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12/10/2007 | FRANCE | N°04/05498

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0004, 12 octobre 2007, 04/05498


MINUTE No 911/07

Copie exécutoire à :

- Me Anne CROVISIER
- Me Valérie SPIESER

Le 12/10/2007

COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

ARRET DU 12 Octobre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 04/05498

Décision déférée à la Cour : 21 Septembre 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR
APPELANTE et défenderesse :
LA SA SWISS LIFE PREVOYANCE ET SANTE, nouvelle dénomination de la SA SUISSE SANTE, dont le siège social est 86, Boulevard Haussmann à 75380 PARIS CEDEX 08, prise en la per

sonne de son représentant légal,
Représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour,Plaidant : Me BOUYEURE, Avoca...

MINUTE No 911/07

Copie exécutoire à :

- Me Anne CROVISIER
- Me Valérie SPIESER

Le 12/10/2007

COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

ARRET DU 12 Octobre 2007

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 B 04/05498

Décision déférée à la Cour : 21 Septembre 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR
APPELANTE et défenderesse :
LA SA SWISS LIFE PREVOYANCE ET SANTE, nouvelle dénomination de la SA SUISSE SANTE, dont le siège social est 86, Boulevard Haussmann à 75380 PARIS CEDEX 08, prise en la personne de son représentant légal,
Représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour,Plaidant : Me BOUYEURE, Avocat à LYON,

INTIMES et demandeurs :
1) Monsieur Yves Y..., demeurant ... à 68160 SAINTE-MARIE-AUX-MINES,
2) Madame Marie-Rose Y..., demeurant ... à 68160 SAINTE-MARIE-AUX-MINES,
Représentés par Me Valérie SPIESER, Avocat à la Cour,Plaidant : Me DECHRISTE Pierre-Jean, Avocat à COLMAR,

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 18 Mai 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :M. LEIBER, Président,Mme FRATTE, Conseiller,Mme SCHIRER, Conseiller,qui en ont délibéré.

Greffier ad'hoc, lors des débats : Mme Astrid DOLLE,
ARRET :- Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Astrid DOLLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

- Ouï M. LEIBER, Président, en son rapport.
En date du 6 janvier 2002, M. Y... Serge, qui circulait à bord de son véhicule CITROEN C5 entre MARCKOLSHEIM et SCHOENAU sur le CD 20 s'est engagé à vive allure sur les berges du canal d'Alsace d'où son véhicule, dans lequel il fut retrouvé noyé, chuta dans l'eau ;
Il avait auparavant souscrit divers contrats d'assurance destinés à couvrir le risque de décès accidentel auprès de la SA SUISSE SANTE, à savoir :
- en date du 6 mars 2001, un contrat ACCI TOP garantissant le versement d'un million de francs (152.449,01 €) au profit de son épouse, Marie-Rose Y... et de son fils Yves Y...,
- en date du 6 mars 2001, un contrat ECOPRESENCE, garantissant à son épouse à Marie-Rose Y... le versement de revenus mensuels de 9.000 F (1.372,04 €) pendant les 24 mois suivant l'accident ainsi que d'un capital de 600.000 F (91.469,41 €), et à son fils Yves Y... le versement d'un capital de 300.000 F (45.734,70 €),
- en date du 21 mars 2001, un contrat GARANTIES ACCIDENT garantissant à son épouse Marie-Rose Y... le versement de la somme de 300.000 F (45.734,70 €) ainsi que d'un revenu mensuel de 6.000 F (914,69 €) pendant les 36 mois suivant le paiement du capital, et à son fils Yves Y... le versement d'un capital de 300.000 F (45.734,70 €),
- en date du 21 mars 2001, un contrat ECOTEMPS garantissant le versement d'un capital de 137.800 F (21.007,47 €) à son épouse Marie-Rose Y...,
enfin,
- en date du 20 novembre 2001, un contrat ECOSOUTIEN garantissant le versement d'un capital de 7.000 € à son épouse Marie-Rose Y....
Selon acte d'huissier du 3 décembre 2002, Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y... ont fait assigner la SA SUISSE SANTE (qui leur opposait le caractère intentionnel du décès de M. Serge Y...), en paiement des indemnités d'assurance relatives à ces différents contrats ainsi que de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 21 septembre 2004, la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance de COLMAR, retenant le caractère accidentel du décès de M. Serge Y..., a fait droit aux demandes de Mme Marie-Rose Y... et de M. Yves Y... relatives aux différentes indemnités d'assurances assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2002, les déboutant cependant de leurs demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et, condamnant la SA SUISSE SANTE à leur payer la somme de 750 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 26 novembre 2004, la SA SUISSE SANTE, aux droits de laquelle vient à présent la Société SWISS LIFE PREVOYANCE ET SANTE, a régulièrement interjeté appel.
Par mémoire reçu au greffe le 12 octobre 2006, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de :
- débouter M. Yves Y... et Mme Marie-Rose Y... des fins de leur demande,- de les condamner à supporter les entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'à leur payer une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

ainsi que,

- de déclarer l'appel incident des consorts Y... mal fondé,

et,
- de les condamner aux frais et dépens qu'il a générés.
Elle fait valoir :
- qu'il n'est pas démontré que le décès de M. Serge Y... résulte d'une atteinte corporelle non intentionnelle de sa part ;
- que l'examen du procès-verbal de gendarmerie, constatations et déclarations du témoin A..., ne démontrent pas que le décès de M. Y... constituait un accident au sens des stipulations contractuelles à savoir "toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure", certains des contrats précisant "une cause soudaine, violente, imprévisible et exclusive" ;
- que le comportement de M. Serge Y... qui a conclu les divers contrats d'assurance "décès-accidents" au cours des dix mois ayant précédé son décès constitue un indice sérieux d'une volonté suicidaire, trois desdits contrats garantissant son décès par accident ayant été souscrit le jour de l'anniversaire de son fils à savoir le 6 mars 2001 ;
- que M. Serge Y... n'a toujours demandé que sa propre adhésion alors que son épouse était destinataire de certaines offres et qu'il avait aussi souscrit en novembre 2001 une assurance couvrant ses frais d'obsèques, la Compagnie AXA auprès de laquelle il s'était déjà assuré pour les frais d'obsèques ayant d'ailleurs versé à ce titre 11.576,14 € à Mme Y... ;
- que tous ces éléments confirment les doutes relatifs aux circonstances accidentelles du décès de M. Serge Y..., la note qu'il aurait rédigée au dos d'un calendrier datant de mai 2000, dont se prévalent Mme Y... et son fils ne présentant aucune garantie d'authenticité, le décès de M. Serge Y... étant survenu le 6 janvier 2002.
Par mémoire reçu au greffe le 8 juillet 2005, M. Yves Y... et Mme Marie-Rose Y... concluent au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris, hormis les dispositions relatives à leur demande pour résistance abusive dont ils demandent par appel incident l'infirmation, sollicitant la condamnation de la Société SWISS LIFE à leur payer une somme de 4.500 € pour résistance abusive, outre celle de 4.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils font valoir :
- que l'objet des contrats souscrits par leur mari et père est une garantie décès ou invalidité par suite d'accident,
- qu'en l'espèce les dispositions des conditions générales des contrats prévoient l'exclusion en cas de suicide,
- que la preuve du suicide ou du comportement intentionnel de la victime incombe à l'assureur,
- que les circonstances dans lesquelles est survenu le décès de M. Serge Y... permettent de retenir qu'il s'agit d'un accident,
- qu'une personne ayant des intentions suicidaires ne laisserait pas à ses proches un billet indiquant l'heure de son retour,
- qu'en fait il s'agit d'un accident, qui s'est déroulé en quelques secondes, M. Serge Y... n'ayant pas suffisamment adapté sa vitesse pour rejoindre la berge, la trajectoire du véhicule constatée par la gendarmerie n'étant pas la voie la plus courte vers le canal ainsi que l'impliquerait une volonté suicidaire,
- que les traces de freinage du véhicule et les déclarations du témoin confirment que le comportement de M. Serge Y... n'est pas celui d'une personne qui souhaite mettre fin à ses jours,
- que le fait d'avoir souscrit de multiples contrats garantissant son décès n'impliquent nullement sa volonté de mettre fin à ses jours surtout qu'il s'est également assuré pour le risque invalidité,
enfin,
- que l'attitude de la Société d'Assurances est constitutive d'une résistance abusive.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 janvier 1997 ;

Vu l'ensemble du dossier de la procédure et les pièces qui y sont jointes ;

Les conditions générales de chacun des contrats litigieux souscrits par feu M. Serge Y... mentionnent expressément une clause "limites aux garanties" excluant les accidents résultant de suicides ou tentatives de suicides après avoir rappelé que l'accident consiste en une atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et il n'est ni contesté ni contestable que M. Serge Y... avait connaissance de ces stipulations ;

il appartient à Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y..., qui réclament le bénéfice des diverses polices d'assurance décès souscrites par leur époux et père, d'établir que sont réunies les conditions requises par les polices pour mettre en jeu ces garanties, à savoir que le décès de M. Serge Y... résulte d'une atteinte corporelle non intentionnelle de sa part et provenait de l'action soudaine d'une cause extérieure ;
en l'espèce il résulte de la procédure d'enquête préliminaire établie par la gendarmerie (BT de MARCKOLSHEIM) que "M. Y... s'est engagé volontairement sur la berge" car "s'il avait perdu le contrôle du véhicule dans le virage, sa trajectoire pour arriver sur la berge aurait été complètement différente",
"l'accès à cette berge" se faisant pratiquement à angle droit sur la droite de la chaussée dans le sens de marche" ;
que la berge étant recouverte de petits graviers qui étaient gelés "les traces sont des traces de freinage" et qu"après avoir laissé des traces sur le talus herbeux et en béton de la berge, le véhicule a plongé dans l'eau", ou "il a "flotté et dérivé en direction du nord", coulant "après plusieurs dizaines de mètres" ;
en effet le seul témoin des faits, M. A... Marc, qui n'a pas vu le véhicule dans la pente de la berge mais l'a vu traverser l'espace situé entre l'accotement de la route et la descente de la berge, puis "une gerbe d'eau, quant il est tombé dans le canal" déclare avoir un "un homme au volant et personne d'autre" et qu'il pensait qu'il allait sortir parce qu'il "en avait le temps car la voiture a flotté sur plusieurs dizaines de mètres" et qu'il était conscient car "il levait ses mains en l'air comme en signe d'impuissance" ;

en conséquence il est certain que M. Yves Y... s'est délibérément engagé sur la berge le 6 janvier 2002", que, s'agissant d'un fonctionnaire de police à la retraite il connaissait les lieux, à savoir "l'étroitesse de la berge" qui est relative s'agissant de 15 m, et ne pouvait ignorer ni la présence des "gravillons gelés" la recouvrant, ni les effets d'un freinage sur ceux-ci, et ce d'autant moins qu'il longeait le Rhin depuis plusieurs kilomètres et que la visibilité était "bonne" ainsi que l'ont relevé les gendarmes ;

que conscient de ces éléments, il s'est engagé sur la berge par un virage à droite et a immédiatement effectué un virage à gauche lequel n'a pas été suffisamment prononcé, suivant ainsi une trajectoire qui conduisait son véhicule en direction du canal alors qu'en maintenant son volant sur la gauche, il s'écartait de l'eau ;
que M. Serge Y... a ainsi laissé son véhicule poursuivre sa course en ligne droite vers le canal, sans avoir le mouvement réflexe qui l'aurait certes sauvé et sur le croquis des gendarmes l'on peut même constater qu'au contraire au moment où le véhicule allait plonger dans l'eau, il a donné un léger coup de volant vers la droite, plongeant ainsi plus directement alors qu'aucune particularité de la berge ne justifiait cette modification de trajectoire ;
que l'attitude de M. Serge Y... est d'autant plus incompréhensible qu'il disposait de plus de 30 m pour arrêter son véhicule, et conduisait un véhicule CITROEN C5, mis en circulation le 30 avril 2001 et équipé d'un dispositif ABS empêchant tout blocage de roues en cas de freinage violent ;
que l'attitude ultérieure de M. Serge Y... est d'une passivité totale, le témoin l'ayant simplement vu lever les bras sans tenter d'aucune façon de sortir du véhicule, lequel a pourtant flotté sur une dizaine de mètres ;
qu'ainsi, il n'a pas essayé d'ouvrir les vitres alors même que le dispositif électrique fonctionnait parfaitement, les lumières du véhicule étant d'ailleurs restées allumées et la vitre arrière droit ayant été partiellement baissée ;
que dans ces circonstances, Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y... ne démontrent pas le caractère accidentel du décès de M. Serge Y... et le message rédigé en ces termes au dos d'un calendrier datant de mai 2000 "je suis allé faire un tour vers Sélestat et Marckolsheim, je suis de retour vers 17 H Serge" ne suffit à établir qu'il a été victime d'une mort accidentelle à savoir par atteinte corporelle non intentionnelle et résultant d'une cause extérieure ;
en effet, la noyade de M. Serge Y... est la conséquence de la chute du véhicule dans le canal, laquelle ne suffit à caractériser l'action soudaine d'une cause extérieure, alors que tant les gestes de M. Serge Y... précédant la chute du véhicule que sa passivité ultérieure (que ne dément pas le fait que son corps non attaché ait été retrouvé à l'arrière du véhicule car il a pu dériver à l'intérieur du véhicule qui fut retrouvé sur le toit) dans le véhicule flottant à la dérive sur plusieurs dizaines de mètres laissent planer un doute sérieux sur ses intentions, ce d'autant plus que les faits malheureux en cause ont été précédés sur une période de dix mois par la souscription par M. Serge Y... de cinq polices garantissant en cas de décès le versement d'importants capitaux et revenus mensuels à son épouse ainsi qu'à son fils, en sollicitant toujours sa seule adhésion et jamais celle de son épouse pourtant destinataire des offres de la Compagnie d'Assurances ;
il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris, le caractère accidentel du décès de M. Serge Y... n'étant pas établi et par conséquent de débouter intégralement Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y... des fins de leurs demandes ;
il échet aussi de les condamner à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel mais eu égard à l'objet de ce litige il n'y a pas lieu de condamner les consorts Y... au paiement d'une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

DÉCLARE les appels réguliers et recevables en la forme,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y... de toutes leurs fins et conclusions,
DÉBOUTE la SA SWISS LIFE PREVOYANCE ET SANTE (nouvelle dénomination de la SA SUISSE SANTE) de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
CONDAMNE Mme Marie-Rose Y... et M. Yves Y... aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0004
Numéro d'arrêt : 04/05498
Date de la décision : 12/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Colmar, 21 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2007-10-12;04.05498 ?
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