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04/07/2014 | FRANCE | N°13/01776

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 04 juillet 2014, 13/01776


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 04/07/2014



***



N° de MINUTE :

N° RG : 13/01776



Jugement (N° 08/09194)

rendu le 05 Mars 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/VC



APPELANTE

SA M.M.A. IARD venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social
>[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Bénédicte DUVAL, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 04/07/2014

***

N° de MINUTE :

N° RG : 13/01776

Jugement (N° 08/09194)

rendu le 05 Mars 2013

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/VC

APPELANTE

SA M.M.A. IARD venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Bénédicte DUVAL, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [D] [V]

né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 1]

Madame [J] [R] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5]

Demeurant ensemble

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés et assistés par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Marie TOURNEUX, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [G] [X]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 6]

Demeurant

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE

MUTUELLE SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

SARL BAUTERS Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentées par Me Isabelle CARLIER, avocat au barreau de DOUAI

Assistées de Me Jean-François PILLE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Martine ZENATI, Président de chambre

Dominique DUPERRIER, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 13 Janvier 2014, après rapport oral de l'affaire par Dominique DUPERRIER

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2014 après prorogation du délibéré en date du 19 Mars 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Martine ZENATI, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 décembre 2013

***

En 1996, Monsieur et Madame [V] ont entrepris la construction d'une maison d'habitation à [Localité 1], avec chauffage par le sol.

Monsieur [G] [X], architecte, a assuré la maîtrise d'oeuvre.

Le lot 'carrelage et chape' a été confié à la sarl Carrelage Dermaux, assurée auprès de la société Winthertur, aux droits de laquelle se trouve désormais la compagnie MMA IARD.

La sarl Carrelages Dermaux a sous-traité la réalisation de la chape à la société Bauters, assurée auprès de la SMABTP.

La société Lemoine a procédé à l'installation du système de chauffage.

La réception des travaux est intervenue le 18 juillet 1997.

En raison de désordres affectant le carrelage, Monsieur et Madame [V] ont assigné la sarl Carrelages Dermaux et son assureur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille qui, le 7 mai 2002, a ordonné une expertise.

A l'initiative de la sarl Carrelages Dernaux et de la société MMA IARD, et par ordonnances des 10 septembre 2002 et 8 juillet 2003, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Bauters, à son assureur, la SMABTP, à Monsieur [X] et à la société Lemoine.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la sarl Carrelages Dermaux par jugement du tribunal de commerce de Lille du 20 avril 1999 et sa liquidation ordonnée par jugement du 25 août 2005.

Par jugement du 5 mars 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Lille, saisi par Monsieur et Madame [V], a :

- condamné in solidum la compagnie MMA IARD, la société Bauters, la SMABTP, Monsieur [G] [X] à payer à Monsieur et Madame [V] les sommes de :

* 35 396,83 euros, à réévaluer selon l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 3 avril 2006, au titre des frais de reprise des désordres,

* 3 910,92 euros au titre de frais connexes,

* 9 330 euros en réparation de leurs préjudices moral et de jouissance,

* 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné la compagnie MMA IARD, la société Bauters, la SMABTP, Monsieur [G] [X] à se garantir entre eux des condamnations ainsi prononcées à hauteur de :

* 50 % pour la société Bauters et la SMABTP,

* 35 % pour la compagnie MMA IARD,

* 15 % pour Monsieur [X].

La société MMA IARD, ayant relevé appel de ce jugement le 26 mars 2013, demande à la cour de le réformer et :

- à titre principal, de débouter les époux [V] de leurs demandes à son encontre,

- subsidiairement, de condamner in solidum la société Bauters et son assureur, la SMABTP, avec Monsieur [X], à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

- de condamner, selon le cas, les époux [V] ou les appelés en garantie à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Billemont.

Elle fait valoir à cet effet :

- que le contrat signé le 20 mars 1995 par la société Carrelages Dermaux pour couvrir sa responsabilité décennale ne peut recevoir application en l'espèce dès lors que le désordre dénoncé, n'ayant pas rendu l'immeuble impropre à sa destination avant l'expiration du délai de garantie décennale, ne relève pas de cette garantie,

- qu'à cet égard et contrairement à ce que soutiennent les époux [V], le carrelage et la chape ne sauraient être considérés comme un ouvrage affecté de désordres le rendant, dans le délai de la garantie décennale, impropre à sa destination, que le carrelage n'est qu'un élément d'équipement indissociable et que l'immeuble ne s'est pas révélé impropre à sa destination dans le délai susvisé,

- que le contrat 'responsabilité civile', qui a vocation à garantir la responsabilité délictuelle éventuellement encourue par l'assuré, ne peut, par définition, garantir la responsabilité contractuelle pour vice intermédiaire de construction,

- à titre subsidiaire, qu'elle s'estime fondée à obtenir la garantie intégrale de la société Bauters, tenue à l'égard de la société Dermaux d'une obligation de résultat en sa qualité de sous-traitant, et de Monsieur [X] sur le fondement de la responsabilité délictuelle entre constructeurs en raison des fautes de l'architecte mises en évidence par l'expert judiciaire.

Monsieur et Madame [V] demandent à la cour de :

- déclarer recevables les conclusions et l'appel incident qu'ils ont signifiés le16 août 2013,

- réformer le jugement en ce qu'il a écarté l'application de la garantie décennale des constructeurs,

- déclarer la société Carrelages Dermaux, la société Bauters et Monsieur [X] solidairement responsables et tenus à les garantir des désordres constatés par l'expert dans leur habitation,

- subsidiairement, déclarer la société Carrelages Dermaux et Monsieur [X], sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et la société Bauters, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, solidairement responsables à leur égard desdits désordres,

- en toute hypothèse, condamner solidairement la compagnie MMA et la société Bauters et, in solidum, la compagnie SMABTP et Monsieur [X] à leur verser les sommes de :

* 39 307,75 euros, réévaluée suivant l'évolution de l'indice BT01 du 3 avril 2006 à la date de l'arrêt à intervenir, au titre de la réparation de leur préjudice matériel,

* 13 170 euros en réparation de leur trouble de jouissance,

* 29 603,84 euros en réparation du préjudice né de la nécessité d'installer un nouveau système de chauffage,

* 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise et les frais du constat de Maître [O] du 12 février 2001, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Berne.

Ils soutiennent en ce sens :

- que la société MMA IARD, appelante, a signifié ses conclusions à leur conseil le 18 juin 2013 et que leurs propres conclusions signifiées le 16 août, soit dans le délai de deux mois qui leur était imparti, sont recevables,

- que le délai de prescription de la garantie décennale a été interrompu par l'assignation en référé qu'ils ont fait délivrer les 20 et 21 mars 2002 à la sarl Dermaux et à son assureur, qu'un expert a été désigné par ordonnance du 7 mai 2002, et que cette interruption de prescription vaut à l'égard des autres parties auxquelles les opérations d'expertise ont été étendues ultérieurement, peu important qu'elles y aient été appelées par la sarl Dermaux et non par eux,

- que le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle dont ils disposent à l'égard de la société Bauters, sous-traitant, a été interrompu par l'assignation au fond de cette dernière et de son assureur en octobre 2008, soit dans les dix ans de la manifestation du dommage ou de son aggravation,

- qu'il ressort certes du rapport d'expertise judiciaire que l'immeuble sera à terme difficilement habitable et donc impropre à sa destination mais que les réalisations des sociétés Dermaux et Bauters (dalle de compression, complexe isolant-chappe d'enrobage, carrelage) constituent des ouvrages au sens de l'article 1792 du code civil, dont l'expert a constaté, pendant le délai de garantie décennale, l'impropriété à leur destination, de sorte que cette garantie est due,

- subsidiairement, que les désordres constatés doivent être pris en compte au titre des dommages intermédiaires et résultent de fautes caractérisées, non-respect des règles de l'art par les entreprises et manque de suivi des travaux par l'architecte, engageant leur responsabilité contractuelle,

- que l'implication, retenue par l'expert, de chacun des intervenants à l'acte de construire dans la survenance des désordres justifie leur condamnation in solidum à l'égard des maîtres de l'ouvrage,

- qu'aux chefs de préjudice retenus par le tribunal conformément aux conclusions de l'expert s'ajoute le préjudice lié au coût d'installation d'un autre mode de chauffage, rendu nécessaire par le fait que le système de chauffage par le sol intégré dans la chape de maçonnerie contribuait à l'aggravation des désordres et a dû être arrêté

La SMABTP et la sarl Bauters demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a considéré que l'action de M. et Mme [V] n'était pas prescrite et en ce qu'il est entré en voie de condamnation à leur encontre,

- dire irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de M. et Mme [V],

- débouter M. et Mme [V], la société MMA IARD et Monsieur [X] de leurs demandes à leur encontre,

- en tout état de cause, débouter M. et Mme [V] de leur demande tendant à voir condamner solidairement les défendeurs,

- subsidiairement, limiter à 19 653,87 euros le montant des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre et débouter M. et Mme [V] de leur demande d'indemnité pour trouble de jouissance,

- à titre encore plus subsidiaire, condamner in solidum la société MMA IARD et M. [X] à les garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elles,

- en tout état de cause, condamner in solidum M. et Mme [V], la société MMA IARD et M. [G] [X] à leur payer la somme de 2 500 euros ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Maître Isabelle Carlier.

Elles font valoir :

- que si elles ont été appelées aux opérations d'expertise à la requête de la compagnie Winterthur, elles n'ont été assignées par M. et Mme [V] que le 10 octobre 2008, soit plus de onze ans après la réception de l'ouvrage, que les demandes des maîtres de l'ouvrage à leur encontre se heurtent donc à la prescription décennale conformément aux dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil,

- que M. et Mme [V] ne sauraient se prévaloir, comme point de départ du délai de prescription, d'une aggravation des désordres en 2002 alors qu'ils n'ont pas effectué de travaux de réparation après un premier rapport d'expertise et que cette prétendue aggravation n'a pour cause que leur absence de diligence,

- que quoi qu'il en soit, le carrelage est un élément d'équipement dissociable soumis en tant que tel à la garantie de bon fonctionnement de deux ans à compter de la réception, de sorte que les demandes de M. et Mme [V] se heurtent à la prescription biennale,

- subsidiairement, qu'aucune faute de la société Bauters, susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, n'est démontrée, que la société Dermaux a accepté ses travaux sans formuler aucune réserve, que les causes de désordres que retient l'expert concernent des prestations qui incombaient à la société Dermaux,

- qu'en toute hypothèse, en raison de la répartition des causes de désordres entre les intervenants, telle que l'expert l'a opérée, et des fondements différents des responsabilités susceptibles d'être encourues, il ne peut être prononcé de condamnation solidaire, et qu'eu égard à la part de responsabilité attribuée par l'expert à la société Bauters, soit 50 %, celle-ci ne sauraient être tenues au-delà de 19 653,87 euros au titre du préjudice matériel,

- que l'existence d'un préjudice de jouissance n'est pas démontrée par les époux [V] et n'a pas été retenue par l'expert,

- qu'elles s'estiment fondées à obtenir la garantie de la société MMA IARD, assureur de la sarl Dermaux, et de M. [X] en raison des fautes commises par la société Dermaux, en particulier en acceptant sans réserve le support réalisé par son sous-traitant et en y posant le revêtement carrelé, et par l'architecte dans le suivi des travaux.

Monsieur [G] [X], appelant à titre incident, demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a consacré sa responsabilité,

- déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées les demandes de la société MMA IARD et des époux [V] à son encontre,

- subsidiairement, exclure toute condamnation in solidum entre lui-même, la MMA IARD, la société Bauters et la SMABTP et dire que ces derniers seront tenus de le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées les demandes de la société Bauters et de la SMABTP à son encontre,

- condamner 'tous succombants' à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise, dont distraction au profit de Maître Ducloy.

Il fait valoir à cet effet :

- que les demandes des époux [V] à son égard sont prescrites faute pour ces derniers de l'avoir assigné dans les dix ans de la réception de l'ouvrage, étant observé que l'extension à l'architecte de la mission d'expertise est intervenue à la requête d'une autre partie et dans une instance distincte,

- qu'en tout état de cause, M. et Mme [V] ne démontrent pas que les désordres dénoncés aient compromis la solidité de l'immeuble et/ou l'aient rendu impropre à sa destination dans le délai de la garantie décennale, de sorte que cette garantie n'est pas due,

- qu'en réalité, le carrelage atteint de désordres est un élément d'équipement dissociable relevant de la garantie biennale dont le délai était a fortiori expiré lors de l'introduction de l'instance à son encontre,

- qu'il a rempli avec diligence, ainsi qu'en témoignent les comptes-rendus de chantier, sa mission de direction des travaux qui ne saurait être assimilée à celle d'un chef de chantier et ne lui permet pas nécessairement de déceler les vices pouvant affecter la mise en oeuvre de techniques très spécifiques comme en l'espèce, qu'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ne peut dès lors lui être imputée, et ce d'autant moins que l'origine des désordres est multiple mais se trouve en partie dans l'installation du chauffage par l'entreprise [T] dont le personnel était encadré par Monsieur [V] lui-même, cette intervention étant exonératoire de responsabilité pour l'architecte,

- qu'en toute hypothèse, il est bien fondé à solliciter la garantie des société Dermaux et Bauters compte tenu des fautes essentielles commises par celles-ci et caractérisées par l'expert,

- qu'il ne peut y avoir de condamnation in solidum en l'absence de démonstration d'un lien de causalité direct entre l'intervention de l'architecte, la faute des entreprises et le dommage allégué par les époux [V],

- qu'enfin, la société MMA IARD ne saurait prétendre à être garantie par M. [X], l'entreprise ne pouvant être exonérée de sa responsabilité pour un prétendu défaut du maître d'oeuvre dans la direction des travaux.

SUR CE

Attendu que la question de la recevabilité des conclusions de Monsieur et Madame [V] contenant appel incident, en date du 16 août 2013, évoquée par Monsieur [X], relevait de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et ne peut plus être soulevée utilement devant la cour ;

Sur la recevabilité des demandes de Monsieur et Madame [V] dirigées contre la société Bauters, la SMABTP et Monsieur [X]

Vu les articles 1792 et suivants du code civil ;

Attendu que l'article 1792-4-1 du code civil dispose que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 dudit code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article [deux ans] ;

Qu'en vertu de l'article 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionné aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception ;

Qu'enfin, l'article 1792-4-3 ajoute qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ;

Qu'il convient d'observer que Monsieur et Madame [V] eux-mêmes, aux termes de leurs conclusions récapitulatives (page 7), citent ces textes comme régissant la prescription à l'égard de toutes les parties ;

Que lesdits textes sont en effet applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle dont disposent les époux [V] à l'encontre de la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions dont ils disposent à l'encontre de Monsieur [X], architecte, réputé constructeur en vertu de l'article 1792-1, que ce soit sur le fondement des garanties particulières (décennale et biennale) prévues par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ;

Qu'en l'espèce, la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et Monsieur [X] ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 7 octobre 2008, soit après expiration du délai de prescription de dix ans ;

Que l'article 2241 du code civil dispose certes que la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ;

Qu'il est constant cependant que cet effet ne se produit que si la citation est délivrée à la requête du créancier au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire ;

Qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l'a diligentée ;

Que l'ordonnance de référé déclarant une mesure d'expertise commune à plusieurs constructeurs dépendant du maître de l'ouvrage n'a pas pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'une partie à la procédure initiale qui n'a pas été partie aux ordonnances ultérieures ;

Qu'au cas présent, si Monsieur et Madame [V] ont assigné en référé la sarl Dermaux et la société Winterthur devant le juge des référés qui a ordonné une expertise par décision du 7 mai 2002, c'est la compagnie MMA IARD, assureur de la sarl Dermaux, qui a assigné la société Bauters, la SMABTP et Monsieur [X] aux fins de voir étendre à ceux-ci l'expertise ordonnée mais que M et Mme [V], demandeurs à la procédure initiale, n'étaient pas partie à la deuxième ordonnance, rendue le 8 juillet 2003, faisant droit à cette demande d'extension ;

Qu'il en résulte que la prescription n'a pas été interrompue par la deuxième procédure de référé, au profit de M. et Mme [V], à l'égard de la société Bauters, de la SMABTP et de Monsieur [X] ;

Qu'aucune autre cause d'interruption de la prescription n'est invoquée ;

Que les demandes des époux [V] dirigées contre la société Bauters, la SMABTP et Monsieur [X] sont dès lors irrecevables ;

Sur les demandes de Monsieur et Madame [V] dirigées à l'encontre de la société MMA IARD et les appels en garantie

Attendu qu'en vertu des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ;

Qu'il est constant que des éléments d'équipement peuvent être regardés comme des ouvrages en eux-mêmes, qu'ils soient installés dans un ouvrage en construction ou dans un ouvrage existant depuis longtemps, et relever de la garantie décennale si le dommage constaté porte atteinte à leur propre destination ;

Qu'en l'espèce, les désordres constatés se caractérisent par la fissuration et le tassement ponctuel du sol des pièces du rez-de-chaussée ;

Que dans le paragraphe de son rapport intitulé 'description de l'ouvrage concerné par les désordres', l'expert judiciaire décrit le sol du rez-de-chaussée, à savoir l'élément porteur et le revêtement minéral de surface (carreaux de grès émaillé collés) ;

Qu'il précise que les fissures du revêtement carrelé sont la manifestation visible des désordres qui affectent le support, lesquels résultent de la conjugaison de plusieurs facteurs aggravants :

- absence d'indépendance périphérique de la dalle de compression,

- absence de treillis métallique obligatoire,

- absence de joints de fractionnement,

- insuffisance du temps de séchage de la dalle d'enrobage,

- irrégularité de surface du béton brut du plancher ;

Que 'l'ouvrage', tel que l'envisage et le décrit l'expert, est donc le complexe constitué par le carrelage et son support, enrobant le système de chauffage ;

Qu'un tel complexe, qui s'intègre au gros-oeuvre, peut effectivement, comme le soutiennent les époux [V], être regardé comme un ouvrage ;

Qu'il s'avère que l'expert conclut que 'en l'état, les désordres sont évolutifs et de nature à rendre, à terme, l'ouvrage impropre à sa destination' ;

Qu'il en résulte, même si Monsieur [Q] expose qu'il n'y a pas d'autre solution aux désordres que la réfection totale du complexe en question, que l'ouvrage considéré, c'est-à-dire ledit complexe, n'était pas (ou pas encore), à la date du rapport (3 avril 2006, près de neuf ans après la réception) affecté dans sa solidité ni impropre à sa destination ; que cette déduction se confirme lorsqu'on lit, en page 19 du rapport, qu'à ce stade de l'évolution des désordres, ceux-ci n'ont occasionné aucune gêne particulière ;

Qu'il ne ressort d'aucune pièce versée aux débats qu'il en fût différemment à la date de l'assignation ou à tout le moins que les désordres constatés aient atteint le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil avant l'expiration du nouveau délai de dix ans ayant couru à compter du prononcé de l'ordonnance du 7 mai 2002 ordonnant une expertise, après interruption de la prescription à l'égard de la seule société Dermaux ;

Qu'il convient de rappeler, pour éviter toute confusion, que le 'désordre évolutif' susceptible de relever de la garantie décennale selon la jurisprudence est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature et présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a déjà été constaté et a fait l'objet d'une demande en justice pendant le délai décennal ; qu'il s'agit donc d'une hypothèse différente de celle qui est soumise à la cour ;

Que par conséquent, les désordres constatés en l'espèce ne relèvent pas de la garantie décennale ;

Que les demandes des époux [V] dirigées contre la compagnie MMA IARD en tant qu'assureur 'responsabilité décennale' de la sarl Carrelages Dermaux ne peuvent donc prospérer ;

Qu'il n'est pas établi que la société Carrelages Dermaux eût souscrit auprès de ladite compagnie un autre contrat couvrant sa responsabilité civile de droit commun, de sorte que la société MMA IARD ne saurait davantage être condamnée sur ce fondement qu'il n'y a pas lieu d'examiner;

Que ses appels en garantie dirigés contre la société Bauters et la SMABTP d'une part, contre Monsieur [X] d'autre part, n'ont pas d'objet, et qu'il en va naturellement de même en ce qui concerne les appels en garantie formés par ces derniers les uns contre les autres ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il incombe à Monsieur et Madame [V], partie perdante, de supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

Qu'il serait en outre inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser aux autres parties la charge intégrale de leurs frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

Déboute Monsieur et Madame [V] de leurs demandes dirigées contre la société MMA IARD ;

Déclare irrecevables leurs demandes dirigées contre la société Bauters, la SMABTP et Monsieur [G] [X] ;

Les condamne solidairement, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer une indemnité de mille cinq cents euros (1 500) chacun :

- à la société MMA IARD,

- à la société Bauters et la SMABTP ensemble,

- à Monsieur [G] [X] ;

Les condamne solidairement aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Billemont, Maître Carlier et Maître Ducloy conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Le GreffierLe Président,

C. POPEKM. ZENATI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 13/01776
Date de la décision : 04/07/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°13/01776 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-04;13.01776 ?
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