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13/02/2007 | FRANCE | N°06/00765

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 13 février 2007, 06/00765


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 06/00765

SAS MERCK LIPHA SANTE FRANCE PRISE EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT EN EXERCICE

C/

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APPEL D'UNE DECISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 26 Janvier 2006

RG : F 04/03738

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2007

APPELANTE :

SAS MERCK LIPHA SANTE FRANCE PRISE EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT EN EXERCICE

37 rue Saint Romain

69379 LYON

représentée par Me François FAVRE, avocat au barreau de THONON LES BAINS<

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INTIMEE :

Madame Marie-Noëlle X...

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69890 LA TOUR DE SALVAGNY

comparante en personne, assistée de Me Laurence Y..., avocat au barreau de LY...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 06/00765

SAS MERCK LIPHA SANTE FRANCE PRISE EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT EN EXERCICE

C/

X...

APPEL D'UNE DECISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 26 Janvier 2006

RG : F 04/03738

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2007

APPELANTE :

SAS MERCK LIPHA SANTE FRANCE PRISE EN LA PERSONNE DE SON PRESIDENT EN EXERCICE

37 rue Saint Romain

69379 LYON

représentée par Me François FAVRE, avocat au barreau de THONON LES BAINS

INTIMEE :

Madame Marie-Noëlle X...

...

69890 LA TOUR DE SALVAGNY

comparante en personne, assistée de Me Laurence Y..., avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUEES LE : 2 juin 2006

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Novembre 2006

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Françoise FOUQUET, Présidente

Mme Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

Madame Claude MORIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Mme Ingrid KRIMIAN-VIDAL, Greffier.

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Février 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Madame Françoise FOUQUET, Présidente, et par Mme Ingrid RUAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Engagée à compter du 13 octobre 1973 par la société LABORATOIRES OBERVAL, aux droits de laquelle vient la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE, Marie-Noëlle X... a, d'abord, été visiteuse médicale, puis à partir du 1er septembre 1990, attachée hospitalière. Promue déléguée régionale en septembre 1995, elle a été rétrogradée une année plus tard pour exercer à nouveau les fonctions d'attachée hospitalière. Les avenants postérieurs à son contrat de travail ont eu seulement pour objet de modifier les secteurs de visites hospitaliers jusqu'à ce que l'employeur lui notifie oralement le 20 novembre 2001, puis par écrit le 27 novembre sa volonté de lui confier à partir de janvier 2002, en remplacement de son poste d'attachée hospitalière, celui de "déléguée médicale ville" sur le secteur géographique no 3. Dans une lettre du 27 décembre 2001, Marie-Noëlle X... répondait en ces termes à sa direction: "...je me plie à votre pouvoir discrétionnaire pour occuper le poste que vous me demandez". Elle a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 18 décembre 2001 jusqu'à son licenciement pour inaptitude prononcé le 8 avril 2004.

Au dernier état de sa collaboration, la rémunération mensuelle de la salariée s'élevait à la somme de 3 570.35 €.

Considérant que son inaptitude trouvait son origine dans l'attitude fautive de l'employeur à son égard, Marie-Noëlle X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon, qui, dans sa décision rendue le 26 janvier 2006, a dit que le licenciement était nul en application de l'article L 122-49 du Code du Travail et a condamné la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE à lui verser la somme de 60 000 € à titre dommages-intérêts et la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du NCPC.

L'employeur a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions écrites dites récapitulatives, reprenant ses observations orales, la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle n'a commis aucune faute ou abus dans l'exécution du contrat de travail. Elle réclame la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient pour l'essentiel que l'article L 122-49 prohibant le harcèlement moral n'est pas applicable au litige, les agissements dont se plaint l'intimée étant antérieurs à la loi du 17 janvier 2002; que le remplacement de la visite de médecins hospitaliers par la visite de médecins de ville ne constitue pas une mesure vexatoire; que cette décision, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, est fondée sur une réorganisation nécessaire à l'intérêt de l'entreprise et qu'en fait Marie-Noëlle X... n'a pas supporté la modification, pourtant non contractuelle et relative, de son secteur territorial d'activité ainsi que les méthodes de travail de sa hiérarchie conformes aux exigences normales d'un marché concurrentiel.

Dans ses conclusions écrites, reprenant ses observations orales, reçues par le greffe le

7/11/2006, Marie-Noëlle X... sollicite la confirmation du jugement qui a constaté qu'elle avait été victime de la part de son employeur d'actes de harcèlement moral. Elle demande que le montant des dommages-intérêts, qui lui ont été alloués, soit porté à la somme de 94 000 €. Subsidiairement, elle soutient que la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE s'est livrée à des manquements fautifs au titre de ses obligations contractuelles ayant entraîné le licenciement pour inaptitude, qui doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame le paiement de la somme de 94 000 € en réparation de son préjudice. Elle sollicite en tout état de cause la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du NCPC.

Elle expose principalement qu'en la remplaçant sur son poste d'attachée hospitalière et en lui proposant un poste de visiteuse médicale de ville, l'employeur l'a disqualifiée et humiliée; qu'il s'est borné à invoquer une simple modification des conditions de travail pour se dispenser de justifier de la légitimité de sa décision; que ce comportement de l'employeur a entraîné une grave altération de son état de santé ayant abouti à son licenciement pour inaptitude.

DISCUSSION

Les dispositions de l'article L 122-49 du Code du Travail issues de la loi no 202-73 du 17 janvier 2002 frappant de nullité une rupture qui résulterait d'agissements de harcèlement moral sont applicables dès lors que le licenciement est intervenu après l'entrée en vigueur de la loi.

Alors qu'elle avait toujours donné satisfaction à son employeur, Marie-Noëlle X... a constaté, à partir du mois de juin 2001, le complet revirement de comportement de celui-ci à son égard , qui s'est manifesté par :

- trois réunions (29 juin, 6 et 20 novembre) au cours desquelles ses supérieurs hiérarchiques ont systématiquement critiqué et même dénigré son travail;

- son éviction de réunions auxquelles elle aurait dû participer,

- l'éviction de son poste d'attachée hospitalière et la proposition d'un poste de visiteuse médicale en ville.

La société MERCK LIPHA SANTE FRANCE considère qu'elle n'a fait qu'exercer, sans aucun abus, son pouvoir de direction en modifiant seulement les conditions de travail de la salariée dans le cadre d'une réorganisation conforme à l'intérêt de l'entreprise. Elle se fonde sur la définition des fonctions de visiteur médical de la convention collective des industries pharmaceutiques, qui ne fait aucune distinction entre les visiteurs médicaux selon qu'ils visitent les médecins en leur cabinet ou les médecins des services hospitaliers.

Or, il convient de relever qu'en recherchant le consentement de la salariée, elle reconnaissait elle-même que cette modification avait un caractère contractuel. Mais surtout, elle n'est pas fondée à nier le caractère plus valorisant qu'elle attribuait aux fonctions d'attachée hospitalière par rapport au statut de visiteuse médicale en ville. En effet, l'avenant du 1er octobre 1990, confiant à Marie-Noëlle X... les fonctions d'attachée hospitalière, prévoyait que la direction se réservait le droit de revenir à tout moment sur cette affectation si les résultats de la salariée ne s'avéraient pas satisfaisants, et qu' en pareil cas, celle-ci retrouverait ses fonctions de visiteuse médicale.

Il est ainsi manifeste que la décision de priver la salariée de son statut d'attachée hospitalière, pour redevenir comme à ses débuts, visiteuse médicale des cabinets de médecin en ville, était sinon une rétrogradation, du moins une déqualification, ce que confirment les attestations de Mmes Z... et A....

L'employeur ne peut soutenir que sa décision n'était justifiée que par l'intérêt de l'entreprise, alors qu'il s'est abstenu de répondre à Marie-Noëlle X..., qui, le 5 décembre 2001, l'interrogeait sur les raisons d'une telle décision. Ce n'est que dans un document établi en octobre 2004 qu'il est fait état de "certaines difficultés de fonctionnement dans son poste à l'hôpital", et dans un document non daté, d'insuffisances professionnelles. Ces explications qui n'ont pas été données en temps utile, et qui ne sont confirmées par aucun élément objectif, ne peuvent être prises en considération.

Il apparaît ainsi que la décision de remplacer Marie-Noëlle X... dans son poste d'attachée hospitalière avait été prise par sa direction, et qu'en l'absence de toute autre explication ou justification donnée par la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE, tant l'organisation des réunions aux cours desquelles la qualité du travail effectué par la salariée a été subitement remise en cause avant de lui annoncer qu'elle allait redevenir déléguée médicale de ville, ainsi que son exclusion de réunions intéressant son secteur de clientèle ont contribué à obtenir son renoncement à exercer ses fonctions. Déstabilisée par ce comportement déloyal de son employeur, l'état de santé de la salariée a été fortement et durablement altéré puisqu'elle a été dans l'incapacité de reprendre son travail jusqu'à son licenciement pour inaptitude.

Les éléments caractéristiques du harcèlement moral, tels qu'ils sont définis par l'article L 122-49 du Code du Travail étant réunis, le premier juge a constaté à bon droit la nullité du licenciement.

Marie-Noëlle X... a subi un tort considérable après tant d'années au service de son employeur. Il est peu probable, en raison de son âge, qu'elle puisse retrouver un emploi. Il est donc justifié de lui allouer en réparation de son préjudice économique et moral la somme de 80 000 €.

Son appel n'étant pas fondé, l'employeur doit être débouté de sa demande en application de l'article 700 du NCPC.

L'équité commande d' accorder à Marie-Noëlle X... la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du NCPC.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement critiqué, sauf sur le montant des dommages-intérêts,

Condamne la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE à verser à Marie-Noëlle X... la somme de 80 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de son licenciement, et la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du NCPC.

Déboute la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE de sa demande en application de l'article 700 du NCPC;

Condamne la société MERCK LIPHA SANTE FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/00765
Date de la décision : 13/02/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 26 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-02-13;06.00765 ?
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