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08/07/2022 | FRANCE | N°21/00869

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 08 juillet 2022, 21/00869


AJ-SD/CV





N° RG 21/00869

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMB3





Décision attaquée :

du 06 juillet 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS







--------------------



M. [G] [I]





C/



Société NTB - NOUVELLES TECHNIQUES DU BÂTIMENT







--------------------



Expéd. - Grosse



Me PREPOIGNOT 8.7.22



Me BIGOT 8.7.22



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 08 JUILLET 2022



N° 132 - 11 Pages





APPELANT :



Monsieur [G] [I]

1 route de Demeurs - 58130 URZY



Représenté par Me Myriam PREPOIGNOT de la SELARL AGIN- PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS








...

AJ-SD/CV

N° RG 21/00869

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMB3

Décision attaquée :

du 06 juillet 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS

--------------------

M. [G] [I]

C/

Société NTB - NOUVELLES TECHNIQUES DU BÂTIMENT

--------------------

Expéd. - Grosse

Me PREPOIGNOT 8.7.22

Me BIGOT 8.7.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 08 JUILLET 2022

N° 132 - 11 Pages

APPELANT :

Monsieur [G] [I]

1 route de Demeurs - 58130 URZY

Représenté par Me Myriam PREPOIGNOT de la SELARL AGIN- PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS

INTIMÉE :

Société NTB - NOUVELLES TECHNIQUES DU BÂTIMENT

47 rue de l'Usine - 58130 URZY

Représentée par Me Marie-Pierre BIGOT de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE

CONSEILLERS : Mme BOISSINOT

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

DÉBATS : A l'audience publique du 3 juin 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 8 juillet 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 8 juillet 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n°132 - page 2

8 juillet 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

La S.A Nouvelles Techniques du Bâtiment, ci-après dénommée S.A NTB, est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de maisons individuelles et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture, en l'occurrence 33.

Suivant contrat à durée indéterminée du 7 janvier 2008, M. [G] [I] a été engagé par cette société en qualité de plaquiste OP, niveau II, coefficient 185, moyennant un salaire brut mensuel de 1 360,48 €, contre 35 heures de travail effectif par semaine. En dernier lieu, il percevait un salaire brut mensuel de base de 1 986,88 euros et 283,87 euros au titre de 17,33 d'heures supplémentaires, soit 2 270,75 euros au total.

La convention collective nationale des ouvriers du Bâtiment s'est appliquée à la relation de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2019, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 25 février 2019, et a été licencié par lettre recommandée du 6 mars suivant pour motif économique. Il a perçu avec son solde de tout compte une indemnité de licenciement de 6 800 euros.

Le 6 mars 2020, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nevers, section industrie, afin de contester son licenciement et réclamer, aux termes de ses conclusions récapitulatives, qu'il soit dit, à titre principal, que la rupture de son contrat de travail est irrégulière en la forme et sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectés et que dès lors le licenciement est irrégulier, et qu'en conséquence l'employeur soit condamné au paiement des sommes suivantes :

-1 836,07 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

-19 278,73 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour perte injustifiée de l'emploi,

-3 672,14 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 367, 21 euros de congés payés afférents,

-1 836,07 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

-4 306 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées entre le 6 mai 2016 et le 7 mars 2019, outre 430,60 euros au titre des congés payés afférents,

-11 016,42 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

-1 800 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il réclamait en outre qu'il soit ordonné à l'employeur, sous astreinte, de lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés et l'exécution provisoire de la décision.

La S.A NTB s'est opposée aux demandes et a réclamé une somme de 1 500 € pour ses frais de procédure.

Par jugement du 6 juillet 2021, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de M. [I] était irrégulier en la forme et a condamné la SA NTB à lui payer les sommes suivantes :

-1 836,07 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

-1 836,07 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,

-900 euros à titre d'indemnité de procédure.

Il a enfin débouté M. [I] du surplus de ses prétentions et la S.A NTB de sa demande d'indemnité de procédure, et a condamné cette dernière aux dépens.

Arrêt n°132 - page 3

8 juillet 2022

Le 30 juillet 2021, M. [I] a régulièrement relevé appel de cette décision par voie électronique.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES:

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de M.[I] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 mai 2022, il sollicite :

- l'annulation du jugement entrepris en ce qu'il ne comporte pas de motivation sur les demandes tendant à ce qu'il soit jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour absence de suppression de poste, manquement à l'obligation de reclassement, non-respect des critères d'ordre des licenciements ayant entraîné une perte injustifiée d'emploi et en ce que les demandes de rappel de salaire et d'indemnité pour travail dissimulé ont été rejetées,

-subsidiairement, son infirmation en ce qu'il l'a débouté des demandes précitées,

-sa confirmation en ce qu'il a dit que le licenciement était irrégulier en la forme et que la priorité de réembauchage n'avait pas été respectée, et lui a alloué 1 836,07 euros de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier en la forme et la même somme pour non-respect de la priorité de réembauchage.

Il réclame ainsi que la cour, statuant à nouveau, juge que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l'absence de difficultés économiques et de suppression de poste ainsi que du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, et subsidiairement, qu'il est irrégulier pour non-respect des critères d'ordre des licenciements, et qu'en conséquence, elle condamne l'employeur au paiement des sommes réclamées devant les premiers juges et lui ordonne de lui remettre sous astreinte un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés.

Il y ajoute une demande de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

2) Ceux de la S.A NTB :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 1er juin 2022, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, non-respect des critères d'ordre des licenciements, d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et d'une indemnité pour travail dissimulé, et de l'infirmer en ce qu'il a dit que la procédure de licenciement était irrégulière et l'a condamnée à verser au salarié les sommes de 1 836,07 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, de 1 836,07 euros pour non-respect de la priorité de réembauchage et de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande ainsi à la cour, statuant à nouveau, de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'elle a respecté les critères d'ordre des licenciements et de débouter en conséquence le salarié de ses demandes.

Subsidiairement, elle sollicite la réduction des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués au salarié et, en tout état de cause, sa condamnation au paiement d'une somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles.

* * * * *

Arrêt n°132 - page 4

8 juillet 2022

La clôture de la procédure est intervenue le 2 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur le moyen tendant à l'annulation du jugement déféré :

L'article 455 du code de procédure civile prévoit que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

En l'espèce, M. [I] demande que le jugement entrepris soit annulé en raison de son absence de motivation, en ce qu'il ne comporterait aucun développement concernant ses demandes tendant à ce qu'il soit dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour absence de suppression de poste, non-respect de l'obligation de reclassement et des critères d'ordre des licenciements, et perte injustifiée de l'emploi.

La S.A NTB ne répond rien sur ce moyen.

Il résulte de l'examen de la décision des premiers juges que ceux-ci ont estimé que la S.A NTB démontrait 'qu'elle avait bien des difficultés financières', notamment parce que la DIRECCTE lui avait 'accordé une activité partielle', et que les critères d'ordre n'avaient pas été respectés.

Si elle n'a pas répondu aux deux moyens soulevés par le salarié relatifs à l'absence de suppression de poste et à l'obligation de reclassement de l'employeur, la cour considère qu'au regard des exigences de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement est succinctement mais suffisamment motivé.

Le moyen tendant à la nullité du jugement soulevé par M. [I] est en conséquence rejeté.

2) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires afférentes :

a) sur le motif du licenciement :

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse de commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

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d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3°A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

Selon l'article L 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur.

Ainsi la lettre de licenciement doit mentionner à la fois l'élément causal du licenciement, à savoir la cause économique qui fonde le licenciement et l'élément matériel du licenciement, à savoir son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

Le défaut de motivation de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le juge est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, trop longue pour être intégralement reproduite, le motif économique est invoqué de la manière suivante :

' (...) Le motif de notre décision est le suivant :

Notre Société est confrontée à une baisse significative de commandes de la part notamment des Collectivités et Etablissements Publics avec lesquels elle réalise l'essentiel de son activité, ainsi que de son chiffre d'affaires.

Ainsi, lors de l'exercice 2018, la Société NTB a subi des pertes d'exploitation.

Ces difficultés économiques nous contraignent à adapter nos effectifs à la baisse d'activité de la Société et à réduire les charges salariales, ce qui a pour conséquence la suppression de votre emploi.

Il a été effectivement recherché un reclassement vous concernant au sein de notre Société, mais malheureusement, aucun poste disponible ne peut vous être proposé.

Nous vous rappelons que nous vous avons remis, lors de l'entretien préalable du 25 février 2019, une proposition de Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP), accompagnée d'une lettre en

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précisant les modalités (...)'

L'employeur a donc invoqué pour fonder le licenciement économique une suppression du poste de M. [I] en raison d'une baisse significative des commandes et du chiffre d'affaires, ainsi que des pertes d'exploitation lors de l'exercice 2018.

Il lui appartient ainsi de rapporter la preuve de l'évolution significative, par rapport à l'année précédente, d'au moins un des indicateurs économiques allégués pendant deux trimestres consécutifs puisqu'il n'est pas discuté que son effectif comportait 33 salariés au moment du licenciement.

S'il ne produit aucun élément venant démontrer la baisse des commandes invoquée dans la lettre de rupture, il verse en revanche aux débats son compte de résultat pour les exercices 2017, 2018 et 2019 ainsi qu'un courrier émanant de son commissaire aux comptes.

Or, il résulte de l'examen des comptes de résultat que si à la fin de l'exercice 2018, son chiffre d'affaires net s'élevait à 2 482 801 euros, il n'était que de 2 207 769,93 euros à la fin de l'exercice 2019, soit une perte de 275 031,07 euros, ce qui au regard de l'importance du chiffre d'affaires ne peut constituer une baisse significative. Par ailleurs, le commissaire aux comptes, interrogé par le président de la S.A NTB sur les informations chiffrées contenues dans les éléments comptables 2017, 2018 et 2019, atteste seulement que ' la perte de chiffre d'affaires en trois exercices a été de 1033 186€ hors taxes et 31,88%', ce qui n'établit pas qu'elle a été significative pendant les deux trimestres consécutifs qui ont précédé le licenciement.

En outre, si en 2018, le résultat d'exploitation de la S.A NTB était de - 62 381,54 euros, il était redevenu positif en 2019, puisqu'il s'élevait à 35 822,60 euros, de sorte qu'il n'est pas non plus démontré qu'il a connu une baisse dans les deux trimestres qui ont précédé le 6 mars 2019, date du licenciement.

Il se déduit ce qui précède que faute de rapporter la preuve du motif du licenciement, celui-ci est sans cause réelle et sérieuse.

b) Sur les demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse. M. [I] a droit aux indemnités de rupture, soit l'indemnité compensatrice de préavis réclamée, outre les congés payés afférents, dont les montants ne sont pas discutés.

En outre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration, il peut réclamer une indemnité dont les montants sont compris entre 3 mois et 10,5 mois de salaire brut dès lors qu'il bénéficiait au moment de la rupture d'une ancienneté de 11 ans.

M. [I] réclame 19 278, 73 euros, soit 10,5 mois de salaire ou le maximum prévu par le barème résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en se contentant d'indiquer qu'il a été profondément affecté par son licenciement et de produire deux ordonnances lui prescrivant un anxiolytique, qui sont cependant postérieures à la rupture de plusieurs mois, et sans même alléguer et a fortiori démontrer qu'il est resté à un moment ou un autre privé d'emploi.

Dès lors, au regard des seuls éléments dont dispose la cour, soit son âge au moment de son licenciement (44 ans), son ancienneté (11 ans) et son niveau de rémunération (2 270,75 euros), l'allocation de la somme de 13 000 euros apparaît suffisante pour réparer le préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Il convient donc, par infirmation du jugement déféré, de condamner la S.A NTB à lui payer les sommes de 3 672,14 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 367,21 euros brut de congés payés afférents, et de 13 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le code du travail précisant que le montant de l'indemnisation pour licenciement abusif est exprimé en mois de salaire brut, la condamnation est également en montant brut.

La demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre n'étant que subsidiaire, il n'y a pas lieu de l'examiner.

c) sur la régularité de la procédure de licenciement :

Aux termes de l'article L. 1233-11 du code du travail, l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique, convoque le salarié à un entretien préalable qui ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'employeur n' a pas respecté le délai de cinq jours ouvrables entre l'envoi de la lettre de convocation et l'entretien préalable et que la procédure de licenciement n'est dès lors pas régulière. M. [I] réclame à ce titre la somme de 1 836,07 euros représentant un mois de salaire et l'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir d'une part, que la réalité d'un préjudice n'est pas démontrée et ce d'autant que le salarié était assisté par un conseiller lors de l'entretien, et d'autre part, qu'une telle indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-2 du code du travail prévoyant que lorsqu'une irrégularité de procédure a été commise au cours de la procédure de licenciement, notamment lorsque celui-ci intervient en méconnaissance de l'article L. 1233-11 mais pour une cause réelle et sérieuse, il ne peut être accordé au salarié aucune indemnité dès lors qu'il résulte de ce qui précède que son licenciement est abusif. Seule est ainsi due l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, si bien que c'est à bon droit que l'intimée prétend que les deux indemnités ne peuvent se cumuler.

M. [I] doit dès lors être débouté de cette demande et le jugement déféré est infirmé en ce qu'il lui a alloué de ce chef une indemnité.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche :

L'article L. 1233-45 du code du travail dispose que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Le préjudice consécutif à un licenciement sans cause réelle et sérieuse est distinct de celui résultant du non-respect de la priorité du réembauchage, de sorte que les réparations sont cumulables.

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En l'espèce, M. [I] soutient qu'il a écrit à son employeur pour lui indiquer qu'il souhaitait bénéficier de la priorité de réembauche et que pourtant, celui-ci a fait appel à des intérimaires et à des sous-traitants pour aller travailler sur les chantiers, voire a fait paraître des offres d'emplois de menuisier et de plaquistes à Pôle Emploi ou a proposé des postes à ses collègues.

Toutefois, M. [I], dont il a été dit qu'il restait taisant sur sa situation au regard de l'emploi, ne caractérise ni ne démontre le préjudice qu'il dit avoir subi, si bien que sans même qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le respect de la priorité de réembauche, la demande du salarié sera rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

3) Sur les demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l'existence d'heures de travail accomplies et la créance salariale s'y rapportant

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments à l'appui de sa demande.

En l'espèce, M. [I] expose qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées dès lors qu'il devait arriver tôt le matin, entre 7h20 et 7h30, au siège de l'entreprise pour effectuer le chargement du véhicule avant de partir sur le chantier et qu'il ne pouvait en partir le soir, vers 17h20 ou 17h30, qu'après avoir déchargé le matériel. Il soutient que l'employeur ne lui réglait pourtant ses heures de travail qu'à compter de 8 heures et jusqu'à 17 heures et qu'il a ainsi accompli chaque jour 30 minutes supplémentaires, soit 2h30 par semaine. Il réclame donc à ce titre la somme de 4 306 euros bruts, outre 430,60 euros de congés payés afférents, qu'il décompose comme suit :

- année 2016 : 934,52 euros au titre de 73h44 d'heures supplémentaires,

-année 2017 : 1 523,97 euros au titre de 117h5

-année 2018 : 1 555,81 euros au titre de 117h5

-année 2019 : 291,70 euros au titre de 22h 03

La S.A NTB soulève d'abord une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande en paiement, en soutenant qu 'elle est prescrite pour les périodes antérieures au 1er mars 2017.

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Le salarié lui répond que sa demande n'est pas prescrite dès lors qu'il l'a limitée aux trois années précédant la rupture de son contrat de travail.

En application de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour où lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Le délai de prescription de l'action en paiement des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [I] sollicitant des rappels de salaire portant notamment sur les mois de mars et avril 2017, le délai de prescription a été interrompu par la saisine de la juridiction le 6 mars 2020. Son action en paiement n'est donc pas prescrite.

La demande pouvant porter soit sur les sommes dues au titre des trois années suivant cette date, soit sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture, qui date du 6 mars 2019,M. [I] est fondé à réclamer, ainsi qu'il le fait, des rappels d'heures supplémentaires à compter du 6 mai 2016.

Au soutien de ses allégations, M. [I] ne produit aucun décompte ni aucun agenda, mais seulement un cliché d'un camion chargé de matériaux, qui n'est toutefois pas identifiable comme celui qu'il devait utiliser, et plusieurs attestations de ses anciens collègues, selon lesquels il devait chaque matin charger de matériaux le camion avec lequel ils devaient se rendre sur les chantiers et devait donc passer par le siège de l'entreprise.

L'employeur, qui conteste que M. [I] avait l'obligation de passer par le siège de l'entreprise avant de rejoindre les chantiers, soutient qu'il ne produit aucun élément suffisamment précis pour qu'il puisse y répondre.

Ainsi qu'il le met en avant, les attestations de MM. [K], [J], [H] et [M] qui sont peu précises, sont toutes rédigées en des termes similaires de sorte qu'elles ne peuvent avoir une réelle force probante. En outre, celle de M. [L], qui a quitté l'entreprise le 3 novembre 2017, ne peut concerner qu'une partie de la demande en paiement qui porte sur une période allant jusqu'au 7 février 2019. Enfin, M. [I], qui allègue que c'est chaque jour qu'il devait se rendre au siège de l'entreprise pour récupérer des matériaux, ne peut sérieusement soutenir qu'il devait systématiquement apporter sur le chantier des matériaux qu'il devait ensuite récupérer chaque soir pour en charger à nouveau le camion, et la même chose les jours suivants. Dès lors, c'est exactement que les premiers juges ont retenu qu'il ne produisait pas d'éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande et l'en ont

débouté.

En l'absence d'éléments suffisamment précis à l'appui de la demande en paiement d'heures supplémentaires, la demande d'indemnité pour travail dissimulé ne peut prospérer.

Le jugement est donc confirmé sur ces points.

4) Sur les autres demandes :

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement des indemnités de chômage sera ordonné dans la limite de 6 mois.

Arrêt n°132 - page 10

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Compte tenu de ce qui précède, la remise d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision est ordonnée sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte comme demandé.

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La S.A NTB, qui succombe devant la cour, est condamné aux dépens d'appel et déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de procédure.

L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé, et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

DIT n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré ;

DIT que le licenciement pour motif économique de M. [G] [I] est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE en conséquence la S.A Nouvelles Techniques du Bâtiment (S.A NTB) à payer à M. [I] les sommes de :

-3 672,14 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 367,21 euros brut de congés payés afférents,

-13 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [I] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche et d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

ORDONNE à la S.A NTB, en application de l'article L 1235-4 du code du travail, de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. [I] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;

ORDONNE à la S.A NTB de remettre à M. [I], dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision mais DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

Arrêt n°132 - page 11

8 juillet 2022

CONDAMNE la SA NTB à payer à M. [G] [I] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A NTB aux dépens d'appel et la déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme JARSAILLON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

A. JARSAILLON C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00869
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;21.00869 ?
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