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29/01/2013 | FRANCE | N°12/00344

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 29 janvier 2013, 12/00344


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 29/01/2013



***



N° de MINUTE :

N° RG : 12/00344



Jugement (N° 2010-418)

rendu le 09 Novembre 2011

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER



REF : SB/CL





APPELANT



Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]

de nationalité Française

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Représenté par Me Virginie LEVASSEUR (avocat au barreau de DOUAI, ancien avoué)

Assisté de Me Jérôme AUDEMAR (avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER)



INTIMÉE



SAS SOCOLDIS

ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 29/01/2013

***

N° de MINUTE :

N° RG : 12/00344

Jugement (N° 2010-418)

rendu le 09 Novembre 2011

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER

REF : SB/CL

APPELANT

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Virginie LEVASSEUR (avocat au barreau de DOUAI, ancien avoué)

Assisté de Me Jérôme AUDEMAR (avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER)

INTIMÉE

SAS SOCOLDIS

ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Patrice PIGNIEZ (avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER)

DÉBATS à l'audience publique du 04 Décembre 2012 tenue par Stéphanie BARBOT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2012

***

[T] [P] a créé deux sociétés : en 1982, la société COLDIS au sein de laquelle [W] [Y] a exercé les fonctions de salarié, et en 1984, la société NORMANET dont [W] [Y] a intégré le capital social à hauteur de 10%.

En 1992, ces deux sociétés ont fusionné et donné naissance à la SA SOCOLDIS dont [W] [Y] est resté associé et salarié ; cette société a été transformée en société par actions simplifiée le 5 juin 2003.

Le 2 juin 2009, [W] [Y] a fait assigner la SAS SOCOLDIS devant le conseil de prud'hommes, afin d'obtenir un rappel de salaires et de frais de déplacements, et de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par lettre du 25 septembre 2009, la SAS SOCOLDIS a notifié à [W] [Y] une lettre de licenciement pour causes réelles et sérieuses, le délai de préavis expirant le 25 décembre 2009.

Le 28 décembre 2009, la SAS SOCOLDIS a informé [W] [Y] de ce qu'une procédure d'exclusion était engagée à son encontre, en application de l'article 11 des statuts.

L'exclusion de [W] [Y] a été décidée par délibération de l'assemblée générale extraordinaire prise le 9 février 2010, notifiée le 10 février 2010, le prix de cession de ses actions étant par ailleurs fixé à 34 490,40 euros.

Par acte du 24 février 2010, [W] [Y] a fait assigner la SAS SOCOLDIS en contestation de son exclusion et de la valeur de rachat de ses actions.

Par jugement rendu le 9 novembre 2011, le tribunal de commerce de BOULOGNE-SUR-MER a :

* déclaré valide la délibération du 9 février 2010 prononçant l'exclusion de [W] [Y],

* fixé à 34 490, 40 euros le prix de cession des actions détenues par [W] [Y],

* débouté [W] [Y] de ses demandes,

* condamné [W] [Y] au paiement d'une indemnité procédurale de

1 500 euros, outre les dépens.

[W] [Y] a interjeté appel dudit jugement par déclaration enregistrée le 17 janvier 2012.

Parallèlement, par arrêt rendu le 29 juin 2012, la cour d'appel de DOUAI a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de [W] [Y] aux torts de l'employeur.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Selon ses conclusions récapitulatives signifiées le 25 juillet 2012, [W] [Y] demande à voir :

* infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

* dire nulle la délibération de l'assemblée générale extraordinaire de la société SOCOLDIS du 9 février 2010 prononçant son exclusion,

* en conséquence, dire nuls les actes subséquents à cette assemblée, et en particulier l'éventuelle cession forcée des actions dont il est titulaire,

* ordonner sa réintégration sous astreinte de 1 000 € par jour de retard passé le délai de 48 heures après la signification de la présente décision,

* lui donner acte de ce qu'il laisse la faculté à la SAS SOCOLDIS de lui racheter les actions dont il est titulaire, au prix déterminé dans les conditions prévues par l'article 1844-3 du Code Civil,

* condamner la société SOCOLDIS à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

* condamner la société SOCOLDIS aux dépens de première instance et d'appel,

* dire qu'en sa qualité de membre réintégré de la société SOCOLDIS, il ne sera pas tenu de régler sa quote-part de condamnation mise à la charge de celle-ci.

Il soutient que l'article 11 des statuts permettant l'exclusion d'un associé autorise l'exclusion sans motif sérieux, de sorte qu'il s'agit d'une « clause purement potestative » qui doit être déclarée nulle ; que de plus, cette clause prive l'associé exclu de l'évaluation de ses parts à dire d'expert, contrairement aux dispositions d'ordre public de l'article 1844-1 du Code civil.

Au soutien de sa demande de nullité de la délibération du 9 février 2010 décidant de son exclusion, [W] [Y] fait notamment valoir que :

- la procédure d'exclusion prévue par les statuts (article 11) est contraire à l'article 1844 alinéa 1 du Code civil , dès lors qu'elle interdit à l'associé objet de cette procédure de prendre part au vote  ; que cette clause doit donc être réputée non écrite, en application de l'article 1844-10 alinéa 2 du Code civil, même si, en l'occurrence, il n'a pas été déchu de son droit de vote lors de l'assemblée générale litigieuse; qu'une clause réputée non écrite ne peut servir de fondement à une délibération de l'assemblée générale ; que s'agissant d'une nullité substantielle, elle ne peut être régularisée ; que les exceptions de nullité des délibérations d'une société sont perpétuelles.

- les motifs d'exclusion sont contestables ; qu'en effet, premièrement, la liberté statutaire de déterminer les motifs d'exclusion et de rachat des actions, est limitée par la nécessité de préserver les droits de l'associé concerné, et elle n'est pas discrétionnaire ; que les statuts ne peuvent subordonner la procédure d'exclusion « à la réalisation de conditions purement potestatives », ni attenter aux droits et libertés individuelles ; qu'il appartient au juge de vérifier que les motifs d'exclusion ne sont pas abusifs ; qu'en l'espèce, c'est sur la base d'une « clause purement potestative » (l'article 11 des statuts) que la procédure d'exclusion a été engagée ; qu'en outre, en instituant comme cause d'exclusion la perte de qualité de salarié « pour quelque cause que ce soit », l'article 11 des statuts permet à la société d'exclure un associé contre son gré pour des faits non fautifs, en lui imposant d'apporter la preuve contraire ; que cet article permet également d'exclure un associé et de le priver de son droit d'être indemnisé, au titre de ses actions, à dire d'expert, tel que prévu par l'article 13 applicable pour les « autres cessions ».

Deuxièmement, [W] [Y] soutient que l'article 11 des statuts fait dépendre la valeur de rachat des actions de conditions « purement potestatives », sans recours à un tiers estimateur, ce qui est contraire à l'article 1170 du Code civil ; que cette clause est donc illicite et contraire aux dispositions de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ; que selon l'article L 227-8 du Code de commerce, si les statuts ne précisent pas les modalités du prix de cession, celui-ci est déterminé à dire d'expert, en application de l'article 1843-4 du Code civil ; que ce texte est d'ordre public et ne peut être écarté par les statuts, même dans le cas d'une SAS.

[W] [Y] demande en conséquence de constater la nullité des dispositions de l'article 11 des statuts et l'annulation de la délibération prononcée sur ce fondement.

A titre de moyen subsidiaire, [W] [Y] prétend que quelle que soit la rédaction d'une clause d'exclusion, le tribunal doit s'assurer de la gravité et de la véracité des motifs de l'exclusion, ces motifs devant être suffisamment précis et inspirés par l'intérêt de la société ; qu'en l'occurrence, les circonstances montrent que les motifs invoqués ne remplissent pas ces critères ; que l'article 11 des statuts est attentatoire aux droits et libertés individuelles, tant dans son principe que dans sa mise en oeuvre ; qu'ainsi, si cette clause n'était pas considérée comme illicite, il y aurait cependant lieu d'annuler la délibération pour abus de droit des associés majoritaires dans la mise en oeuvre de cette clause.

[W] [Y] en déduit qu'en conséquence de l'annulation de la délibération dont s'agit, il doit être réintégré dans tous ses droits d'associés, sous astreinte.

Enfin, il indique n'avoir cause d'opposition au rachat de ses parts dans les conditions de l'article 13 des statuts, mais prend acte du refus de la SAS SOCOLDIS.

***

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2012, la SAS SOCOLDIS demande à la cour de :

* déclarer valide la délibération du 9 février 2010 prononçant l'exclusion de [W] [Y],

* fixer à 9 712,50 euros le prix de cession des actions détenues par [W] [Y],

* débouter [W] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

* condamner [W] [Y] au paiement d'une indemnité de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

En premier lieu, la SAS SOCOLDIS fait valoir que le moyen tenant à l'irrégularité de la procédure d'exclusion est inopérant, dès lors qu'afin de se conformer au droit de l'associé, elle a convoqué [W] [Y] à l'assemblée générale afin qu'il prenne part au vote ; que l'article 11 des statuts n'ayant pas été appliqué, [W] [Y] n'a subi aucun grief ; qu'au surplus, la demande de nullité est prescrite.

En second lieu, la SAS SOCOLDIS s'oppose à la nullité de l'article 11 des statuts sur le fondement de la nullité des clauses potestatives, aux motifs que [W] [Y], homme averti, a consenti aux statuts contenant cette clause ; qu'au surplus, l'obligation de céder les actions dans les cas visés par ladite clause n'est pas contractée sous une condition qui dépendrait de la seule volonté de celui qui s'oblige et n'encourt donc pas la sanction de l'article 1174 du Code civil ; qu'enfin, l'équilibre entre les parties n'est pas rompu.

Elle fait valoir qu'aucune des circonstances visées à l'article 11 ne peut être assimilée à une condition potestative, dès lors que :

- [W] [Y] s'est rendu coupable d'un acte de concurrence et n'a donc pas agi conformément à l'intérêt social, son manque d'affectio societatis étant évident ;

- en agissant devant le conseil des prud'hommes, [W] [Y] a agi en contradiction avec l'intérêt social, fait prévaloir sur intérêt personnel, et manqué gravement de loyauté envers la société ;

- [W] [Y] est à l'origine de sa perte de qualité de salarié, puisqu'il a sollicité la résiliation de son contrat de travail ; que l'obligation statutaire pour chaque associé d'avoir un rôle dans la société est une condition essentielle à la qualité d'associé et s'imposait aux associés acceptant les statuts ; que [W] [Y] y a consenti, et en application de l'article 1134 du Code civil, il ne peut se prévaloir du caractère potestatif de cette clause.

La SAS SOCOLDIS soutient qu'il existe en l'espèce trois motifs d'exclusion, un seul suffisant à entraîner la mesure prise ; que ces trois causes d'exclusion ne sont pas potestatives ; que notamment [W] [Y] ayant lui-même demandé à ne plus être salarié de la société, il est directement responsable de la perte de cette qualité ; que la décision de la cour d'appel prononçant la résiliation judiciaire du contrat ne fait que confirmer la rupture des relations entre les parties, rupture susceptible d'entraîner l'exclusion de [W] [Y] en application de l'article 11 des statuts à raison de la disparition de l'affectio societatis entre les associés.

La SAS SOCOLDIS affirme qu'en vertu des articles L 227-16 et L 227-18 du Code de commerce, l'exclusion d'un associé implique vente forcée de ses actions ; que ce n'est qu'à défaut de dispositions statutaires que le prix de cession doit être fixé selon les règles édictées par l'article 1843-4 du Code civil; que tel n'est pas le cas en l'espèce, les statuts fixant la méthode de calcul du prix de cession ainsi que l'autorise l'article L227-18 du Code de commerce pour les SAS ; que la clause querellée est donc licite.

Enfin, la SAS SOCOLDIS s'oppose à la proposition de vente de ses actions formulée par [W] [Y], dès lors que la procédure d'exclusion a abouti et qu'en conséquence, il est obligatoire de procéder à la cession en respectant l'article 11.4 des statuts.

SUR CE,

Attendu que l'article 11 des statuts prévoit une faculté d'exclusion d'un associé ainsi libellée (pièce n°7 de [W] [Y]) :

« (...) L'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter :

- De toute infraction ou violation pour quelque cause que ce soit des stipulations des présents statuts,

- De motifs graves étant précisé qu'au sens des présents statuts sera considérée comme constituant une faute grave :

- Tout acte ou fait constituant un acte de concurrence même loyal commis directement ou indirectement par l'associé et ou par toutes sociétés et entreprises contrôlées directement ou indirectement'

- De tout manquement par un associé à ses obligations vis-à-vis de la société et/ou des sociétés et entreprises contrôlées directement ouindirectement...

- De la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de Président de la SAS ou de Membre du Conseil de surveillance ou de salarié de la société'

A compter du jour de la survenance ou de la révélation d'un des événements mentionnés ci-dessus et au plus tard à l'expiration d'un délai de soixante (60) jours à compter de la survenance ou de la révélation de l'un desdits événements, l'assemblée générale par décision motivée sur proposition de tout associé prononcer l'exclusion de l'associé considéré'.

L'associé objet de cette proposition d'exclusion est avisé au moins quarante (40) jours avant la décision d'exclusion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de la mesure d'exclusion envisagée, des motifs de cette mesure, des griefs retenus contre lui et de la date de la délibération au terme de laquelle il doit être statué sur cette proposition d'exclusion. Il est invité à présenter ses observations et, le cas échéant à apporter la preuve de l'absence de fondement des faits ou actes qui lui sont reprochés'.

Dans tous les cas l'associé objet de la procédure d'exclusion ne peut prendre part au vote de la résolution relative à son exclusion et les calculs (de quorum) et de majorité sont faits sans tenir compte des voix dont il dispose (...)

(...)

L'exclusion de plein droit et l'exclusion facultative d'un associé emportent de plein droit privation de tous les droits non pécuniaires (notamment le droit de vote, de communication, de demande d'expertise, de participer aux décisions collectives'.) attachés à la totalité des titres détenues par l'associé exclu au jour de son exclusion (...).

(...)

Sur la demande d'annulation de la délibération du 9 février 2010 décidant l'exclusion de [W] [Y] :

Attendu qu'il échet d'examiner successivement les moyens de nullité soulevés par [W] [Y] à l'appui de sa demande d'annulation ;

- Sur la contrariété de l'article 11 des statuts à l'article 1844 alinéa 1er du Code civil :

Attendu qu'il résulte de l'article 1844 alinéa 1er du Code civil - texte d'ordre public qui institue le droit de tout associé de participer aux décisions collectives - que l'associé d'une SAS dont l'exclusion est demandée ne peut être privé par les statuts, lorsque ceux-ci subordonnent la mesure à une décision collective des associés, de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition ;

Attendu qu'en l'espèce, l'un des paragraphes de l'article 11 des statuts de la société SAS SOCOLDIS est contraire aux dispositions d'ordre public sus visées, en ce qu'il prévoit notamment que « (...) Dans tous les cas, l'associé objet de la procédure d'exclusion ne peut prendre part au vote de la résolution relative à son exclusion et les calculs (de quorum) et de majorité sont faits sans tenir compte des voix dont il dispose. (...) » ;

Que toutefois, il est reconnu par [W] [Y] lui-même que les statuts n'ont pas été appliqués sur ce point le jour de la délibération litigieuse, puisqu'il a pu concrètement prendre part à cette délibération ;

Que dans ces conditions, la délibération du 9 février 2010 ne peut être annulée pour ce motif ;

- Sur la licéité et le bien-fondé des motifs d'exclusion :

Attendu que l'article 11.2 des statuts intitulé « exclusion facultative » est rédigé comme suit :

L'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter :

- de toute infraction ou violation pour quelque cause que ce soit des stipulations des présents statuts,

- de motifs graves étant précisé qu'au sens des présents statuts sera considérée comme constituant une faute grave :

- tout acte ou fait constituant un acte de concurrence même loyal commis directement ou indirectement par l'associé et ou par toutes sociétés et entreprises contrôlées directement ou indirectement seule ou de concert ledit associé ('),

- tout manquement par un associé à ses obligations vis-à-vis de la société et/ou des sociétés et entreprises contrôlées directement ou indirectement seule ou de concert par la société,

- la perte pour quelque cause que ce soit de la qualité de Président de la SASou de Membre du Conseil de surveillance ou de salarié de la société.

Que les statuts énoncent donc des motifs précis d'exclusion et, dans l'absolu, conformes aux intérêts légitimes de la SAS SOCOLDIS, dans la mesure où ils visent soit à protéger la société d'une concurrence commise par l'un de ses associés, soit à conditionner la qualité d'associé à une participation directe de la personne intéressée à l'activité de la société ;

Que dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que cette clause revêt un caractère « purement potestatif », au sens que [W] [Y] accorde à cette expression, à savoir une clause permettant l'exclusion d'un associé de manière discrétionnaire, subordonnant la procédure d'exclusion « à la réalisation de conditions purement potestatives », ou portant atteinte aux droits et libertés individuelles ;

Que cependant, le pouvoir d'exclure un associé n'étant pas discrétionnaire, il appartient à la cour de vérifier que les motifs d'exclusion ne sont pas abusifs au regard de l'intérêt social, et donc d'apprécier si les motifs invoqués sont établis et suffisamment graves ; que dans ces conditions, la partie de la phrase figurant dans le § 7 de l'article 11.2 selon laquelle il appartient à l'associé à l'encontre duquel est mise en oeuvre une procédure d'exclusion de « rapporter la preuve de l'absence de fondement des faits ou actes qui lui sont reprochés », est illicite et doit donc être réputée non écrite en ce qu'elle aboutit à un renversement de la charge de la preuve ;

Attendu qu'en l'occurrence, les motifs invoqués par la SAS SOCOLDIS pour initier une procédure d'exclusion à l'encontre de [W] [Y], associé, figurent au nombre de deux dans le courrier par elle établie le 28 décembre 2009, conformément à la procédure d'avis prévue aux statuts : premièrement, un manquement grave de [W] [Y], associé, à ses obligations vis-à-vis de la société tenant à la saisine du conseil de prud'hommes par l'intéressé, deuxièmement la perte de la qualité de salarié de celui-ci ;

Que ce n'est qu'en cours d'instance, et donc postérieurement à cette correspondance et à la décision d'exclusion, que la SAS SOCOLDIS a invoqué un troisième motif lié à la commission d'un acte de concurrence par [W] [Y] ;

Or, attendu que ce troisième motif ne figurait pas comme motif d'exclusion dans la correspondance du 28 décembre 2009, de sorte que la procédure d'exclusion statutairement fixée n'a pas été respectée ; qu'en outre et surtout, les actes de concurrence reprochés à [W] [Y] ont été commis après la décision d'exclusion du 9 février 2010, et après son licenciement du 26 décembre 2010, alors que la société l'avait délié de toute clause de non-concurrence ; qu'en conséquence, ce motif ne peut valablement être invoqué à l'encontre de [W] [Y] au soutien de la décision d'exclusion ;

Attendu que s'agissant des deux autres motifs, ils s'avèrent en lien avec, d'une part, l'instance engagée en juin 2009 par [W] [Y] devant la juridiction prud'homale aux fins de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et, d'autre part, son licenciement notifié peu après par la SAS SOCOLDIS, le 25 septembre 2009 ;

Que cette instance prud'homale s'est achevée le 29 juin 2012, par un arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS SOCOLDIS, au motif que celle-ci avait commis un manquement grave consistant à n'avoir pas remboursé à son salarié des frais kilométriques à hauteur d'une somme supérieure à 12 000 euros, et ce depuis le mois de janvier 2009 ;

Que lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et que celui-ci le licencie ultérieurement, la juridiction saisie doit d'abord rechercher si la demande résiliation est fondée, avant de se prononcer, en cas de rejet de cette demande, sur le licenciement ; que dès lors que la cour a accueilli la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, le licenciement notifié par la SAS SOCOLDIS est assimilé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que cette rupture du contrat de travail, certes sollicitée par [W] [Y] lorsqu'il a saisi le conseil de prud'hommes, a néanmoins pour seule origine un comportement gravement fautif de l'employeur, aucun grief n'ayant été retenu à l'encontre de [W] [Y] dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ; que l'action intentée par ce dernier devant le conseil des prud'hommes n'était nullement abusive ou téméraire, puisqu'au contraire elle a été couronnée de succès : il a été fait droit à ses demandes de rupture du contrat de travail aux torts de la SAS SOCOLDIS, et de condamnation de cette dernière à lui rembourser la totalité des frais kilométriques réclamés ; qu'il apparaît ainsi que l'action de [W] [Y] ne tendait qu'à faire valoir ses droits les plus légitimes à l'encontre d'un employeur gravement fautif, de sorte que la perte de la qualité de salarié est exclusivement imputable à faute de la SAS SOCOLDIS, en vertu d'une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ;

Que dans ces conditions, la SAS SOCOLDIS ne peut ni se prévaloir de sa propre turpitude en invoquant la perte de sa qualité de salarié par [W] [Y] à l'appui de sa décision d'exclusion, ni exciper de ce que la saisine de la juridiction prud'homale par l'intéressé constitue un « manquement par un associé à ses obligations vis-à-vis d'elle » au sens de l'article 11 des statuts ;

Attendu qu'en définitive, la décision d'exclusion de [W] [Y] prise en application de l'article 11 des statuts n'est donc fondée sur aucun motif grave ; qu'elle doit donc être annulée ;

Attendu qu'en conséquence de cette annulation, il convient d'ordonner la réintégration de [W] [Y] dans les 48 heures de la signification du présent arrêt, tel que sollicité par l'intéressé lui-même, et ce sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif ;

Qu'en outre, en l'absence d'exclusion valablement prononcée, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 11 des statuts imposant corrélativement la cession forcée des actions de [W] [Y] moyennant un prix fixé selon les modalités prévues par cet article ;

Que le « donné acte » étant dépourvu de toute portée juridique, il n'y a pas lieu de donner acte à [W] [Y] de ce qu'il laisse à la SAS SOCOLDIS la faculté de lui racheter ses actions à un prix déterminé dans les conditions fixées par l'article 1844-3 du Code civil ;

Que par conséquent, le jugement entrepris sera réformé en toutes ses dispositions ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que succombant, la SAS SOCOLDIS doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à [W] [Y] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'elle sera en revanche déboutée de sa propre demande d'indemnité procédurale ;

Qu'enfin, le présent litige ayant pour origine une faute commise par la SAS SOCOLDIS, c'est à raison que [W] [Y] demande qu'il soit dit qu'il ne sera pas tenu de payer sa quote-part des condamnations mise à la charge de la SAS SOCOLDIS, ce qui recouvre à la fois la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et celle relative aux dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant de nouveau, par voie de réformation,

- ANNULE la délibération prise par l'assemblée extraordinaire de la SAS SOCOLDIS le 9 février 2010 prononçant l'exclusion de [W] [Y] ;

- En conséquence, DIT n'y avoir lieu à cession forcée des actions détenues par [W] [Y] dans la SAS SOCOLDIS en application de l'article 11 des statuts et selon un prix fixé par cet article ;

- ORDONNE la réintégration de [W] [Y] dans les 48 heures de la signification du présent arrêt, à défaut de quoi la SAS SOCOLDIS sera redevable d'une astreinte de 600 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, délai à l'issue duquel une nouvelle astreinte pourra être prononcée le cas échéant ;

- DEBOUTE la SAS SOCOLDIS de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SAS SOCOLDIS à payer à [W] [Y] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SAS SOCOLDIS aux dépens de première instance et d'appel, et AUTORISE la SCP LEVASSEUR à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- DIT que [W] [Y] ne sera pas tenu de payer sa quote-part des condamnations mise ci-dessus à la charge de la SAS SOCOLDIS au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Le GreffierLe Président

Marguerite Marie HAINAUTPatrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 12/00344
Date de la décision : 29/01/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°12/00344 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-29;12.00344 ?
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