La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°17/06734

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 10 septembre 2020, 17/06734


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 10/09/2020





N° de MINUTE : 20/331

N° RG 17/06734 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RFJZ



Jugement (N° 14/04866) rendu le 09 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Lille



APPELANTS

Madame [O] [J] veuve [L]

née le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 25] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 21]

[Adresse 21]

[Localité 24] (

Algerie)



Monsieur [I] [L]

né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 25] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 24] (Algerie)



Madame [V] [E] née [L]

n...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 10/09/2020

N° de MINUTE : 20/331

N° RG 17/06734 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RFJZ

Jugement (N° 14/04866) rendu le 09 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTS

Madame [O] [J] veuve [L]

née le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 25] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 21]

[Adresse 21]

[Localité 24] (Algerie)

Monsieur [I] [L]

né le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 25] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 24] (Algerie)

Madame [V] [E] née [L]

née le [Date naissance 11] 1960 à [Localité 19]

de nationalité algérienne

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 24] (Algerie)

Monsieur [P] [L]

né le [Date naissance 14] 1993 à [Localité 24]

de nationalité algérienne

[Adresse 20]

[Localité 24] - Algerie

Madame [O] [L] épouse [G]

née le [Date naissance 10] 1965 à [Localité 22] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 15]

[Localité 24] (Algerie)

Monsieur [Z] [L]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 22]

de nationalité algérienne

[Adresse 21]

[Adresse 21]

[Localité 24] (Algerie)

Représentés par Me Farid Maachi, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 25] (Algerie)

de nationalité algérienne

[Adresse 13]

[Localité 16]

Représenté par Me Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille

SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 17]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai constituée aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai et Me Arnaud Ninive, avocat au barreau de Lille

DÉPÔT DE DOSSIERS du 18 juin 2020

L'affaire a été retenue sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020, en raison de l'état d'urgence sanitaire, en l'absence d'opposition des parties suite à l'avis de recours à la procédure de dépôt de dossier adressé le 12 mai 2020et mise en délibéré au 10 Septembre 2020.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Guillaume Salomon, président

Claire Bertin, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées par l'avis qui leur a été adressé le 12 mai 2020 , signé par Hélène Château, présidente et par Fabienne Dufosse greffiere auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 mai 2020

****

EXPOSE DU LITIGE

[R] [L] était titulaire dans les livres de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France (ci-après la Caisse d'épargne) d'un compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX07] et d'un compte titre n°[XXXXXXXXXX08].

Il établissait sa résidence en Algérie lors de son départ en retraite, et donnait le 19 septembre 1991 procuration à son fils aîné, M. [B] [L] résidant en France, pour gérer ses deux comptes bancaires.

M. [B] [L] a procédé en qualité de mandataire à des retraits sur le compte de son père par virements internes sur ses propres comptes pour la somme totale de 267 442,57 euros hors frais, se décomposant de la façon suivante :

48 000 euros le 21 novembre 2007,

118 871,49 euros le 22 décembre 2007,

24 841,08 euros le 23 janvier 2008,

66 700 euros le 8 février 2008,

5 000 euros le 4 juillet 2008,

3 030 euros le 16 septembre 2008,

1 000 euros le 14 octobre 2008.

Par ordonnance du 25 septembre 2009 rendue sur requête de la Caisse d'épargne, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a autorisé celle-ci à pratiquer la saisie conservatoire de toutes les sommes déposées en comptes ouverts au nom de M. [B] [L] et de toutes valeurs mobilières inscrites en comptes au nom de M. [B] [L] pour garantir le paiement de la créance de la Caisse d'épargne à hauteur de la somme de 267 442,57 euros, la saisie conservatoire ayant été pratiquée le 29 septembre 2009 et dénoncée à M. [B] [L] le 30 septembre 2009.

Par acte du 7 octobre 2009, la Caisse d'épargne a assigné en paiement M. [B] [L] devant le tribunal de grande instance de Lille, pour obtenir le versement d'une somme de 267 442,57 euros à titre de répétition d'indu.

Par ordonnance du 15 octobre 2009 rendue sur requête de [R] [L], le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a autorisé ce dernier à pratiquer la saisie conservatoire de toutes les sommes déposées en comptes ouverts au nom de M. [B] [L] et de toutes valeurs mobilières inscrites en comptes au nom de M. [B] [L] pour garantir la créance de [R] [L] évaluée provisoirement à la somme de 267 442,57 euros, outre les dommages et intérêts résultant du comportement de M. [B] [L] et les intérêts courants depuis le prélèvement de chacune des sommes sur le compte d'[R] [L], celle-ci ayant été pratiquée le 30 octobre 2009 et dénoncée au débiteur le 2 novembre 2009.

Par acte du 25 novembre 2009, [R] [L] a assigné M. [B] [L] pour obtenir restitution de la somme de 267 442,57 euros en principal, outre diverses autres sommes en réparation de son préjudice financier.

Par conclusions du 19 janvier 2010, [R] [L] est intervenu volontairement à l'instance introduite par acte du 7 octobre 2009 par la Caisse d'épargne.

Par ordonnance du 25 mai 2011, le juge de la mise en état a notamment joint les deux instances, débouté M. [B] [L] de ses demandes de sursis à statuer, et l'a condamné à payer à [R] [L] à titre provisionnel la somme de 267 442,57 euros.

[R] [L] est décédé le [Date décès 12] 2011.

Par conclusions du 15 février 2012, Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] (ci-après les consorts [L]) sont intervenus volontairement, reprenant les demandes d'[R] [L].

Par jugement du 9 juin 2017, le tribunal de grande instance de Lille :

- a dit que la Caisse d'épargne n'encourait aucune responsabilité à l'égard des héritiers d'[R] [L] du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte du défunt au profit de M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros,

- s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes des consorts [L] et les a renvoyés à mieux se pourvoir,

- a laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

- a ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 21 novembre 2017, Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] ont interjeté appel du jugement querellé, précisant les chefs du jugement expressément critiqués en ces termes :

- l'exonération de toute responsabilité de la Caisse d'épargne à l'égard des héritiers d'[R] [L],

- l'incompétence retenue par le tribunal pour connaître des demandes des consorts [L],

- le fait que les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie,

- le débouté au titre des frais irrépétibles.

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées le 4 novembre 2019, les consorts [L] sollicitent l'infirmation du jugement querellé.

Ils demandent à la cour de :

- dire les juridictions françaises compétentes pour connaître de l'entier litige,

- condamner in solidum la Caisse d'épargne et M. [B] [L] à verser la somme de 267442,57 euros, outre les intérêts contractuels courant à partir de chacun des prélèvements effectués, et avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L],

- condamner in solidum M. [B] [L] et la Caisse d'épargne à payer la somme de 9554,38 euros en réparation des préjudices financiers spécifiques à verser entre les mains du notaire chargé de la succession d'[R] [L],

- condamner M. [B] [L] à verser à chacun d'eux la somme de 1 500 euros en réparation de leur préjudice moral,

- condamner M. [B] [L] et la Caisse d'épargne à verser entre les mains du notaire en charge de la succession la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils exposent qu'ils ont bien intérêt à agir à l'encontre de la Caisse d'épargne au nom de la succession de leur père, cette dernière étant, par l'effet de la saisie conservatoire opérée sur les comptes de M. [B] [L], détentrice des sommes soustraites à la succession. Ils rappellent que tout héritier, même avant partage et même sans le concours des autres cohéritiers, a qualité pour prendre l'initiative d'intenter une action en revendication contre le tiers détenteur d'un bien soustrait à l'acte de succession.

Ils indiquent que l'action en responsabilité contractuelle diligentée contre la banque ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel, dès lors que la Caisse d'épargne avait conclu sur ce point en première instance.

Ils considèrent, même si le banquier est tenu d'un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, que ce dernier est tenu d'un devoir de vigilance en cas d'anomalies intellectuelles dans le fonctionnement du compte de son client. Ils relèvent que sur une courte période de douze mois, entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008, M. [B] [L] a vendu les titres de son père, déposé le produit des cessions sur le compte de dépôt du mandant, puis viré sur son propre compte bancaire une somme globale de 267 442,57 euros, ce qui constitue des opérations inhabituelles d'un montant exorbitant à une fréquence inaccoutumée. Ils font observer que la procuration du 19 septembre 1991 est d'une authenticité douteuse, dans la mesure où la copie est de mauvaise qualité, le cadre «'mandataire'» n'est pas renseigné, l'exemplaire papier n'a pas été conservé, au point que la banque a estimé utile de diligenter contre M. [B] [L] une action en répétition de l'indû.

Ils font valoir que leur action en justice n'est pas une action en rapport à la succession par suite de libéralités consenties par leur père à son fils aîné, mais une action en responsabilité civile délictuelle née de la soustraction frauduleuse de fonds par M. [B] [L] sur le territoire français, le juge français étant compétent pour connaître du litige.

Ils considèrent que le principe de concentration des prétentions prévu à l'article 910-4 du code de procédure civile et le principe de limitation de l'appel aux chefs du jugement expressément critiqués prévu à l'article 901, 4° du code précité sont respectés, dans la mesure où l'intégralité de leurs demandes avait déjà été présentée en première instance, et où le premier juge ne s'est pas prononcé sur la responsabilité de M. [B] [L] en raison de sa déclaration d'incompétence.

Ils précisent que l'action en responsabilité introduite par [R] [L], décédé en cours d'instance, leur a été transmise en leur qualité d'héritiers en application de l'article 724 du code civil, et qu'ils sont recevables à agir contre M. [B] [L].

Ils estiment que M. [B] [L] s'est approprié les fonds appartenant à son père, cédant ses titres à un prix inférieur au marché en temps de crise financière, et refusant de les restituer à la succession.

Dans ses conclusions d'intimé n° 3 notifiées le 13 décembre 2019, M. [B] [L] sollicite la confirmation du jugement querellé.

Il demande à la cour de :

- constater l'irrecevabilité des demandes des appelants,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, déclarer l'appel en garantie de la Caisse d'épargne à son égard sans objet,

- condamner les appelants au paiement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que son père lui a consenti le 19 septembre 1991 une procuration pour la gestion de ses deux comptes bancaires ouverts dans les livres de la Caisse d'épargne de Roubaix. Suite à des erreurs de gestion de la banque en 2004 et 2007, il explique avoir pris l'initiative de virer les fonds de son père sur ses propres comptes pour en faciliter le contrôle.

Il rappelle que son père né en 1921 était grabataire, aveugle et présentait de graves séquelles neurologiques et physiques des suites d'un premier accident vasculaire cérébral, subi le 28 juillet 2008, et qu'il se trouvait en Algérie sous l'emprise de ses deux fils, MM. [Z] et [I] [L], alors qu'il ne parlait pas la langue française et ne savait pas lire ni écrire. Il indique que les procurations bancaires consenties devant notaire par son père à ses frères, MM. [I] et [Z] [L], le 25 août 2008, 4 janvier et 2 août 2009, ont conduit ces derniers à vider les comptes bancaires de son père ouverts dans les livres de la Caisse d'épargne de [Localité 19] (02), de la Banque postale de [Localité 18], et de la Banque algérienne de l'agriculture et du développement durable.

Il conteste fermement avoir détourné les fonds d'autrui, s'étant fait remettre les sommes en vertu d'une procuration consentie par son père le 19 septembre 1991, enregistrée de manière informatique le 23 mars 2007 par la banque.

Il fait valoir qu'en application de l'article 901, 4° du code de procédure civile, la déclaration d'appel limite l'objet de l'appel aux chefs critiqués, et qu'en conséquence, sont irrecevables les demandes des appelants qui tendent à le voir condamner in solidum avec la Caisse d'épargne à payer la somme de 267 442,57 euros, outre des dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et du préjudice moral.

Il soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées devant la cour au visa de l'article 564 du code de procédure civile, arguant de ce que la demande de le voir condamner à «'devoir'» la somme de 267 442,57 euros avec intérêts contractuels est nouvelle en appel.

Il soulève l'irrecevabilité de l'intervention de Mme [O] [J] veuve [L] et de ses frères et s'urs pour défaut de qualité à agir, dès lors qu'ils ne produisent pas d'acte de dévolution successorale faisant état de leurs qualités héréditaires.

Il soulève l'exception d'incompétence territoriale du juge français au profit du juge algérien, dès lors que l'action des consorts [L] s'analyse comme une demande de rapport à la succession, laquelle est ouverte en Algérie, lieu de décès d'[R] [L]. S'il ne conteste pas être en possession de sommes qui appartenaient à son père, et qui lui ont été remises en vertu d'un mandat dont la régularité n'apparaît pas contestable, il rappelle que la succession est exclusivement algérienne concernant des ressortissants algériens, un défunt de nationalité algérienne décédé en Algérie, et ne comporte aucun élément d'extranéité d'origine française.

A titre subsidiaire, il relève que les consorts [L] ne démontrent pas sa faute dès lors que, titulaire d'une procuration donnée par son père, il a géré les fonds de ce dernier en bon père de famille, et les a conservés conformément à la mission confiée, s'agissant de revenus provenant de la perception de pensions de retraite pour son activité en France sur un compte bancaire domicilié en France. Il constate que les appelants ne justifient ni du principe ni du quantum des préjudices allégués, qu'ils ne précisent pas au bénéfice de qui les condamnations doivent être ordonnées, et sollicitent des intérêts au taux contractuel.

Dans ses conclusions récapitulatives et en réponse n° 2 notifiées le 10 décembre 2019, la Caisse d'épargne demande à la cour de :

à titre principal,

- juger irrecevables les consorts [L] pour défaut d'intérêt à agir à son encontre au nom de la succession d'[R] [L] en application des articles 815-3 du code civil et 122 du code de procédure civile, et à titre subsidiaire en raison de leurs prétentions nouvelles soumises à la cour en application de l'article 564 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit qu'elle n'encourait aucune responsabilité à l'égard des héritiers d'[R] [L] du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte du défunt au profit de M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros,

à titre subsidiaire,

- juger valable sa reprise d'instance concernant ses propres demandes eu égard à la présence de l'ensemble des héritiers d'[R] [L], dont M. [B] [L], en première instance et en appel,

- se déclarer compétente pour connaître de ses demandes formulées à l'encontre de l'ensemble des héritiers d'[R] [L],

- juger irrecevable, ou en tout cas mal fondé, M. [B] [L] en son exception d'incompétence concernant ses demandes,

- juger qu'elle n'encourt aucune responsabilité à l'égard des consorts [L] au titre des sept retraits opérés par M. [B] [L] en sa qualité de mandataire sur le compte d'[R] [L] de son vivant entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme totale de 267 442,57 euros au vu de la procuration du 19 septembre 1991,

- en conséquence, la mettre hors de cause, et conformer le jugement sur ce point,

à titre extrêmement subsidiaire,

- lui donner acte de ce qu'elle adopte l'argumentation de M. [B] [L] sur l'absence de preuve d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice concernant les prétentions soumises à la cour par les consorts [L], et tendant à les débouter de l'ensemble de leurs prétentions,

en tout état de cause,

- condamner solidairement les consorts [L] à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner M. [B] [L] à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, frais et dépens, qui serait susceptible d'être prononcée à son encontre au profit des consorts [L],

- condamner M. [B] [L] à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers frais et dépens avec droit pour la SCP Deleforge et Franchi de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle considère qu'en application de l'article 815-3 du code civil, les consorts [L] sont dépourvus d'intérêt à agir en responsabilité contractuelle contre elle au nom de la succession d'[R] [L] dès lors qu'ils ne regroupent pas tous les indivisaires, étant rappelé que le consentement d'eux tous est requis pour effectuer tout acte qui ne ressort pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°, à savoir vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision. Elle expose qu'elle n'est pas détentrice des fonds litigieux, mais seulement tiers saisi des fonds faisant l'objet d'une saisie conservatoire, en réalité détenus par M. [B] [L] sur ses comptes personnels ouverts en ses livres.

Elle constate que les dernières conclusions au fond des consorts [L] en première instance datent du 22 mai 2012 aux fins de leur donner acte de ce qu'ils ne renoncent aucunement à engager sa responsabilité , et qu'ils se réservent le droit de le faire notamment en contestant la validité de la procuration produite par la banque dans la présente procédure. Or elle considère que les consorts [L] ont formulé de nouvelles prétentions dans leurs conclusions d'appel du 21 février 2018 puis du 4 novembre 2019, dont il résulte qu'ils réclament sa condamnation à verser la somme de 267 442,57 euros au notaire en charge de la succession, entre autre sommes, et que ces prétentions nouvelles en appel sont parfaitement irrecevables, sans pouvoir s'induire des propres demandes autonomes de la banque.

Elle s'en rapporte à la justice sur l'exception d'incompétence, la fin de non recevoir, et les contestations soulevées par M. [B] [L] contre les demandes formulées contre lui par les consorts [L],

Elle verse au débat la procuration du 19 septembre 1991, dématérialisée le 23 mars 2007, donnée par [R] [L] à son fils M. [B] [L], ainsi que la copie des pièces d'identité alors remises, et demande à la cour d'en constater la validité et l'étendue. Elle fait observer que les comptes bancaires d'[R] [L], abondés par ses pensions de retraite françaises, ont été gérés de 1991 à 2009 avec la procuration par son fils aîné, sans aucune contestation du titulaire des comptes de son vivant, et au su de son épouse et de l'ensemble de ses enfants.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Compte tenu de la crise sanitaire, la première présidente de chambre, présidente de la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai, a proposé, dans l'ordonnance de clôture rendue le 12 mai 2020, aux avocats des parties de retenir cette affaire sans plaidoirie, et de la mettre en délibéré au 10 septembre 2020, dès lors que la cour était en possession de leurs dossiers respectifs.

Maître Maachi, avocat des consorts [L], Maître Mespelaere, avocat de M. [B] [L], et Maître Camus-Demailly, avocat de la Caisse d'épargne, ont donné leur accord par messages RPVA du 13 et 25 mai 2020.

MOTIFS

A titre liminaire, il s'observe que la recevabilité des prétentions de la Caisse d'épargne devant la cour n'est nullement contestée, pas plus que la compétence de la cour pour connaître des demandes de la Caisse d'épargne.

I. Sur les pièces produites par les consorts [L],

Vu les articles 16 et 906 du code de procédure civile ;

La cour observe que les consorts [L] ont :

- le 21 février 2018, communiqué, avec leurs premières conclusions d'appel, un bordereau de pièces comprenant 46 éléments ;

- le 4 novembre 2019, communiqué des conclusions récapitulatives d'onze pages sans joindre un nouveau bordereau de pièces.

Or, force est de constater que les consorts [L], en déposant leur dossier de plaidoirie, reçu à la cour le 9 juin 2020, ont joint des conclusions récapitulatives n° 2 de treize pages et un nouveau bordereau de pièces comprenant cinq nouvelles pièces numérotées de 48 à 52, étant précisé qu'il est indiqué au dessus de ces cinq pièces la mention 'pièces complémentaires'.

Ces cinq pièces invoquées et produites par les consorts [L] n'ayant pas été communiquées en temps utile aux autres parties et avant l'ordonnance de clôture, ces dernières n'ont par conséquent pas été à même d'en débattre contradictoirement, ce dont il résulte que la cour ne pourra retenir, dans son arrêt, ces cinq pièces, mais aussi les moyens et explications contenues dans les conclusions récapitulatives n° 2 de treize pages.

Il s'ensuit que ne seront examinés que les moyens et prétentions soumises à la cour par les appelants dans leurs conclusions notifiées le 4 novembre 2019 et leurs pièces contenues dans le bordereau communiqué le 21 février 2018.

II. Sur les demandes des consorts [L] à l'encontre de la Caisse d'épargne,

Sur le défaut d'intérêt à agir des consorts [L] soulevé par la Caisse d'épargne,

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 815-3 du code civil ;

En l'espèce, il est établi que la Caisse d'épargne, par acte du 7 octobre 2009, a fait assigner en paiement M. [B] [L] devant le tribunal de grande instance de Lille et que, par conclusions du 19 janvier 2010, [R] [L] est intervenu volontairement à l'instance opposant la Caisse d'épargne à M. [B] [L].

Il est tout aussi établi que les consorts [L] sont intervenus volontairement à l'instance, par conclusions du 15 février 2012, aux fins de reprendre les demandes d'[R] [L], prédécédé le [Date décès 12] 2011.

Il résulte du jugement dont appel que les consorts [L], dans leurs dernières conclusions déposées devant le tribunal de grande instance le 22 mai 2012, demandaient à ce qu'il leur soit donné acte qu'ils n'ont pas renoncé à engager la responsabilité de la banque, alors que la Caisse d'épargne, dans ses dernières conclusions déposées le 16 novembre 2016, demandait à cette juridiction de dire qu'elle n'encourt aucune responsabilité à l'égard des héritiers du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte de [R] [L] au profit de son mandataire M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées devant la cour, les consorts [L] recherchent la responsabilité contractuelle de la Caisse d'épargne afin de la voir condamner in solidum avec M. [B] [L] à leur payer la somme de 26 7 442,57 euros, outre les intérêts dûs.

Il s'ensuit que la demande des consorts [L] a pour objet d'obtenir la réparation d'une faute contractuelle qu'aurait commise par la Caisse d'épargne, à savoir selon eux un manquement à son devoir de vigilance.

Cette demande, qui doit s'analyser comme une action personnelle des consorts [L], lesquels, héritiers de [R] [L], saisis de plein droit des droits et actions du défunt, ont dès lors qualité pour poursuivre l'action en justice du de cujus en application de l'article 724, alinéa 1er du code civil, et qui tend à l'allocation de dommages et intérêts, n'entre pas dans le champ de l'article 815-3 du code civil.

En conséquence, la Caisse d'épargne n'est pas fondée à soutenir que les consorts [L] sont irrecevables à agir pour défaut d'intérêt.

Sur le caractère nouveau des prétentions soumises à la cour par les consorts [L],

Vu l'article 564 du code de procédure civile selon lequel les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, les consorts [L] soutiennent dans leurs écritures d'appel que la Caisse d'épargne 'a conclu devant la juridiction de première instance en déclinaison de toute responsabilité' et qu'elle a 'formulé une réponse à la demande de mise en cause de sa responsabilité en première instance'.

Il n'est pas contesté que les consorts [L], dans leurs dernières conclusions déposées devant le tribunal de grande instance le 22 mai 2012, demandaient à ce qu'il leur soit donné acte qu'ils n'ont pas renoncé à engager la responsabilité de la banque, tandis que la Caisse d'épargne, dans ses dernières conclusions déposées le 16 novembre 2016, demandait à la juridiction de dire qu'elle n'encourt aucune responsabilité l'égard des héritiers du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte de [R] [L] au profit de son mandataire M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros

Il en résulte que la demande de la Caisse d'épargne tendant à voir dire qu'elle n'encourt aucune responsabilité s'analyse comme une défense au fond tendant à faire rejeter comme non justifiée la prétention des consorts [L] qu'il leur soit donné acte qu'ils n'ont pas renoncé à engager la responsabilité de la banque.

Il résulte ensuite du jugement querellé que le tribunal de grande instance a dit que la Caisse d'épargne n'encourait aucune responsabilité à l'égard des héritiers d'[R] [L] du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte du défunt au profit de M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros, et de la déclaration d'appel des consorts [L] que ces derniers, en indiquant qu'est expressément critiqué le chef du jugement entrepris ayant exonéré de toute responsabilité la Caisse d'épargne à l'égard des héritiers d'[R] [L], ont entendu soumettre à la cour cette disposition du jugement critiqué.

Par conséquent, les consorts [L] en demandant à la cour de condamner la Caisse d'épargne in solidum avec M. [B] [L] à payer la somme de 267 442,57 euros, outre les intérêts dûs, opposent à celle-ci une défense au fond pour faire écarter, comme non justifiée, la prétention de la banque consistant à 'dire qu'elle n'encourt aucune responsabilité', celle-ci formulant à nouveau à titre subsidiaire cette prétention dans le dispositif de ses écritures.

En conséquence, la Caisse d'épargne n'est pas fondée à soutenir que les consorts [L] sont irrecevables en leurs demandes en raison de prétentions nouvelles soumises à la cour.

Sur la faute de la banque alléguée par les consorts [L],

Les consorts [L] soutiennent que la banque a commis une faute, car si elle est tenue d'un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, elle demeure tenue par un devoir de vigilance en cas d'anomalies intellectuelles dans le fonctionnement du compte de son client, ce qui est le cas en l'espèce au regard, selon eux, des opérations inhabituelles réalisées par M. [B] [L] avec des montants exorbitants et une fréquence inaccoutumée ; ils ajoutent qu'en application de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, la banque doit exercer une vigilance constante et pratiquer un examen attentif des opérations effectuées ; ils soulignent enfin le caractère douteux de la procuration du 19 septembre 1991.

En réplique, la Caisse d'épargne expose essentiellement au fond qu'elle n'encoure aucune responsabilité dès lors qu'[R] [L] a donné de son vivant, le 19 septembre 1991, une procuration à son fils, M. [B] [L] et qu'elle n'est pas remise en cause par les héritiers du défunt ; elle explique que sa prétendue responsabilité ne saurait être recherchée en ce qui concerne les opérations bancaires faites par M. [B] [L], en qualité de mandataire, sur les comptes de son père avec cette procuration et souligne que M. [B] [L] 'a, en cette qualité, progressivement vidé entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 les comptes de son père pour virer l'ensemble des fonds qui s'y trouvaient sur ses propres comptes'.

Sur ce,

Il résulte des moyens ci-dessus résumés des consorts [L] et de la Caisse d'épargne que les premiers reprochent à la banque un manquement à son devoir de vigilance, laquelle dénie toute responsabilité au regard de la procuration que le titulaire du compte avait donné à son fils.

En premier lieu, sur la mise en oeuvre de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier,

Vu l'article 2 du code civil ;

Si les consorts [L] invoquent les dispositions de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier, il s'observe que cet article a été créé par l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et qu'il n'est entré en vigueur que le 1er février 2009, de sorte qu'il n'a pas vocation à s'appliquer à des faits commis antérieurement entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008.

De surcroît, les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, imposées aux organismes bancaires et financiers à cet article L. 561-6, ont pour seule finalité la détection de transactions portant sur des sommes provenant d'activités en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ce dont il résulte que les victimes ne peuvent se prévaloir de l'inobservation de l'obligation de vigilance résultant des dispositions de l'article L. 561-6 du code monétaire et financier pour réclamer des dommages et intérêts à un établissement bancaire.

En deuxième lieu sur le manquement allégué par les consorts [L] de la banque à son devoir de vigilance,

Vu les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 9 du code de procédure civile ;

Si, sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé, le principe de non-ingérence laisse subsister la responsabilité du banquier qui accepte d'enregistrer une opération dont l'illicéité ressort d'une anomalie apparente, c'est-à-dire une anomalie qui ne doit pas échapper au banquier diligent.

Il s'ensuit qu'il appartient aux consorts [L] d'apporter la preuve de l'existence d'opérations sur les comptes bancaires d'[R] [L] dont l'anomalie était apparente pour la Caisse d'épargne.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [B] [L] a procédé à des retraits sur le compte de son père par virements internes sur ses propres comptes pour la somme totale de 267 442,57 euros hors frais, se décomposant de la façon suivante :

48 000 euros le 21 novembre 2007,

118 871,49 euros le 22 décembre 2007,

24 841,08 euros le 23 janvier 2008,

66 700 euros le 8 février 2008,

5 000 euros le 4 juillet 2008,

3 030 euros le 16 septembre 2008,

1 000 euros le 14 octobre 2008.

Les consorts [L] font valoir que 'le caractère rapproché et massif de ces opérations, qui ne pouvaient correspondre à ce que savait la Caisse d'épargne de son client, retraité, imposait au titre du devoir de vigilance de la banque d'en avertir [R] [L], son client, pour vérifier son consentement auxdites opérations', ce qu'elle n'a pas fait alors même qu'elle 'a laissé M. [B] [L] porter l'ensemble de ces sommes sur son propre compte, ouvert au sein du même établissement, deuxième circonstance caractérisant l'anomalie apparente, qui aurait dû mobiliser' son devoir de vigilance.

Il résulte des relevés de compte et de portefeuille ouverts au nom d'[R] [L] produits au débat que :

- le 1er janvier 2007, le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] d'[R] [L] était créditeur de la somme de 136 569,61 euros ;

- le 22 octobre 2007, le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] d'[R] [L] était créditeur de la somme de 146 467,35 euros ;

- le 13 août 2009, le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] d'[R] [L] était créditeur de la somme de 12,64 euros ;

- le 9 octobre 2007, le compte titre d'[R] [L] indiquait une valeur globale du portefeuille de 107 397,76 euros ;

- le 31 décembre 2007, le compte titre d'[R] [L] indiquait une valeur globale du portefeuille de 88 524,32.

Le relevé de compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] montre ensuite que les sommes suivantes ont été retirées par virement interne :

48 000 euros le 21 novembre 2007,

118 871,49 euros le 22 décembre 2007,

24 841,08 euros le 23 janvier 2008,

66 700 euros le 8 février 2008,

5 000 euros le 4 juillet 2008,

3 030 euros le 16 septembre 2008,

1 000 euros le 14 octobre 2008,

ces sommes ayant été virées vers le compte n° [XXXXXXXXXX09], dont est titulaire M. [B] [L] selon le procès-verbal de saisie conservatoire de créances du 29 septembre 2009, celui-ci ne contestant d'ailleurs pas cette circonstance (pp. 4 et 5 de ses dernières écritures), par différents ordres de virement signés par ce dernier, la signature du donneur d'ordre portée sur ceux-ci étant identique à celle du mandataire désigné par la procuration du 19 septembre 1991 (pièce n° 1 de M. [B] [L]).

Les mouvements sur ce compte de dépôt font aussi apparaître les opérations suivantes :

- deux débits liés à deux souscriptions de titres pour un montant de 49 549,29 euros le 3 novembre 2007,

- deux crédits liés à deux ventes de titres pour un montant de 47 552,62 euros le 20 décembre 2007,

- des crédits liés à des 'ventes FCP écureuils monétaire' et une 'vente SICAV associations' pour des montants respectifs de 19 772,91 euros, 24 841,08 euros, 35 684,60 euros, 3 241,49 euros, 25 482 euros les 22 décembre 2007, 7 janvier, 2 et 5 février.

En l'état de l'ensemble de ces constatations, le fonctionnement du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] et du compte titre d'[R] [L], entre le 3 novembre 2007 et le 14 octobre 2008, présentait des opérations très nombreuses sans justifications apparentes au regard d'un fonctionnement normal d'un compte de dépôt, notamment des mouvements de fonds rapprochés réalisés par virements internes depuis le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] d'[R] [L] vers le compte n° [XXXXXXXXXX09] dont est titulaire M. [B] [L], et portant sur des sommes élevées le 21 novembre et le 22 décembre 2007, ainsi que le 23 janvier et le 8 février 2008, ce qui nécessairement ne pouvait qu'attirer l'attention de la banque.

Quand bien même les ordres de virements étaient données par M. [B] [L], mandataire d'[R] [L] selon la procuration sous seing privé du 19 septembre 1991, dont l'absence d'authenticité n'est pas démontrée, la circonstance qu'[R] [L] ait révoqué le 9 mai 1990 le précédent mandat donné à son fils M. [B] [L] n'interdisant pas en effet qu'il consente ensuite à celui-ci une nouvelle procuration, dès lors que les sommes litigieuses étaient virées sur un compte bancaire du mandataire et que le compte de dépôt d'[R] [L], alors domicilié en Algérie, a été domicilié, le 21 novembre 2007, à l'adresse de l'agence de la Caisse d'épargne de Roubaix, la domiciliation de ce compte n'étant rétablie en Algérie que le 15 mai 2009 (pièce n° 7 de la Caisse d'épargne ; p. 2), la méfiance de la banque, née du fonctionnement du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] d'[R] [L], aurait du être encore accrue, ce dont il résulte que la banque aurait du s'interroger sur les risques de détournement, par M. [B] [L], des fonds de son mandant.

Face à ces anomalies évidentes, la Caisse d'épargne, qui n'a pas recherché si elles n'étaient qu'apparentes ou bien réelles, a manqué à son devoir général de vigilance, de sorte qu'elle a commis une faute contractuelle en, comme le souligne les consorts [L], n'avertissant pas [R] [L] des opérations et virements bancaires faits par son fils, M. [B] [L],alors même celui-ci était son mandataire selon la procuration du 19 septembre 1991, pour vérifier, au regard de leur importance et de leur nombre sur une courte période, qu'il avait bien consenti à celles-ci, notamment à virer des fonds depuis son compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] vers le compte n° [XXXXXXXXXX09] de son fils.

En troisième lieu, sur le préjudice des consorts [L] résultant de la faute de la banque,

Dès lors que la Caisse d'épargne est soumise à une obligation de restitution des fonds déposés sur le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] ouvert au nom d'[R] [L] à son titulaire, ou en cas de décès à ses héritiers, et que les retraits des fonds par M. [B] [L], par virement de sommes vers son compte n° [XXXXXXXXXX09], résulte directement de sa propre faute, la banque doit rembourser aux consorts [L] l'intégralité des sommes qu'elle devait restituer, le préjudice des consorts [L] s'analysant comme une inexécution contractuelle dont la Caisse d'épargne doit réparer intégralement les conséquences dommageables.

Par conséquent, la Caisse d'épargne sera condamnée à payer entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L] la somme de 267 442,57 euros correspondant aux sommes virées par M. [B] [L], depuis le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] de son père vers son compte n° [XXXXXXXXXX09].

Si les consorts [L] réclament 'le montant des intérêts contractuels courant depuis chacun des prélèvements', soit en réalité des virements faits par M. [B] [L], force est de constater qu'ils ne justifient pas que le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX09] à partir duquel ont été faits les virements litigieux était rémunéré et ouvrait droit à des intérêts contractuels.

Faute d'établir l'existence d'un préjudice de ce chef, la Caisse d'épargne sera condamnée à payer entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L] la somme de 267 442,57 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Sur le préjudice financier allégué par les consorts [L], correspondant à la perte de chance de réaliser une plus-value de cession de valeurs mobilières et à la moins-value réalisée par les cessions initiées par M. [B] [L], il n'est pas sérieusement contestable que le manquement au devoir de vigilance retenue à l'encontre de la Caisse d'épargne n'est pas en lien de causalité direct et certain avec le préjudice financier dont les consorts [L] demandent l'indemnisation à hauteur de 9 554,38 euros.

III. Sur les demandes des consorts [L] à l'encontre de M. [B] [L],

Sur l'irrecevabilité des demandes des consorts [L] au regard de l'article 901, 4° du code de procédure civile,

Vu l'article 901, 4° du code de procédure civile selon lequel la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité (...) 4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;

Vu l'article 562, alinéa premier du même code selon lequel l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En l'espèce, les consorts [L] soutiennent qu'en contestant la déclaration d'incompétence, ils demandent aux juridictions françaises de se prononcer sur la condamnation de M. [B] [L], telle que cette demande avait été formulée en première instance.

Les consorts [L] en interjetant appel du jugement du 9 juin 2017 du tribunal de grande instance de Lille, ont entendu déféré à la cour notamment le chef de dispositif suivant : 'L'incompétence retenue par le tribunal pour connaître' de leurs demandes.

Il s'ensuit nécessairement que les consorts [L], en critiquant la disposition du jugement relative à l'incompétence du tribunal de grande instance de Lille pour connaître de leur demande, ont entendu déféré, outre ce chef de jugement expressément critiqué, ceux qui en dépendent, à savoir leurs prétentions au fond, c'est-à-dire selon les motifs du jugement entrepris la condamnation de M. [B] [L] à verser entre les mains d'un notaire algérien à désigner la somme de 267 442,57 euros outre, pour leur compte, les sommes de 9 554,38 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier.

En conséquence, M. [B] [L] n'est pas fondé à soutenir que les consorts [L] sont irrecevables de chef.

Sur le caractère nouveau des prétentions soumises à la cour par les consorts [L],

Vu l'article 564 du code de procédure civile précité ;

M. [B] [L] soutient que les demandes des consorts [L] présentées devant la cour, tendant à le voir condamner à 'devoir' la somme de 267 442,57 euros avec intérêts contractuels notamment, sont irrecevables car nouvelles en appel et ne pourraient en tout hypothèse aboutir.

Or, comme le relève M. [B] [L] lui-même, les consorts [L] demandaient aux premiers juges, dans leurs dernières conclusions du 22 mai 2012, qu'il soit condamné à verser entre les mains du notaire algérien qui sera désigné à cette fin la somme de 267 442,57 euros outre les intérêts contractuels courant depuis chacun des prélèvements effectués et avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ce dont il résulte que les consorts [L], lorsqu'ils demandent à la cour de condamner in solidum la Caisse d'épargne et M. [B] [L] à devoir la somme de 267 442,57 euros, outre les intérêts contractuels courant depuis chacun des prélèvements effectués, et avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à verser entre les mains du notaire en charge de la succession de [R] [L], ne formulent aucunement à l'encontre de M. [B] [L] une demande nouvelle, les consorts [L] ayant en réalité formulé différemment leur prétention à l'encontre de M. [B] [L], étant précisé que les questions relatives à l'intelligibilité de cette prétention et à la condamnation de M. [B] [L] aux intérêts contractuels relèvent du fond du droit.

En conséquence, M. [B] [L] n'est pas fondé à soutenir que les consorts [L] sont irrecevables en leurs demandes en raison de prétentions nouvelles soumises à la cour.

Sur l'irrecevabilité de l'intervention de Mme [O] [J], veuve [L], et subsidiairement de l'ensemble de ses frères et soeurs de M. [B] [L],

Vu l'article 724, alinéa 1er du code civil aux termes duquel les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ;

Il en résulte que chacun des héritiers, saisi de plein droit de l'action du défunt, a qualité pour la poursuivre seul.

En l'espèce, il résulte des pièces produites au débat que les consorts [L], en ce compris Mme [O] [J], veuve [L], sont intervenus volontairement en première instance, par conclusions déposées le 15 février 2012, aux fins de reprendre les demandes d'[R] [L], décédé le [Date décès 12] 2011, et qu'ils sont, notamment à la lecture du livret de famille de la famille [L] et des autres pièces produites, les héritiers d'[R] [L].

Il en résulte que l'ensemble des consorts [L], appelants du jugement du 9 juin 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Lille, ont qualité à agir.

En conséquence, M. [B] [L] n'est pas fondé à soutenir que les consorts [L] sont irrecevables en leurs demandes faute de qualité à agir.

Sur l'exception d'incompétence soulevée par M. [B] [L],

Vu les articles 843 et suivants et les articles 864 et suivants du code civil ;

M. [B] [L] soutient que les consorts [L], sous couvert d'une action en reprise d'instance, présentent en réalité contre lui une action aux fins de rapport à la succession pour laquelle la juridiction française n'est pas compétente.

Constitue un rapport à la succession l'opération préalable au partage consistant dans la restitution, par un cohéritier, à la masse successorale afin de reconstitution de celle-ci, de sommes dont il est débiteur envers la succession ou de sommes ou biens dont il avait été gratifié par le défunt, ou encore de la valeur de ces biens.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable, au vu du jugement querellé, des écritures des parties et des pièces produites, que les consorts [L], venant aux droits d'[R] [L], sont intervenus volontairement à l'instance devant le tribunal de grande instance aux fins de reprendre l'action du défunt et de rechercher la responsabilité civile délictuelle de M. [B] [L].

Il en résulte manifestement que les consorts [L] n'exercent pas une action en rapport à la succession d'une libéralité.

Ensuite, il n'est pas sérieusement contestable que les consorts [L], en étant intervenus volontairement à l'instance pour reprendre l'action en responsabilité délictuelle introduite par leur auteur, entendent, non pas faire condamner M. [B] [L] à rapporter à la succession une somme dont il serait le débiteur, mais voir condamner celui-ci à indemniser un préjudice, sur le fondement d'une faute délictuelle, en alléguant d'un détournement par ce dernier et à son profit de fonds déposés sur les comptes bancaires du défunt

Il en résulte que les consorts [L] n'exercent pas une action en rapport à la succession d'une dette.

C'est donc à tort que le premier juge a accueilli l'exception d'incompétence soulevé par M. [B] [L] et s'est déclaré incompétent.

Le jugement sera infirmé de ce chef et statuant à nouveau, la cour se déclare compétente pour connaître des demandes des consorts [L].

Sur la faute de M. [B] [L] alléguée par les consorts [L],

Les consorts [L] soutiennent que M. [B] [L] n'avait pas à s'immiscer dans la gestion des fonds appartenant à son père, d'autant plus dans l'objectif de se les approprier dès lors que le défunt avait révoqué le mandant à son fils ; ils ajoutent que le comportement de M. [B] [L] ne correspond pas à l'attitude qu'aurait adopté un bon père de famille, mais relève, en l'absence de tout mandat, de l'appropriation des fonds d'autrui ; ils soulignent qu'en toute hypothèse, la gestion des fonds faite par M. [B] [L] ne l'a pas été en bon de père de famille et que ce dernier affirme savoir qu'il a détourné les fonds des comptes bancaires de son père.

M. [B] [L] conteste avoir commis une faute puisqu'il était titulaire d'une procuration donnée par son père, qu'il a géré les fonds de son père qui lui étaient confiés en bon père de famille et les a gardés comme il en avait la mission.

Sur ce,

M. [B] [L] produit au débat, ainsi que la Caisse d'épargne, une photocopie d'une procuration donnée le 9 septembre 1991 par [R] [L] à son fils, M. [B] [L], par laquelle le premier donne au second mandat général de le représenter et d'accomplir toutes les actes d'administration et de disposition qu'il pourrait lui même accomplir sur son compte de dépôt et son compte titre.

Force est de constater qu'en l'espèce, il n'est pas établi que cette procuration sous seing privé du 9 septembre 1991 n'a pas été donnée par [R] [L] à son fils, la circonstance qu'[R] [L] ait révoqué le 9 mai 1990 le précédent mandat donné à son fils M. [B] [L] n'interdisant pas ensuite qu'il consente à celui-ci une nouvelle procuration,

Pour autant, les consorts [L], en indiquant, d'une part, qu''en toute hypothèse, la gestion des fonds qui a été faite par M. [B] [L] ne l'a pas été en bon de père de famille, puisque certains titres ont été cédés alors même que leur valeur était garantie même par temps de crise, et que d'autres titres ont été cédés à un prix inférieur au prix qui aurait pu en être tiré', d'autre part, que M. [B] [L] 'affirme savoir que les fonds qu'il a détournés des comptes bancaires de son père ne lui appartiennent pas' mais qu'il 'a toujours refusé de les restituer à son père, et refuse aujourd'hui de les rendre à la succession', soutiennent que ce dernier a engagé sa responsabilité en tant que mandataire et qu'il a commis diverses fautes engageant sa responsabilité délictuelle en application de l'article 1382 du code civil, devenu 1240, étant souligné que les consorts [L] entendent mettre 'en cause la responsabilité civile délictuelle de M. [B] [L]' (page 8 de leurs dernières écritures communiquées le 4 novembre 2019).

Il s'ensuit que les consorts [L], en faisant valoir que M. [B] [L] a engagé sa responsabilité en tant que mandataire, entendent en réalité mettre en cause sa responsabilité contractuelle pour des fautes qu'il aurait commises dans l'exécution du mandat donné par son père, [R] [L].

De surcroît, les consorts [L] en poursuivant l'action introduite par [R] [L], dont ils sont les ayants-droit, ne peuvent nécessairement que rechercher la responsabilité contractuelle de M. [B] [L].

C'est donc sur un fondement contractuel, à savoir à la responsabilité du mandataire à l'égard du mandant, que seront examinées les demandes des consorts [L].

En premier lieu, sur les manquements de M. [B] [L] allégués par les consorts [L],

Vu les articles 1984 et suivants du code civil ;

En application de l'alinéa premier de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Si, aux termes de l'alinéa second de cet article 1992, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire, cette disposition ne concerne que l'appréciation de la faute et non l'étendue de la réparation

En l'espèce, par la procuration du 19 septembre 1991, [R] [L] a donné mandat général à M. [B] [L] pour le représenter et accomplir tous les actes d'administration et de disposition qu'il pourrait lui-même accomplir sur son compte de dépôt et son compte titre.

Il en résulte que M. [B] [L] avait reçu, outre le pouvoir d'accomplir les opérations de gestion normale du compte de dépôt et du compte titre de son père englobant l'expédition des affaires courantes et la mise en valeur naturelle des fonds et valeurs détenus sur ces deux comptes, celui d'accomplir les opérations graves qui entament ou engagent le patrimoine pour le présent ou l'avenir, dans ses capitaux.

Par conséquent, les consorts [L] ne peuvent reprocher à M. [B] [L] la cession de titres à un prix inférieur au prix qui aurait pu en être tiré ou de titres dont la valeur était garantie même en temps de crise, ces seules circonstances, dès lors que ces cessions de titres à des prix inférieurs à ceux du marché se sont avérées occasionnelles selon les pièces produites, étant insuffisantes pour retenir une faute de gestion de M. [B] [L] de ce chef.

Pour autant, M. [B] [L], 'en virant les fonds de son père sur ses comptes pour en garder un meilleur contrôle' ou 'de façon à mieux surveiller et éviter tout intrusion de la banque'(pp. 4 et 5 des écritures de M. [B] [L]), a disposé des fonds et des valeurs d'[R] [L] dans des conditions dont il pouvait prévoir qu'elles l'empêcheraient de les rendre ou d'en représenter la valeur à son mandant, de sorte qu'il a disposé de ces fonds et valeurs comme des siens propres et n'a manifestement pas sauvegardé les intérêts de son mandant.

Il en résulte que M. [B] [L] a détourné au préjudice d'[R] [L] les fonds et valeurs détenus par ce dernier sur son compte de dépôt et son compte titre, ce qui constitue un manquement du mandataire engageant sa responsabilité en tant que tel.

En outre, dès lors que ces fonds et valeurs n'ont pas été restitués à [R] [L] avant son décès, cette faute commise par M. [B] [L] dans l'exécution de son mandat engage également sa responsabilité de mandataire.

En second lieu, sur le préjudice des consorts [L],

Tout d'abord, il n'est pas sérieusement contestable, au vu des motifs précédemment énoncés, que M. [B] [L] a procédé à des retraits sur le compte de son père par virements internes sur ses propres comptes pour la somme totale de 267 442,57 euros hors frais, se décomposant de la façon suivante :

48 000 euros le 21 novembre 2007,

118 871,49 euros le 22 décembre 2007,

24 841,08 euros le 23 janvier 2008,

66 700 euros le 8 février 2008,

5 000 euros le 4 juillet 2008,

3 030 euros le 16 septembre 2008,

1 000 euros le 14 octobre 2008.

Par conséquent, M. [B] [L] sera condamné in solidum avec la Caisse d'épargne à payer entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L] la somme de 267 442,57 euros correspondant aux sommes virées par lui, depuis le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX07] de son père vers son compte n° [XXXXXXXXXX09].

Si les consorts [L] réclament 'le montant des intérêts contractuels courant depuis chacun des prélèvements', soit en réalité des virements faits par M. [B] [L], force est de constater qu'ils ne justifient pas que le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX09] à partir duquel ont été faits les virements litigieux était rémunéré et ouvrait droit à des intérêts contractuels.

Faute d'établir l'existence d'un préjudice de ce chef, M. [B] [L] sera condamné in solidum avec la Caisse d'épargne à payer entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L] la somme de 267 442,57 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Ensuite, sur le préjudice financier allégué par les consorts [L], correspondant à la perte de chance de réaliser une plus-value de cession de valeurs mobilières et à la moins-value réalisée par les cessions initiées par M. [B] [L], dès lors qu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre de M. [B] [L] pour avoir cédé des titres à un prix inférieur au prix qui aurait pu en être tiré ou des titres dont la valeur était garantie même en temps de crise, les consorts [L] seront déboutés de leurs demandes de ce chef.

Enfin, sur le préjudice moral, il n'est pas sérieusement contestable que le comportement de M. [B] [L] a contraint les consorts [L] à reprendre l'action qui avait été introduite par le défunt et a subir les tracas inhérents à la présente procédure.

M. [B] [L] sera donc condamné à payer à chacun des consorts [L] la somme de 150 euros en réparation du préjudice moral causé.

IV. Sur l'appel en garantie de la Caisse d'épargne à l'encontre de M. [B] [L],

La Caisse d'épargne demande à la cour de condamner M. [B] [L] à la garantir des condamnations mises à la sa charge ; elle explique disposer d'une action en répétition de l'indû.

M. [B] [L] se borne à souligner que la demande de la banque doit être déclarée sans objet puisque les prétentions des appelants à l'égard de la Caisse d'épargne seront rejetées.

Sur ce,

Vu les articles 1235, alinéa 1er et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que M. [B] [L] a viré sur un de ses comptes bancaires les fonds détenus par son père sur son compte dépôt, soit la somme de 267 442,57 euros, notamment après avoir cédé les valeurs mobilières possédées par ce dernier sur son compte titre, ce dont il résulte qu'il a disposé de ces fonds et valeurs comme des siens propres alors qu'il lui appartenait, en sa qualité de mandataire d'[R], de les lui représenter, ce dont il résulte que M. [B] [L], qui ne démontre pas être créancier du titulaire du compte débité, n'était pas justifié à conserver les sommes reçues sur son compte bancaire depuis le compte de dépôt de son père.

Dès lors que les fonds détenus à hauteur de 267 442,57 euros par M. [B] [L] sur son compte bancaire ne lui appartiennent pas, la Caisse d'épargne est fondée à exercer à son encontre une action en répétition de l'indu.

Les fonds détenus indûment par M. [B] [L] s'élèvent, au vu des motifs précédemment énoncés et des pièces produites par les parties, à la somme de 267 442,57 euros.

M. [B] [L] sera donc condamné à garantir la Caisse d'épargne à hauteur du montant de cette seule somme.

V. Sur les dépens et les frais non répétibles,

Le sens du présent arrêt commande d'infirmer le jugement dont appel sur ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Le même sens conduit à condamner M. [B] [L] et la Caisse d'épargne aux dépens de première instance et d'appel des consorts [L] et à condamner M. [B] [L] aux dépens de première instance et d'appel de la Caisse d'épargne, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Deleforge et Franchi.

M. [B] [L] et la Caisse d'épargne seront ensuite condamnés, en considération de l'équité, à verser entre les mains du notaire chargé de la succession d'[R] [L] la somme de 5 000 euros au titre de leurs frais non répétibles de première instance et d'appel.

Enfin, les mêmes considérations d'équité, commande de condamner M. [B] [L] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 2 500 euros au titre de ses frais non répétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement,

Déclare recevable Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] en leur action à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France ;

Déclare recevable Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] en leurs demandes en cause d'appel à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France ;

Déclare recevable Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] en leurs demandes contre M. [B] [L] ;

INFIRME le jugement du 9 juin 2017, du tribunal de grande instance de Lille :

- a dit que la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France n'encourait aucune responsabilité à l'égard des héritiers d'[R] [L] du fait d'avoir procédé, au vu de la procuration du 19 septembre 1991, à sept retraits sur le compte du défunt au profit de M. [B] [L] entre le 21 novembre 2007 et le 14 octobre 2008 pour la somme de 267 442,57 euros,

- s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes des consorts [L] et les a renvoyés à mieux se pourvoir,

- a laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMES ET Y AJOUTANT,

Se déclare compétent pour connaître des demandes de Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] à l'encontre de M. [B] [L] ;

Condamne in solidum la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France et M. [B] [L] à verser la somme de 267 442,57 euros entre les mains du notaire en charge de la succession d'[R] [L] avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Condamne M. [B] [L] à payer la somme de 150 euros chacun à Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] en réparation de leur préjudice moral ;

Déboute Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] de leur demande au titre du préjudice financier ;

Condamne M. [B] [L] à garantir la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France à hauteur de la somme de 267 442,57 euros ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [B] [L] et la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France aux dépens de première instance et d'appel de Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] ;

Condamne M. [B] [L] aux dépens de première instance et d'appel de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France , avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Deleforge et Franchi pour ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir provision ;

Condamne M. [B] [L] et la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France à verser entre les mains du notaire chargé de la succession d'[R] [L] la somme de 5 000 euros au titre des frais non répétibles de première instance et d'appel de Mme [O] [J] veuve [L], M. [I] [L], M. [Z] [L], Mme [V] [L] épouse [E], M. [P] [L] et Mme [O] [L] épouse [G] ;

Condamne M. [B] [L] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France la somme de 2 500 euros au titre de ses frais non répétibles de première instance et d'appel.

La GreffièreLa Présidente

Fabienne DufosséHélène Château


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 17/06734
Date de la décision : 10/09/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 03, arrêt n°17/06734 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-10;17.06734 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award