La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2019 | FRANCE | N°16/01896

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 02 octobre 2019, 16/01896


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 02 OCTOBRE 2019



(Rédacteur : Madame Nathalie PIGNON, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/01896 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JEIM











Madame [G] [E]



c/



SA Scop Cana-Elec, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 avril 2014



Maître [V] [I], ès qualités de commi

ssaire à l'exécution du plan de continuation de la SA Scop Cana-Elec















Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La p...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 02 OCTOBRE 2019

(Rédacteur : Madame Nathalie PIGNON, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/01896 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JEIM

Madame [G] [E]

c/

SA Scop Cana-Elec, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 avril 2014

Maître [V] [I], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SA Scop Cana-Elec

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 mars 2016 (RG n° F 14/01943) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 mars 2016,

APPELANTE :

Madame [G] [E], née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1] de

nationalité française, demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Magali BISIAU, avocate au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS :

SA Scop Cana-Elec, siret n° 382 161 164 00035, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 avril 2014, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2],

Maître [V] [I], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SA Scop Cana-Elec demeurant [Adresse 3],

représentés par Maître Marie LOUBES, avocate au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie Pignon, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Annie Cautres, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Elisabeth Fabry, conseillère

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- prorogé au 02 octobre 2019 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 13 juin 2018, auquel il est expressément fait référence pour l'exposé du litige, la cour a ordonné la réouverture des débats.

Par courrier recommandé avec avis de réception distribué le 25 juin 2018, Maître [I] a été régulièrement convoqué à l'audience du 13 mai 2019 à l'adresse [Adresse 4].

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 23 octobre 2017, auxquelles la cour se réfère expressément, et des déclarations réalisées à l'audience du 13 mai 2019, Madame [G] [E] sollicite la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, que son licenciement soit dit dénué de cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 11 648,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 164,83 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 80 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

La salariée sollicite également que les condamnations portent intérêts à compter de la saisine du Conseil et que la société soit déboutée de ses demandes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 15 novembre 2017, auxquelles la cour se réfère expressément, et des déclarations réalisées à l'audience du 13 mai 2019, la SA Scop Cana-Elec et la SELARL [V] [I] sollicitent la confirmation du jugement en son intégralité, que la salariée soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et qu'elle soit condamnée à verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le motif du licenciement

En application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des modifications technologiques.

En l'espèce, Mme [E] prétend que la rupture de son contrat de travail n'a pas pour objet les difficultés économiques de l'entreprise mais qu'elle serait une mesure inhérente à sa personne.

Elle évoque à cet effet qu'en février 2013, elle s'était vu refuser une demande de passage à temps partiel qu'elle a finalement obtenu par le biais d'une demande de congé parental.

Elle verse également un courriel de M. [A], président directeur général, du 16 mai 2013 expliquant que ce courriel démontre qu'il lui a été tenu rigueur de son passage à temps partiel.

La cour relève que le refus du temps partiel peut s'expliquer par le fait que la demande a été examinée un mois après l'ouverture de la période d'observation, le conseil d'administration avait alors refusé deux demandes de temps partiel, celle de Mme [E] et celle de M. [Y].

Par ailleurs, le dossier médical cité par la salariée fait seulement état de notes reprenant les dires et impressions de la salariée.

Enfin, le courriel de M. [A], du 16 mai 2013 est effectivement un courriel de recadrage, des reproches sont émis à l'encontre de Mme [E] mais également à l'encontre d'autres salariés : 'toutes celles et ceux qui sont en copie de ce mail doivent comprendre qu'il y a des impératifs et objectifs réglementaires à respecter et qu'il faut absolument tout mettre en oeuvre pour les atteindre et donc être 'réceptif' des demandes que font [G], [A], [D], [T] et [N]. Merci à tous de tenir compte de ce mail dès à présent'.

En outre, la société a connu des difficultés financières à compter de l'année 2010, ce qui l'a conduite à solliciter la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde qui a été prononcée par jugement du 16 janvier 2013 par le tribunal de commerce de Bordeaux. L'exercice 2013 n'ayant pas permis d'amélioration de sa situation, il a été décidé d'amorcer une politique drastique d'économies.

L'ensemble de ces éléments sont d'ailleurs précisés dans la lettre recommandée de proposition de modification du contrat de travail et dans la lettre remise en main propre à la salariée le 31 janvier 2014.

Confirmant le jugement du conseil de prud'hommes du 14 mars 2016, la cour considère que le licenciement dont Mme [E] a fait l'objet ne repose pas sur un motif inhérent à la personne de la salariée.

Sur l'obligation de reclassement

Lorsque l'employeur invoque un motif économique pour rompre le contrat de travail, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde sa décision mais aussi ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

La situation économique invoquée s'apprécie en fonction de l'activité globale de l'entreprise.

Le licenciement ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise.

L'obligation de reclassement interne préalable au licenciement pour motif économique a pour objet d'éviter le licenciement ; l'obligation de reclassement externe, a lieu, quant à elle, a posteriori, aux fins d'en limiter les conséquences.

L'obligation de reclassement étant un élément constitutif de la cause économique de licenciement, tout manquement de l'employeur suffit à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, même si la suppression d'emploi a bien une cause économique.

Le licenciement pour motif économique ne pouvant intervenir que si le reclassement du salarié s'est avéré impossible, il en résulte que les possibilités de reclassement doivent être recherchées avant la notification du licenciement, dès l'instant où le licenciement est envisagé.

L'employeur doit en conséquence engager une recherche sérieuse et active des postes disponibles en recherchant prioritairement un emploi de même catégorie assorti d'une rémunération équivalente.

Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de l'absence d'emploi disponible en rapport avec les compétences du salarié, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation.

En l'absence d'emploi de catégorie équivalente, l'employeur doit proposer un emploi de catégorie inférieure, le reclassement est alors subordonné à l'accord exprès du salarié.

Il peut s'agir d'un contrat précaire tel qu'un contrat à durée déterminée pour motif de surcroît d'activité, par exemple.

Le courrier du 31 janvier 2014, remis le jour de l'entretien préalable, précise :

'Nous vous avons proposé une modification de votre contrat de travail qui conduisait à réduire vos horaires.

Vous avez cependant refusé cette proposition de modification.

Raison pour laquelle nous sommes contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique fondé sur votre refus de modification de votre contrat de travail, elle-même fondée sur les difficultés économiques ci-dessus exposées.

La structure ne dispose d'aucun poste disponible à pourvoir permettant actuellement votre reclassement et nous ne manquerons pas de revenir vers vous en cas de réponse positive suite à nos recherches extérieures'.

La proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.

L'employeur ne peut limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser. Il en résulte qu'il doit proposer au salarié les postes que ce dernier a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail.

S'il résulte des pièces versées aux débats que la société a désormais recours à un prestataire extérieur pour le maintien et l'amélioration continue du système de management de la qualité, M. [Q], l'employeur ne démontre pas pour autant son souhait de supprimer intégralement le poste de responsable qualité. De plus, la décision de recourir à un prestataire extérieur n'apparaît dans aucun document de la société.

En conséquence, la SA Scop Cana-Elec devait proposer à Mme [E] dans le cadre de son obligation de recherche de reclassement la réduction de temps du poste de responsable qualité à hauteur de 15 heures hebdomadaires, et ce, même si la salariée l'avait refusée dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail.

En outre, la société n'apporte aucun élément relatif au reclassement interne alors même que l'effectif de la société est supérieur à 110 salariés.

Quant aux recherches externes de reclassement, l'employeur ne rapporte comme seule preuve de la recherche active et sérieuse de reclassement qui lui incombe, trois courriers adressés aux sociétés Akidis, Sobeca et Ceras mentionnant l'intitulé des qualifications des salariés licenciés, en l'espèce, 'un responsable QSE, cadre'. Ces courriers n'apportent aucune indication relative à la formation, à l'expérience, à la qualification de la salariée.

En outre, force est de constater, qu'une seule des trois sociétés sollicitées y a répondu, l'employeur n'ayant pas pour autant chercher à relancer les deux autres sociétés dans sa recherche de postes disponibles.

Au vue de l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'employeur qui n'a proposé aucune possibilité de reclassement au salarié et qui n'a pas démontré l'impossibilité pour l'entreprise de rechercher et de proposer un ou plusieurs postes de catégories égales ou inférieures n'a pas loyalement exécuté son obligation de reclassement.

En conséquence, ce manquement à l'obligation de recherche de reclassement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Si le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas de l'indemnité de préavis, en revanche, en cas de remise en cause de l'effet du contrat de sécurisation professionnelle sur la rupture du contrat de travail, et du licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle devient sans cause et le salarié retrouve son droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

En conséquence, Mme [E] a droit à son indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

L'employeur ne conteste pas les montants eux'mêmes tels que sollicités par la salariée, il lui sera alloué la somme de 11 648,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 164,83 euros au titre de l'indemnité congés payés y afférents.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [E], après avoir connu une période de recherche d'emploi, justifie avoir trouvé un emploi avec une rémunération inférieure à celle qu'elle percevait auprès de la société Scop Cana-Elec. En conséquence, au vu des pièces et des explications fournies, prenant également en compte l'âge, l'ancienneté de onze années de Mme [E] ainsi que ses charges de famille, il y a lieu d'allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les intérêts au taux légal

Il convient de rappeler qu'en matière prud'homale, les condamnations ayant le caractère de créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que la créance à caractère indemnitaire ne porte intérêts au taux légal qu'à compter du présent arrêt puisqu'elle a été déterminée par cette décision.

Sur le remboursement d'office à Pôle Emploi

Il convient, faisant d'office application des dispositions d'ordre public de l'article L.1235-4 du code du travail, d'ordonner le remboursement par la société à Pôle Emploi des indemnités chômage susceptibles d'avoir été perçues par l'intéressée du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de six mois.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à Mme [E] la somme de 1 500

euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 14 mars 2016 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de Madame [G] [E] dépourvu de cause réelle et

sérieuse ;

Condamne la SA Scop Cana-Elec à verser à Madame [G] [E] les sommes suivantes :

- 11 648,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 164,83 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne le remboursement par la SA Scop Cana-Elec à Pôle Emploi des indemnités chômage susceptibles d'avoir été perçues par Madame [G] [E] du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de six mois ;

Dit que les intérêts légaux seront dus sur les condamnations au paiement de créances ayant le caractère de créances salariales à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que la créance à caractère indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SA Scop Cana-Elec aux entiers dépens de première instance et

d'appel ;

Condamne la SA Scop Cana Elec à verser à Madame [G] [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, Présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/01896
Date de la décision : 02/10/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/01896 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-02;16.01896 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award