COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 30/11/2010
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/05140
Jugement (N° 07/05635) rendu le 29 Mai 2009
par le Tribunal de Grande Instance de LILLE
REF : FB/VR
APPELANTE
S.A.R.L. LES RESIDENCES ART CONCEPT
agissant par son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]'
[Localité 4]
représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour
assistée de Maître Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur [J] [X]
& Madame [Y] [K] épouse [X]
demeurant ensemble [Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour
assistés de Maître Ludovic DENYS, avocat au barreau de LILLE
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES (CEGI)
agissant par son représentant légal domicilié es-qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
assignée et réassignée à personne habilitée, n'ayant pas constitué avoué
DÉBATS à l'audience publique du 12 Octobre 2010 tenue par Fabienne BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Gisèle GOSSELIN, Président de chambre
Fabienne BONNEMAISON, Conseiller
Véronique MULLER, Conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 Septembre 2010
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Par jugement du 29 Mai 2009, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de Lille a déclaré irrecevables les demandes formées le 5 Janvier 2009 par les époux [X] à l'encontre de la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES, débouté la SARL ART CONCEPT de sa demande de réception judiciaire, condamné cette dernière sous astreinte à réaliser les travaux d'achèvement et de réparation préconisés par expertise, condamné in solidum les sociétés ART CONCEPT et COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES à verser aux époux [X] la somme de 103 438.92€ au titre des pénalités de retard, condamné la société ART CONCEPT à payer aux époux [X] une somme de 13 946.81€, condamné les époux [X] à verser à la société ART CONCEPT une somme de 32 941.93€ avec intérêts de 1% à compter du 22 Décembre 2006, capitalisables, ordonné la compensation entre les créances des parties, condamné la société ART CONCEPT au paiement d'une indemnité de procédure de 1000€ au profit des époux [X] ainsi qu'aux dépens, rejetant la demande de dommages et intérêts de la société ART CONCEPT.
La société LES RESIDENCES ART CONCEPT (nouvelle appellation de ART CONCEPT) a relevé appel le 10 Juillet 2009 de ce jugement dont elle sollicite la réformation partielle suivant conclusions déposées le 5 Juillet 2010 tendant à voir confirmer la condamnation des époux [X] au paiement du solde du marché, fixer le point de départ des intérêts au 4 Août 2000, débouter les époux [X] de leur demande de pénalités de retard et, sur évocation du litige, fixer la réception judiciaire au 24 Août 2000, condamner solidairement les époux [X] à lui verser une somme de 151 171.08€ avec intérêts de droit capitalisables, une somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice commercial et financier outre une indemnité de procédure de 6000€.
Au terme de conclusions déposées le 13 Septembre 2010, les époux [X] sollicitent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions outre l'octroi d'une indemnité de procédure de 2000€.
La société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES n'a pas constitué avoué quoique régulièrement assignée les 13 Novembre et 3 Décembre 2009.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 Septembre 2010.
SUR CE
Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que, suivant contrat signé le 30 Juin 1999, les époux [X] (le maître de l'ouvrage) ont confié à la société ART CONCEPT (le constructeur) la construction au prix de 765 000 francs d'une maison individuelle sur un terrain sis à [Adresse 7]; que prétextant l'apparition d'importantes fissures sur les murs du vide-sanitaire faisant craindre pour la stabilité de l'ouvrage, les époux [X] ont, en cours de chantier, sollicité en référé une mesure d'expertise judiciaire confiée le 5 Septembre 2000 à Mr [N] qui a déposé son rapport le 22 Décembre ... 2006 (!).
Saisi le 14 Juin 2007 par le constructeur d'une action en réception de l'immeuble et paiement des travaux réalisés, à laquelle a été joint l'appel en garantie des époux [X] à l'encontre de la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES, le Tribunal a rendu le jugement dont appel qui a notamment rejeté la demande de réception judiciaire de l'immeuble, jugé inhabitable, condamné le constructeur à achever la construction et reprendre les malfaçons ainsi qu'au paiement de 3030 jours de pénalités de retard, estimant que si le chantier avait été interrompu à l'initiative du maître de l'ouvrage, la responsabilité en incombait au constructeur pour avoir refusé de financer les investigations préconisées par l'expert amiable.
Au soutien de son appel, essentiellement motivé par l'octroi de pénalités de retard pour un montant supérieur au prix de la construction, la société LES RESIDENCES ART CONCEPT fait valoir que l'expertise judiciaire est venue confirmer que l'immeuble, pourvu de fondations renforcées en cours de chantier, était définitivement stabilisé, légitimant, a posteriori, son refus de financer les investigations préconisées en leur temps par Mr [I], expert des époux [X], de sorte que l'interruption du chantier tout comme la durée exceptionnelle des opérations d'expertise ne peuvent être imputées à la faute du constructeur qui doit être, par suite, exonéré de toutes pénalités de retard.
Elle ajoute qu'en vertu de l'exécution provisoire ordonnée par le Tribunal, elle a aujourd'hui achevé l'immeuble de sorte qu'elle est fondée à obtenir le paiement du solde du marché, la réception judiciaire de l'immeuble et le remboursement des sommes indûment perçues par les époux [X] du fait de cette exécution provisoire.
Sur les pénalités de retard
Sur cette question, les époux [X], qui rappellent qu'au stade des négociations amiables la société ART CONCEPT avait non seulement refusé de financer l'intervention d'un BET STRUCTURE mais omis de transmettre à leur expert les plans du pavillon et les calculs de confortation du sous-sol, objectent que l'expertise judiciaire confirme l'apparition en cours de chantier d'importants désordres imputables au constructeur, la non conformité de l'ouvrage aux documents contractuels qui, au demeurant, ne comportaient pas de plans de fondation, relève que les caractéristiques annoncées de la construction n'étaient pas compatibles avec les règles de l'art, de sorte que leur demande d'expertise judiciaire était parfaitement fondée et ajoutent que la durée exceptionnelle de l'expertise s'explique notamment par la réticence du constructeur à fournir les éléments réclamés par l'expert judiciaire.
Il est constant que le 4 Avril 2000, les époux [X] , inquiets de l'efficacité du renforcement des fondations réalisé par le constructeur à la suite de l'apparition de fissures, ont informé celui-ci de leur volonté de missionner un expert.
Tout en minimisant les fissures en cause (courrier du 7 Avril 2000), le constructeur s'est incliné devant ce choix et a exprimé le souhait de participer à l'expertise dans un souci de poursuivre 'dans une ambiance sereine' leur collaboration.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue l'expertise amiable contradictoire de Mr [I] , objet d'un rapport déposé le 17 Juillet 2000, qui a confirmé le renforcement par ART CONCEPT de la maçonnerie par des contremurs en parpaings et le calfeutrement des fissures mais estimé que des calculs par un B.E.T. STRUCTURES assortis d'une étude de sol et de sondages s'imposaient pour confirmer la stabilité de l'ouvrage d'autant que le constructeur ne lui avait pas transmis les plans du pavillon et les calculs de confortation du sous-sol.
La société ART CONCEPT a refusé de financer ces investigations estimant ses travaux suffisants et conformes et poursuivi dans l'intervalle la construction (toiture terminée le 22 Juillet 2000 selon le maître de l'ouvrage, porte d'entrée posée le 24 Juillet).
Le 1er Août, le maître de l'ouvrage a informé le constructeur de la saisine de son conseil en vue de l'obtention d'une expertise judiciaire (l'assignation en référé date du 24 Août) et de l'ouverture d'un compte séquestre pour y déposer les acomptes réclamés au terme des situations des 23 et 30 Juin.
Le constructeur a pris acte le 4 Août 2000 de l'interruption du chantier en découlant.
Au terme de six années d'expertise judiciaire et de longues et coûteuses investigations, l'expert judiciaire conclut que, certes, le constructeur n'a pas suivi l'avis du Bureau d'Etudes [P] chargé d'une reconnaissance du terrain, préconisant des sondages supplémentaires, que les murs de soubassement ont une épaisseur supérieure à celle prévue au contrat, (ce qui constitue une amélioration), que les désordres dénoncés ont été occasionnés par un remblaiement extérieur effectué sans précautions particulières, enfin que les plans de fondation produits en cours d'expertise par ART CONCEPT, manifestement établis pour les besoins de la cause, sont sujets à caution, mais que l'absence d'apparition de nouvelles fissures ainsi que les vérifications effectuées sur les structures apparentes de l'immeuble lui permettent d'affirmer que l'immeuble est définitivement stabilisé et ne nécessite pas d'autres interventions que celle consistant en une reprise des calfeutrements sommairement réalisés et la fermeture des fissures existantes pour un coût estimé à 2160€ HT .
Le maître de l'ouvrage ne conteste pas ces conclusions et la Cour observe que dix ans après la réalisation des fondations, les époux [X] n'invoquent aucun désordre nouveau susceptible de faire douter de la solidité et de la stabilité de leur pavillon et de la pertinence de l'avis de l'expert judiciaire.
Cette expertise vient donc valider, a posteriori, la thèse soutenue en 2000 par le constructeur qui affirmait que les fissures n'auraient aucun impact sur la stabilité de l'immeuble et refusait, par suite, de financer des investigations qu'il estimait inutiles de sorte qu'on ne peut pas imputer à la faute d'ART CONCEPT l'arrêt du chantier qui s'imposait logiquement dans l'attente des constatations de l'expert judiciaire, le constructeur étant libre de refuser de financer des études complémentaires non prévues au contrat et que le maître de l'ouvrage pouvait tout aussi bien financer, étant rappelé que ces investigations étaient à l'époque évaluées par Mr [I] à 35 000 francs , somme bien inférieure à celle exposée par les époux [X] dans le cadre de l'expertise judiciaire (plus de 12 000€).
S'agissant ensuite de la longueur excessive des opérations d'expertise
S'il est exact que la société ART CONCEPT n'a communiqué que le 8 Octobre 2001 le rapport de visite de [P] (étude de sol) promis depuis le 24 Novembre 2000, ce retard n'a pas empêché l'expert judiciaire de poursuivre sa mission (page 6) en faisant intervenir son sapiteur PROJEX le 19 Mars 2001, lequel a préconisé une étude de sol par un géotechnicien pour lui permettre de réaliser son étude de la stabilité de la structure, ce qui a conduit l'expert judiciaire à consulter la société SOLS ETUDES FONDATIONS, les devis de ces deux sociétés ayant été communiqués aux parties le 5 Février 2002.
Par contre, l'expert judiciaire (note en expertise n°5 du 5 Février 2002) a constaté que la société ART CONCEPT n'avait pas réalisé les essais de résistance de sol ni les sondages complémentaires préconisés par le bureau d'études [P] compte tenu de l'épaisseur de remblai, réalisant des fondations classiques sans établir de plan de béton.
Par ailleurs, rendu destinataire d'un second plan des fondations d' ART CONCEPT, l'expert judiciaire a relevé des différences non négligeables entre ces deux plans et, compte tenu de l'impossibilité de vérifier les ouvrages effectivement réalisés, estimé indispensable de poursuivre les investigations.
Le rapport PROJEX reçu en Août 2002 a conclu au sous-dimensionnement de certaines semelles et des parois de la cave pour supporter les poussées de terre et de la nappe, ce qui a conduit l'expert judiciaire à préconiser des travaux de renforcement (note n°8 du 30 Août 2002) justifiant, selon lui, une étude technique complémentaire.
Vivement critiqué par les intervenants, le rapport PROJEX a néanmoins été accepté par l'expert judiciaire qui convenait (note n°10 du 12 Décembre 2002) que son sapiteur ne pouvait pas tenir compte dans ses calculs des renforts réalisés par ART CONCEPT, notamment ceux situés sous la dalle, dans la mesure où aucun plan fiable n'avait été dressé par le constructeur permettant d'en connaître l'emplacement exact sauf à démolir la dalle et évacuer le sable du remblai.
Mr [N] concluait le 12 Décembre 2002:
'nous sommes dans une impasse. Deux solutions sont envisageables: de nouveaux sondages dans le vide sanitaire et sous la dalle pour pouvoir dresser un plan exact des ouvrages de renfort réalisés et les prendre en compte dans les calculs de stabilité ou stabiliser les murs par la poursuite du remblaiement avec démolition de la dalle'.
Un nouveau plan des ouvrages béton transmis par ART CONCEPT le 3 Janvier 2003 avec une étude du BET GELEZ suscitait le 17 Septembre 2003 (note n°11) des réserves de l'expert judiciaire qui constatait qu'il s'agissait là du 3ème plan communiqué par le constructeur durant l'expertise, rappelait les différences entre les deux premiers (semelles de 45 cm dans le premier, de 60 cm dans le second), soulignait que la conformité de l'ouvrage restait liée à la largeur réelle des semelles, invérifiable sauf à réaliser des sondages complémentaires qu'il préconisait.
Après une réunion d'expertise organisée le 3 Décembre 2004, les sondages réalisés le 5 Janvier 2005 par la société SOLS ETUDES FONDATIONS ont permis notamment de vérifier le dispositif de renforcement réalisé par ART CONCEPT, d'établir que vide-sanitaire et fondations se trouvaient en terrain sec, que la largeur des semelles était bien de 60 cm, que les ouvrages étaient exempts de microfissurations (note n°15 du 1er Février 2005).
Le 22 Février 2005, l'expert judiciaire a souhaité une nouvelle note de calcul de PROJEX, qui n'a pas été réalisée en dépit de la note n°16 du 26 Décembre 2005 faute de consignation de la provision complémentaire sollicitée, conduisant l'expert judiciaire à dresser le 5 Décembre 2006 sa note de synthèse constituant la trame de ses conclusions telles qu'elles ont été rappelées plus haut.
Ce rappel chronologique des opérations d'expertise appellent de la Cour les observations suivantes :
-il est manifeste que toutes les investigations ci-dessus énumérées n'auraient pas été menées si d'une part le constructeur avait, avant de démarrer les travaux, réalisé les essais de résistance du sol et les sondages jugés indispensables par le [W] (ce qui explique d'ailleurs la non communication de son rapport à Mr [I] et sa transmission tardive à Mr [N]) d'autre part établi des plans de détail et études des ouvrages de renfort réalisés qu'il s'est avéré incapable de communiquer à l'expert judiciaire (note n°4) ;
- l'expert judiciaire s'est trouvé confronté à la communication par le constructeur de trois plans successifs des fondations, au contenu différent, dont il a sérieusement mis en doute l'authenticité, ceux-ci lui paraissant avoir été établis pour les besoins de l'expertise, de sorte qu'il a fallu poursuivre les sondages pour pouvoir accéder aux ouvrages litigieux qui n'étaient plus visibles.
C'est donc bien la carence de la société ART CONCEPT dans l'établissement d'études et plans jugés indispensables par les professionnels concernés , à laquelle s'ajoute une réticence certaine dans la transmission de documents propres à établir ses insuffisances comme le rapport [W], qui expliquent la longueur des opérations d'expertise et, par suite, le retard pris dans la réalisation de l'édifice, du moins pour partie.
En effet, la société ART CONCEPT ne peut être tenue pour responsable de certaines lenteurs relevées dans le déroulement des opérations d'expertise (le plan transmis par elle le 3 Janvier 2003 est commenté par l'expert judiciaire le ... 17 Septembre 2003; l'année 2004 ne donne lieu à aucune investigation particulière avant la réunion d'expertise du 3 Décembre 2004; après les sondages de Janvier 2005 et la note n°15 du 1er Février 2005, les opérations d'expertise restent au point mort jusqu'à la note de synthèse de Décembre 2006).
Enfin, la Cour relève que c'est le constructeur et non le maître de l'ouvrage qui a pris l'initiative de saisir le juge du fond, les époux [X] ayant sollicité l'achèvement de la construction dans le cadre de leurs demandes reconventionnelles..
La Cour estime dès lors que deux années d'expertise sont directement imputables à la carence et aux insuffisances de la société ART CONCEPT, responsable à ce titre et dans cette limite du retard de livraison de l'immeuble.
Conformément aux dispositions contractuelles, cette carence sera sanctionnée par l'octroi au maître de l'ouvrage de pénalités de retard à hauteur de 28 281€ (pénalité de 38.74€ sur 730 jours).
Le jugement entrepris sera donc réformé sur le montant des pénalités de retard allouées au maître de l'ouvrage avec toutes conséquences de droit quant aux restitutions des sommes en trop perçues par les époux [X] par l'effet de l'exécution provisoire.
Par voie de conséquence, la garantie de la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES retenue par le Tribunal sera cantonnée à la somme susvisée.
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Sur la réception de l'immeuble
La société LES RESIDENCES ART CONCEPT réitère en appel sa demande de réception judiciaire de l'immeuble au 24 Août 2000, date de l'assignation en référé des époux [X] .
La Cour fait sienne sur ce point l'analyse du Tribunal qui a estimé que l'immeuble n'était pas habitable à cette date au vu des constatations effectuées par huissier de justice le19 Mai 2008 (chape non réalisée, gaines électriques à même le sol, fils électriques non posés, escalier d'accès à l'étage non réalisé etc..)
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
Ceci étant, ART CONCEPT fait valoir que la construction est aujourd'hui achevée et en veut pour preuve un procès-verbal 'd'expertise' établi à son initiative par Mr [U], du cabinet BRP CONSEIL le 2 Juillet 2010 attestant notamment du quasi-achèvement du lot second oeuvre, de la pose de la chaudière, des radiateurs et de l'escalier d'accès au premier étage.
Les époux [X] , qui n'ont pas été associés à cette 'expertise', confirment quant à eux qu'ils ont débroussaillé le terrain pour en permettre l'accès au constructeur dont l'intervention a débuté le 26 Novembre 2009, fait procéder à l'ouverture du compteur d'eau le 4 Décembre 2009, choisi les carrelages courant Octobre 2009 dans les locaux d'ART CONCEPT et fourni la nouvelle chaudière en Décembre.
Il appartient, dès lors, au constructeur (qui ne prétend pas l'avoir fait) de convoquer le maître de l'ouvrage aux fins de réception, suivant les modalités prévues au contrat (article III-5 des Conditions Générales et chapitre C-3 des Conditions Particulières).
Sur les demandes accessoires
Les époux [X] ne critiquent pas la décision du Tribunal qui les a condamnés au paiement de la somme de 32 941.93€ (216 084.91 francs) correspondant à la situation N°5 ( travaux réalisés à 75 %) augmentée des intérêts contractuels au taux de 1%.
La société LES RESIDENCES ART CONCEPT sollicite , par contre, l'infirmation du jugement en ce qu'il fixe le point de départ de ces intérêts au jour du dépôt du rapport d'expertise, estimant ces intérêts exigibles depuis la mise en demeure du 4 Août 2000 conformément au contrat.
La Cour rappelle que sur les situations 3 et 4 adressées par le maître de l'ouvrage les 22 et 30 Juin 2000 pour un peu plus de 190 000 francs, les consorts époux [X] ont versé au constructeur une somme de 50 000 francs et placé le surplus sur un compte séquestre au regard des réserves formulées par Mr [I] sur la stabilité de leur immeuble.
La Cour estime, au regard des conclusions somme toutes inquiétantes de cet expert, que les craintes du maître de l'ouvrage étaient légitimes et par suite justifié jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire ce dépôt des sommes dues sur un compte séquestre que le juge des référés a d'ailleurs autorisé dans son ordonnance du 5 Septembre 2000.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Le constructeur réclame, par suite de l'achèvement de l'immeuble durant l'instance d'appel, le solde du marché, soit la somme de 30 537.29€, demande que les époux [X] estiment irrecevable, puisque nouvelle en appel, la créance étant en toute hypothèse insuffisamment détaillée.
La Cour considère, toutefois, cette demande recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile compte tenu de l'exécution provisoire attachée au jugement, de la justification parle constructeur de la reprise des travaux , au demeurant admise par les époux [X], des constatations effectuées par Mr [U] le 2 Juillet 2010, et des photographies annexées.
Ceci étant, la Cour rappelle que selon le contrat et conformément aux dispositions légales d'ordre public qui régissent la construction de maison individuelle, les 5% restant dus sur le prix du marché ne sont payables qu'à la réception suivant modalités définies à l'article R 231-7 du code de la construction et de l'habitation.
La demande de la société LES RESIDENCES ART CONCEPT doit donc être accueillie dans la limite d'une somme complémentaire de 23 179.66€ correspondant à 95 % du marché soit 110 103.32€ dont à déduire les versements opérés par les époux [X] tels que retenus par le Tribunal (53 981.74€) et les sommes allouées par le jugement (32 941.93€) au titre de la situation N°5 (75% des travaux).
La Cour estime non caractérisé le préjudice financier et commercial invoqué par la société LES RESIDENCES ART CONCEPT.
Celle-ci sera déboutée de ce chef.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties tant en première instance qu'en cause d'appel.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il octroie une indemnité de procédure aux époux [X] et les parties déboutées en appel de leurs demandes de ce chef.
Enfin, il est constant que l'expertise judiciaire trouve sa source dans l'apparition de désordres affectant les fondations imputables au constructeur et dont l'absence d'impact sur la stabilité de l'édifice n'a pu être déterminée qu'à la faveur d'une expertise judiciaire.
Il est donc justifié de faire supporter les frais d'expertise judiciaire comme le coût des investigation des sapiteurs requis par l'expert judiciaire à la société ART CONCEPT, le jugement étant confirmé de ce chef.
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PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris excepté en ce qui concerne le montant des pénalités de retard et l'indemnité de procédure octroyées au maître de l'ouvrage avec toutes conséquences de droit quant à la restitution des sommes en trop perçues par les époux [X] dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;
Statuant de ces chefs et y ajoutant,
CONDAMNE la société LES RESIDENCES ART CONCEPT et la société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES in solidum à verser aux époux [X] une somme de 28 281€ au titre des pénalités de retard ;
CONDAMNE les époux [X] à verser à la société LES RESIDENCES ART CONCEPT une somme de 23 179.66€ correspondant à la situation n°6 (achèvement des travaux d'équipement, de plomberie, de menuiserie et chauffage) ;
DIT qu'il s'opérera compensation entre les créances respectives des parties ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société LES RESIDENCES ART CONCEPT aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et frais du référé, avec faculté de recouvrement au profit de la SCP DELEFORGE FRANCHI conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,
[O] [B] [M]