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29/10/2020 | FRANCE | N°17/01389

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 29 octobre 2020, 17/01389


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 29 OCTOBRE 2020



(Rédacteur : Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,)





N° RG 17/01389 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JWZG









Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CLIENT)





c/



Monsieur [C] [T] [B]

Madame [D], [V] [A] épouse [B]



DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DE LA DORDOGNE





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Nature de la décision : AU FOND





















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 janvier 2017 (R.G. 16-00022) par le Tribunal de Grande Instance d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 29 OCTOBRE 2020

(Rédacteur : Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,)

N° RG 17/01389 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JWZG

Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CLIENT)

c/

Monsieur [C] [T] [B]

Madame [D], [V] [A] épouse [B]

DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DE LA DORDOGNE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 janvier 2017 (R.G. 16-00022) par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 9 février 2017 et sur assignation à jour fixe délivrée le 27 février 2017

APPELANTE :

Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CLIENT), société anonyme à conseil d'administration immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 379 502 644, dont le siège social est [Adresse 5] , agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualités audit siège, venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE CENTRE OUEST, SACA immatriculée au RSC de POITIERS sous le n° 391575370, dont le siège social est [Adresse 1], à la suite de la fusion par absorption approuvée selon Procès-verbal de l'assemblée extraordinaire en date du 21 avril 2016.

Représentée par Me PERROTIN substituant Me Julie VERGER de la SCP DROUINEAU-BACLE-LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉS :

[C] [B]

né le [Date naissance 6] 1961 à [Localité 10]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

Décédé le [Date décès 2].2017

[D], [V] [A] épouse [B]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 9]

de nationalité Française

Profession : Fonctionnaire,

demeurant [Adresse 7]

Représentés par Me Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANT FORCÉ :

DIRECTEUR DEPARTEMENTAL DES FINANCES PUBLIQUES DE LA DORDOGNE service du Domaine, Pôle de gestion des patrimoines privés, en qualité de curateur à la succession vacante de M. [C] [B] (décédé), selon ordonnance du tribunal de grande instance d'Angoulême le 5/12/2018

[Adresse 8]

non représenté, assigné en intervention forcé selon acte d'huissier en date du 18 mars 2019 délivré à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 septembre 2020 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 janvier 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême statuant à la demande du Crédit Immobilier de France Développement en matière de saisies immobilières à l'audience d'orientation, à la suite d'un commandement valant saisie immobilière délivré à M. [C] [B] et Mme [D] [A] épouse [B] en vertu d'un acte authentique de prêt avec privilège du vendeur de deniers et hypothèque conventionnelle pour valoir paiement d'une somme de 124,141,26 euros à parfaire, a :

- pris acte de l'intervention volontaire de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement en lieu et place de la S.A Crédit Immobilier de France Centre Ouest,

- constaté la prescription de la créance de la S.A Crédit Immobilier de France Développement à l'égard de M. et Mme [B], à la date de la délivrance du commandement de payer valant saisie,

- dit en conséquence que le commandement de payer délivré le 5 novembre 2015 est nul et de nul effet,

- condamné la S.A Crédit Immobilier de France Développement à verser à M. et Mme [B] une indemnité de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 9 février 2017, la S.A. Crédit Immobilier de France Développement a relevé appel de cette décision.

Par acte en date du 27 février 2017, la S.A. Crédit Immobilier de France Développement, autorisée par ordonnance en date du 13 février 2017, a fait assigner à jour fixe M. et Mme [B] aux fins de voir confirmer la décision en ce qu'elle a déclaré recevable son intervention volontaire et réformer celle-ci pour le surplus.

Le 6 avril 2017, une ordonnance de M. le premier président de la cour d'appel a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée de plein droit au jugement rendu le 11 janvier 2017.

Par jugement du 8 novembre 2017, le juge de l'exécution a prorogé pour une durée de deux ans, à compter de la publication du présent jugement, les effets du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 5 novembre 2015, publié le 7 novembre 2015 puis, par jugement du 4 novembre 2019, les effets du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 5 novembre 2015 ont à nouveau été prorogés pour une durée de deux ans à compter de la publication du présent jugement.

[C] [B] est décédé en cours d'instance.

Par acte en date du 18 mars 2019, la S.A. Crédit Immobilier de France Développement a fait assigner en intervention forcée M. le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne en qualité de curateur à la succession, désigné selon ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 5 décembre 2018.

Par conclusions notifiées le 9 septembre 2020, la S.A. Crédit Immobilier de France Développement demande à la cour de:

A titre liminaire :

- constater que le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne, Service du Domaine, Pôle de gestion des patrimoines privés, [Adresse 4]), en qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [C] [B] est régulièrement mis en cause dans l'instance opposant le Crédit immobilier de france developpement à Mme [D] [A] épouse [B] et enrôlée sous le numéro17/01389,

- joindre l'instance issue de l'assignation en intervention forcée délivrée le 18 mars 2019 au Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne, en qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [C] [B] à l'instance opposant le Crédit immobilier de France Développement à Mme [D] [B] enrôlée sous le numéro 17/01389,

A titre principal :

- déclarer recevable l'appel interjeté par la société Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits la société Crédit Immobilier de France Centre Ouest,

- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a pris acte de l'intervention volontaire de la société Crédit Immobilier de France Développement aux lieu et place de la société Crédit Immobilier de France Centre Ouest,

- réformer la décision pour le surplus,

En conséquence,

- déclarer non prescrite l'action engagée par la société Crédit Immobilier de France Développement à l'encontre M. [C] [B] et Mme [D] [B] pour le recouvrement de sa créance,

- dire n'y avoir lieu à interruption de l'instance ou sursis à statuer ;

- débouter M. [C] [B] et Mme [D] [B] de l'intégralité de leurs contestations,

- dire que la saisie immobilière est poursuivie pour le recouvrement d'une créance de 124.141,26 euros selon décompte arrêté à la date du 6 août 2015, outre les intérêts pour mémoire jusqu'au complet paiement,

- ordonner la vente forcée de l'immeuble objet du commandement de payer valant saisie immobilière,

- renvoyer la cause et les parties à la diligence du créancier poursuivant devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême en vue de la taxation des frais de poursuite, de la fixation de la date de la vente forcée et des modalités y afférent conformément aux dispositions des articles R. 322-26 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

En tout état de cause :

- condamner Mme [D] [B] à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [D] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Par conclusions du 4 septembre 2020, Mme [B] demande à la cour de :

A titre principal,

- constater l'interruption de l'instance en raison de l'absence d'assignation en reprise d'instance par la S.A. Crédit Immobilier de France Développement des héritiers de [C] [B] - décédé - à savoir son épouse et ses enfants,

- constater l'interruption de l'instance en raison de l'absence d'intervention volontaire aux débats des héritiers de [C] [B] ' décédé ' à savoir son épouse et ses enfants,

- ordonner le retrait de la pièce adverse n°20 communiquée le 25 août 2020 par le Crédit Immobilier de France Développement,

- Par conséquent, renvoyer l'examen du dossier à une date ultérieure en raison de l'interruption de l'instance tout en invitant les parties à revêtir la procédure,

A titre subsidiaire,

- constater que le délai d'appel imparti à la S.A. Crédit Immobilier de France Développement pour saisir utilement la cour expirait le 6 février 2017,

- déclarer tardif et, par voie de conséquence, irrecevable, l'appel par elle interjeté,

A titre infiniment subsidiaire, au fond,

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême du 11 janvier 2017,

En tout état de cause,

- condamner la S.A. Crédit Immobilier de France Développement au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner, de même, aux dépens de la présente instance d'appel initiée.

Par conclusions déposées au greffe le 16 mai 2019, la Direction Générale des Finances Publiques demande à la cour de :

- dire qu'elle s'en rapporte à la cour sur les demandes faites au titre de la prescription et de la reprise de la procédure de saisie immobilière,

- débouter l'appelante de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire qu'en tout état de cause, le service des domaines ne peut être tenu au paiement d'aucune somme excédant l'actif successoral recueilli.

Motifs de la décision.

Sur l'intervention volontaire du Crédit Immobilier de France Développement .

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a pris acte de l'intervention volontaire de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement aux lieu et place de la S.A. Crédit Immobilier de France Centre Ouest.

Sur la demande de renvoi.

Mme [B] reproche à la S.A. Crédit Immobilier de France Développement de ne pas avoir assigné les héritiers de M. [B] en reprise d'instance, ceux-ci n'étant pas intervenus volontairement aux débats. Elle soutient que la procédure a été interrompue et demande le renvoi de l'affaire à une date ultérieure. Elle demande que la pièce n° 20 communiquée le 25 août 2020 par la S.A. Crédit Immobilier de France Développement soit écartée des débats.

Sur la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°20 du Crédit Immobilier de France, cette pièce n°20 est une lettre en date du 17 novembre 2017 adressée par le conseil de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement au conseil de Mme [B] lui demandant d'interroger le notaire de celle-ci afin qu'il communique les noms des héritiers de [C] [B]. Ce courrier porte la mention « courrier officiel » et à ce titre constitue une pièce pouvant être régulièrement communiquée dans le cadre de la procédure. La demande tendant à voir écarter cette pièce des débats sera rejetée.

Aux termes de l'article 370 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans le cas où l'action est transmissible et ce, à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie.

En l'espèce, [C] [B] est décédé en cours d'instance le 13 juin 2017 et le conseil de Mme [B] en a avisé le magistrat en charge de la mise en état de la deuxième chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux par courrier du 28 septembre 2017.

Par ordonnance en date du 5 septembre 2018 rendue par le président du tribunal de grande instance d'Angoulême à la requête de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement, le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne a été désigné en qualité de curateur à la succession vacante de [C] [B].

Aux termes de l'article 810-12 du code civil, la curatelle prend fin notamment par la restitution de la succession aux héritiers dont les droits sont reconnus. Or, Mme [B], bien qu'elle ait produit un courriel du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 10 juin 2020 aux termes duquel aucune déclaration de renonciation à la succession de [C] [B] n'a été déposée aux noms de M. [U] [B], M. [F] [B] ou M. [S] [B], héritiers de [C] [B], ne justifie nullement de ce qu'une procédure serait en cours aux fins de restitution de la succession aux héritiers.

Le Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne a été désigné en qualité de curateur à la succession vacante de [C] [B] et a été régulièrement attrait à la présente procédure par l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée le 18 mars 2019. L'interruption de l'instance a ainsi pris fin en sorte que la demande tendant à voir constater cette interruption n'est pas fondée et doit être rejetée.

La jonction de l'instance enrôlée sous le numéro 17/01389 et de l'instance issue de l'assignation en intervention forcée délivrée le 18 mars 2019 au Directeur Départemental des Finances Publiques de la Dordogne, en qualité de curateur à la succession vacante de [C] [B] a été effectuée par mention au dossier en sorte qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner dans le cadre du présent arrêt.

Sur la recevabilité de l'appel.

Mme [B] affirme que l'appel est tardif pour avoir été formé le 9 février 2017 alors que la notification est en date du 19 janvier 2017, reçue le 20 janvier 2017, le délai de quinze jour dont disposait la S.A. Crédit Immobilier de France Développement pour saisir la cour, soit jusqu'au 6 février 2017 n'étant pas respecté. La S.A. Crédit Immobilier de France Développement fait valoir que le jugement aurait dû être signifié en application de l'article R 311-7 du code des procédures civiles d'exécution ce qui n'a pas été le cas en sorte que le délai d'appel n'a pas couru.

L'article R311-7 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :

« Les jugements sont, sauf disposition contraire, susceptibles d'appel.

L'appel est formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui en est faite. Sous réserve des dispositions de l'article R. 322-19 et sauf s'il est recouru à la procédure à jour fixe, l'appel est jugé selon la procédure prévue à l'article 905 du code de procédure civile.

La notification des décisions est faite par voie de signification. Toutefois, lorsqu'en vertu d'une disposition particulière le juge de l'exécution statue par ordonnance rendue en dernier ressort, sa décision est notifiée par le greffe simultanément aux parties et à leurs avocats. Il en va de même pour la notification du jugement d'orientation vers une vente amiable lorsque le débiteur n'a pas constitué avocat et des décisions rendues en application des articles R. 311-11 et R.321-21.

Les jugements statuant sur les contestations ou les demandes incidentes ne sont pas susceptibles d'opposition ».

Il en résulte que la notification d'une décision intervenue dans le cadre d'une procédure de vente sur saisie-immobilière doit être faite par signification à l'exception des cas précisés au troisième alinéa de ce texte, à savoir :

- lorsque la décision est une ordonnance rendue en dernier ressort,

- lorsque le jugement autorise un débiteur qui n'a pas constitué avocat à vendre le bien saisi à l'amiable,

- lorsque le jugement constate la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière (décision rendue en application de l'article R.311-11 du code des procédures civiles d'exécution),

- lorsque le jugement constate la péremption de la publication du commandement de payer valant saisie immobilière au fichier immobilier (décision rendue en application de l'article R.321-21 du code des procédures civiles d'exécution).

En l'espèce, le jugement entrepris n'entre dans aucune des exceptions susvisées en sorte que la notification devait être faite par signification. En l'absence de signification par voie d'huissier, le délai pour faire appel n'a pas couru. L'appel formé par déclaration en date du 9 février 2017 est donc recevable.

Sur la créance de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement.

Le juge de l'exécution a fixé dans son jugement du 11 janvier 2017 le point de départ du délai de prescription biennale au jour de la déchéance du terme, en l'espèce M. [B] ayant été placé en redressement judiciaire le 6 août 2004 et la procédure de liquidation judiciaire ayant été clôturée le 9 novembre 2012, le jugement ayant été publié au BODACC le 27 novembre 2012, le point de départ du délai de prescription était celui du placement en liquidation judiciaire compte tenu des termes du contrat de prêt, soit antérieurement au 9 novembre 2012. La date précise du placement en liquidation judiciaire n'étant pas connue, le juge de l'exécution a retenu la date de publication du jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire, soit le 30 novembre 2012 et a considéré que le commandement de payer ayant été délivré le 5 novembre 2015 et aucun acte interruptif de prescription n'étant invoqué, la prescription était acquise.

La S.A. Crédit Immobilier de France Développement demande l'infirmation du jugement en ce qu'il déclaré prescrite sa créance. Il soutient pour l'essentiel que :

- le délai de prescription n'a pas couru ou a été suspendu jusqu'au 24 février 2014,

- contrairement à ce qui a été retenu le premier juge, la date de déchéance du terme doit être fixée au 2 avril 2015,

- en tout état de cause, la liquidation judiciaire prononcée au bénéfice de [C] [B] n'a pas pu avoir pour conséquence de rendre sa créance exigible à l'égard de Mme [B], codébitrice solidaire restée in bonis.

Mme [B] affirme pour sa part que par l'effet du contrat qui le prévoit expressément, l'exigibilité prononcée à l'encontre d'un codébiteur joue de plein droit à l'encontre des autres codébiteurs. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la date du 30 novembre 2012 comme point de départ du délai de prescription, date de publication au BODACC de la clôture de la procédure collective de [C] [B] et jugé que la créance du Crédit Immobilier de France était prescrite.

- sur les effets de la liquidation judiciaire de [C] [B] à l'égard de Mme [B].

A cet égard, il est de jurisprudence établie qu'en ce qui concerne les codébiteurs solidaires, la déchéance du terme encourue par l'un d'eux, strictement personnelle au débiteur, est inopposable aux autres débiteurs excepté le cas où une clause contraire, dans l'acte d'engagement, aurait prévu que la déchéance du terme à l'encontre d'un des débiteurs s'étendrait à tous les codébiteurs.

En l'espèce, l'article 9 du contrat de prêt immobilier souscrit par M. et Mme [B], co-emprunteurs, est rédigé comme suit :

« le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et

intégralement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification

faite à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception, l'emprunteur ne

pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus :

a)de plein droit pour les prêts conventionnés, dans l'un ou l'autre des cas suivants:

...faillite personnelle, cessation de paiement, liquidation de biens de l'emprunteur '

c) au gré du prêteur quel que soit le type de prêt dans ou l'autre des cas suivants :

'en cas de faillite personnelle, cessation de paiement, liquidation de biens de l'emprunteur ou de l'un des propriétaires ultérieur des biens financés et/o hypothéqués... ».

Aucune stipulation du contrat ne prévoit que l'exigibilité encourue du fait de la liquidation de biens d'un emprunteur s'étend aux co-emprunteurs. En l'absence de stipulation expresse du contrat de prêt en ce sens, l'exigibilité de la créance n'est pas opposable à Mme [B]. Il convient donc d'analyser la question de la prescription de la créance distinctement pour [C] [B] et pour Mme [B] la question de la prescription de la créance.

- sur la prescription de la créance.

Le Crédit Immobilier de France, fait valoir que la date de déchéance du terme a été prononcée par les lettres recommandées adressées le 2 avril 2015 à M. et Mme [B] tandis que Mme [B] demande la confirmation du jugement qui a retenu la date de publication du jugement de clôture de la procédure de liquidation de biens de [C] [B], soit le 30 novembre 2012, comme point de départ de la prescription biennale.

Aux termes de l'article L137-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la présente espèce, « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédits immobiliers, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

M.[B] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement en date du 6 août 2004, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 9 novembre 2012, publié au BODACC le 30 novembre 2012. La S.A. Crédit Immobilier de France Développement a déclaré sa créance le 5 mai 2006.

Concernant M. [B], le Crédit Immobilier de France Développement ne formule aucune observation sur la nature du prêt et ses conséquences quant à l'exigibilité du prêt selon les différentes hypothèses envisagées au terme de l'article 9 du contrat, motivant sa demande de voir fixer le point de départ du délai de prescription au 2 avril 2015 par la suspension du délai de prescription du fait de la déclaration de sa créance le 5 mai 2006 jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, puis, en application de l'article 2234 du code civil, par l'impossibilité d'agir dans laquelle il s'est trouvé à compter de cette date et jusqu'au 24 février 2014 du fait de l'absence de réponse du mandataire liquidateur à ses interrogations sur l'état de la procédure collective.

L'interruption du délai de prescription suppose que soit fixé le point de départ du délai de prescription. Il est en l'espèce inopérant de rechercher si le délai de prescription a pu être interrompu avant le 30 novembre 2012, date retenue par le juge de l'exécution comme point de départ du délai de prescription prévu par l'article L 137-2 du code de la consommation, correspondant à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de [C] [B], et ce d'autant plus que selon une jurisprudence constante reprise dans l'article L 622-25-1 du code de commerce modifié par l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, l'effet interruptif de la déclaration de créance prend fin lors de la clôture de la procédure.

Ainsi que l'a jugé le juge de l'exécution et que le concluent les parties, le point de départ du délai de prescription est celui de la déchéance du terme. En l'espèce, c'est à juste titre que le juge de l'exécution a retenu comme date de la déchéance du terme la date de l'exigibilité de la créance au jour de la publication du jugement de clôture de la liquidation judiciaire en application de l'article 9 du contrat de prêt dont la S.A. Crédit Immobilier de France Développement ne conteste pas les effets, tout en retenant qu'entre la date de la clôture de la procédure de liquidation de biens publiée au BODACC le 30 novembre 2012 et la date de la délivrance du commandement au 5 novembre 2015, aucun évènement interruptif de prescription n'était intervenu. La publication du jugement de clôture au BODACC a eu pour effet de rendre le jugement opposable aux créanciers, la S.A. Crédit Immobilier de France Développement étant mal fondé à invoquer l'impossibilité d'agir dans laquelle il se serait trouvé en raison de la carence du mandataire liquidateur laissant ses courriers sans réponse. Le délai biennal de prescription était donc écoulé lors de la délivrance du commandement de payer en date du 5 novembre 2015 à l'égard de [C] [B].

Par contre, concernant Mme [B], la liquidation judiciaire de M. [B] n'ayant pas eu d'effet sur l'exigibilité de sa créance, c'est bien la lettre recommandée adressée par la S.A. Crédit Immobilier de France Développement le 2 avril 2015 qui a eu pour effet de prononcer la déchéance du terme. Le délai biennal de prescription n'était donc pas écoulé lors de la délivrance du commandement de payer du 5 novembre 2015.

Le commandement de payer valant saisie-immobilière délivré le 5 novembre 2015 à M. et Mme [B] est donc nul à l'égard de [C] [B] et valable à l'égard de Mme [B]. Le jugement sera donc partiellement infirmé en ce qu'il a déclaré le commandement de payer nul à l'encontre de Mme [B].

Sur la procédure de saisie-immobilière.

La procédure de saisie-immobilière sera poursuivie à l'encontre de Mme [B] sans qu'il soit nécessaire à la cour d'ordonner la vente forcée de l'immeuble, laquelle est l'objet de la procédure de saisie-immobilière en cours.

Il convient de dire que la saisie-immobilière est poursuivie pour le recouvrement d'une créance de 124.141,26 euros selon décompte arrêté au 6 août 2015, outre les intérêts pour mémoire.

L'affaire sera renvoyée devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême.

Sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n°20 communiquée par la S.A. Crédit Immobilier de France Développement,

Rejette la demande tendant à voir constater l'interruption de l'instance,

Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire,

Déclare recevable l'appel formé par la S.A. France Crédit Immobilier de France Développement,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré prescrite la créance de la S.A.Crédit Immobilier de France Développement à l'encontre de Mme [D] [A] épouse [B],

- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer valant saisie-immobilière délivré le 5 novembre 2015 à Mme [D] [A] épouse [B],

Statuant à nouveau,

- dit non prescrite la créance de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement à l'encontre de Mme [D] [A] épouse [B],

- déclare valable à son égard le commandement de payer valant saisie-immobilière qui lui a été délivré le 5 novembre 2015 à la requête de la S.A. Crédit Immobilier de France Développement,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

- renvoie la présente affaire à la diligence du créancier poursuivant devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême en vue de la taxation des frais de poursuite, de la fixation de la date de la vente forcée et des modalités y afférent conformément aux dispositions des articles R. 322-26 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que la saisie-immobilière est poursuivie pour le recouvrement d'une créance de 124.141,26 euros selon décompte arrêté au 6 août 2015, outre les intérêts pour mémoire,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [D] [A] épouse [B] aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne Lavergne-Contal, présidente, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/01389
Date de la décision : 29/10/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°17/01389 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;17.01389 ?
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