Avril 2007
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Novembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bruno LIOTARD, PrésidentMadame Hélène HOMS, ConseillerMadame Marie - Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Madame Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Décembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Monsieur Bruno LIOTARD, Président, et par Madame Malika CHINOUNE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE :
La S.A.S. TENTATION commercialise des produits de beauté et de bains auprès des parfumeries, instituts de beauté, pharmacies, drogueries ;
Par contrat verbal, la S.A.S. TENTATION a embauché Isabelle X... à compter du 10 avril 2000 en qualité de voyageur, représentant, placier multicartes sur les régions Rhône-Alpes et Provence-Cote d'Azur ; le 22 juillet 2005, la société TENTATION a licencié pour faute grave Isabelle X...;
Isabelle X... a saisi le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE ;
Le 8 novembre 2006, le conseil des prud'hommes :- a jugé que le licenciement était fondé sur une cause grave et a rejeté les demandes d'indemnité de préavis et de dommages et intérêts présentées par Isabelle X...,- a condamné la société TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 3.100 € au titre des commissions sur retour sur échantillonnage et la somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour remise tardive des documents relatifs à la rupture du contrat de travail, - a condamné Isabelle X... à verser à la société TENTATION la somme de 2.473,33 € au titre du trop perçu sur le remboursement des frais professionnels et des indemnités de congés payés, - a débouté Isabelle X... de ses demandes en remboursement de frais professionnels, en paiement de congés payés, en règlement de rappels de commissions, en paiement de l‘indemnité de clientèle et de sa demande de remise sous astreinte des documents conformes à la décision,- a refusé d'organiser une expertise,- a condamné Isabelle X... aux dépens de l'instance ;

Le jugement a été notifié le 17 novembre 2006 aux parties ; Isabelle X... a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 7 décembre 2006 ; la S.A.S. TENTATION a interjeté appel incident par lettre recommandée adressée au greffe le 13 décembre 2006 ;
Par conclusions reçues au greffe le 23 juillet 2007, maintenues et soutenues oralement à l'audience, Isabelle X... :- soulève la nullité du jugement entrepris pour défaut de respect du contradictoire et expose, à cet effet, que le conseil des prud'hommes a statué au vu de pièces produites par la S.A.S. TENTATION pendant le cours du délibéré et dont elle n'a pas reçu communication, - fait valoir que, par deux courriers adressés les 30 juin et 22 juillet 2005 et donc antérieurs au licenciement, elle avait pris acte de la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à ses obligations et en déduit que le licenciement est sans effet,- conteste avoir commis une quelconque faute, oppose la prescription des griefs invoqués par l'employeur et observe que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, - réclame la somme de 12.126,21 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre

1.212,61€ de congés payés afférents et la somme de 48.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - réclame la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du comportement de l'employeur,- accuse l'employeur d'une exécution déloyale du contrat de travail et réclame des dommages et intérêts à hauteur de 25.000 €,- réclame une indemnité de clientèle de 89.000 €,- réclame la somme de 7.373,69 € au titre des commissions sur retour d'échantillonnage et des congés payés afférents,- réclame la somme de 16.741,32 € à titre de rappel de commissions, outre 1.674,13 € de congés payés afférents,- réclame la somme de 58.314,62 € en remboursement de ses frais professionnels engagés au cours des années 2000 à 2004,- se fondant sur un usage, réclame la somme de 327,94 € au titre des congés payés pour la période de janvier à avril 2005,- réclame la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents liés à la rupture du contrat de travail, - entend voir rejetées les demandes reconventionnelles présentées par la société TENTATION,- sollicite, sous astreinte de 80 € par jour de retard la remise des certificats de travail, de l'attestation ASSEDIC et des bulletins de salaires conformes à la présente décision, - sollicite, sous astreinte de 150 € par jour de retard suivant le prononcé de la présente décision, la remise du journal des ventes pour les années 2000 à 2005 et les factures afférentes aux commandes passées sur son secteur géographique,- sollicite, sous astreinte de 80 € par jour de retard, la communication des extraits des livres comptables, - subsidiairement, sollicite l'organisation d'une expertise afin de déterminer le montant de l'indemnité de clientèle et de chiffrer les commissions, - réclame la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par conclusions reçues au greffe le 26 octobre 2007, maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. TENTATION :- soutient que le licenciement pour faute grave est justifié et qu'Isabelle X... ne peut réclamer aucune indemnité, - prétend que Isabelle X... ne pouvait plus bénéficier du statut de voyageur, représentant, placier à compter du 28 mai 2004 en raison de son activité commerciale personnelle et, en conséquence, sollicite le rejet de la demande d'indemnité de clientèle,- souligne que Isabelle X... a été honorée de ses frais professionnels, - réclame la somme de 2.473,37 € en remboursement du trop perçu sur les congés payés, - affirme qu'Isabelle X... a perçu toutes les commissions auxquelles elle avait droit, - rappelle le caractère quérable et non portable des documents relatifs à la rupture du contrat de travail pour contester la demande de dommages et intérêts, - s'oppose à toute communication de documents comptables confidentiels à Isabelle X... aux motifs que cette dernière exerce une activité concurrente et que, les bulletins de paye contenant des mentions suffisamment explicites, ces documents ne sont pas utiles , - réclame la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'annulation du jugement :
L'article 16 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à faire observer et à observer lui même le principe de la contradiction et lui interdit de retenir dans sa décision les documents produits par les parties si celles-ci n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement ;

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 28 juin 2006 devant le conseil des prud'hommes ; le 12 septembre 2006, pendant le délibéré et après la clôture des débats, le conseil des prud'hommes a réclamé à Isabelle X... les éléments en sa possession de nature à chiffrer sa demande au titre des commissions, et, a réclamé à la société TENTATION la liste des clients affectés à Isabelle X... et le journal global des ventes pour les mois de janvier à octobre 2005 ; la société TENTATION qui s'était toujours opposée à communiquer ces documents à Isabelle X..., motif pris d'un risque de concurrence déloyale, les a transmis au conseil des prud'hommes sans en adresser copie à son adversaire ; le 30 octobre 2006, soit avant le prononcé de la décision, Isabelle X..., par l'intermédiaire de son conseil, a déploré ne pas disposer des documents que devait communiquer la société TENTATION ; le jugement du 8 novembre 2006 énonce : "l'entreprise, suite à la demande du conseil des prud'hommes a fourni les documents réclamés... Isabelle X... n'a pas remis les éléments en sa possession pour justifier sa demande" ;

Ainsi, le conseil des prud'hommes a statué au vu de documents dont Isabelle X... n'avait pas eu connaissance et sans avoir préalablement ordonné une réouverture des débats qui lui aurait permis de recueillir les explications des parties ;
En conséquence, le jugement rendu le 8 novembre 2006 par le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE doit être annulé pour violation du principe du contradictoire ;
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
La démission du salarié fondée sur l'inexécution de ses obligations par l'employeur constitue une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués justifient la rupture, soit d'une démission dans le cas contraire ;
Le conseil de Isabelle X... a écrit à la société TENTATION le 18 février 2005 et le 12 avril 2005 pour transmettre les doléances de sa cliente ; ces courriers n'évoquent pas de démission mais contiennent des demandes de renseignement et de régularisation de la situation ;
Par courrier du 18 mars 2005, Isabelle X... faisait plusieurs reproches à son employeur, spécialement la diminution du montant des congés payés, le nouveau système de paiement des remises de fin d'année, les livraisons hors de son intermédiaire à des clients situés sur son secteur d'exclusivité (ELYTIS, NOCIBE, AUCHAN), le paiement des commissions un mois après l'expédition de la commande ; elle finissait son courrier en indiquant qu'à défaut de régularisation elle prendrait acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Par courrier du 30 juin 2005, Isabelle X... dénonçait le comportement de son employeur, les pressions exercées pour lui imposer des modifications importantes du contrat de travail et pour la contraindre à démissionner ; elle reprenait les griefs précédemment formulés, et, contestait également la suppression des départements de la Drome et de l'Ardèche du secteur géographique qui lui avait été attribué ; Isabelle X... écrivait : " malgré le comportement odieux que vous adoptez à mon égard et les modifications de mon système de rémunération que vous m'avez imposé, je vous confirme que je suis contrainte de continuer à travailler afin de pouvoir assurer mes revenus ";
Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2005, c'est à dire du jour du licenciement, Isabelle X... répondait à l'entretien préalable du 20 juillet 2005 ; elle contestait les motifs du licenciement et accusait son employeur d'être à l'origine de la rupture du contrat de travail en ne lui payant pas les salaires, en ne lui ayant pas établi un contrat de travail écrit et en ayant manqué à ses obligations ;
Il s'évince de ces différents courriers qu'Isabelle X... n'a jamais démissionné avant le licenciement ; il ne peut donc y avoir prise d'acte de la rupture du contrat de travail laquelle suppose nécessairement une démission ;
Enfin, Isabelle X... ne demande pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
En conséquence, Isabelle X... doit être déboutée de sa demande en reconnaissance de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le licenciement :
La convocation à l'entretien préalable au licenciement date du 7 juillet 2005, l'entretien s'est déroulé le 20 juillet 2005 ; la lettre de licenciement est du 22 juillet 2005 ;
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs suivants :1) une activité réalisée à titre personnel au sein de la société PERIGRINE qui n'est pas compatible avec le statut de voyageur, représentant, placier,2) la prise en 2001 d'une carte MOLINARD sans prévenir l'employeur, et, ce, en contradiction avec les obligations découlant du statut de voyageur, représentant, placier et la prise de nombreuses autres cartes inconnues de l'employeur,3) la baisse très importante des résultats et la perte de nombreux clients importants depuis le début de l'activité au sein de la société PERIGRINE et le constat fin 2004 d'une baisse significative du chiffre d'affaires réalisé par la société ATHENAIS,4) le démarchage d'un nouveau client connu dans la profession pour ses difficultés financières avec prise de commande un mois avant son dépôt de bilan dont il est résulté une perte de 11.000 €,5) l'utilisation de la notoriété et du référencement de l'entreprise dans les chaînes de parfumerie pour placer ses articles et plus précisément un détournement confirmé par la baisse de résultat,6) une citation en référé sur la base d'arguments fallacieux ;

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis ;
En application de l'article L.122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ;

S'agissant du grief No1 :La lettre de licenciement mentionne que l'anomalie consistant dans l'activité au sein de la société PERIGRINE a été constatée le 1o mars 2005 ; Roger A..., dirigeant de la société TENTATION, a déposé plainte contre Isabelle X... du chef de fausse attestation ; dans son audition devant les gendarmes le 24 mars 2006, il déclare avoir découvert début 2005 que Isabelle X... travaillait pour la société PERIGRINE et en était l'élément essentiel et indispensable et probablement la gérante de fait ; Julie A..., fille du dirigeant de la société TENTATION et responsable commerciale de la société, témoigne qu'en septembre 2004, Isabelle X... les a informé qu'elle avait référencé en juin de la même année une nouvelle carte devenant voyageur, représentant, placier de la société PERIGRINE et qu'elle travaillait pour sa mère ; Julie A... précise que le dirigeant de la société TENTATION ne s'y est pas opposé car la carte n'était pas concurrente et lui a même facilité la tâche, d'une part, en l'autorisant à passer des commandes pour le compte de la société PERIGRINE sur les stands tenus par la société TENTATION dans les salons professionnels, et, d'autre part, en embauchant une amie de Isabelle X... en septembre 2004 sur le secteur Rhône Alpes devenu vacant afin de faciliter le placement de sa carte PERIGRINE ; enfin, un courrier adressé par la société TENTATION au conseil de Isabelle X... le 1o mars 2005 dénonce l'activité primordiale exercée par Isabelle X... au sein de la société PERIGRINE ; il s'ensuit de ces documents que l'employeur avait connaissance de la situation plus de deux mois avant le licenciement de juillet 2005 ; ce grief est par conséquent prescrit ;

S'agissant du grief No 2 :Isabelle X... a toujours détenu plusieurs cartes ce qui n'est pas une atteinte à ses obligations découlant du contrat de travail puisqu'elle a été embauchée en qualité de voyageur, représentant, placier multicartes ; en revanche, l'article L.751-3 du code du travail interdit au voyageur, représentant, placier de prendre une nouvelle représentation sans l'autorisation préalable de l'employeur ; la société TENTATION reproche à Isabelle X... la représentation MOLINARD; le 20 juillet 2005, Chantal B..., ancienne secrétaire de la société TENTATION, a attesté qu'en 2001 le dirigeant de la société a appris qu'Isabelle X... travaillait depuis plusieurs mois pour les parfums MOLINARD sans l'en avoir informé préalablement et a accepté cette situation ; ce grief qui porte sur des faits remontant à plusieurs années est prescrit ;

S'agissant du grief No 3 :La société TENTATION allègue une baisse du chiffre d'affaire ; le journal des relevés de factures annexés aux fiches de paye de Isabelle X... révèle que le total net toutes taxes comprises des factures correspondant aux commandes passées par Isabelle X... s'établit, hors le client MARIONNAUD, à :- la somme de 22.317,41 € en janvier 2005,- la somme de 67.548,01 € en février 2005,- la somme de 19.061,85 € en mars 2005,- la somme de 30.560,72 € en avril 2005,- la somme de 21.651,76 € en mai 2005, - total 161.139,75 € ;Pour les mêmes mois, le total des factures du client MARIONNAUD toutes taxes comprises s'établit à la somme de 17.147,35 € ;Ainsi, le montant total des factures correspondant aux commandes passées par Isabelle X... est de 178.287,10 € sur 5 mois ;

L'employeur retient dans son tableau versé aux débats un chiffre d'affaire de 109.317 € pour les 7 premier mois de 2005 et en déduit une chute importante ; ce résultat dressé unilatéralement ne correspond pas à celui obtenu à partir des fiches de paye produites ;
Si on compare le chiffre de 178.287,10 € réalisé sur seulement 5 mois avec les chiffres réalisés au cours de l'intégralité des années 2000 soit 217.945 €, 2001 soit 382.718 €, 2002 soit 421.890 €, 2003 soit 449.782 € et 2004 soit 365.463 €, il ne s'observe pas une baisse suffisamment significative pour légitimer un licenciement ;
Se constate au mois de juin 2005 une chute du chiffre ; dans la mesure où l'employeur a refusé de verser à Isabelle X... son salaire du mois de mai 2005, cette baisse du chiffre ne peut pas lui être reprochée ;

La société TENTATION argue également d'une baisse significative du chiffre d'affaires réalisé par la société ATHENAIS tout en admettant en avoir fait le constat fin 2004, soit plus de six mois avant le licenciement ; ce grief est unique dans la mesure où le grief général de la baisse de résultat n'est pas avérée ; il est donc frappé par la prescription de deux mois ;
S'agissant du grief No 4 :L'employeur fait référence aux relations commerciales avec la société MELUSINE ; cette société avait commandé des produits à la société TENTATION pour un montant de 11.085,38 € entre le 7 octobre 2004 et le 15 décembre 2004 ; les six factures sont revenues impayées du fait du dépôt de bilan de la société MELUSINE ; or sur les commissions du mois de mars 2005 dues à Isabelle X..., l'employeur a déduit la somme de 1.219,39 € correspondant aux commissions et congés payés qui lui avaient été versés en octobre, novembre et décembre 2004 à raison des commandes passées par la société MELUSINE ; l'employeur était donc parfaitement avisé de la situation en mars 2005, soit plus de deux mois avant le licenciement de juillet 2005 ; ce grief est par conséquent prescrit ;

S'agissant du grief No 5 :L'employeur accuse Isabelle X... d'avoir utilisé la notoriété et le référencement de

l'entreprise dans les chaînes de parfumerie pour placer ses articles ; il entend démontrer le détournement de clientèle par la baisse des résultats et n'apporte aucun autre élément de preuve; au regard des énonciations qui précèdent sur le maintien des bons chiffres obtenus par Isabelle X..., ce grief n'est pas prouvé ;
S'agissant du grief No 6 :Le 13 juillet 2005, Isabelle X... a assigné son employeur devant le juge des référés prud'homal pour obtenir le paiement de rappels de salaires et de congés payés ; l'employeur ne peut en aucun cas reprocher à son salarié d'avoir introduit une action en justice ;

Dans ces conditions, le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

L'ouverture des droits à indemnités et le calcul des indemnités nécessitent au préalable de vérifier si Isabelle X... avait perdu son statut de voyageur, représentant, placier et de chiffrer le montant de sa rémunération ; ledit chiffrage suppose de trancher les contestations sur le montant des commissions et sur le mode de remboursement des frais professionnels ;

Sur le statut de voyageur, représentant, placier :
Le statut légal de voyageur, représentant, placier est d'ordre public et, en l'absence de contrat écrit, les textes du code du travail régissent la relation de travail ;
En vertu de l'article L.751-1 du code du travail, bénéficie du statut de voyageur, représentant, placier le représentant qui ne fait effectivement aucune opération commerciale pour son compte personnel ;
Le 28 mai 2004, Isabelle X... et sa mère, Josette C..., ont constitué la S.A.R.L. PERIGRINE qui commercialise des bijoux fantaisie ; la première qui assumait les fonctions de gérante détenait 147 parts et la seconde 153 parts ; le 1o juin 2004, Josette C... a cédé 6 parts à Isabelle X... qui est devenue majoritaire ; le 15 juin 2004, Isabelle X... a vendu à Josette C... 3 parts, les deux associés se retrouvant ainsi à égalité ; le 1ojanvier 2005, la société PERIGRINE a embauché Isabelle X... en qualité de voyageur, représentant, placier Multicartes ;
La S.A.S. TENTATION soutient qu'Isabelle X... a perdu son statut de voyageur, représentant, placier car elle s'est impliquée dans la gestion de la société PERIGRINE au point d'en être la gérante de fait ;
Cependant, l'expert comptable de la société PERIGRINE atteste avoir pour seul interlocuteur Josette C... ;
Il n'est pas démontré, dans ces conditions, qu'Isabelle X... avait dans la société PERIGRINE un rôle excédant celui de voyageur, représentant, placier multicartes et réalisait effectivement des opérations commerciales pour son propre compte ; le fait d'avoir été associée majoritaire durant 15 jours n'est pas suffisant pour apporter une telle démonstration ;
En conséquence, Isabelle X... a conservé son statut de voyageur, représentant, placier et le régime légal s'applique;
Sur les commissions :
Isabelle X... réclame la somme de 16.741,32 € à titre de rappel de commissions, outre 1.674,13 € de congés payés afférents ; les difficultés afférentes au montant des commissions concernent l'année 2005 ;
Aux feuilles de paye est joint le journal des relevés de factures du mois payé au représentant
avec l'indication du client, son adresse, la date de la facture, le montant brut hors taxes, les remises éventuelles, les frais de port, les escomptes éventuels, le montant net hors taxe, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, le total net toutes taxes comprises de la facture ; des bons de commande sont également produits ;

Ces documents suffisent et il n'est pas utile d'ordonner la communication des documents comptables ni d'organiser une expertise ;
Sauf clause contraire qui n'est pas alléguée en l'espèce, les réduction accordées au client n'ont pas à être déduites de l'assiette des commissions revenant au représentant et les commissions se calculent sur le prix facturé au client sans déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; en revanche les frais de port ne sont pas intégrés dans l'assiette des commissions ;

Les documents annexés aux feuilles de paye démontrent que les commissions dues à Isabelle X... devaient être calculées sur les sommes de 22.296,41 € en janvier 2005, de 67.473,01 € en février 2005, de 19.008,35 € en mars 2005, de 30.491,07 € en avril 2005, de 21.541,86 € en mai 2005, de 6.575,86 € en juin 2005 et de 6.063,01 € en juillet 2005 ; l'assiette des commissions s'élève à la somme totale de 173.449,57 € ; le montant brut des commissions, soit 10 % de cette somme, est de 17.344,95 €
Les fiches de paye démontrent que pour ces même mois le montant brut des commissions versées à Isabelle X... s'est élevé à la somme de 10.931,86 € ;
L'employeur n'a rien versé aux mois de mai, juin et juillet 2005 estimant pouvoir se rembourser des congés payés qu'il considérait avoir réglés en trop ; or, il n'était pas légitime à agir ainsi ;
A tort, il a calculé les commissions sur les factures hors taxes et a déduit les remises faites aux clients ;
Sur les commissions du mois de mars 2005, l'employeur a déduit la somme de 1.219,39 € correspondant aux commissions et congés payés versés à Isabelle X... en octobre, novembre et décembre 2004 à raison des commandes passées par la société MELUSINE ; cette société avait commandé des produits à la société TENTATION pour un montant de 11.085,38 € entre le 7 octobre 2004 et le 15 décembre 2004 ; les six factures sont revenues impayées du fait du dépôt de bilan de la société MELUSINE ; l'employeur qui avait payé à Isabelle X... les commissions afférentes aux commandes s'est remboursé par décision unilatérale en mars 2005; en l'absence d'accord contractuel ou d'usage, la commission est due dès lors que la commande est ferme et définitive c'est à dire a été prise par le client et transmise à l'employeur ; le paiement de la commission peut être subordonné à l'encaissement effectif de la facture à condition que le contrat stipule expressément une clause spéciale dite "de vente menée à bonne fin " ; en l'espèce, aucun contrat écrit ne lie les parties ; il repose donc sur l'employeur la charge de prouver l'existence d'un usage ou d'un accord verbal validant la soumission du règlement de la commission à l'encaissement des factures ; l'employeur ne rapporte pas une telle preuve et n'invoque même pas un accord ou un usage ; il n'était donc pas légitime à déduire la somme de 1.219,39 € des commissions dues à Isabelle X... pour le mois de mars 2005 ;
L'employeur doit donc être condamné à verser à Isabelle X... la somme de 6.413,09 € brut à titre de rappel de commissions de l'année 2005, outre 641,31 € de congés payés afférents ;
Sur les frais professionnels :
Les parties peuvent décider librement d'une majoration des commissions destinée à couvrir les frais professionnels ;

Par lettre du 1o décembre 2004 adressée à la société TENTATION, Isabelle X... a posé par écrit les conditions de son travail fixées par accord verbal ; s'agissant de la rémunération, elle indique que la commission de 10 % sur les commandes directes et indirectes constitue, d'une part, la rémunération, et, d'autre part le remboursement forfaitaire des frais professionnels ;

Le 22 juillet 2005, jour du licenciement, Isabelle X... a déposé plainte devant les services de gendarmerie à raison de ce courrier qui lui aurait été extorqué ; cette plainte n'a pas eu de suite; Les termes de ce courrier qui n'a pas été contesté avant le licenciement sont parfaitement clairs et précis ; en l'absence de contrat de travail écrit, ils prouvent que la commune intention des parties avait été d'intégrer de manière forfaitaire le remboursement des frais professionnels dans le paiement de la commission ;

Le 13 janvier 2005, le cabinet comptable, la S.A.R.L. STEFINCOR, a établi pour la société TENTATION une attestation aux termes de laquelle le taux de 10 % de la commission représente 7 % de rémunération et 3 % de remboursement forfaitaire des frais engagés par le voyageur, représentant, placier, corroborant ainsi les termes du courrier précité ;
En conséquence, Isabelle X... doit être déboutée de sa demande en remboursement des frais professionnels ;
Sur les indemnités liées au licenciement :
Isabelle X... a droit à une indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de clientèle et à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
Les indemnités se calculent sur la moyenne mensuelle des commissions acquises au cours des 12 mois qui précèdent la rupture ; il convient de déduire le remboursement des frais professionnels pour garder uniquement la rémunération ;
Les fiches de paye au dossier font apparaître un montant du salaire brut imposable du 1o juillet 2004 au 31 décembre 2004 de 23.964,66 € ; les commissions dues pour la période du 1o janvier 2005 au 1o juin 2005 se montent à 16.738,65 € ; le montant total des commissions versées au cours des 12 mois précédant la rupture s'élève à 40.703,31 € ; la moyenne mensuelle des commissions s'établit à 3.391,94 € ; la commission rémunère le représentant à concurrence de 70 % et le rembourse de ses frais professionnels à concurrence de 30 % ; les indemnités doivent se calculer sur la rémunération et non sur le remboursement des frais et par conséquent sur 70% de 3.391,94 €, soit sur la somme de 2.374,36 € ;
En application de l'article L.751-5 du code du travail, Isabelle X... dont l'ancienneté excédait deux ans a droit à une indemnité de préavis de trois mois ; la S.A.S. TENTATION doit donc être condamnée à verser à Isabelle X... la somme de 7.123,08 € à titre d'indemnité de préavis, outre 712,30 € de congés payés afférents ;
En application de l'article L.751-9 du code du travail, Isabelle X... peut prétendre à une indemnité de clientèle à la double condition qu'elle ait apporté, créé ou développé une clientèle et subi un préjudice ; la première condition consistant dans un développement de la clientèle en chiffres d'affaires et en nombre de clients est satisfaite, et, ce , malgré l'abandon d'un secteur géographique ; Isabelle X... a largement développé la clientèle qui lui avait été confiée sans contrepartie financière au moment de son embauche ; en effet, le chiffre d'affaire réalisé en 2000 est de 217.945 € et le chiffre d'affaire réalisé en 2004 est de 365.463 €, chiffres corroborés par les salaires brut alloués à Isabelle X... pour ces deux années ; Isabelle X... a démarché de nouveaux clients comme en atteste les remarques élogieuses de son employeur qui la considérait comme sa meilleure commerciale ; c'est à l'employeur de rapporter la preuve que la seconde condition n'est pas remplie en démontrant l'absence de préjudice ; la S.A.S. TENTATION n'invoque pas l'absence de préjudice et n'apporte aucune démonstration en ce sens; dans ces conditions, Isabelle X... a droit à

une indemnité de clientèle ;

Les documents versés aux débats, et notamment les chiffres réalisés, suffisent pour fixer le montant de l'indemnité de clientèle sans qu'une mesure d'instruction soit nécessaire ; le chiffre d'affaire correspondant à l'apport de clientèle se monte à la somme de 147.518 € ; les commissions afférentes s'élèvent donc à 14.751,80 € ; les éléments de la cause, notamment la détention de nombreuses cartes de représentation par Isabelle X..., permettent de chiffrer l'indemnité de clientèle à la somme de 30.000 € ;
Par courrier du 15 juillet 2001, Isabelle X... a informé la société TENTATION de ce qu'à compter du 1o septembre, elle confiait à Mario D... son secteur Rhône-Alpes comprenant les départements de l'Ain, de l'Ardèche, de l'Isère, de la Savoie, de la Haute-Savoie, du Rhône, du Puy de Dôme et de l'Allier ; l'abandon de ce secteur géographique étant volontaire, il ne peut donner lieu à l'octroi d'une indemnité de clientèle complémentaire ;
En application de l'article L.122-14-5 du code du travail, applicable à la cause compte tenu du nombre d'employés de la S.A.S. TENTATION, Isabelle X... a droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi ; les éléments de la cause conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à 19.000 €, somme au paiement de laquelle doit être condamnée la S.A.S. TENTATION ;
Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du comportement de l'employeur :
Isabelle X... sollicite sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil des dommages et intérêts d'un montant de 25.000 € en réparation d'un préjudice moral distinct de celui consécutif à la rupture du contrat de travail ; à cet effet, elle reproche à son employeur une attitude dénigrante et diffamatoire et une volonté de vengeance allant au delà du droit de se défendre en justice ;
Les lettres que l'employeur a envoyées à Isabelle X... après le licenciement sont empreintes d'acrimonie et utilisent des termes déplacés ; ainsi le 26 juillet 2005, l'employeur écrit :" ce ne sont pas vos dernières MAGOUILLES qui changerons le cours des choses. En effet, par une dernière tentative dont le but n'était que de me ridiculiser, vous avez fait établir de faux documents antidatés, par un nouvel avocat, Maître LACHAUX, plus complaisant que votre cador Marseillais. Mais la farce était trop grosse...Enfin, vous avez saisi Maître ETIEMBRE, et dès cet instant vous avez utilisé la même méthode lâche, uniquement basée sur la mauvaise foi et le mensonge, utilisée par votre frère. Je ne pourrais jamais vous pardonner votre courrier abject, daté du 30 juin 2005....Par chance vous n'avez pas que des amis, et votre conduite n'est pas toujours dictée par la morale" ; dans un courrier du 14 octobre 2005, l'employeur écrit la phrase suivante qui se rapporte à l'action en justice intentée par Isabelle X... "vos dernières initiatives ne sont que mensonges et calomnies "..."Enfin lors de l'audience concernant votre frère j'ai eu la surprise de découvrir que vous aviez déposé plainte à mon encontre sur la base d'arguments fallacieux, dénigrants et calomnieux dont vous n'apportez pas la moindre preuve. Outre les risques inhérents à une telle infamie que vous n'avez sans doute pas bien appréhendés, je vous promets de vous montrer rapidement toute ma gratitude " ;
Les termes de ces courriers intégralement reproduits sont insultants et menaçants ; ils caractérisent la faute de l'employeur et engagent sa responsabilité ; les éléments de la cause conduisent à chiffrer le préjudice moral en résultant à la somme de 2.000 € au paiement de laquelle doit être condamnée la S.A.S. TENTATION ;
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
L'article L.120-4 du code du travail pose le principe selon lequel "le contrat de travail est exécuté de bonne foi" ;
Aucun contrat de travail n'a été formalisé par écrit ce qu'Isabelle X... ne saurait reprocher
à son employeur dans la mesure où elle ne prouve pas avoir réclamé un document écrit ;
La société TENTATION qui s'estimait créditrice au titre des congés payés indûment versés s'est payée en retenant l'intégralité des salaires revenant à Isabelle X... pour les mois de mai, juin et juillet 2005 ; elle a également opéré un prélèvement sur le salaire du mois de mars 2005 pour se rembourser de commissions qu'elle considérait avoir réglé à tort au cours de quatre derniers mois de l'année 2004 ; à partir du début de l'année 2005, la société TENTATION a diminué le montant des congés payés versés ; enfin, le 26 mai 2005, la société TENTATION a notifié à Isabelle X... qu'elle retirait de son secteur géographique les départements de la Drome et de l'Ardèche à compter du 1o juin 2005 ; la société a justifié sa décision par une diminution du chiffre qu'elle imputait à une absence de démarchage ;
Ainsi, au cours du premier semestre 2005, de manière unilatérale et sans respect des procédures, la société TENTATION a privé Isabelle X... d'une part importante de ses revenus ;
Ces éléments caractérisent l'exécution déloyale du contrat de travail donnant lieu à allocation de dommages et intérêts au profit du salarié ;
En conséquence, la S.A.S. TENTATION doit être condamnée à verser à Isabelle X... la somme de 6.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Sur les commissions sur retour d'échantillonnage :
En application de l'article L.751-8 du code du travail, le voyageur, représentant, placier conserve son droit à commissionnement sur ordres non transmis à la date de son départ dès lors qu'ils sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurement à l'expiration du contrat ; l'employeur doit fournir les documents nécessaires au calcul ; les documents versés par la S.A.S. TENTATION font état de commandes d'un montant total de 5.360,88 €, étant observé que la faiblesse du chiffre est cohérente avec la chute des commandes passées par Isabelle X... en juin et juillet 2005 ;
En conséquence, la S.A.S. TENTATION doit être condamnée à verser à Isabelle X... la somme de 563,01 € au titre des commissions sur retour d'échantillonnage, outre 56,30 € de congés payés afférents ;
Sur les congés payés :
A partir du 1o janvier 2005, la société TENTATION a modifié le taux des congés payés qu'elle versait, passant de 10% du montant des commissions à 7 % ; elle réclame le remboursement des congés payés en estimant pouvoir remonter sur 5 ans ; elle argue d'une créance de 5.513,40 € qu'elle a commencé à se payer en prélevant l'intégralité des salaires des mois de mai, juin et juillet 2005 d'Isabelle X... ;
La société TENTATION explique que, par erreur, son précédent comptable a calculé les congés payés sur l'abattement de 30 % pour frais professionnels accordé au voyageur, représentant, placier ; les bulletins de paye versés au dossier montrent qu'antérieurement au 1o janvier 2005 la société TENTATION prenait effectivement comme assiette de calcul des congés payés le montant total du commissionnement avant abattement pour frais professionnels ; or, l'indemnisation des frais professionnels n'ouvre pas droit à congés payés ;
Toutefois, Isabelle X... invoque un usage ; l'usage s'entend d'une pratique habituellement suivie dans une entreprise et qui prend la forme d'un avantage supplémentaire accordé aux salariés ou à certains d'entre eux par rapport à la loi, à la convention collective ou au contrat ; l'usage s'impose à l'employeur lorsqu'il réunit trois critères, la constance, la généralité et la fixité; il y a usage si la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager est établie ; dès lors, une erreur n'est pas constitutive d'un usage ;

Il appartient au salarié de prouver un avantage constant, fixe et général et il appartient à l'employeur de démontrer son erreur ;

Tous les voyageurs, représentants, placiers de la société TENTATION voyaient tous les mois leurs congés payés calculés au taux de 10 % sur l'intégralité de leur commission, et, ce, depuis plusieurs années ; Isabelle X... bénéficiait de ce calcul avantageux depuis son embauche courant 2000 ; les critères de la constance, de la fixité et de la généralité sont ainsi remplis ;
Le 13 janvier 2005, le cabinet comptable la S.A.R.L. STEFINCOR a établi pour la société TENTATION une attestation libellée en ces termes :"Nous établissons pour votre compte les bulletins de salaire de vos représentant depuis l'année 2003 . La rémunération des V.R.P. multicartes employés par votre société est basée sur une commission de 10 % du C.A. à laquelle s'ajoutent les indemnités de congés payés. Ce taux représente en fait :7 % de rémunération 3 % au titre de remboursement forfaitaire des frais engagés par le V.R.P.Le calcul des charges sociales confirme cet état de fait, et nous n'avons pas eu connaissance de contestation.";
Cette attestation prouve que le changement de comptable de la société TENTATION date de début 2003 et non de début 2005 ; ainsi, avant 2003, les fiches de paye étaient gérées par un autre comptable ; or, la pratique de prendre la totalité de la commission comme assiette du calcul des congés payés existait bien avant 2003 et au moins dès l'année 2000 au cours de laquelle Isabelle X... a été embauchée ; deux comptables différents ont donc procédé au même mode de calcul des congés payés ; enfin, dans son attestation le comptable qui est un professionnel distingue bien au sein de la commission la part correspondant à la rémunération et la part venant en remboursement des frais professionnels ; or, de 2003, date de sa mission, à fin 2004, il a assis les congés payés sur la totalité de la commission alors qu'il a bien opéré une différence pour les cotisations sociales ; cette attestation exclut toute erreur des comptables et donc de l'employeur dans le calcul des congés payés ;

Ces éléments caractérisent l'existence d'un usage lequel revêt une force contraignante ;
Les bulletins de paye de Isabelle X... pour les mois de janvier, février, mars et avril 2005 font figurer des congés payés pour un montant de total de 765,21 € ; le montant des commissions versées pour la même période s'élève à 10.931,60 € ; le montant des congés payés chiffrés au taux de 10 % sur cette somme est donc de 1.093,16 € ; la différence s'élève à la somme de 327,94 € réclamée ;
En conséquence, Isabelle X... est en droit de demander la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 327,94 € au titre des congés payés pour la période de janvier à avril 2005 et l'employeur doit être débouté de sa demande en remboursement du trop perçu de congés payés ;
Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents :
Dans la lettre de licenciement, l'employeur précise qu'il tient à la disposition de la salariée le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC ; le 10 août 2005, Isabelle X... demande à son employeur de lui faire parvenir l'attestation ASSEDIC ; le 17 août 2005, l'employeur répond que le document se trouve à sa disposition au siège de la société ; le 8 octobre 2005, Isabelle X... réitère sa réclamation ; le 14 octobre 2005, l'employeur répond que les documents pourront être remis à une tierce personne munie d'une procuration et spécifie"vous voudrez bien au préalable me retourner les matériels et documents en votre possession" ;
La société TENTATION a remis les documents le jour de l'audience de conciliation devant le conseil des prud'hommes le 7 décembre 2005 ;
Le lieu de travail d'Isabelle X... , région Provence Cote d'Azur, ne se trouve pas au siège social de la société TENTATION, région de SAINT-ETIENNE ; les documents n'étaient donc pas à la disposition d'Isabelle X... sur son lieu de travail ; surtout, l'employeur a soumis la remise des documents à une condition ;
Ainsi, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de mettre les documents afférents au licenciement à la disposition du salarié ; Isabelle X... a attendu quatre mois et demi pour obtenir les documents ; elle a subi un préjudice, consistant notamment dans le retard pour s'inscrire aux ASSEDIC, dont l'employeur doit réparation ; les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 500 € ;
En conséquence, la S.A.S. TENTATION doit être condamnée à verser à Isabelle X... la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents afférents au licenciement ;
Sur la remise du certificat de travail, de l'attestation ASSEDIC et des bulletins de salaires rectifiés :
Il doit être fait injonction à la S.A.S. TENTATION de remettre à Isabelle X... le certificat de travail, l'attestation ASSEDIC et les bulletins de salaires conformes à la présente décision ; le comportement fautif de l'employeur dans la remise des documents sanctionné au paragraphe précédent rend nécessaire le prononcé d'une astreinte provisoire de 30 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de condamner la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La S.A.S. TENTATION qui succombe pour l'essentiel doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Annule le jugement entrepris ;
Déboute Isabelle X... de sa demande en reconnaissance de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Juge que le licenciement d'Isabelle X... ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;
Juge qu'Isabelle X... a conservé son statut de voyageur, représentant, placier ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 6.413,09 € brut à titre de rappel de commissions de l'année 2005, outre 641,31 € de congés payés afférents ;
Déboute Isabelle X... de sa demande en remboursement des frais professionnels ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 7.123,08 € à titre d'indemnité de préavis, outre 712,30 € de congés payés afférents ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 30.000 € à titre d'indemnité de clientèle ;

Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme 19.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 2.000 € en réparation du préjudice moral consécutif au comportement de l'employeur postérieurement au licenciement ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 6.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 563,01 € au titre des commissions sur retour d'échantillonnage, outre 56,30 € de congés payés afférents ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 327,94 € au titre des congés payés pour la période de janvier à avril 2005 ;
Déboute la S.A.S. TENTATION de sa demande en remboursement du trop perçu de congés payés ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents afférents au licenciement ;
Fait injonction à la S.A.S. TENTATION de remettre à Isabelle X... le certificat de travail, l'attestation ASSEDIC et les bulletins de salaires conformes à la présente décision ;
Assortit cette injonction d'une astreinte provisoire de 30 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision ;
Condamne la S.A.S. TENTATION à verser à Isabelle X... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la S.A.S. TENTATION aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/07903
Date de la décision : 07/12/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, 08 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-12-07;06.07903 ?
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