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11/12/2008 | FRANCE | N°07/04091

France | France, Cour d'appel de colmar, Chambre civile 1, 11 décembre 2008, 07/04091


CC / SD

Copie exécutoire à

-Me Guillaume HARTER
-Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 11.12.2008

Le Greffier REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B

ARRET DU 11 Décembre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 07 / 04091

Décision déférée à la Cour : 18 Juin 2007 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
Défendeurs et APPELANTS :
Monsieur Lionel X...... 30700 ARPAILLARGUES

Monsieur Alexandre Y......... 34300 LE CAP D AGDE
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br>Monsieur Frédéric Z... ... 34300 AGDE

représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Demanderesse et INTIMEE :
Société...

CC / SD

Copie exécutoire à

-Me Guillaume HARTER
-Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 11.12.2008

Le Greffier REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B

ARRET DU 11 Décembre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 07 / 04091

Décision déférée à la Cour : 18 Juin 2007 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
Défendeurs et APPELANTS :
Monsieur Lionel X...... 30700 ARPAILLARGUES

Monsieur Alexandre Y......... 34300 LE CAP D AGDE

Monsieur Frédéric Z... ... 34300 AGDE

représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Demanderesse et INTIMEE :
Société de droit allemand WARSTEINER BRAUEREI HAUS CRAMER KG Domring 59581 WARSTEIN (ALLEMAGNE)

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me BRETEL, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre M. CUENOT, Conseiller, entendu en son rapport M. ALLARD, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE,
ARRET :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Attendu que la société de droit allemand WARSTEINER BRAUEREI a poursuivi M. Lionel X..., M. Alexandre Y... et M. Emile Z... pour obtenir l'exécution d'un engagement de caution souscrit par ceux-ci en faveur de la SARL PLEIN CIEL ;

Attendu que par jugement du 18 juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a condamné solidairement M. Lionel X..., M. Alexandre Y... et M. Frédéric Z... à payer à la brasserie WARSTEINER une somme de 79.439,07 euros et ses intérêts à compter du 5 mars 2003 ;
Que le Tribunal les a condamnés en outre in solidum à payer à la brasserie WARSTEINER une compensation de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que M. Lionel X..., M. Alexandre Y... et M. Frédéric Z... ont relevé appel de ce jugement le 27 septembre 2007, dans des conditions de recevabilité non contestées, en l'absence de justification de sa signification ;
Attendu qu'au soutien de leur recours, les appelants indiquent essentiellement que leur cautionnement est dépourvu de la mention manuscrite prévue par l'article L. 313-7 du Code de la consommation ;
Qu'ils font valoir que leur engagement est limité à 121.959,21 euros en principal, et 24.391,84 euros en intérêts, frais et accessoires ;
Qu'ils contestent le point de départ des intérêts fixé au 5 mars 2003 ;
Qu'ils indiquent qu'ils n'ont pas eu l'information annuelle due aux cautions par application de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, et qu'ils demandent en conséquence que leur créancier soit déchu de son droit aux intérêts contractuels ;
Qu'ils sollicitent un nouveau décompte de la part de la brasserie compte tenu du retrait de ces intérêts, et compte tenu d'un règlement de 25.000 euros intervenu au cours de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL PLEIN CIEL ;
Qu'ils estiment subsidiairement que leur engagement de caution, représentant de 76 à 129 mois de revenus pleins, était disproportionné ;
Qu'ils demandent la condamnation de la brasserie WARSTEINER à leur payer une indemnité de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par cette disproportion ;
Qu'ils sollicitent l'infirmation du jugement entrepris pour tenir compte des moyens précédents, et qu'ils demandent une compensation de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la société de droit allemand WARSTEINER BRAUEREI conclut à la confirmation du jugement entrepris, en précisant notamment qu'elle n'est pas un établissement de crédit soumis à la loi du 1er mars 1984, et que l'engagement des cautions de la société PLEIN CIEL ne peut pas être qualifié de disproportionné ;
Qu'elle sollicite 3.000 euros en compensation de son obligation de plaider ;
Attendu que les pièces versées aux débats montrent que le 30 mai 2001, la brasserie WARSTEINER a prêté une somme de 800.000 F à une SARL PLEIN CIEL pour l'acquisition d'un bar situé au Cap d'Agde ;
Attendu que ce prêt a été consenti dans le cadre d'un contrat de bière, qui engageait la société PLEIN CIEL à s'approvisionner exclusivement en bière WARSTEINER à raison de 250 hectolitres par an ;
Attendu que le prêt a été cautionné par les trois associés de la société PLEIN CIEL, M. Alexandre Y..., M. Frédéric Z... et M. Lionel X... ;
Que la caution a été donnée pour un principal de 800.000 F, soit 121.959,21 euros, augmenté de tous intérêts, frais et accessoires, évalués à 24.391,84 euros ;
Attendu que la SARL PLEIN CIEL ainsi que les cautions ont été mises en demeure de respecter l'engagement d'acquisition de la bière et de reprendre les paiements par courrier du 5 mars 2003 ;
Attendu que la SARL PLEIN CIEL a été placée en redressement judiciaire le 7 janvier 2004, et en liquidation judiciaire le 1er septembre 2004 ;
Attendu que la brasserie WARSTEINER a déclaré une créance totale de 91.566,40 euros, dont 79.439,07 euros en principal, et qu'elle a été admise pour ce montant, avec la garantie d'un nantissement sur le fonds de commerce ;
Attendu que la brasserie WARSTEINER a donc mis en oeuvre les cautions fournies par acte authentique du 30 mai 2001 ;
Attendu que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société PLEIN CIEL, elle indique avoir obtenu une somme de 25.000 euros, sans fournir cependant la date de réception de ce montant ;
Qu'un courrier du 29 août 2006 du liquidateur de la société annonçait un règlement avant la fin de l'année, tandis que le dernier décompte fourni par la brasserie WARSTEINER, arrêté au 15 novembre 2006, montre qu'elle n'avait pas encore enregistré de paiement à cette date ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments, la Cour rappelle que le formalisme de l'article L. 313-7 du Code de la consommation n'est pas applicable au cautionnement authentique ;
Attendu qu'au fond, il est exact que le cautionnement fourni par MM. X..., Y... et Z... a été limité à 121.959,21 euros en principal, somme qui a été majorée de 20 % au titre des accessoires, soit 24.391,84 euros ;
Que c'est donc dans la limite de 146.315, 05 euros que les trois cautions peuvent être poursuivies ;
Attendu que l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, ne s'applique qu'aux établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement d'une personne physique ;
Attendu que la brasserie WARSTEINER n'est naturellement pas un établissement de crédit ;
Qu'il est possible cependant de se demander si le fait pour elle d'accorder des crédits aux personnes avec qui elle est liée par un contrat de bière lui vaut d'être soumise à la disposition précédente ;
Attendu que cette Cour estime devoir apporter une réponse négative à cette question ;
Attendu en effet que le prêt accordé par la brasserie est indivisiblement lié à un contrat d'approvisionnement exclusif en bière ;
Attendu qu'il s'agit donc d'une variété de crédit accordé par un fournisseur ;
Attendu que soumettre les crédits accordés par les fournisseurs à la disposition précédente conduirait à en élargir de manière mal définie l'application ;
Que l'on se trouverait conduit à étendre l'application de cette disposition à tout fournisseur qui accorde un crédit à son client moyennant la sûreté d'une caution ;
Attendu qu'une telle extension n'apparaît pas légitime à cette Cour, et qu'il convient donc d'admettre que la disposition précédente n'est pas applicable à une brasserie qui accorde un crédit à un client lié avec elle par un contrat d'approvisionnement exclusif ;
Attendu d'ailleurs que les appelants invoquent plutôt ce qu'ils estiment être une soumission conventionnelle à la disposition précédente, sans prétendre que la brasserie WARSTEINER devrait y être soumise de plein droit ;
Attendu qu'il est exact que l'acte notarié indique que la brasserie WARSTEINER n'a pas d'obligation d'information envers la caution autre que celle prévue par la loi du 1er mars 1984 ;
Attendu cependant que cette Cour ne voit pas dans cette disposition ambiguë une soumission conventionnelle volontaire à la disposition en cause ;
Attendu qu'il est clair pour cette Cour que le notaire rédacteur a hésité quant à la soumission de plein droit de la brasserie à la disposition en cause, et qu'il a préféré opter pour une précaution rédactionnelle ;
Que cependant, il est assez manifeste pour cette Cour que le notaire rédacteur a entendu mentionner l'obligation résultant de la loi du 1er mars 1984 avec la condition implicite " pour autant que la brasserie y soit soumise " ;
Que le notaire a en effet hésité, comme tout à chacun d'ailleurs dans cette affaire, sur l'applicabilité de la disposition en cause au crédit consenti par la brasserie ;
Attendu qu'il n'y a pas eu cependant d'intention véritable de soumettre une personne qui n'y était pas assujettie aux obligations résultant de la loi du 1er mars 1984 ;
Attendu que la Cour écarte donc le moyen de déchéance des intérêts opposé par les cautions ;
Attendu que ces cautions étaient les trois associés de la société PLEIN CIEL, et qu'il s'agissait par ailleurs de personnes rompues aux affaires, puisque les documents fournis par la brasserie WARSTEINER montrent qu'elles étaient gérantes ou associées de diverses autres sociétés, civiles ou commerciales ;
Que M. Y... est gérant d'une société civile immobilière, que M. X... est cogérant avec son épouse d'une structure similaire, ainsi que d'une SARL ;
Que M. Z... gère plusieurs sociétés à responsabilité limitée, et qu'il est cogérant d'une société civile immobilière ;
Attendu que MM. Y..., X... et Z... étaient donc des personnes averties, et que la brasserie n'était pas débitrice d'une obligation particulière de mise en garde en ce qui les concerne ;
Attendu qu'il était normal par ailleurs pour la brasserie de se garantir contre un risque de dissipation des fonds prêtés par les associés de la société PLEIN CIEL ;
Que la réalisation d'un tel risque n'est pas rare dans le cadre des contrats de bière, et que l'on voit des dépôts de bilan qui suivent de quelques jours le déblocage du crédit ;
Attendu qu'il n'y avait pas en outre de disproportion particulière dans les engagements souscrits par les trois associés de la société PLEIN CIEL ;
Que ceux-ci ont déclaré des ressources moyennes, sans fournir d'indication particulière sur leur patrimoine, et que la prise d'un risque commercial à trois, limité au montant précédemment mentionné avec la garantie d'un nantissement de premier rang sur le fonds de commerce financé, était exempte de disproportion véritable ;
Attendu que cette Cour confirme par conséquent le rejet de la demande de dommages et intérêts présentée par les cautions ;
Attendu que les cautions ont garanti le principal et les intérêts dans la limite qui a été précédemment reconnue ;
Attendu qu'un décompte un peu elliptique de la brasserie WARSTEINER, non contesté cependant, montre qu'il restait dû en capital une somme de 79.439,07 euros au 8 septembre 2004 ;
Attendu qu'avec les intérêts au taux de 6 % l'an à compter de cette date, il restait dû à la brasserie une somme de 90.289,20 euros au 15 novembre 2006 ;
Attendu qu'il a déjà été observé que l'on ne connaissait pas la date de versement de la somme de 25.000 euros obtenue sur la vente du fonds de commerce ;
Que les éléments précédemment analysés conduisent à fixer cette date entre le 15 novembre 2006 et la fin de l'année 2006 ;
Attendu donc qu'à défaut de précisions suffisantes de la part du créancier, la Cour retient l'hypothèse la plus favorable aux débiteurs, c'est-à-dire un versement à la date du 16 novembre 2006 ;
Attendu que les trois cautions sont donc débitrices d'une somme ramenée à 65.289,20 euros au 16 novembre 2006, outre les intérêts au taux de 6 % l'an à compter de cette date ;
Attendu donc que réformant partiellement le jugement entrepris pour tenir compte de ce versement, la Cour condamne solidairement MM. X..., Y... et Z... à payer à la Brasserie WARSTEINER une somme de 65.289,20 euros et ses intérêts au taux de 6 % l'an à compter du 16 novembre 2006 ;
Qu'il faut rappeler en tant que de besoin que la limite supérieure de l'engagement est de 146.315,05 euros, intérêts compris ;
Attendu que la Cour condamne in solidum MM. X..., Y... et Z... à payer à la Brasserie WARSTEINER une compensation totale de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des deux instances ;
Que la Cour rejette toutes autres demandes plus amples ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REÇOIT l'appel de M. Lionel X..., de M. Alexandre Y... et de M. Frédéric Z... contre le jugement du 18 juin 2007 du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la validité des engagements de caution et en ce qu'il a rejeté le moyen de déchéance des intérêts et la demande de dommages et intérêts fondée sur la disproportion de ces engagements ;
Le REFORME sur le montant de la condamnation, et statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE solidairement M. Lionel X..., M. Alexandre Y... et M. Frédéric Z... à payer à la société de droit allemand WARSTEINER BRAUEREI une somme de 65.289,20 euros (soixante cinq mille deux cent quatre-vingt-neuf euros vingt centimes) et ses intérêts au taux de 6 % l'an à compter du 16 novembre 2006 ;
RAPPELLE en tant que de besoin que l'engagement des trois cautions est limité à la somme totale de 146.315,05 euros, intérêts compris ;
CONDAMNE in solidum M. Lionel X..., M. Alexandre Y... et M. Frédéric Z... à payer à la société de droit allemand WARSTEINER BRAUEREI une compensation totale de 1.800 euros (mille huit cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des deux instances ;
REJETTE toutes autres demandes plus amples émises de part et d'autre ;
CONDAMNE in solidum M. X..., M. Y... et M. Z... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/04091
Date de la décision : 11/12/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Prêteur - Prêteur autre qu'un établissement de crédit - Caractère du contrat - / JDF

L'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, ne s'applique qu'aux établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement d'une personne physique. En conséquence, étant indivisiblement lié à un contrat d'approvisionnement exclusif en bière, le contrat par lequel une brasserie accorde un prêt à une société, moyennant la sûreté d'une caution, correspond à une variété de crédit accordé par un fournisseur et ne peut donc être soumis à l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 18 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-12-11;07.04091 ?
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