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03/04/2014 | FRANCE | N°13/01580

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 7 section 2, 03 avril 2014, 13/01580


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 7 SECTION 2



ARRÊT DU 03/04/2014



***



N° MINUTE : 14/321

N° RG : 13/01580



Ordonnance (N° 10/03225)

rendue le 15 Juin 2011

par le Juge de la mise en état de du TGI de VALENCIENNES

et jugement rendu le 18 février 2013

par le juge aux affaires familiales de VALENCIENNES



REF : CM/LW





APPELANTE



Madame [A] [W]

née le [Date nais

sance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Me Arnaud DRAGON, avocat au barreau de DOUAI

Assistée par Me Brigitte PETIAUX D'HAENE, avocat au...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 7 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2014

***

N° MINUTE : 14/321

N° RG : 13/01580

Ordonnance (N° 10/03225)

rendue le 15 Juin 2011

par le Juge de la mise en état de du TGI de VALENCIENNES

et jugement rendu le 18 février 2013

par le juge aux affaires familiales de VALENCIENNES

REF : CM/LW

APPELANTE

Madame [A] [W]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud DRAGON, avocat au barreau de DOUAI

Assistée par Me Brigitte PETIAUX D'HAENE, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉ

Monsieur [N] [E] [O] [Y] [T]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Nathalie LEFEVRE, avocat au barreau de DOUAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Chantal MUSSO Président

Yves BENHAMOU, Conseiller

Guillaume DELETANG, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nabyia JUERY

DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 18 Décembre 2013,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014 après prorogation en date du 13 février 2014 (date indiquée à l'issue des débats), 06 mars et 27 mars 2014 et signé par Yves BENHAMOU Conseiller conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile

et Nabyia JUERY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 décembre 2013

*****

[N] [T] et [A] [W] ont contracté mariage le [Date mariage 1] 1980 à [Localité 1] (Nord) après signature d'un contrat de mariage établi le 5 juin 1980 par Maître [X] [H], notaire à [Localité 3].

Deux enfants sont issus de cette union :

- [J], née le [Date naissance 4] 1980

- [S], né le [Date naissance 3] 1985.

[A] [W] a présenté le 20 août 2008 une requête en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation du 7 novembre 2008, le juge aux affaires familiales de [Localité 1] a autorisé les époux à introduire l'instance et statué sur les mesures provisoires sollicitées à savoir :

- attribué au mari la jouissance de la partie principale du domicile conjugal et celle de la 'petite maison' à l'épouse, à titre onéreux

- fixé la part contributive de [N] [T] à l'entretien et l'éducation de son fils [S] à la somme de 650€ et celle de [A] [W] à la somme de 500€.

- débouté [A] [W] de sa demande de pension alimentaire.

La Cour d'Appel de céans a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions.

[A] [W] a assigné son mari en divorce par acte du 20 septembre 2010, sur le fondement de l'article 242 du Code Civil.

Par ordonnance d'incident du 15 juin 2011, le Juge de la mise en état a débouté [A] [W] de ses demandes d'expertise, et [N] [T] de sa demande de suppression de la contribution à l'entretien et l'éducation de [S]. Il a en outre été sollicité de [N] [T] qu'il produises les déclarations d'imposition effectuées en 2011 au titre des revenus (salariaux, fonciers et de capitaux mobiliers ) de l'année 2010, la déclaration 2072 et d'ISF ainsi que les bilans des sociétés SND et SNT et le montant des dividendes perçus en 2011 au titre de l'année 2010.

Par jugement en date du 18 février 2013, rectifié le 9 avril 2013, le juge aux affaires familiales de Valenciennes a :

- prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari

- débouté [A] [W] de sa demande de pension alimentaire pour [S]

- débouté [A] [W] de sa demande de prestation compensatoire

- autorisé l'épouse à faire usage du nom marital

- condamné [N] [T] à payer à [A] [W] la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et celle de 2500€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné [N] [T] aux entiers dépens.

[A] [W] a formé appel de l'ordonnance du Juge de la mise en état du 15 juin 2011 et du jugement du 18 février 2013 par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de céans en date du 18 mars 2013. [N] [T] a constitué avocat le 15 avril 2013.

Par conclusions récapitulatives du 17 décembre 2013, [A] [W] demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance du Juge de la mise en état et ordonner une expertise financière et patrimoniale à l'effet d'estimer le patrimoine de chacun des époux.

- désigner un expert aux fins de déterminer :

la valeur des parts sociales détenues par [N] [T] dans la société SNT, ou le montant du remboursement de ses droits suite à la fusion absorption ou l'investissement qui a été effectué

la valeur des parts sociales détenues par [N] [T] dans la société SND

la valeur des parts sociales détenues par [N] [T] et [A] [W] dans la société BERACTIONS sise [Adresse 2]

la valeur des parts sociales détenues par [N] [T] dans la société EMR sise [Adresse 10]

la valeur des parts sociales détenues par [N] [T] dans la SCI de placement immobilier sise [Adresse 6]

- désigner un notaire à l'effet de procéder à une évaluation des immeubles appartenant à chacun des époux :

en ce qui concerne [N] [T] :

l'immeuble à usage industriel appartenant à la SCI du [Adresse 15]

les garages sis [Adresse 12]

les garages sis [Adresse 4]

l'appartement sis [Adresse 17]

l'immeuble à usage industriel sis [Adresse 11]

l'immeuble sis [Adresse 7]

l'immeuble acquis en adjudication sis à [Adresse 16]

en ce qui la concerne :

la valeur de l'immeuble à usage professionnel de cabinet médical sis [Adresse 13]

l'immeuble sis [Adresse 9]

l'immeuble sis [Adresse 18]

- subsidiairement, si la cour n'estimait pas devoir ordonner une expertise financière et patrimoniale :

condamner [N] [T] à lui payer la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 266 du Code Civil et la même somme sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil

condamner [N] [T] à lui payer une prestation compensatoire de 500 000€ en capital

le condamner également à lui payer la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 12 décembre 2013, [N] [T] demande la confirmation des deux décisions entreprises et de déclarer comme satisfactoire la somme de 2500€ qu'il offre de payer à [A] [W] au titre de dommages-intérêts.

Il conviendra de se reporter aux abondantes écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, qui seront développés dans les motifs de la présente décision.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2013.

L'avis de fixation de l'affaire enjoignait les parties à produire leurs dernières déclarations de revenus, leur dernier avis d'imposition, et pour le mari, sa dernière déclaration d'ISF.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Aucun élément n'est fourni à la Cour lui permettant de relever d'office la fin de non recevoir tirée de l'inobservation du délai de recours. L'appel sera déclaré recevable.

Au fond

Sur l'appel de l'ordonnance du Juge de la mise en état

Pour débouter [A] [W] de sa demande d'expertise des valeurs mobilières et d'évaluation par un notaire du patrimoine immobilier de chacun des époux, en vue de l'appréciation de la disparité des conditions de vie des époux dans le cadre d'une demande de prestation compensatoire, le Juge de la mise en état a d'une part considéré que la prestation compensatoire n'avait pas vocation à égaliser les fortunes d'époux mariés sous le régime de la séparation de biens, et que les patrimoines personnels n'ont à être pris en compte que dans la mesure des revenus qu'ils génèrent, et d'autre part que les pièces versées aux débats étaient suffisantes à connaître la teneur des patrimoines.

Du fait de l'effet dévolutif de l'appel et du principe posé par l'article 271 du Code Civil selon lequel la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux auquel elle est versée, et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment

du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, il convient donc de s'interroger pour savoir si depuis l'ordonnance entreprise, il a été communiqué aux débats les documents financiers permettant de connaître la situation financière actuelle des parties. L'appel étant général, la cour se doit en effet de procéder à l'analyse des éléments financiers les plus contemporains du prononcé du divorce.

En l'espèce, le couple possède un patrimoine indivis, sur lequel n'est communiqué aucun évaluation récente, mais cela importe peu puisque aucun des deux n'invoque qu'il fera valoir de créances lors des opérations de liquidation du régime matrimonial, ce qui laisse à penser que le partage sera égalitaire.

En ce qui concerne le patrimoine propre des époux, la valeur des immeubles peut se déduire des avis d'ISF du mari et de l'évaluation qu'a fait faire l'épouse de son patrimoine par une agence immobilière.

Pour les valeurs mobilières, les avis d'imposition du mari (sur les revenus et l'ISF) apparaissent également suffisants.

Il convient de rappeler que la disparité ne résulte pas d'une étude mathématique du patrimoine des époux, et que la prestation compensatoire n'a vocation à compenser que le déséquilibre dans les conditions de vie des époux au sortir du mariage. Si bien que le juge doit plutôt rechercher les choix opérés en commun qui se révèlent préjudiciables pour l'un ou l'autre des époux, que chiffrer de manière sèche le déséquilibre financier.

Il convient donc de confirmer la décision entreprise et rejeter les demandes d'expertise et de désignation d'un notaire.

Sur le jugement de divorce en date du 18 février 2013 rectifié le 9 avril.

Sur la prestation compensatoire

Il résulte des articles 270 et suivants du Code Civil quel'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Pour ce faire, le juge prend en considération un certain nombre d'éléments non limitativement énumérés par l'alinéa 2 de l'article 271 du Code Civil.

Aux termes de l'article 272 du Code Civil, dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration sur l'honneur certifiant l'exactitude de leurs ressources, revenus, charges, patrimoine et conditions de vie. En l'espèce, aucune des parties n'a fourni cette déclaration.

La situation se présente ainsi que suit.

Le mari est âgé de 62 ans, et l'épouse de 60 ans.

Le mariage a été célébré le [Date mariage 1] 1980 et le couple vivait ensemble jusqu'à sa comparution devant le magistrat conciliateur : la durée de la vie commune postérieure au mariage a donc duré 28 ans.

Le couple a eu deux enfants, majeurs et autonomes. [N] [T] et [A] [W] ont contribué longtemps à l'entretien et l'éducation de [S]. [N] [T] n'est plus tenu à cette obligation, le premier juge l'ayant supprimée. [A] [W] fait valoir qu'elle verse encore 500€ à cet enfant, mais s'agissant désormais d'un adulte de 28 ans, pour lequel n'est invoqué aucun problème de santé ou handicap réduisant ses capacités physiques et intellectuelles, il ne saurait être retenu le versement de cette somme, comme une obligation.

Il n'est aucunement démontré que [A] [W] ait consenti quelque sacrifice de carrière pour se consacrer à l'éducation de ses enfants.

[A] [W] exerce la profession de médecin gynécologue. Ses deux derniers avis d'imposition font apparaître les revenus suivants :

- en 2011 : des salaires : 4210€ , des revenus non commerciaux professionnels: 57 881€, et des revenus fonciers : 3387€, soit un revenu mensuel de 5456.50€

Le montant de L'IRPP en 2012 a été de 8374€.

- en 2012 : des salaires : 4202€, des revenus non commerciaux professionnels: 28 730€, des revenus fonciers en déficit : 7562€. Si le déficit foncier peut s'expliquer par les travaux de réparations effectués sur l'immeuble sis [Adresse 9] (soit 13 700€ de travaux selon la déclaration 2044 ), en revanche aucune explication n'est donnée quant à la chute de près de moitié des revenus professionnels non commerciaux.

Au titre de ses charges, l'appelante fait état d'un prêt immobilier pour l'acquisition vraisemblablement d'un des trois biens propres dont il sera question ci-après , générant des mensualités de 818.41€ (dernière échéance : mai 2017) et dont les intérêts sont nécessairement intégrés dans le calcul des revenus fonciers nets ( en 2013, la somme de 2742€ a été déclarée à ce titre pour l'immeuble sis [Adresse 9] : déclaration 2044 pièce 50). Elle verse également aux débats une offre de crédit pour un prêt travaux de grosses réparations de 45 500€ en date du 30 mars 2012, mais n'y joint pas le tableau d'amortissement, et ne l'invoque même pas dans ses écritures.

[N] [T] est à la retraite. Il perçoit une pension mensuelle de la CARSAT Nord Picardie et des retraites complémentaires trimestrielles de l'AGIRC et d'ARRCO.

En 2013, il a déclaré pour l'année 2012 :

- au titre des salaires : 1887€

- au titre des pensions : 12 346€.

- des revenus de capitaux mobiliers : 9178€

- des revenus fonciers : 25 394€

soit un revenu mensuel de 4067€.

Il verse aux débats les éléments relatifs à ses pensions de retraite versées en 2013 :

- par la CARSAT : en moyenne : 850.40€

- ARGIRC : 692.85€/trimestre

- ARRCO : 762.39€/trimestre

soit un revenu mensuel prévisible pour cette année là au titre des seules retraites de 1335.50€/mois.

Il sera constaté le niveau de vie encore confortable de [N] [T] malgré sa mise à la retraite, ses ressources étant constituées pour les 2/3 de revenus de capitaux mobiliers et fonciers.

Le couple possède en indivision deux immeubles sis [Adresse 2] et [Adresse 2]. Aucune évaluation récente n'est communiquée sur ces deux biens. Dans la

déclaration ISF 2010 de [N] [T], ces immeubles figurent pour l'un à hauteur de 72 500€ (étant précisé que celui-ci est mentionné comme étant la résidence principale et qu'un abattement de 30% est pratiqué sur la valeur de ce type de biens) et pour l'autre à hauteur de 64 000€.

Le mari soutient qu'il a fait une donation au conjoint survivant de la moitié des immeubles sis [Adresse 2] et [Adresse 2] qui constituait le domicile conjugal. Mais outre le fait qu'il ne verse aucune pièce en ce sens aux débats, et que l'épouse conteste une telle donation, il sera rappelé que selon l'article 265 du Code Civil le divorce emporte révocation de plein droit les dispositions à cause de mort accordées par un des époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union.

Chacun des époux dispose d'un patrimoine propre.

[A] [W] possède plusieurs immeubles à [Localité 1] qu'elle a fait évaluer en juillet 2013 par une agence immobilière (pièce 48) :

- l'immeuble sis [Adresse 9] mentionné plus haut, et qui faisait l'objet à la date de l'estimation d'une promesse de vente à hauteur de 124 600€. Pour l'acquisition de ce bien, l'appelante avait contracté un prêt de 80 000€, qui est toujours en cours comme il a été vu plus haut (en juillet 2013, le capital restant dû s'élevait à la somme de 36 202€), mais qui devrait être soldé de par la vente.

- un immeuble sis [Adresse 13] qui est le local professionnel de [A] [W] , évalué à la somme de 180 000€

- un immeuble sis [Adresse 5] estimé pour 140 000€ (immeuble loué selon la déclaration 2044)

- un garage situé [Adresse 14], négociable à hauteur de 10 000€ et figurant également dans la déclaration 2044 comme un bien générant des revenus locatifs.

Elle ne donne aucune indication sur la valeur de sa clientèle qu'elle va pourtant bientôt céder vu son âge.

Il est par ailleurs étonnant que l'épouse ne fasse état d'aucune valeur mobilière, alors qu'elle exerce la profession de médecin depuis de longues années (sur l'acte de mariage, il est mentionné qu'elle occupe déjà cette activité).

[N] [T] est détenteur d'un patrimoine immobilier et mobilier conséquent comme il va être vu ci-après.

L'avis de fixation de l'affaire portait injonction pour lui de produire sa dernière déclaration d'ISF, ce à quoi il a été répondu qu'il n'y était plus assujetti et que la dernière déclaration datait de 2011. Or le document qu'il verse aux débats est incomplet, ne faisant apparaître que la base imposable (1 396 323€) et non les annexes. Comme par ailleurs il s'abstient de fournir une évaluation de ces biens, il sera fait ici référence à l'ISF de 2010, qui faisait mention d'une base imposable de 1 450 994€ (soit donc à peine inférieure de 151 000 € à la base imposable sous la barre de laquelle il serait passé, sans qu'aucune explication ne soit donnée à ce sujet)

Aux termes de ce document, [N] [T] possède :

- un immeuble industriel appartenant à une SCI sise [Adresse 15]: 115 000€

- des garages sis [Adresse 1] : 47 000€

- des garages sis [Adresse 4] : 84 000€

- une maison sise [Adresse 3] : 11 000€

- un appartement sis [Adresse 17] : 65 000€ (d'après l'avis de taxe foncière 2010 cet immeuble est la propriété indévise d'un autre membre de sa famille)

- un immeuble industriel appartenant à une SCI sise [Adresse 11] à Méru : 267 000€.

Il déclare également :

- des droits sociaux et valeurs mobilières pour 477 327€

- les actions de la société SNT pour 112 835€

- des liquidités : 181 125€

- des meubles meublants : 15 000€

-deux véhicules Porsche et BMW pour 23 000€.

Il apparaît par ailleurs que dans son patrimoine immobilier figurent :

- un bien sis au [Adresse 19], dont il indique dans ses écritures qu'il n'en avait que la nue-propriété, ce qui explique qu'il ne figurait pas sur sa déclaration ISF. Cependant, l'avis de taxe foncière de 2009 mentionne [N] [T] comme propriétaire de ce logement. L'intimé n'en communique aucunement la valeur.

- un immeuble sis [Adresse 8] pour lequel il explique que cet immeuble serait partiellement détruit, avec un occupant sans droit ni titre, et ne générerait donc aucun revenu. [A] [W] soutient quant à elle qu'il est toujours occupé par les propriétaires vendeurs et que [N] [T] percevrait dès lors des indemnités d'occupation. Aucun élément n'étant versé aux débats, il est impossible de vérifier la pertinence des explications contraires avancées.

En ce qui concerne les différentes sociétés dans lesquelles [N] [T] a été soit porteur de parts, soit gérant, il indique ne plus être actionnaire que de la société BERACTIONS, dans laquelle il avait apporté 295 actions de la SND (Société Nouvelle de distribution) tandis que [A] [W] avait fait un apport de 23 actions de la même société. La société SNT a été vendue en 2011 à la société Guy Dauphin Environnement. La société EMR a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Hazebrouck le 22 juin 2005.

Aucune pièce ne permet de supposer que [N] [T] serait détenteur de parts sociales dans une SCI de placement immobilier sise [Adresse 6].

Enfin, il sera relevé que l'épouse s'abstient de communiquer le moindre renseignement sur ses droits prévisibles à retraite, reproche qui lui avait déjà été fait par le premier juge.

Il convient ici de rappeler que même si la prestation compensatoire n'a pas pour finalité d'assurer la parité des fortunes, elle a quand même pour objet de corriger les injustices liées au jeu du régime séparatiste. Or, si les actes de propriété des différents biens immobiliers ne sont pas fournis aux débats, ni les dates de souscription des différents comptes et portefeuilles de titres détenus par [N] [T], ce dernier indique dans ses écritures qu'il n'a reçu en héritage que les immeubles de la [Adresse 17] à

Valenciennes et du Touquet, des parts sociales SNT et divers placements financiers. Il résulte donc de ses propres assertions, qu'une grande partie du patrimoine propre de [N] [T] s'est constitué au cours de la vie commune, le mari, enseignant au moment du mariage, s'étant visiblement lancé dans les affaires par la suite, vu les nombres de société dans lesquelles il était porteur de parts ou gérant. Cette réussite professionnelle est sans nul doute liée à l'industrie du mari et son talent, mais il ne peut

être fait abstraction du fait que l'épouse, qui avait une profession stable de médecin, et assurait ainsi une sécurité matérielle à sa famille, a en partie contribué à cette promotion sociale.

Ainsi, il apparaît des différents éléments sus mentionnés, que contrairement à ce qu'en a décidé le premier juge, le divorce va entraîner au détriment de l'épouse, à l'issue de 28 années de vie commune, une forte disparité dans ses conditions d'existence, qu'il conviendra de compenser par l'octroi d'un capital de 200 000€.

Sur les dommages-intérêts

- sur le fondement de l'article 266 du Code Civil

Aux termes de l'article 266 du Code Civil, sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

Le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs de [N] [T], [A] [W] est recevable à formuler une demande de dommages-intérêts sur le fondement de cet article.

Elle fait valoir qu'elle subit un préjudice d'une particulière gravité du fait qu'elle a été victime de violences conjugales, qu'elle a été obligée de quitter le domicile familial auquel elle était très attachée, qu'elle a souffert de l'inconduite de son époux et qu'après 32 ans de mariage elle se retrouve dans la plus totale solitude.

Les violences subies ne découlent pas de la dissolution du mariage et ne peuvent être retenues. Quant au fait qu'elle ait dû quitter le domicile conjugal et se soit retrouvée seule après la rupture et en souffrance, il ne s'agit pas là des conséquences d'une particulière gravité exigées par l'article 266 du Code Civil. L'exceptionnelle gravité s'entend en effet des conséquences qui excèdent celles affectant habituellement toute personne se trouvant dans une situation identique. Or il n'y a rien d'exceptionnel à devoir quitter le domicile conjugal lors du divorce, d'éprouver de la souffrance à voir son mari s'intéresser à une autre personne, et de connaître une certaine période de solitude après la rupture.

- sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil

Aux termes de l'article 1382 du Code Civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé , à le réparer.

En matière de divorce, ce texte fonde la réparation d'un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage. Il a vocation à s'appliquer quel que soit le prononcé des torts.

Comme l'a fort justement relevé le premier juge qui a retenu comme cause de divorce, les violences et l'adultère du mari, un tel comportement est nécessairement à l'origine d'un préjudice.

Pour demander que les dommages-intérêts soient réduits de moitié par rapport à ce qui a été accordé par le premier juge, [N] [T] fait valoir que l'adultère a été constaté 22 mois après que le magistrat conciliateur a autorisé les époux à résider séparément.

Or le premier juge a relevé dans sa décision que l'adultère du mari avec une dame [F] [L] était ancien puisqu'en 2004 déjà, [A] [W] était destinataire d'un écrit anonyme lui révélant l'infidélité du mari avec une certaine [F].

Par ailleurs dans son attestation du 30 mars 2010, Madame [D], qui témoigne des traces de coups dont [A] [W] était porteuse le 10 juin 2008, précise bien que ce n'était pas la première fois qu'elle constatait ce type de marques sur son employeur.

C'est donc à bon escient que [A] [W] a sollicité des dommages-intérêts que la cour estime plus juste de fixer à la somme de 7500€.

Les dépens

Ils seront mis à la charge de [N] [T] qui succombe en ses prétentions.

L'équité commande d'allouer à [A] [W] la somme de 2000€ au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs

La cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats hors la présence du public

Reçoit l'appel

Confirme la décision du Juge de la mise en état en date du 15 juin 2011 en toutes ses dispositions

Confirme le jugement en date du 18 février 2013 rectifié le 9 avril 2013, en toutes ses dispositions excepté la prestation compensatoire et le quantum des dommages-intérêts alloués par application de l'article 1382 du Code Civil

Et statuant à nouveau de ces seuls chefs

Condamne [N] [T] à payer à [A] [W] une prestation compensatoire en capital de 200 000€

Condamne [N] [T] à payer à [A] [W] la somme de 7500€ sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil

Condamne [N] [T] à payer à [A] [W] la somme de 2000€ au titre des frais irrépétibles

Dit que [N] [T] sera tenu aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GreffierP/ Le Président empêché,

l'un des conseillers

ayant délibéré (article

456 du CPC)

N. JUERYY. BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 7 section 2
Numéro d'arrêt : 13/01580
Date de la décision : 03/04/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 72, arrêt n°13/01580 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-03;13.01580 ?
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