La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2020 | FRANCE | N°18/06288

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 26 mars 2020, 18/06288


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 26/03/2020





****



N° de MINUTE : 20/112

N° RG 18/06288 - jonction avec RG : 18/7023-N° Portalis DBVT-V-B7C-R7CG



Rejet implicite et offre FIVA du 17 septembre 2018



DEMANDERESSES



Madame [Y] [N] veuve [V]

décédée



Madame [F] [V],

née le [Date naissance 4] 1988

[Adresse 7]

[Localité 9]



Madame [R] [V]

née le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 9]



Madame [O] [V]

née le [Date naissance 5] 1990

[Adresse 7]

[Localité 9]



Assistées de Me Michel Ledoux...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 26/03/2020

****

N° de MINUTE : 20/112

N° RG 18/06288 - jonction avec RG : 18/7023-N° Portalis DBVT-V-B7C-R7CG

Rejet implicite et offre FIVA du 17 septembre 2018

DEMANDERESSES

Madame [Y] [N] veuve [V]

décédée

Madame [F] [V],

née le [Date naissance 4] 1988

[Adresse 7]

[Localité 9]

Madame [R] [V]

née le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 9]

Madame [O] [V]

née le [Date naissance 5] 1990

[Adresse 7]

[Localité 9]

Assistées de Me Michel Ledoux, avocat au barreau de Paris substitué par Me Jorand, avocat au barreau de Paris

DÉFENDEUR

Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

[Adresse 6]

[Localité 8]

Assisté de Me Mario Califano, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 30 janvier 2020 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Claire Bertin, conseiller faisant fonction de président

Sara Lamotte, conseiller

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 mars 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Claire Bertin, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Exposé du litige

[M] [V], né le [Date naissance 2] 1935, a été exposé aux poussières d'amiante au cours de l'exercice de son activité professionnelle.

Le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire a été posé le 14 octobre 2009 à l'âge de 74 ans.

[M] [V] est décédé le [Date décès 3] 2011 des suites de sa pathologie à l'âge de 76 ans.

Ses ayants droit ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (ci-après le FIVA) d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices personnels et des préjudices subis par [M] [V] de son vivant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 janvier 2013, le FIVA leur a adressé l'offre d'indemnisation suivante :

au titre de l'action successorale

37 475.51 euros au titre du préjudice fonctionnel

47 100 euros au titre du préjudice moral

15 200 euros au titre du préjudice physique

15 200 euros au titre du préjudice d'agrément

500 euros au titre du préjudice esthétique

3 393.37 euros en remboursement des frais funéraires

au titre des préjudices personnels des consorts [V]

32 600 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement d'[Y] [N] veuve [V]

25 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [K]

25 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [F] [V]

25 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [O] [V]

25 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [R] [V]

15 200 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [I] [V]

8 700 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [P] [V]

8 700 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de M. [C] [V]

8 700 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [E] [V]

8 700 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de Mme [Z] [V]

3 300 euros au titre du préjudice moral de chacun des petits-enfants, [A], [H], [S] et [G] [V].

Les consorts [V] ont régulièrement accepté cette offre d'indemnisation du Fonds.

Par jugement du 3 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale (ci-après le TASS) de Lille a reconnu le caractère professionnel de la maladie de [M] [V].

Les consorts [V] sont restés dans l'attente de la liquidation de leurs rentes d'ayants droit par la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM) de [Localité 9].

Par courrier du 28 septembre 2015, les consorts [V] ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de leur préjudice économique.

Le FIVA ne leur ayant fait aucune proposition d'indemnisation dans le délai légal de six mois suivant la date de leur demande, les consorts [V], en application de l'article 53 alinéa IV de la loi du 23 décembre 2000, ont saisi la cour d'appel de Douai d'un recours contre la décision de rejet implicite du Fonds par courrier du 28 mai 2016.

Par arrêt du 3 novembre 2016, la cour de céans a prononcé le sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice économique de Mesdames [Y], [F], [O] et [R] [V] dans l'attente de la décision d'attribution des rentes de conjoint survivant et d'orphelin par l'organisme de sécurité sociale de [M] [V].

Ces rentes ont été versées aux consorts [V], et par courrier du 17 septembre 2018, le FIVA leur a présenté l'offre suivante en réparation de leur préjudice économique :

19 200,53 euros à Mme [R] [V] pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015,

3 794,34 euros à Mme [O] [V] pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2012,

3 794,34 euros à Mme [F] [V] pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2012.

Mesdames [O] et [F] [V] ont accepté ces offres du Fonds suivant quittances subrogatoires reçues le 31 janvier 2019, et les ayants droit d'[Y] [N] veuve [V], décédée en cours d'instance, ne sollicitent plus l'indemnisation du préjudice économique de cette dernière.

Par déclaration écrite du 16 novembre 2018, Mme [R] [V] a contesté l'offre du FIVA du 17 septembre 2018, établie au titre de son préjudice économique.

Dans ses conclusions récapitulatives n°2 du 28 janvier 2020 après réouverture des débats, développées oralement à l'audience, Mme [R] [V] demande à la cour de :

- ordonner la jonction de la contestation de l'offre du 17 septembre 2018 avec celle enregistrée sous le numéro RG n° 16-03216 dans le souci d'une bonne administration de la justice,

- juger que l'offre du FIVA du 17 septembre 2018 formulée au titre du préjudice économique subi par Mme [R] [V] est insuffisante,

- constater que le recours de Mme [R] [V] est recevable,

- constater l'accord des parties suivant lequel il convient de retenir une part de consommation de 3 à compter du [Date décès 3] 2011 puis de 2 à compter du 1er juillet 2012,

- juger qu'il convient de retenir un revenu de référence de 13 737 euros pour l'année 2010 et de 21 438,76 euros à compter du 1er mars 2014,

- juger qu'il sera revalorisé chaque année selon l'indice INSEE des prix à la consommation « ensemble des ménages hors tabac» selon la formule suivante :

revenu de référence x indice de revalorisation (n)

indice (n-1)

- juger qu'il convient d'intégrer dans le calcul du préjudice économique de Mme [R] [V] le montant de la rente FIVA pour l'année 2018,

- constater que Mme [R] [V] a poursuivi ses études jusqu'au 30 juin 2016,

en conséquence,

- fixer à la somme de 21 676,61 euros l'indemnisation du préjudice économique subi par Mme [R] [V] du [Date décès 3] 2011 au 30 juin 2015,

- juger que la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

- condamner le FIVA au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle ne réclame plus l'indemnisation de son préjudice économique pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016.

Elle relève qu'elle n'a jamais accepté l'offre d'indemnisation de son préjudice économique par le FIVA, que son recours est dès lors recevable en application de l'article 53 V de la loi du 23 décembre 2000, et qu'elle est fondée à actualiser son calcul en fonction des derniers éléments dont elle a connaissance.

Elle se fonde sur les principes du barème du FIVA pour le calcul de son préjudice économique, et suggère en cela de retenir une unité de consommation de 1 pour le conjoint survivant, de 0.5 pour le défunt, et de 0.5 pour chaque enfant de plus de 14 ans à la charge du foyer, rappelant qu'elle a poursuivi ses études jusqu'au 30 juin 2015.

Pour ce qui relève de la détermination du revenu de référence, elle énonce que son père était à la retraite dans l'année précédant son décès, percevant un revenu annuel de 13 737 euros, et que sa mère ne percevait alors aucun revenu. Elle précise que sa mère a perçu à compter du 1er mars 2014 une pension de retraite personnelle qu'il convient d'ajouter au revenu de référence du foyer.

Elle admet aussi que la rente FIVA doit être intégrée dans le calcul du préjudice économique et ce de manière viagère. Il faudra toutefois, à ses dires, intégrer au calcul du préjudice économique le montant de cette rente en vigueur à la date du recours, soit 19 205 euros en 2018. Il est indispensable, selon la requérante, de retenir une valeur de rente applicable à la date à laquelle on liquide le préjudice.

En application des principes précédents, la requérante demande à la cour de liquider son préjudice économique comme suit :

113,35 euros en 2011

1 782,44 euros en 2012

5 331,29 euros en 2013

9 409,62 euros en 2014

5 039,98 euros en 2015

soit au total la somme de 21 676,61 euros au titre du préjudice économique subi du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 30 janvier 2020 et développées oralement à l'audience, le FIVA demande à la cour de :

à titre liminaire,

- ordonner la jonction du recours enregistré sous le numéro RG n°18-06288 avec le recours enregistré sous le numéro RG n°16-03216,

- constater l'irrecevabilité du recours de Mesdames [O] et [F] [V],

- prendre acte qu'[Y] [N] veuve [V] ne réclame plus l'indemnisation de son préjudice économique et en conséquence, constater le désistement d'[Y] [N] veuve [V] de son recours,

à titre principal.

- déclarer irrecevable le recours formé par Mme [R] [V] au titre du préjudice économique subi pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015,

- en conséquence, confirmer l'offre du FIVA du 17 septembre 2018 à hauteur de la somme de 19 200,53 euros en réparation du préjudice économique subi par Mme [R] [V] pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015,

- rejeter la demande d'indemnisation de Mme [R] [V] au titre de son préjudice économique subi pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016,

à titre subsidiaire,

- constater que la contestation de l'offre du 17 septembre 2018 faite initialement par Mme [R] [V] rend celle-ci caduque, de sorte qu'il s'en trouve délié,

- renvoyer en conséquence l'ensemble de la demande de Mme [R] [V] à l'examen du Fonds,

en tout état de cause,

- déduire des sommes éventuellement allouées par la cour la provision amiable versée par le Fonds,

- débouter la requérante de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu'en application de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000, le recours formé par Mesdames [O] et [F] [V] en contestation de l'absence d'offre au titre de leur préjudice économique est irrecevable, dans la mesure où elles ont accepté l'offre qu'il leur a adressée à ce titre le 17 septembre 2018.

Il énonce qu'[Y] [N] veuve [V] ne réclame plus l'indemnisation de son préjudice économique, et qu'il y a lieu de constater qu'elle se désiste de son recours.

Il s'étonne du recours engagé par Mme [R] [V], dans la mesure où il s'est conformé à sa demande et a fait droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice économique à hauteur de 19 200,53 euros. Il estime qu'en faisant droit à l'intégralité de la demande de cette dernière, les parties se sont accordées sur le montant de l'indemnisation du préjudice économique, et que la requérante n'est pas fondée à profiter ainsi du recours pour modifier ses prétentions et majorer sa demande.

Il expose qu'en intégrant dans le revenu de référence à compter du 1er mars 2014 la pension de retraite de sa mère, Mme [R] [V] gonfle artificiellement le revenu annuel de référence du foyer, alors que seuls doivent être pris en compte les revenus perçus par le foyer dans les trois années précédant la date de première constatation médicale de la pathologie. C'est ensuite, selon lui, la différence éventuellement constatée entre ce montant et celui des revenus effectivement perçus qui constitue le cas échéant le préjudice économique indemnisable.

Motifs de la décision

A titre liminaire, il convient pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro de rôle RG n°18-06288 à la procédure enregistrée sous le numéro de rôle RG n°18-07023, étant ici précisé que ce second numéro correspond au numéro de réinscription au rôle de la cour de l'affaire précédemment enregistrée sous le numéro RG n°16-03216, dans laquelle il a été ordonné un sursis à statuer et un retrait de rôle par arrêt du 3 novembre 2016.

Aux termes de l'article 53 V de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000, le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le fonds d'indemnisation que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV, ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite.

En l'espèce, il est constant que suivant quittances subrogatoires du 5 octobre 2018, reçues par le FIVA le 31 janvier 2019, Mesdames [O] et [F] [V] ont accepté l'offre d'indemnisation du 17 septembre 2018 en réparation de leur préjudice économique.

La cour considère que cette acceptation vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice.

En conséquence, il y a lieu de prononcer l'irrecevabilité des recours formés par Mesdames [O] et [F] [V] contre l'offre du Fonds.

Il sera également constaté que les ayants droit d'[Y] [N] veuve [V], ne réclamant plus l'indemnisation du préjudice économique subi par leur mère et grand-mère, se désistent de leur recours de ce chef.

Sur la recevabilité du recours de Mme [R] [V]

Il est constant que Mme [R] [V], contrairement à ses soeurs, n'a jamais accepté expressément l'offre d'indemnisation du FIVA en date du 17 septembre 2018, et l'a contestée par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 novembre 2018, adressée au greffe de la cour, sollicitant la jonction de ce recours avec la réinscription au rôle de la précédente affaire RG n°16-03216 (réenrôlée sous le numéro RG n°18-07023).

La cour retient que Mme [R] [V], n'ayant pas accepté l'offre qui lui a été faite par le Fonds, a conservé le droit d'agir en justice contre celui-ci en application des dispositions de l'article 53 V précité.

En conséquence, son recours contre l'offre du 17 septembre 2018 sera déclaré recevable.

Sur l'indemnisation du préjudice économique de Mme [R] [V]

Le préjudice économique de l'ayant droit est calculé en comparant les revenus du ménage avant et après le décès de façon à compenser la perte de revenus des proches.

Sur la méthode à appliquer, la cour entend évaluer le préjudice économique de Mme [R] [V] non pas par comparaison des revenus théoriques et des revenus perçus année par année, mais bien par comparaison de l'ensemble des revenus théoriques avec l'ensemble des revenus perçus sur la période considérée, la méthode 'globale' étant la seule permettant d'enregistrer à la fois des revenus exceptionnels mais aussi des revenus différés, solution qui s'avère davantage réaliste que tout autre méthode, si bien qu'elle doit être appliquée pour le calcul du préjudice économique de la fille.

La cour constate que les parties discutent de la détermination du revenu de référence du foyer, lequel comprend un mécanisme de revalorisation annuelle de ce revenu selon la formule INSEE des ménages urbains hors tabac, ainsi que la réintégration de la rente FIVA dans cette détermination du revenu de référence.

Sur la question de la rente FIVA à prendre en considération dans le revenu de référence du foyer, la cour rappelle que le préjudice doit être évalué à la date la plus proche de l'arrêt, la rente servie par le FIVA étant ajoutée aux autres revenus, lesquels ont fait l'objet d'une réactualisation.

Dans ces conditions, la valeur de cette rente en 2018, soit 19 205 euros, telle que préconisée par Mme [R] [V] est fondée, et sera retenue pour le présent calcul.

Sur la question du coefficient de part revenant à l'enfant survivant, le FIVA ne s'oppose pas à la prise en compte du coefficient de 3 jusqu'au 30 juin 2012 pour le foyer [V] selon l'échelle de l'OCDE, puis du coefficient de 2 du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015, date à laquelle Mme [R] [V] justifie de la fin de ses études supérieures, alors que la part de consommation de cette dernière dans les revenus du ménage s'élève à 0.5.

Pour le calcul du préjudice économique, il y a lieu de retenir une base annuelle de 365 jours.

Sur la détermination du revenu de référence, il est rappelé que le revenu annuel global net imposable de référence du ménage avant le décès ne saurait comprendre les revenus professionnels, en ce compris les pensions de retraite, que le conjoint survivant a pu percevoir après la constatation médicale de la pathologie liée à l'amiante, une telle méthode de calcul contrevenant au principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour l'ayant droit.

En conséquence, il y a lieu de retenir les revenus perçus par [M] [V], alors à la retraite au cours de l'année 2010 précédant son décès, soit la somme annuelle de 13 737 euros selon avis d'impôt sur le revenu 2011, sa veuve ne percevant aucun revenu personnel avant le décès de ce dernier.

En l'état des principes ainsi définis, le revenu théorique du foyer [V] pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015 peut être arrêté comme suit :

du 21 octobre au 31 décembre 2011 :

[(13 737 x 122.09/119,71) + 19 205] x 0,5/3 x 72/365 = (14 010.11 + 19 205) x 0.5/3 x 72/365 = 1 092 euros

du 1er janvier au 30 juin 2012 :

[(14 010,11 x 124,33/122,09) + 19 205] x 0,5/3 x 182/365 = (14 267,16 + 19 205) x 0.5/3 x 182/365 = 2 781,70 euros

du 1er juillet au 31 décembre 2012 :

[(14 010,11 x 124,33/122,09) + 19 205] x 0,5/2 x 184/365 = (14 267,16 + 19 205) x 0.5/2 x 184/365 = 4 218,41 euros

en 2013':

[(14 267,16 x 125,23/124,33) + 19 205] x 0,5/2 = (14 370.44 + 19 205) x 0.25 = 8 393,86 euros

en 2014':

[(14 370,44 x 125,73/125,23) + 19 205] x 0.5/2 = (14 427.82 + 19 205) x 0.25 = 8 408.20 euros

en 2015':

[(14 427.82 x 125,79/125,73) + 19 205] x 0,5/2 x 181/365 = (14 434,71 + 19 205) x 0.25 x 181/365 = 4 170,40 euros

soit un revenu théorique total au cours de ladite période d'un montant de 29 064.57 euros.

Il convient de déduire du montant des revenus théoriques du foyer [V] ainsi calculés le montant des revenus effectivement perçus par Mme [R] [V] au cours de la même période.

Mme [R] [V] a perçu de manière effective du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015 les sommes suivantes :

en 2011 :

113,13 euros au titre de la pension versée par la Caisse de retraite des marins (ENIM)

865,63 euros au titre de la rente d'orphelin versée par la CPAM de Dunkerque (soit 4 388,26 euros x 72/365)

en 2012 :

744,84 euros au titre de la pension versée par la Caisse de retraite des marins (ENIM)

4 457,37 euros au titre de la rente d'orphelin versée par la CPAM de Dunkerque (soit (4 388,26 x 1/4) + (4 480,41 x 3/4))

en 2013 :

699,08 euros au titre de la pension versée par la Caisse de retraite des marins (ENIM)

2 363,57 euros au titre de la rente d'orphelin versée par la CPAM de Dunkerque (soit (4 480,41 x 1/4) + (4 538,66 x 100/365)), précision étant ici faite que ladite rente a été servie par la caisse à Mme [R] [V] jusqu'à l'âge de 20 ans,

en 2014 :

468,08 euros au titre de la pension versée par la Caisse de retraite des marins (ENIM),

aucune somme au titre de la rente d'orphelin versée par la CPAM de Dunkerque,

en 2015 :

aucun revenu déclaré,

aucune somme au titre de la rente d'orphelin versée par la CPAM de Dunkerque,

soit un montant total de 9 711,70 euros

Le préjudice économique de Mme [R] [V], suite au décès de son père, s'élève donc pour la période du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015 au solde de 19 352,87 euros (soit 29 064,57 - 9 711,70).

Il sera donc alloué à Mme [R] [V] la somme de 19 352,87 euros à ce titre.

Sur les frais non répétibles

Il apparaît équitable de laisser à la charge de Mme [R] [V] les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne, pour une bonne administration de la justice, la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro de rôle RG n°18-06288 à la procédure enregistrée sous le numéro de rôle RG n°18-07023,

Déclare irrecevables les recours formés par Mme [O] [V] et Mme [F] [V] contre l'offre d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en réparation de leur préjudice économique,

Constate le désistement d'instance des ayants droit d'[Y] [N] veuve [V] s'agissant du recours formé par cette dernière contre l'offre d'indemnisation de son préjudice économique,

Déclare recevable le recours formé par Mme [R] [V] contre l'offre d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante du 17 septembre 2018,

Alloue à Mme [R] [V] une somme de 19 352,87 euros en réparation du préjudice économique subi du 21 octobre 2011 au 30 juin 2015,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que toute provision amiable versée par le Fonds sera le cas échéant déduite des sommes allouées,

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions,

Laisse les dépens à la charge du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,

Déboute Mme [R] [V] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Conseiller faisant fonction de Président

Fabienne DufosséClaire Bertin


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 18/06288
Date de la décision : 26/03/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 03, arrêt n°18/06288 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-26;18.06288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award