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06/05/2020 | FRANCE | N°18/02637

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 06 mai 2020, 18/02637


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 06 MAI 2020



(Rédacteur : Marie-Hélène HEYTE, président,)





N° RG 18/02637 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KNM5









[H] [Y]



c/



[O] [N] divorcée [X]

























Nature de la décision : AU FOND















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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 16/12131) suivant déclaration d'appel du 03 mai 2018





APPELANTE :



[H] [Y]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 9]

de nationalité...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 06 MAI 2020

(Rédacteur : Marie-Hélène HEYTE, président,)

N° RG 18/02637 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KNM5

[H] [Y]

c/

[O] [N] divorcée [X]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 16/12131) suivant déclaration d'appel du 03 mai 2018

APPELANTE :

[H] [Y]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 9]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Arnaud BAYLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[O] [N] divorcée [X]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître BESSON substituant Maître Marina RODRIGUES de la SCP GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mars 2020 en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Hélène HEYTE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Elisabeth VERCRUYSSE, vice-président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par écrit du 8 avril 2016, Mme [N] divorcée [X] a attesté sur l'honneur de son intention de racheter les parts du cabinet de sages-femmes sis à [Localité 8], possédées par Mme [H] [Y], dès que l'accord de la sécurité sociale aura été donné.

Un autre écrit du même jour précise la valeur de trente-cinq mille euros (35.000 euros)

Le 10 avril 2016, Mme [Y] a apposé sa signature sur ce document, soit la mention '[Localité 6] le 10/4/2016' suivie d'une signature avec la mention '[Y] [H]'.

Par courrier daté du 18 juillet 2016 Mme [O] [X] a été avisée par la caisse régionale d'assurance-maladie de la Gironde de l'accord de cet organisme concernant son installation en qualité de sage-femme libérale sous convention sur la commune d'[Localité 8].

Des échanges de courriels intervenaient entre les parties le 2 août 2016 dans la perspective de la signature de l'acte notarié de cession.

Mme [N] proposait alors à Mme [Y] de racheter la patientèle pour la somme non négociable de vingt mille euros (20.000 €), offre acceptée par Mme [Y], qui déclarait ensuite, le même jour, se rétracter.

Par acte du 2 décembre 2016, Mme [Y] a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux Mme [X] aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 35.000 € en réparation du préjudice matériel causé par le défaut de paiement du prix de cession, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2016, la somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral subi et une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, soutenant que la cession du fonds d'exercice libéral de sage-femme était intervenue le 10 avril 2016 pour la somme de 35.000 euros restée impayée.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné Mme [Y] à payer à Mme [X] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Y] aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le tribunal a retenu que :

- le courrier ne portant pas mention du prix, adressé le 8 avril 2016 par Mme [X] à Mme [Y] et signé par cette dernière, s'analyse en une promesse de rachat des parts du cabinet de sage-femme conclue sous condition suspensive d'obtention de l'agrément de la CPAM;

- après prolongation des pourparlers, Mme [Y] a accepté la nouvelle offre pour un prix de 20.000 € concernant la cession de la patientèle le 2 août 2016 à 12h56 et s'est rétractée à 15h11;

- il existait un désaccord entre parties sur l'objet de la cession envisagée : parts ou patientèle;

- Mme [X] n'avait pas commis de faute en n'acceptant pas d'acheter les parts du cabinet pour la somme de35.000 €, puisqu'aucun accord sur ce point et sur ce montant ne s'était concrétisé entre les parties ;

-Mme [X] n'avait pas commis de faute ultérieurement, sa proposition d'achat de la patientèle pour la somme de 20.000 € ayant été acceptée puis rapidement rétractée par Mme [Y].

Mme [Y] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat le 3 mai 2018 ,ce qu'elle avait été déboutée de l'ensemble de ses prétentions et condamnée au paiement d'une indemnité de 2000 euros à Madame [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'appel n°3 transmises par RPVA le 18 juin 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

Vu les articles 1217, 1231-1, 1303 et 1583 du code civil,

Vu l'article 18 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005,

Vu les pièces du dossier,

A TITRE PRINCIPAL

- constater l'acquisition du fonds d'exercice libéral de sage-femme de Mme [H] [Y] par Mme [O] [X] le 10 avril 2016 pour un prix de 35.000 €,

- constater l'absence de paiement du prix de cession par Mme [O] [X],

- en conséquence condamner Mme [O] [X] au paiement d'une somme de 35.000,00 € au titre du défaut de paiement du prix de cession, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2016, date de la première mise en demeure,

A TITRE SUBSIDIAIRE

- constater l'acquisition du fonds d'exercice libéral de sage-femme de Mme [H] [Y] par Mme [O] [X] le 2 août 2016 pour un prix de 20.000,00 €,

- constater l'absence de paiement du prix de cession par Mme [O] [X],

- en conséquence condamner Mme [O] [X] au paiement d'une somme de 20.000,00 € au titre du défaut de paiement du prix de cession, avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2016, date de la première mise en demeure,

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- constater l'enrichissement injustifié de Mme [O] [X] ainsi que l'appauvrissement corrélatif de Mme [Y],

- en conséquence condamner Mme [O] [X] au paiement d'une somme de 35.000,00 € au titre de l'enrichissement sans cause,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- condamner Mme [O] [X] au paiement d'une somme de 5.000,00 € en réparation du préjudice moral subi par Mme [H] [Y],

Condamner Mme [O] [X] au paiement d'une somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

Par conclusions d'intimée n°2 transmises par RPVA le 17 mai 2019, Mme [N] divorcée [X] demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1583 et suivants du code civil,

Vu les dispositions des anciens articles applicables en l'espèce 1134, 1147 et 1382 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu le 28 mars 2018 par la 5ème Chambre du tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a débouté Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à Mme [N] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [Y] pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

- la débouter en tout état de cause de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes,

- condamner Mme [Y] à verser à Mme [N] une indemnité complémentaire de 4.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance, ceux de la présente procédure et les frais éventuels d'exécution.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 10 mars 2020 et l'instruction clôturée par ordonnance du 25 février 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'écrit des 8 et 10 avril 2016 :

Le document dactylographié établi à en tête de Mme [N] [O], dressé à [W] [B] le 8 avril 2016 mentionne, : 'j'atteste sur l'honneur par la présente lettre mon intention de racheter les parts du cabinet de sages-femmes d'[Localité 8], d'une valeur de 35.000 euros, actuellement possédées par Mme [H] [Y], et ce, dès que l'accord de la sécurité sociale aura été donné.

En cas de besoin, si mon prêt professionnel était refusé, j'ai les fonds nécessaires sur mon compte personnel.' Sous le nom dactylographié figure la signature non contestée de Mme [N] (divorcée [X]).

Une version de ce courrier porte la mention manuscrite '[Adresse 7] le 10/4/16" suivie d'une signature sous laquelle figure le nom manuscrit [Y] [H].

Les échanges de SMS entre les parties les 8 et 9 avril 2016 établissent que ce document avait vocation à appuyer la demande de prêt professionnel de Mme [X].

Il résulte des écritures des parties et des pièces produites que Mme [Y] a exercé l'activité de sage-femme jusqu'en novembre 2015 au sein d'une société civile de moyen dénommée SCM de sages femmes [P]-[T], comprenant pour autres associées Mme [P] et Mme [T], Mme [Y] ayant acheté à ces dernières par acte notarié du 2 juin 2014, d'une part des droits de présentation de clientèle civile, d'autre part des parts de SCM, chaque poste ayant un prix distinct et déterminé.

Le document ci-dessus mentionné signé le 10 avril 2016 par Mme [Y] se borne à mentionner une intention d'acheter 'les parts du cabinet de sage-femme' ; il ne mentionne pas la patientèle ou le droit de présentation de clientèle civile, élément distinct des parts de la SCM, et cette situation est connue de Mme [Y] qui a elle-même acquis distinctement patientèle et parts de SCM.

La signature de Mme [Y] sous cette déclaration d'intention n'est accompagnée d'aucune mention de nature à constituer 'un bon pour accord de cession'précisant le les éléments cédés et leur prix.

En conséquence ce document ne matérialise pas un accord définitif sur la chose et sur le prix, même assorti d'une condition suspensive d'accord de la sécurité sociale.

Sur les échanges du 2 août 2016:

Il résulte des pièces versées par les parties que des courriels ont été échangés entre elles le 2 août 2016 , et en l'espèce :

-un courriel de Mme [N] à Mme [Y] (à 9 h07) faisant état de démarches entreprises en vue de la cession chez le notaire, déclarant avoir appris 'entretemps' que la somme de 35.000 euros envisagée ne concernait que la patientèle et que 'la SCM était en plus', évoquant les démarches effectuées auprès du conseil de l'Ordre des sages femmes, et proposant de racheter la patientèle pour un montant de 20.000 €;

-un nouveau courriel de Mme [N] à Mme [Y] (à 12 h 44), évoquant une conversation téléphonique, déclarant refuser sa contre-proposition, proposant derechef la somme de 20.000€ pour la patientèle ;

-un courriel en réponse de Mme [Y] à Mme [N] (à 12 h 44) mentionnant : « je te donne mon accord pour 20.000€. Tu ne vaux pas mieux qu'elles' »;

-un courriel de Mme [Y] à Mme [N] (à 15 H 11) mentionnant : « je reviens sur mon accord des 20.000 €.En reprenant les documents comptables, je ne suis pas d'accord sur ce prix ».

-Un courriel de Mme [N] à Mme [Y] à 15h44 mentionnant : « Bien. J'annule mon rendez-vous à la banque. Tu informeras le notaire que la transaction est annulée. Bon après-midi ».

Il en résulte que faute d'accord initial sur la consistance de la cession et sur les prix respectifs envisagés distinctement pour la patientèle et pour les parts de la SCM, les discussions ont repris entre les parties notamment ce 2 août 2016.

Mme [N] a proposé d'acheter la patientèle pour la somme de 20.000 €, proposition acceptée, par Mme [N] par écrit le même jour à 12h44.

Il s'en déduit que l'accord des volontés est devenu parfait à ce moment, l'accord étant complet sur la chose et sur le prix.

Si Mme [Y] a prétendu revenir sur son accord, Mme [N] n'a pour sa part pas déclaré renoncer à l'achat de cette patientèle pour la somme de 20.000€, son dernier courriel ayant pour objet d'inviter Mme [Y] à prévenir le notaire. La mention par Mme [N] de l'annulation de son rendez-vous à la banque ne peut interpréter comme matérialisant sa renonciation, Mme [N] ayant dans son courrier du 8 avril 2016 fait état de son intention d'achat même en cas de refus du prêt professionnel.

Il importe peu que la transaction n'ait pas été matérialisée devant notaire comme initialement envisagé, de telles formalités n'étant pas obligatoires pour une telle cession, et restant sans effet sur la rencontre des volontés déjà caractérisée.

Si les parties restent taisantes sur les conditions précises dans lesquelles Mme [Y] a fait assurer la prise en charge de sa patientèle depuis son départ de la structure en novembre2015, il est suffisamment caractérisé qu'elle l'a été en tout ou partie par Mme [N], ce fait étant matérialisé tant par les pourparlers d'achat de patientèle d'avril 2016 que par les attestations versées par Mme [Y] émanant des patientes [J] [L] [D] (pièce20) et [F] [S] (pièce 21). Il résulte suffisamment que la cession de la patientèle a été réalisée tandis que le prix convenu de 20.000 € n'a pas été payé.

En conséquence le jugement sera infirmé ; Mme [N] sera condamnée au paiement de la somme de 20.000 euros au titre du prix de cession avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 2 décembre 2016.

Sur les demandes complémentaires :

Mme [Y], qui supporte la charge de la preuve de la faute imputée à Mme [N] et supposée être à l'origine de son préjudice moral, ne rapporte la preuve ni d'une faute ni d'un préjudice, alors qu'elle avait fait le choix de quitter la région en novembre 2015 avant d'avoir finalisé les démarches utiles pour la cession de ses parts de la SCM et de sa patientèle, démarche dont elle connaissait pourtant la teneur du fait de sa propre acquisition ci-dessus mentionnée réalisée en juin 2014. Sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral est malfondée et sera rejetée.

L'équité commande de condamner Mme [N] qui succombe à payer à Mme [Y] pour la somme de 1000 euros (mille euros) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Mme [X].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [O] [N] divorcée [X] à payer à Mme [H] [Y] la somme de 20.000 euros (vingt mille euros) avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016,

Condamne Mme [O] [N] divorcée [X] à payer à Mme [H] [Y] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Mme [O] [N] divorcée [X] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Marie-Hélène HEYTE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/02637
Date de la décision : 06/05/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°18/02637 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-06;18.02637 ?
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