République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 08/03/2012
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N° MINUTE :
N° RG : 11/03459
Jugement (N° 10/00451)
rendu le 08 Mars 2011
par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE
REF : BP/VC
APPELANT
Monsieur [N] [T]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 4]
demeurant : [Adresse 3]
Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI,
Assisté de Me Frédéric DUFOUR, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉE
SOCIETE GENERALE
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représenté par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avocats au barreau de DOUAI
DÉBATS à l'audience publique du 24 Janvier 2012 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Benoît PETY, Conseiller
Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Monsieur [N] [T] était le gérant-associé de la société Contrôle Maintenance Technique Inspection (C.M.T.I.) spécialisée dans l'inspection technique nucléaire.
A ce titre, Monsieur [T] s'est porté caution solidaire par acte sous seing privé du 1er février 2002 et à concurrence d'une somme de 149.500 euros au profit de la Société Générale en garantie d'un prêt de 115.000 euros accordé par cette banque à la société C.M.T.I. Par acte sous seing privé du 24 avril 2002, Monsieur [T] s'est aussi porté caution solidaire à concurrence de 78.000 euros en garantie de toutes sommes que la société C.M.T.I. devrait à la Société Générale.
Par jugement du 30 juin 2006, le tribunal de commerce du HAVRE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société C.M.T.I. La banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à raison de 430.918,11 euros au titre du solde de compte courant et de 49.581,22 euros au titre du prêt.
La banque a mis en demeure Monsieur [T] en sa qualité de caution de régler les sommes dues dans la limite de ses engagements, en vain.
C'est ainsi que, par exploit du 2 mars 2010, elle faisait assigner en paiement Monsieur [N] [T] devant le tribunal de grande instance de DUNKERQUE. Par jugement du 8 mars 2011, cette juridiction condamnait Monsieur [T] à payer à la Société Générale les sommes de :
78.000 euros au titre du découvert en compte,
52.541,43 euros au titre du prêt de 115.000 euros,
500 euros à titre d'indemnité de procédure.
Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision. Il demande à la cour de :
condamner la banque au paiement de la somme de 79.319,24 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation de cette somme avec la créance de la banque,
arrêter la créance de la Société Générale au titre du prêt à la somme de 49.581,22 euros,
dire qu'il pourra s'acquitter du règlement de cette somme en 24 mensualités d'égal montant, à compter du premier mois suivant la signification du présent arrêt,
condamner la banque au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 euros.
Monsieur [T] considère en effet, pour ce qui a trait au découvert en compte courant, que la responsabilité de la banque est bien engagée. Le découvert en compte autorisé était de 5.000 francs et la banque l'a laissé croître jusqu'à plus de 550.000 euros. Il n'a jamais été convenu que ce découvert atteigne une telle proportion. Contrairement aux conditions générales de la convention de compte, aucun avenant écrit n'a été conclu entre les parties au titre de ce découvert qui ne peut être considéré comme exceptionnel et occasionnel et la banque avait en outre une parfaite connaissance des difficultés de la société cliente. La Société Générale a ainsi accordé à la société C.M.T.I. des concours financiers inadaptés et ruineux qui ont aggravé la situation de la caution.
Pour ce qui relève du prêt de 115.000 euros, Monsieur [T] estime qu'il ne faut prendre en considération que la somme déclarée entre les mains du mandataire judiciaire, ce qui doit conduire à écarter les pénalités de déchéance du terme et les intérêts postérieurs à la déclaration de créance. Le débiteur fait enfin valoir que sa situation pécuniaire autorise qu'il bénéficie de délais de paiement pour régler sa dette.
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La Société Générale pour sa part sollicite de la juridiction du second degré qu'elle confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé et condamne Monsieur [T] à lui verser en cause d'appel une indemnité de procédure de 2.000 euros.
La banque réfute toute idée de faute de sa part dans la gestion du compte de la société C.M.T.I. dès lors qu'elle bénéficiait d'une garantie par voie de mobilisation de créances par le biais de l'affacturage ou d'encaissement DAILLY. En outre, comme l'engagement de caution de Monsieur [T] était limité à 78.000 euros, montant atteint lorsque ce dernier a signé son engagement, les développements du défendeur sur un découvert qu'elle aurait laissé « filer » sont sans fondement. Elle ajoute que les conditions générales de la convention d'ouverture de compte permettaient de dépasser le découvert initialement accordé. En qualité de gérant-associé, Monsieur [T] était parfaitement au courant de cette situation et il ne peut tenter de reporter sur la banque ses propres fautes de gestion.
Relativement au prêt de 115.000 euros, dès lors que la créance déclarée a été admise avec les intérêts, la caution est bien redevable.
Enfin, la Société Générale considère que Monsieur [N] [T] a déjà pu bénéficier de délais de paiement depuis la première mise en demeure de payer. Il dispose d'un salaire important qui ne justifie pas de plus amples délais.
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Motifs de la décision
Sur la créance de la banque au titre du découvert en compte et la mise en jeu de sa responsabilité
Attendu que la Société Générale produit aux débats l'engagement de Monsieur [N] [T] en qualité de caution solidaire, engagement pris le 24 avril 2002 à concurrence de 78.000 euros et incluant principal, intérêts, frais et accessoires de tous engagements sous quelque forme que ce soit pris par la S.A.R.L. C. M. T.I. à l'égard de la banque ;
Que ce cautionnement est régulier en la forme et conforme aux exigences légales de sorte qu'en considération de la défaillance de la société C.M.T.I. placée le 5 janvier 2007 en liquidation judiciaire, et compte tenu de la déclaration régulière de sa créance par l'établissement bancaire entre les mains du mandataire judiciaire, c'est à raison que les premiers juges ont condamné la caution au paiement de la somme de 78.000 euros au titre du découvert en compte ;
Attendu, sur la responsabilité de la banque à l'égard de la caution, que si l'entrée en vigueur le 1er janvier 2006 du nouvel article L. 650-1 du Code de commerce ne remet pas en cause le droit d'agir des cautions qui peuvent invoquer une faute spécifique à leur égard, il n'en demeure pas moins en l'espèce que Monsieur [N] [T] est une caution avertie envers laquelle la banque n'est tenue à aucun devoir de mise en garde ni même à aucune obligation de conseil, étant acquis le fait que la caution ne démontre aucunement que la Société Générale aurait disposé à un moment quelconque, sur la situation de l'entreprise C.M.T.I., de plus d'informations que n'en aurait détenues Monsieur [T] ;
Qu'en effet, il n'est pas discutable que ce dernier a été l'un des créateurs en 1999 de la société C.M.T.I., qu'il en était l'associé à raison de la moitié des parts et qu'il en assurait de manière effective, c'est-à-dire de droit et de fait, la direction en qualité de gérant ;
Que si [N] [T] entend à ce jour reprocher à l'établissement bancaire un soutien abusif et extrêmement dommageable à la société C.M.T.I., il ne peut être négligé que c'est lui qui est à l'initiative d'une demande de concours bancaire en vue de l'acquisition d'une certification EDF/UTO en lien direct avec son activité ;
Que s'il est exact que la société en cause ne bénéficiait officiellement que d'un découvert autorisé de 762,25 euros, il est acquis que Monsieur [T] a signé en avril 2002 le cautionnement en sachant que le découvert réel était déjà à cette époque égal au montant de son engagement compte tenu des besoins de financement de l'entreprise ;
Que s'il est aussi constant que ce découvert a ensuite pris des proportions bien supérieures et pour un coût nettement supérieur à celui d'un concours bancaire sous forme de prêt, Monsieur [T] ne soutient aucunement qu'il ignorait la situation, étant ajouté que le lien de causalité entre la créance de la banque à ce titre et la cessation des paiements de l'entreprise en 2007 n'est pas établi de manière directe si bien que le soutien bancaire qu'il qualifie d'abusif, pour ne pas dire ruineux, ne peut en aucun cas être retenu pour fonder une action en responsabilité de la banque ;
Que c'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance de DUNKERQUE a écarté le moyen développé à titre reconventionnel par Monsieur [T] et débouté ce dernier de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Que le jugement sera en cela confirmé ;
Sur la créance de la banque au titre du prêt
Attendu que le propos de Monsieur [T] consiste ici à reprocher à la juridiction de première instance d'avoir retenu la somme de 52.541,43 euros, ce qui comprend les pénalités de déchéance du terme et les intérêts postérieurs à la déclaration de créance, alors que la banque a fait preuve à ses dires d'un comportement fautif ;
Qu'il n'est toutefois pas démontré qu'en accordant en février 2002 à la société C.M.T.I. le concours en question sollicité par cette personne morale, la banque aurait commis une quelconque faute ;
Qu'il n'est pas plus démontré que la banque aurait démérité dans l'exécution du contrat de prêt de sorte que le montant arrêté par le premiers juges doit être confirmé purement et simplement, les intérêts contractuels ayant été admis pour mémoire par le juge-commissaire ;
Sur les délais de paiement sollicités par le débiteur
Attendu que s'il est constant que Monsieur [T] dispose de revenus réguliers qui peuvent être évalués selon justificatifs versés aux débats à la somme mensuelle disponible de 3.534 euros, il apparaît cependant que la créance totale de la banque est d'un montant de plus de 130.000 euros sans compter les intérêts, ce qui imposerait au débiteur de verser chaque mois pendant deux ans la somme de 5.440 euros au moins, ce que l'intéressé s'est bien gardé de proposer de régler ;
Qu'en outre, ce dernier ne justifie pas de ce qu'il a payé depuis la mise en demeure ne serait-ce qu'au titre du prêt dont il n'a pas contesté le principe ;
Qu'en définitive, il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 1244-1 du Code civil, Monsieur [T] étant débouté de sa demande d'échelonnement de sa dette ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu que si l'équité justifiait en première instance l'indemnité de procédure arrêtée en faveur de la banque, le jugement déféré devant être confirmé à cet égard, cette même considération commande en cause d'appel de fixer au bénéfice de cette même partie une indemnité pour frais irrépétibles dont le montant ne saurait être inférieur à 1.000 euros ;
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PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [T] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne Monsieur [N] [T] à payer en cause d'appel à la S.A. Société Générale une indemnité de procédure de 1.000 euros ;
Condamne Monsieur [T] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. d'avocats CONGOS-VANDENDAELE.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONSP. CHARBONNIER