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02/07/2013 | FRANCE | N°12/05439

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 02 juillet 2013, 12/05439


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 02/07/2013



***



N° de MINUTE : 13/

N° RG : 12/05439



Jugement (N° 2010/00955)

rendu le 10 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE



REF : SVB/KH





APPELANTE



Madame [W] [F]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

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Représentée par Me François DELEFORGE (avocat au barreau de DOUAI)





INTIMÉES



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE (CRCAM) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette q...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/07/2013

***

N° de MINUTE : 13/

N° RG : 12/05439

Jugement (N° 2010/00955)

rendu le 10 Avril 2012

par le Tribunal de Commerce de LILLE

REF : SVB/KH

APPELANTE

Madame [W] [F]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me François DELEFORGE (avocat au barreau de DOUAI)

INTIMÉES

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE (CRCAM) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Martine MESPELAERE (avocat au barreau de LILLE)

SA OSEO

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle CARLIER (avocat au barreau de DOUAI)

Assistée de Me Michel BACHELOT (avocat au barreau de PARIS)

DÉBATS à l'audience publique du 14 Mai 2013 tenue par Sophie VALAY-BRIERE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2013

***

Suivant acte authentique en date du 16 octobre 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France (CRCAM ) a consenti à la SARL WASQUEHAL VOYAGES, représentée par sa dirigeante Madame [W] [F], un prêt professionnel de 250.000 € remboursable en 84 mensualités au taux de 4,60 %.

La convention comporte plusieurs garanties dont un engagement de caution solidaire de Madame [W] [F] à hauteur de 162.500 € et la garantie de SOFARIS.

A compter du mois de mai 2008, la SARL WASQUEHAL VOYAGES s'est trouvée confrontée à des difficultés de trésorerie.

Considérant que la banque avait brutalement interrompu ses concours en rejetant deux prélèvements présentés le 15 janvier 2010, la SARL WASQUEHAL VOYAGES et Madame [F] ont saisi le président du tribunal de commerce de Lille, statuant en référé, pour obtenir des mesures de remise en état, lequel a renvoyé l'affaire au fond en accord avec les parties.

Par lettres recommandées avec avis de réception en date du 28 avril 2010, la CRCAM a notifié à la SARL WASQUEHAL VOYAGES la déchéance du terme et l'a mise en demeure de lui régler la somme de 173.573,10 € tout en mettant également en demeure la caution d'honorer son engagement.

Selon jugement du 15 juillet 2010, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL WASQUEHAL VOYAGES. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire selon décision du 14 octobre 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 octobre 2010, la banque a déclaré sa créance auprès de la SELARL DEPREUX, mandataire judiciaire désigné, à hauteur de 696,94 € à titre chirographaire et de 161.533,25 € à titre privilégié.

Par jugement contradictoire du 10 avril 2012, le tribunal de commerce de Lille a :

- condamné Madame [W] [F], en sa qualité de caution solidaire de la SARL WASQUEHAL VOYAGES à payer à la CRCAM la somme de 80.000 € un an après la signification du jugement et le solde de la somme dûe soit 82.500 € au plus tard deux ans après la signification du jugement outre celle de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2010,

- dit que les sommes payées s'imputeront sur le capital en premier lieu,

- dit que le cautionnement solidaire de Madame [F] par la SA OSEO est limité à 50% de l'encours du crédit, soit 50% du montant de la production du CREDIT AGRICOLE à la liquidation judiciaire de la SARL WASQUEHAL VOYAGES,

- condamné Madame [W] [F] à payer à la SA OSEO la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné Madame [W] [F] aux dépens.

Par déclaration en date du 20 juillet 2012, Madame [F] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 22 octobre 2012, elle demande à la cour de la recevoir en ses demandes, de débouter la CRCAM de ses prétentions, de réformer la décision et

- à titre principal de,

* juger que le CREDIT AGRICOLE a commis des fautes dans la gestion du compte de la SARL WASQUEHAL VOYAGES de nature à engager sa responsabilité,

* juger que le CREDIT AGRICOLE avait accordé un découvert tacite à la société quant au remboursement du prêt octroyé le 19 octobre 2006,

* juger que le CREDIT AGRICOLE a rompu brutalement le concours ainsi consenti,

* dire que le contrat de cautionnement souscrit est disproportionné par rapport à ses biens et revenus,

* juger que la CRCAM a manqué à son obligation de l'informer du premier incident de paiement non régularisé,

* condamner la CRCAM à lui payer la somme de 162.500 € à titre de dommages et intérêts,

* ordonner au CREDIT AGRICOLE de lui rembourser les sommes versées au titre des intérêts de retard et de la clause pénale,

* ordonner au CREDIT AGRICOLE de rapporter la preuve de l'information annuelle de la caution,

* juger qu'elle ne sera pas tenue des intérêts réclamés par le CREDIT AGRICOLE,

* condamner la CRCAM à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour recevrait la CRCAM dans sa demande au fond, de,

* confirmer le jugement et de faire droit à la demande de délais de paiement de deux années pour la somme mise à sa charge in fine,

- en tout état de cause de,

* condamner la CRCAM à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les arguments qu'aurait pu soulever la débitrice principale, elle soutient que la banque a commis des fautes, en refusant d'honorer des prélèvements alors que la provision sur le compte était suffisante et qu'elle n'avait pas reçu d'avis d'opposition, pour détourner les fonds à son profit et ce sans en avertir au préalable la SARL WASQUEHAL VOYAGES. Elle prétend que la CRCAM avait admis par convention tacite avec sa cliente qu'elle honorerait les chèques et prélèvements tirés sur le compte et qu'elle prélèverait le solde restant dû sur celui-ci pour l'affecter au remboursement du prêt consenti ; que ce concours est un crédit quant aux modalités de remboursement du prêt entrant dans le champ d'application de l'article L313-12 du code monétaire et financier ; que tant l'échelonnement du règlement des échéances du prêt depuis mai 2008 que l'absence de courriers ou de mises en demeure prouve que la banque avait admis et accepté le principe du fractionnement des remboursements en fonction des sommes créditées et disponibles sur le compte ; que la CRCAM avait également consenti un découvert tacite à la SARL WASQUEHAL VOYAGES en laissant fonctionner le compte en position débitrice pendant plusieur mois ; qu'en interrompant son concours brutalement, la CRCAM a commis une faute de nature à engager sa responsabilité l'obligeant à indemniser le préjudice subi en conséquence par la caution.

Sur le contrat de cautionnement, elle invoque la disproportion de l'engagement souscrit par rapport à son patrimoine et à ses revenus considérant qu'en l'absence de production par la banque d'une fiche patrimoniale, il convient de la faire bénéficier des dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation. Elle ajoute que la CRCAM n'a pas respecté son obligation d'information annuelle résultant de l'article L341-6 du code de la consommation dès lors que les informations lui ont été envoyées à une mauvaise adresse. Elle sollicite, enfin, que la compensation entre les sommes dues à la banque et les dommages et intérêts qui lui seront accordés soit ordonnée et que les délais de paiement soient confirmés.

Dans ses conclusions du 12 décembre 2012, la CRCAM NDF sollicite la confirmation du jugement déféré sauf à dire n'y avoir lieu à accorder des délais de paiement, à rejeter les demandes de Madame [F], à prévoir qu'en cas d'exécution forcé par un huissier de justice ses frais seront supportés par la débitrice outre la condamnation de l'appelante à lui payer 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les moyens présentés au nom de la SARL WASQUEHAL VOYAGES en l'absence du liquidateur judiciaire sont irrecevables et conteste avoir accordé un quelconque concours tacite à la SARL WASQUEHAL VOYAGES. Elle considère qu'elle était en droit de rejeter les prélèvements qui se sont présentés le 15 janvier 2010 dès lors que la provision sur le compte était insuffisante pour les honorer. Elle indique ne pas avoir consenti de délai supplémentaire pour le règlement des échéances du prêt mais avoir débité le compte lorsqu'il présentait un solde suffisant conformément aux dispositions contractuelles. Elle ajoute que Madame [F] ne rapporte pas la preuve d'une autorisation tacite de découvert dès lors que le fonctionnement du compte montre une alternance de soldes débiteurs et créditeurs, le rejet systématique des opérations démontrant au contraire la volonté constante de la banque de ne pas accorder de découvert. Elle soutient que la garantie passée entre OSEO et la SARL WASQUEHAL VOYAGES en faveur du CREDIT AGRICOLE étant une stipulation pour autrui qui ne bénéficie qu'à l'établissement bancaire désigné à l'acte et non à la caution, tiers à l'acte, Madame [F] ne peut s'en prévaloir. Elle argue de l'absence de justificatif sur la situation actuelle de l'appelante pour refuser les délais de paiement sollicités. Elle expose également que Madame [F], qui ne démontre pas que la banque disposait d'informations qu'elle même ignorait sur la société qu'elle gérait, ne peut lui reprocher un manquement à son devoir de mise en garde. Elle affirme que l'engagement pris n'était pas disproportionné par rapport aux revenus et au patrimoine de Madame [F] et que celle-ci avait bénéficié d'une information annuelle conforme aux dispositions de l'article L341-6 du code de la consommation à l'adresse qu'elle avait indiquée à la banque.

Par conclusions déposées le 13 décembre 2012, la SA OSEO, anciennement dénommée SOFARIS, faisant appel incident, demande l'infirmation partielle du jugement, de dire que le cautionnement solidaire de Madame [F] est limité à 50% de l'encours du crédit, soit à 50% du montant de la production du CREDIT AGRICOLE à la liquidation judiciaire de la SARL WASQUEHAL VOYAGES, de confirmer le jugement pour le surplus, de débouter Madame [F] de son appel en garantie à son encontre et de la condamner à lui payer 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle n'a jamais cautionné Madame [F] mais qu'elle a subordonné son intervention au profit du CREDIT AGRICOLE à la limitation du cautionnement solidaire de Madame [F] à 50% de l'encours du crédit, soit les sommes restant dues au jour de la défaillance du débiteur principal. Elle en conclut que Madame [F] ne peut être condamnée à une somme supérieure à 50% du montant de la somme déclarée par la CREDIT AGRICOLE au passif de la SARL WASQUEHAL VOYAGES.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2013.

SUR CE 

Par lettres recommandées avec avis de réception du 14 et 28 avril 2010, la

CRCAM a mis Madame [F] en demeure de lui payer les échéances impayées, puis se prévalant de la déchéance du terme prononcée à l'encontre de la débitrice principale, la somme de 162.500 € au titre de son engagement de caution.

Contrairement à ce que soutient la CRCAM, la caution peut invoquer toute faute du créancier dans la distribution du crédit. Il convient, par suite, d'examiner chacun des moyens soulevés dans l'ordre commandé par la logique.

* Sur la rupture abusive du crédit au titre du remboursement du prêt

L'article L313-12 du code monétaire et financier stipule que 'tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours'.

Madame [F] prétend que la CRCAM aurait consenti à la SARL WASQUEHAL VOYAGES un crédit quant aux modalités de remboursement du contrat de prêt.

Elle ne produit toutefois aucun document de nature à démontrer ses affirmations ou l'octroi de délais supplémentaires aux fins de remboursement.

L'examen des relevés de compte montre que cinq échéances en 2008 et sept échéances en 2009 ont été prélevées de façon fractionnée et tardivement sans que la banque n'interpelle la débitrice ou prononce la déchéance du terme mais que les autres mensualités ont été prélevées régulièrement.

Ces éléments, qui témoignent que la CRCAM a accepté ponctuellement des modalités de remboursement du prêt différentes de celles fixées au contrat et donc de déroger tacitement aux dispositions contractuelles, sont néanmoins insuffisants à établir l'existence d'un nouveau concours à durée indéterminée entrant dans le champ d'application de l'article susvisé.

Le moyen sera donc rejeté.

* Sur la rupture abusive du crédit au titre d'une autorisation tacite de découvert

Madame [F] soutient qu'en laissant son compte fonctionner en position débitrice pendant plusieurs mois, soit du 2 juin 2008 au 31 décembre 2009, la CRCAM, aurait consenti à la SARL WASQUEHAL VOYAGES une autorisation tacite de découvert.

Elle ne produit là encore aucun document de nature à démontrer ses allégations ou à déterminer le solde moyen autorisé.

Les relevés de compte versés aux débats témoignent que la position du compte de la SARL WASQUEHAL VOYAGES n'a pas fonctionné de façon constante en position débitrice entre le 2 juin 2008 et le 31 décembre 2009 comme tente de le faire croire Madame [F].

Au contraire, celui-ci alternait régulièrement entre des positions débitrices et créditrices, le solde étant notamment positif entre le 27 juin et le 31 juillet 2008, les 4 et 5 août 2008, du 7 au 10 août 2008, du 14 août 2008 au 5 septembre 2008, le 25 septembre 2008...du 14 au 24 octobre 2008, du 30 octobre 2008 au 5 novembre 2008, le 30 décembre 2008, du 22 janvier 2009 au 30 avril 2009... le 14 mai 2009, du 4 juin 2009 au 2 août 2009.

Il est établi, en outre, par ces pièces que la banque a rejeté à de nombreuses reprises des opérations en raison du caractère non suffisamment provisionné du compte témoignant ainsi de son refus d'accorder un concours.

Dès lors que la permanence des soldes négatifs du compte courant n'est pas démontrée, la preuve de l'existence d'un découvert autorisé par la banque n'est pas rapportée.

En l'absence de concours consenti par la banque, celle-ci n'était pas tenue de respecter le délai de préavis de l'article L313-12 du code monétaire et financier, le moyen sera donc également rejeté.

* Sur le 'traitement des avis imputables au compte client'

Madame [F] reproche à la CRCAM d'avoir rejeté, sans en avertir au préalable la SARL WASQUEHAL VOYAGES, deux prélèvements en date du 15 janvier 2010, jour de présentation sur le compte, alors que celui-ci était suffisamment provisionné.

Cependant le relevé produit montre qu'à la date du 12 janvier 2010, le solde du compte de la SARL WASQUEHAL VOYAGES, était débiteur de 79 € et que les prélèvements de 8.970,20 € et 2.325,36 € opérés le 15 janvier n'ont pu être compensés ni par la remise de chèques à hauteur de 3.339,16 €, le 15 janvier 2010, qui a ramené le solde débiteur à 8.035,40 € ni par celle du 18 janvier 2010 d'un montant de 7.683 € qui a ramené le solde débiteur à 352,40 €.

En l'absence d'une autorisation de découvert même tacite, tel que cela résulte des développements ci-dessus, le banquier n'était pas tenu d'exécuter un ordre de sa cliente en l'absence d'une provision suffisante sur le compte.

En conséquence, la CRCAM ne peut voir sa responsabilité engagée de ce fait.

* Sur la disproportion

Aux termes de l'article L341-4 du code de la consommation, 'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'.

Ces dispositions concernent toutes les cautions personnes physiques, qu'elles soient profanes ou averties.

La banque produit un document intitulé 'déclaration patrimoine - revenus - endettement' daté du 21 août 2006, aux termes duquel les revenus déclarés de Madame [F] s'élèvent à 84.000 € par an pour 2 personnes vivant au foyer, son patrimoine comporte une maison d'une valeur de 470.000 € pour laquelle elle rembourse un emprunt dont le capital restant dû était de 253.6016 € à cette date ainsi que de l'épargne bancaire et des assurances vie pour un montant total de 103.300 €.

Ces éléments démontrent que la banque a vérifié lors de la prise de garanties que l'engagement souscrit par Madame [F] n'était nullement disproportionné par rapport à ses revenus et à son patrimoine.

Contrairement à ce qu'elle soutient, il ne l'est pas dès lors que le patrimoine qu'elle détenait à la date du cautionnement lui permettait d'y faire face.

* Sur le manquement du banquier à son devoir de mise en garde

Le devoir de mise en garde contraint le banquier à attirer l'attention de la caution non avertie sur les risques résultant de la souscription d'un engagement inadapté à ses capacités financières ou présentant un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Cependant, Madame [F], en sa qualité de dirigeante de la SARL WASQUEHAL VOYAGES, doit être considérée comme une caution avertie, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.

Dès lors que la caution est avertie et qu'il résulte des développement ci-dessus que l'engagement n'était pas inadapté à ses capacités financières, la CRCAM n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde à son égard.

* Sur l'information annuelle de la caution

Aux termes de l'article L313-22 du code monétaire et financier, applicable à l'espèce, 'Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette'.

La CRCAM justifie par les attestations de Maître [B], huissier de justice, avoir adressé à Madame [F] le 13 mars 2008 puis le 23 mars 2009 l'information qui lui était due au titre des années 2007 et 2008.

Ces lettres simples ont été adressées à Madame [F] à l'adresse située à [Adresse 4] qui est différente de celle qui figure sur le contrat et sur la déclaration de patrimoine.

Cependant cette dernière adresse, située à [Localité 4] est peu compatible avec l'exploitation d'une agence de voyages à [Localité 6].

En outre, la CRCAM montre par la production d'un avis de réception en date du 29 avril 2010 que la lettre adressée à Madame [F] à [Localité 5] a bien été réceptionnée à cette adresse.

Il se déduit de ces éléments que la CRCAM a rempli son obligation pour les années 2007 et 2008 en envoyant les lettres d'information à Madame [F] à l'adresse communiquée par celle-ci.

Elle ne démontre pas, cependant, avoir poursuivi cette information au delà alors que celle-ci est due jusqu'à l'extinction de la dette.

Par suite, la CRCAM encoure la déchéance du droit aux intérêts de retard échus depuis le 1er janvier 2009 soit, au vu du tableau d'amortissement du prêt, la somme de 10.433,46 €.

En revanche, le non respect de cette obligation n'étant pas une faute de nature à engager la responsabilité de la banque et à ouvrir droit à dommages et intérêts, Madame [F] sera déboutée de sa demande tendant à obtenir 5.000 € à ce titre.

* Sur l'information au titre du premier incident de paiement non régularisé

Selon l'article L341-1 du code de la consommation, 'Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêt de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée'.

La CRCAM ne justifie pas avoir informé Madame [F] avant la lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 avril 2010, envoyée à l'adresse communiquée par celle-ci, du non paiement des échéances de janvier, février et mars 2010. Faute de l'avoir informée dès le premier incident de paiement non régularisé, elle encourt la sanction prévue au texte susvisé.

Les intérêts ayant déjà fait l'objet d'une déduction de la somme réclamée, reste à déduire l'indemnité de recouvrement réclamée à hauteur de 10% soit 15.779,37 €.

* Sur la garantie OSEO

La Cour observe que ni Madame [F] ni la CRCAM ne formule de demande à l'encontre de la société OSEO.

En revanche, Madame [F] et OSEO exposent que la CRCAM devrait limiter sa demande de condamnation à 50% de l'encours de crédit.

L'objet de la garantie OSEO est de faire supporter par celle-ci, après épuisement des recours contre le débiteur principal et la caution, la perte finale de l'établissement bancaire au prorata de sa part de risque. La garantie ne bénéficie donc qu'à l'établissement prêteur.

Elle est distincte de l'engagement de caution solidaire de Madame [F] même si l'octroi de cette garantie était subordonné à la souscription par la dirigeante de la SARL WASQUEHAL VOYAGES d'un cautionnement solidaire 'à concurrence de 50% de l'encours du crédit'.

Contrairement à ce qui est indiqué par la SA OSEO, qui ne peut plaider pour Madame [F], l'engagement de celle-ci est défini par le contrat signé avec la CRCAM qui a fixé la limite de son obligation à 162.500 € en principal et intérêts et non par les termes de la garantie OSEO.

Il convient, par conséquent de condamner Mmle [F] à à payer à la CRCAM la somme de 136.287,17 € (162.500 € -10.433,46 €-15.779,37 €) avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2010, date de réception de la mise en demeure.

Madame [F], qui ne verse aux débats aucune pièce à l'appui de sa demande de délais de paiement, ne justifie pas de sa situation personnelle. Sa demande sera donc rejetée.

L'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens.

Le droit prévu à l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 auquel à droit un huissier de justice étant à la charge du créancier, la CRCAM sera déboutée de cette demande.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la CRCAM et d'OSEO les frais exposés par elles en cause d'appel et non compris dans les dépens ; il leur sera alloué la somme de 1.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les indemnités accordées en première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf sur les indemnités procédurales allouées et les dépens ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

Condamne Madame [W] [F] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France les sommes de 136.287,17 € et de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Déboute Madame [W] [F] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de délais de paiement ;

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France de sa demande au titre des frais d'exécution forcée ;

Condamne Madame [W] [F] à payer à la SA OSEO la somme de 1.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Madame [W] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 12/05439
Date de la décision : 02/07/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°12/05439 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-02;12.05439 ?
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