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27/10/2009 | FRANCE | N°08/00477

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 27 octobre 2009, 08/00477


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 27/10/2009



***



N° de MINUTE :



N° RG : 08/00477

Jugement (N° 04/11156) rendu le 06 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : GG/VR







APPELANTS



S.A.R.L. ARCHITECTURE [Z] [W] désormais dénommé 'SAS [W] Associés'

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité

8]



Monsieur [Y] [W]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 4]

[Localité 8]



Monsieur [R] [Z]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 11] ([Localité 11...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 27/10/2009

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/00477

Jugement (N° 04/11156) rendu le 06 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : GG/VR

APPELANTS

S.A.R.L. ARCHITECTURE [Z] [W] désormais dénommé 'SAS [W] Associés'

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 8]

Monsieur [Y] [W]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 4]

[Localité 8]

Monsieur [R] [Z]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 11] ([Localité 11])

demeurant [Adresse 4]

[Localité 9]

représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

assistés de la Selarl Michel HUET et Associés, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.N.C. EIFFAGE IMMOBILIER NORD PAS DE CALAIS

Société en Nom Collectif

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

assistée de Maître Pierre VERLEY, avocat au barreau de LILLE

S.A.E.M. EURALILLE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 7]

représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

assistée de Maître BOUCHEZ du Cabinet VIEIL JOURDE, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Dominique DUPERRIER, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 15 Juin 2009

après rapport oral de l'affaire par Gisèle GOSSELIN

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

VISA DU MINISTÈRE PUBLIC

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 Juin 2009

*****

Par jugement rendu le 06 décembre 2007, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a déclaré la SARL Architectures [Z]-[W], Monsieur [W], Monsieur [Z] irrecevables en leurs demandes ; a débouté la société EIFFAGE Immobilier Nord Pas-de-Calais de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ; a condamné in solidum les demandeurs à verser à chacune des sociétés défenderesses, la société EIFFIAGE Immobilier Nord Pas-de-Calais, la SAEM EURALILLE la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par déclaration du 21 octobre 2008, la SARL d'Architectures [Z]-[W], Monsieur [W], Monsieur [Z] ont formé appel ;

Par conclusions déposées le 02 juin 2009, la SARL d'Architectures [Z]-[W], Monsieur [W], Monsieur [Z] sollicitent :

la réformation du jugement entrepris ;

statuant à nouveau, ils :

demandent qu'il soit dit que la société d'Architectures [Z]-[W] désormais dénommée '[W] Associés' est titulaire des droits patrimoniaux sur les projets conçus dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 15 décembre 1991 ; que Messieurs [Z] et [W] sont titulaires du droit moral sur les projets conçus dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 15 novembre 1991 ;

réclament la condamnation solidaire de la société EIFFAGE Immobilier et de la SAEM EURALILLE

1°) à payer à la société d'Architectures [W] et Associés la somme globale de 150 000 euros sauf à parfaire à titre d'indemnité la réparation de son préjudice résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux sur les projets conçus dans le cadre du contrat de 1991 ;

2°) à verser à titre d'indemnité en réparation de leur préjudice résultant de l'atteinte de leur droit moral à Monsieur [Z] et Monsieur [W] la somme de 75 000 euros chacun, sauf à parfaire ;

demandent que soit ordonnée la publication de la décision à intervenir dans deux quotidiens nationaux et un quotidien régional et ce aux frais des sociétés intimées ;

réclament la condamnation solidaire des intimés au paiement de la somme globale de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions déposées le 12 mai 2009, la SAEM EURALILLE demande de :

à titre principal,

Vu l'article L113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle,

constater que la conception architecturale des tours du Triangle des gares constitue une oeuvre collective,

constater que la SARL [Z]-[W], de même que Messieurs [Y] [W] et [R] [Z], n'en sont pas les auteurs,

dire et juger en conséquence que la SARL [Z]-[W] n'a pas qualité pour en revendiquer la protection au titre de ses prétendus droits patrimoniaux,

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil,

constater que Messieurs [Y] [W] et [R] [Z] ne rapportent pas la preuve qu'ils seraient les auteurs des plans sur lesquels ils revendiquent un droit moral,

dire et juger en conséquence que Messieurs [Y] [W] et [R] [Z] n'ont pas qualité pour en revendiquer la protection au titre leur prétendu droit moral,

confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables la SARL [Z]-[W] ainsi que Messieurs [Y] [W] et [R] [Z] en leurs demandes,

à titre subsidiaire,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu les articles L131-2 et L131-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 13-3 du contrat de maîtrise d'oeuvre du 5 décembre 1991,

constater que la SARL [Z]-[W] a cédé ses droits patrimoniaux,

dire et juger en conséquence qu'elle n'a pas qualité pour en revendiquer la protection,

confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la SARL [Z]-[W] en ses demandes,

à titre plus subsidiaire,

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil,

constater que les appelants ne précisent pas de quelle partie de l'oeuvre ils prétendent être reconnus pour auteurs et ne justifient ni de l'originalité de cette partie, ni en quoi, à la supposer originale, elle aurait être contrefaite,

constater que la contrefaçon alléguée n'est pas établie,

à titre encore plus subsidiaire,

constater que la SAEM EURALILLE, simple venderesse de charges foncières est étrangère à la contrefaçon reprochée,

dire et juger qu'elle est étrangère aux modalités selon lesquelles a été présentée la paternité de la tour litigieuse,

à titre infiniment subsidiaire,

dire et juger que la preuve du préjudice n'est pas rapportée,

constater l'absence de préjudice, les appelants ayant déjà été rémunéré,

en toute hypothèse,

débouter en conséquence, la SARL [Z]-[W] ainsi que Messieurs [Y] [W] et [R] [Z] de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la SAEM EURALILLE,

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les appelants aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement de la SAEM EURALILLE d'une somme de 6 000 euros à titre d'indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance,

y ajoutant, condamner in solidum la SARL [Z]-[W] et Messieurs [Y] [W] et [R] [Z] au paiement d'une somme de 15 000 euros à la SAEM EURALILLE, à titre d'indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

Par conclusions déposées le 16 janvier 2009, la SNC EIFFAGE Immobilier Nord Pas-de-Calais demande de dire que les prétentions formulées par Messieurs [Z] et [W] et par la société [Z] et [W] sont irrecevables - en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ; - en ce qu'elles sont diligentées à la requête de messieurs [Z] et [W] d'autre part ; en conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par les appelants comme étant irrecevables ; à titre subsidiaire, elle soutient que les demandes formées par la société [Z]-[W], Monsieur [Z] et Monsieur [W] sont malfondées ; elle sollicite leur rejet ; à titre subsidiaire, elle demande de diminuer dans des proportions beaucoup plus raisonnables les prétentions émises par la société [Z]-[W], Monsieur [Z] et Monsieur [W] ;

Enfin elle réclame la condamnation in solidum des appelants au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

A la fin des années 1980, la SAEM EURALILLE s'est vu confier une opération d'aménagement, la [Adresse 14] ;

Il était prévu de créer un centre international d'affaires dénommé 'le triangle des gares' ;

La SAEM EURALILLE a chargé un urbaniste KEM KOOLHAS d'élaborer un plan d'aménagement d'ensemble et a désigné un architecte en chef la SA SEAN [K], [B] [C] et Associés (JNEC) et l'agence [I] [D], société en nom propre ;

La SAEM EURALILLE a cédé des 'droits à construire' à différents promoteurs ;

Le 26 juillet 1991, elle a ainsi cédé aux société SOFAP et MARIGNAN Immobilier agissant au nom et pour le compte de la SNC LILLE 93 en cours de formation la réalisation de cinq tours, les 'superstructures' situées [Adresse 13] ;

La maîtrise d'ouvrage a passé un contrat de maître d'oeuvre particulière avec la SARL d'Architectures TRAITEMENT DE L'ESPACE représentée par Monsieur [Z] ou Monsieur [W], les sociétés PROJETUD, OTH NORD OUEST, GEORGES V GESTION ;

Trois des cinq tours ont été réalisées à cette époque ;

Puis le projet était relancé en 2001 et la tour 4 était réalisée sous la maîtrise d'oeuvre de l'agence [D] et [J], selon les appelants à l'identique des trois premières ;

Sur la recevabilité des demandes en réparation de la violation des droits d'auteur revendiqués par les appelants dirigées contre la société EIFFAGE IMMOBILIER

L'acte de vente du 02 avril 2004 a été conclu entre la SAEM EURALILLE et la SNC EURALILLE METROPOLE EUROPE représentée par sa gérante la société EIFFAGE Immobilier ;

Le dossier de demande de permis de construire pour la tour n° 4 a été déposé en juillet 2003 avec pour pétitionnaire la société EIFFAGE Immobilier, ce programme intégrant la conception des façades définie lors du permis initial (cf. Courrier de [I] [D] du 20 avril 2004 à Messieurs [Z] et [W]) ; le permis de construire a été accordé avec comme contrainte notamment que l'aspect extérieur de la tour n° 4 soit strictement identique à celui des trois tours existantes ;

La SNC EIFFAGE Immobilier est susceptible de voir sa responsabilité personnelle engagée ;

La demande formée à son encontre est recevable ;

Sur la titularité des droits d'auteur

La société [Z]-[W], désormais dénommée [W] Assoicés, prétend

être titulaire des droits patrimoniaux sur le projet conçu dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre de 91, et plus particulièrement sur les ouvrages extérieurs, les façades, leur modénature et leur graphisme ;

Les intimées soutiennent que la conception architecturale des tours constitue une oeuvre collective dont l'auteur serait la société JNEC et l'agence [I] [D] ;

Il est constant que le Triangle des Gares était un projet considérable dans ses dimensions, complexe compte-tenu de la multiplicité des programmes et des acteurs (maîtres d'ouvrage - maîtres d'oeuvre) ;

Aussi un contrat d'architecte en chef était-il conclu entre la maîtrise d'ouvrage et la société d'architecture JNEC et l'agence [D] ;

Ces derniers avaient notamment pour mission : la définition et la conception générale des façades et de la volumétrie de l'ensemble des projets du Triangle des Gares ;

Il ressort des différents entretiens accordés par [L] [K] régulièrement produits aux débats qu'il a eu pour objectif de créer une certaine harmonie pour des programmes très diversifiés (centre commercial - parking - ensemble immobilier...) ; que chargé de la maîtrise d'oeuvre directe pour les parking, l'architecture externe du centre commercial et l'architecture 'sous contrainte' de l'immeuble [Adresse 12], il a défini à partie de là les règles générales de l'ensemble de ce qui a été construit ;

Cependant si une cohérence générale a été recherchée, les superstructures existent en tant que telles, et ne sont pas fondues dans une conception uniforme, un contrat de maîtrise d'oeuvre particulière a été conclu pour les superstructures ; la société TRAITEMENT DE L'ESPACE se voyait confier la conception et la réalisation des immeubles [Adresse 13] et en phase conception les études préliminaires, L'ADS + PC, l'ADD, le DCE, l'AMT, avec la définition des façades extérieures ;

Le contrat définissait également la répartition des missions et les taches au sein de la maîtrise d'oeuvre [Adresse 13],

à la société TRAITEMENT ET ETUDE la définition des façades extérieures avec intégration des contraintes de fonctionnement, le suivi architectural des travaux,

à JNEC la mission d'architecte en chef avec définition de la conception et de la volumétrie d'ensemble du Triangle des Gares, vérification aux différents stades de la conception et de la réalisation de la cohérence architecturale des différents éléments du programme du Triangle des Gares, une mission d'architecte conseil sur les 5 tours avec coordination des conceptions des différents architectes des maîtres d'ouvrages du Triangle des Gares, la mise au point d'un cahier des charges architecturales, l'orientation et la validation des choix architecturaux des architectes d'opération sur les façades extérieures afin d'assurer la conformité des projets avec la conception d'ensemble ;

Les seuls documents produits aux débats émanant de l'architecte en chef sont la notice architecturale annexée au permis de construire initial et un plan façade [Adresse 13] dont l'auteur est mentionné comme étant JNEC ;

Ce plan insiste particulièrement sur le dessin de la façade du centre commercial au droit des tours et de leurs entrées, l'élévation proprement dite des tours étant représentée par un simple rectangle quadrillé surmonté de publicité ;

La notice architecturale, dans la présentation générale, ne consacre que quelques lignes aux tours ; des sculptures lumineuses en partie haute et en partie basse révèlent l'identité des tours ; leurs façades seront vitrées et auront un accès protégé par un auvent vitré en débord sur la rue ;

Au niveau de la conception générale et de la description sommaire de la façade [Adresse 13], il est surtout question de la façade du centre commercial 'ponctuée par 5 tours... ; il est mentionné l'usage de panneaux translucides et opaques constitutifs d'une trame et d'une résille métallique permettant d'animer la façade ;

Il apparaît, à la lumière de ces quelques pièces, que les indications données par l'architecte en chef n'ont constitué qu'un concept qui a pris forme par le travail de la société TRAITEMENT DE L'ESPACE, de Messieurs [Z] et [W] ;

Dans un entretien, [L] [K] fait état d'une 'collaboration' très fructueuses avec Messieurs [Z] et [W], qui ont ainsi fait valoir leurs points de vue ;

Dans le cadre de sa mission de coordination, l'architecte en chef a certes donné des consignes, des orientations, des observations, comme le reconnaissent dans leurs écritures Messieurs [Z] et [W], à la suite desquelles ils ont entendu apporter leurs propres modifications à leur projet ;

Mais il n'est pas démontré que les interventions de l'architecte en chef aient dépassé le stade de simples directives ayant entravé la liberté d'expression de [Z] et [W] ;

Aussi les intimés seront-ils déboutés de leur demande principale tendant à voir dire que la SARL [Z] n'a pas qualité pour revendiquer la protection de droits patrimoniaux dont elle n'est pas titulaire, au motif qu'il s'agit d'une oeuvre collective, ce qu'ils n'établissent pas ;

A titre subsidiaire, ils soutiennent que la SARL [Z] et [W] a cédé ses droits patrimoniaux ;

Il convient d'en déduire qu'ils admettent que la SARL [Z] et [W] est titulaire de droits patrimoniaux sur la conception de l'architecture extérieure des façades des tours qui n'est pas une oeuvre collective ;

Le contrat de maîtrise d'oeuvre des superstructures prévoyait, en son article 13 consacré à la résiliation, qu'en cas de résiliation le paiement des honoraires, remboursement et indemnités, dûs à la maîtrise d'oeuvre serait subordonnée à la remise préalable de cette dernière, des documents susceptibles de permettre au maître d'ouvrage de faire poursuivre, le cas échéant, par une autre maîtrise d'oeuvre, la réalisation des missions faisant l'objet du présent contrat ;

La société SAEM et EIFFAGE Immobilier en concluent que la société [Z] et [W] a consenti à la cession de ses droits ;

Toutefois, les droits cédés doivent être limitativement énumérés, quant à la détermination des modes d'exploitation autorisés, à la destination du lieu de l'exploitation, à la durée ;

Aucune de ces précisions ne figure dans la clause rapportée ci-dessus ;

En fait, ladite clause n'évoque pas les droits d'auteur ni leur cession, elle concerne tout au plus le transfert de la propriété matérielle des plans qui n'entraîne pas celui de la propriété des droits d'auteur ;

*

* * *

L'originalité d'une oeuvre intellectuelle s'entend de la marque de l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Pour la société [Z] et [W], l'originalité des tours se situe dans leur aspect extérieur, leur modénature ;

Les façades sont composées de panneaux d'aspects différents associés de telle façon qu'ils constituent des tableaux rectangulaires encadrés de larges supports de couleur foncée en relief ;

Des traits rouges plus ou moins larges marquent la façade aux angles et verticalement sur toute la hauteur ;

Le contraste des couleurs, le jeu des lumières tant le jour que la nuit résultant de l'alternance de panneaux opaques et vitrées animent la façade surlignée au sommet par une résille destinée à recevoir des enseignes lumineuses ;

La composition externe de la façade constitue l'apport intellectuel de l'auteur, formant un graphisme original pour un immeuble qui n'apparaît pas nécessairement induit par des contraintes extérieures, techniques ou économiques ;

En conséquence, la protection des droits d'auteur est due sur la conception de l'architecture externe des façades des superstructures conçues dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 15 décembre 1991 ;

Il a déjà été rapporté ci-dessus que le nouveau programme pour la 4ème tour intégrait la conception des façades définies lors du permis de construire initial ; que le permis de construire pour la 4ème tour imposait un aspect extérieur identique à celui des 3 premières tours ;

Il est constant que la conception des façades extérieures établie en 1991 a été reproduite à l'identique pour la 4ème tour ;

Il y a donc eu violation des droits d'auteur sur les projets conçus dans le cadre du contrat de 1991 ;

*

* * *

La SAEM EURALILLE conteste sa responsabilité dans la violation de ces droits d'auteur ;

Suivant protocole d'accord le 04 mai 1994 ente la SAEM EURALILLE, la SOFAP et MARIGNAN IMMOBILIER INVESTISSEMENT, les parties ont entendu résilier la promesse de vente conclue en 1991 portant sur l'assiette foncière du Triangle des Gares ; et par voie de conséquence, la SOFAP s'engageait à résilier les contrats pour la réalisation des tours 4 et 5, et notamment le contrat de maîtrise d'oeuvre des superstructures ;

Et la SAEM EURALILLE rachetait à la SOFAP et la SNC Chaude Rivière les études destinées à la conception des tours IV et V ;

Or, la SAEM EURALILLE a cédé par acte du 02 avril 2004 à la SNC EURALILLE EUROPE les droits à construire portant sur l'assiette foncière de la Tour IV, l'acquéreur s'engageant à la construire conformément aux plans masse et de façades préalablement agréés par EURALILLE ;

Et il résulte des développements précédents que la tour IV a été construite à partir des plans de façades dressés en 1991 ;

En conséquence, alors qu'aux termes du cahier des charges de cession des terrains ou des lots de propriété annexés à l'acte du 02 avril 2004, le constructeur devait établir ses projets en concertation étroite avec la SAEM, cette dernière, qui avait obtenu le transfert de la propriété des plans de 1991, a contribué à la violation des droits d'auteur présentement en cause ;

Il en est de même pour la société EIFFAGE Immobilier pour les motifs retenus pour déclarer recevable l'action dirigée par les appelants à son encontre ;

*

* * *

La société [Z] [W] sera donc déclarée recevable et bien fondée en son action en réparation de l'atteinte aux droits patrimoniaux dont elle est titulaire dirigée contre la société EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE ;

Quant à Messieurs [Z] et [W], ils se prétendent titulaires des droits moraux ;

Le cartouche des plans des façades mentionne comme auteur la société TRAITEMENT ET ESPACE - [Z] et [W];

Il convient d'en déduire que Messieurs [Z] et [W] associés au sein de la société TRAITEMENT ET ESPACE sont les personnes physiques conceptrices des plans en question, tandis que l'architecte responsable du projet également désigné est celui qui est chargé de la gestion et du suivi du projet ;

En conséquence Messieurs [Z] et [W] sont donc recevables et bien fondés à solliciter la réparation de l'atteinte portée au droit moral sur les projets conçus dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 15 décembre 1991 et dont ils sont titulaires, et ce tant à l'encontre de la société EIFFAGE Immobilier que de la SAEM EURALILLE ;

*

* * *

La société [Z]-[W] a reçu paiement des honoraires dûs en l'état d'avancement du programme, remboursement des frais déjà engagés par elle pour les travaux des phases suivantes (tours IV et V) et une indemnité pour son préjudice et son manque à gagner fixée à 10 % des honoraires restant à percevoir ;

Elle n'a évidemment perçu aucune somme pour les droits d'auteur qu'elle n'a pas cédés ;

Il résulte des documents de la cause que l'aménagement du Triangle des Gares a été une opération d'envergure dont le retentissement a rejailli sur les différents programmes la composant ;

Et le programme des superstructures en tant que tel a eu un impact médiatique certain ;

Dans ces conditions le respect du droit à la paternité de l'oeuvre est d'autant plus important que le travail en cause ne pouvait qu'accroître la notoriété des auteurs ;

L'atteinte au droit moral sera indemnisée par l'allocation à Messieurs [Z] et [W] d'une somme de 30 000 euros chacun ;

D'autre part, compte tenu de l'impact financier du programme en question, il y a lieu d'indemniser l'atteinte portée aux droits patrimoniaux et plus particulièrement au droit de reproduction par l'allocation d'une somme de 80 000 euros ;

Enfin, il sera fait droit à la demande de publication de la présente décision selon les modalités fixées au dispositif ;

D'autre part, il sera alloué aux appelants la somme global de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SNC EIFFAGE Immobilier, partie perdante, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée contre la société [W] et Associés, Messieurs [Z] et [W] ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré ;

Déclare recevables les demandes formées par la SAS d'Architecture [W] et Associés, Messieurs [W] et [Z] à l'encontre de la SNC EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE ;

Dit que la conception de l'architecture extérieure des façades des superstructures, [Adresse 13], réalisée dans le cadre du contrat de maîtrise d'oeuvre du 05 décembre 1991, constitue une oeuvre de l'esprit bénéficiant de la propriété intellectuelle ;

Condamne in solidum, la SNC EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE à payer à la SAS d'architectures [W] et Associés la somme de 80 000 euros à titre d'indemnité en réparation de l'atteinte portée aux droits patrimoniaux dont elle est titulaire sur l'oeuvre définie ci-dessus ;

Condamne in solidum la SNC EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE à payer à Messieurs [Z] et [W] la somme de 30 000 euros chacun à titre d'indemnité en réparation de l'atteinte portée au droit moral dont il sont titulaires sur l'oeuvre définie ci-dessus ;

Ordonne la publication de la présente décision par extraits dans deux quotidiens nationaux et un quotidien régional au choix des appelants et aux frais de la SNC EIFFAGE Immobilier et de la SAEM EURALILLE tenues in solidum, dans la limite de 6 000 euros hors taxe par insertion ;

Condamne in solidum la SNC EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE à payer à la SAS [W] et Associés, Messieurs [Z] et [W] la somme globale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les sociétés intimées de toutes leurs demandes ;

Condamne in solidum la SNC EIFFAGE Immobilier et la SAEM EURALILLE aux dépens d'instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP THERY LAURENT, avoués associés, conformément l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Claudine POPEKGisèle GOSSELIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 08/00477
Date de la décision : 27/10/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°08/00477 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-10-27;08.00477 ?
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