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05/12/2017 | FRANCE | N°16/04718

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 05 décembre 2017, 16/04718


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 16/04718









SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE



c/



[D] [O] épouse [R]

[Y] [R]

























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 janvier 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC ( RG : 14/00223) suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2016





APPELANTE :



SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE agissa...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/04718

SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE

c/

[D] [O] épouse [R]

[Y] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 janvier 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC ( RG : 14/00223) suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2016

APPELANTE :

SA CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE agissant en

la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Maître Guillaume DEGLANE de la SCP DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉS :

[D] [O] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

[Y] [R]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représentés par Maître François LALY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 octobre 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine COUDY, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [R] et Mme [D] [O] épouse [R] ont accepté le 12 février 2002 une offre de prêt de la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charente (ci après la Caisse d'épargne), pour un montant 152.449,05 € souscrit au taux annuel de 6,15% et remboursable en 120 échéances mensuelles, dont 119 d'un montant de 941,37 € et la 120e correspondant au remboursement du capital(prêt in fine), outre les intérêts et l'assurance. Ce prêt était destiné à financer la construction d'une maison à usage d'habitation sur un fonds acquis par les époux [R] le 15 septembre 2001.

Afin de le garantir, les époux [R] ont souscrit deux contrats d'assurance vie 'nuances 2" et 'nuances plus' au profit du prêteur. Ces contrats ont fait l'objet d'un nantissement, conclu le même jour que le contrat de prêt.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 octobre 2012, la Caisse d'épargne a mis en demeure les époux [R] de régler le capital prêté. Le 21 décembre 2012, la déchéance du prêt a été prononcée par lettre recommandée avec avis de réception, faute de régularisation à la suite de la mise en demeure.

Par acte d'huissier du 21 février 2014, la Caisse d'épargne a assigné les époux [R] devant le tribunal de grande instance aux fins d'obtenir le remboursement des sommes dues au titre du prêt conclu, soit 88.637,38 € en principal et 14.399,09 € au titre des intérêts de retard.

Les époux [R] ont quant à eux demandé de constater que la Caisse d'Epargne a gravement manqué à son devoir de conseil en leur faisant signer un contrat de prêt adossé à deux placements, alors que ni le patrimoine, ni les aspirations de ses clients ne justifiaient un tel montage spéculatif. Ils invoquent l'article L.533-4 du code monétaire et financier, que la banque aurait méconnu, alors qu'il disposait que le prestataire de services d'investissement doit respecter l'intérêt de ses clients, au vu de leur situation financière, et de leur compétence en la matière. Les époux [R] ont ainsi formulé, reconventionnellement, une demande d'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi.

Par jugement du 12 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Bergerac a :

- condamné les époux [R] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 102.766,47 €, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,15% à compter du 21 janvier 2014,

- rejeté la fin de non recevoir soulevée par la Caisse d'épargne,

- condamné la Caisse d'épargne à payer aux époux [R] la somme de 70.000 € avec intérêt au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance subi pour défaut de son devoir de mise en garde,

- ordonné la compensation entre les sommes dues,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

- dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux époux [R] aux entiers dépens,

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la déchéance du terme a été prononcée conformément aux dispositions contractuelles et que les époux sont redevables des sommes demandées. Sur le manquement du banquier à l'obligation de prudence et de mise en garde, le tribunal a considéré que les époux [R] ont eu connaissance de l'intégralité des sommes restant dues à la banque, dans la mise en demeure du 25 octobre 2012. Les relances précédentes concernaient des échéances impayées et non le solde définitif. Le délai de prescription quinquennal n'a donc commencé à courir qu'à compter du 25 octobre 2012, l'action des époux [R] en recherche de responsabilité de la banque n'était dès lors pas prescrire. Par ailleurs, il appartient à celui qui est contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation, et le tribunal a considéré que les informations délivrées aux époux [R] l'ont été de manière insuffisante sur l'ensemble du montage financier mis en place.

La Caisse d'épargne a relevé appel partiel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat le 18 juillet 2016, dans les termes suivants : 'appel partiel du chef de la condamnation de la SA Caisse d'épargne aqq Poitou-Charentes à payer à M. [Y] [R] et Mme [D] [O] épouse [R] la somme de 70 000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice de perte de chance subi pour défaut de son devoir de mise en garde et du chef de la compensation entre les somme dues.' .

Les consorts [R] ont formé un appel incident.

Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 12 octobre 2017, la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé appel,

- constater que l'action en responsabilité contractuelle des consorts [R] à l'encontre de la Caisse d'épargne est prescrite,

- constater que la banque n'a pas manqué à ses obligations professionnelles,

En conséquence,

- réformer le jugement,

Statuant à nouveau,

- juger les consorts [R] irrecevables en leur action,

- Y faisant droit, les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

Subsidiairement,

- juger recevable mais mal fondés les consorts [R] en leur action,

- Y faisant droit, les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

- pour le surplus, confirmer en son intégralité la décision entreprise,

Sur l'appel incident,

- juger irrecevable et mal fondés les consorts [R] en leur action,

- Y faisant droit, les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner à verser à la Caisse d'épargne, la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mettre les dépens à la charge des consorts [R] en ce compris les frais éventuels d'exécution,

Par conclusions signifiées par RPVA le 9 décembre 2016, les époux [R] demandent à la cour de :

- juger la Caisse d'épargne irrecevable autant que mal fondée en son appel limité du jugement rendu le 12 janvier 2016,

- constater que la Caisse d'épargne est irrecevable à se prévaloir d'une quelconque prescriptionà l'encontre des époux [R] puisque la fin de non-recevoir qu'elle a invoqué à ce titre a été rejetée par le jugement entrepris, et qu'elle n'a pas critiqué ce rejet dans son appel limité,

- constater que la Caisse d'épargne est également irrecevable à invoquer le respect de son devoir de conseil, puisque sa prétention sur ce point a été rejeté par le jugement et qu'elle n'a pas critiqué ce rejet dans son appel limité,

- constater enfin que la Caisse d'épargne est irrecevable à critiquer la somme de 70.000,00 € allouée en sa défaveur aux époux [R], tant dans son principe (puisqu'elle n'est plus admissible à nier l'existence de sa faute professionnelle) que dans son montant (puisqu'elle n'a pas conclu à ce sujet),

- en conséquence, constater le caractère définitif du jugement en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne de sa fin de non-recevoir tirée de l'argument de prescription, constaté l'existence de sa faute professionnelle et enfin l'a condamnée à indemniser ' au minimum ' les époux [R] en leur payant la somme de 70.000,00 €,

- débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble des prétentions qu'elle a jugé bon de présenter à l'occasion de son appel,

- faisant droit à l'appel incident des époux [R], condamner la Caisse d'épargne à leur verser une somme supplémentaire de 81.623,45 € en réparation de leur préjudice matériel, en raison de la perte d'une chance de ne pas contracter un prêt aventureux et de la perte d'une chance de contracter un prêt conforme à leurs intérêts bien compris,

- de même, condamner la Caisse d'épargne à payer aux époux [R] une indemnité de 10.000,00 € en réparation du préjudice moral que lui ont causé ses agissements,

- ordonner la compensation judiciaire entre les créances et dettes respectives des

parties, et condamner la Caisse d'épargne à payer aux époux [R] le solde restant en leur

faveur,

- condamner la Caisse d'épargne à payer aux époux [R] la somme de 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel,

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 octobre 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La banque ayant conclu en réponse sur l'appel incident des époux [R] le 12 octobre 2017, leur avocat a demandé le renvoi de l'affaire à la mise en état au motif qu'il n'était pas en mesure de répliquer avant l'audience du 31 octobre 2017. La cour, tout en déplorant le caractère particulièrement tardif des conclusions en réponse de l'appelante à des conclusions d'intimé avec appel incident signifiées le 9 décembre 2016, alors que l'avis de fixation est en date du 21 juillet 2017, a décidé de ne pas faire droit à cette demande, mais a autorisé l'avocat des intimés à déposer une note en délibéré sous huitaine.

Cette note a été déposée le 7 novembre 2017.

Maître Laly a notamment demandé le rejet des conclusions en réponse de la banque au motif qu'elles ont été signifiées plus de deux mois après ses conclusions d'appel incident.

Maître Deglane a demandé à la cour de rejeter la demande de rejet de ses conclusions du 12 octobre 2017, rappelant qu'il n'avait pas été formé de demande en ce sens auprès du conseiller de la mise en état ni lors de l'audience.

Maître Laly a répondu que la cour était compétente pour statuer sur la demande d'irrecevabilitédes dernières conclusions de la banque, et été d'office sur le fondement

de l'article 910 du code de procédure civile, ces conclusions étant postérieures au dessaisissement du conseiller de la mise en état.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dès lors que les dernières conclusions datées du 12 octobre 2017 de la banque, dont l'irrecevabilité pour tardiveté est demandée sur le fondement de l'article 910 du code de procédure civile sont antérieures au prononcé de l'ordonnance de clôture du 17 octobre 2017, seul le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer et si sur l'irrecevabilité pouvait être demandée à la cour, cette demande ne pouvait être formée qu'à l'occasion de l'audience et non par note en délibéré autorisée exclusivement pour répondre aux conclusions de la banque, aucune demande n'ayant été faite en ce sens à l'audience.

La banque a engagé le 21 février 2014 une action en paiement sur le fondement du contrat de prêt ; les débiteurs ont formé par voie de conclusions du 9 octobre 2014 une demande reconventionnelle en dommages intérêts et en compensation sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; la banque a opposé à cette demande la prescription quinquennale, faisant valoir que les époux [R] avaient connaissance de leur préjudice avant la mise en demeure du 25 octobre 2012.

Le tribunal n'a pas retenu cette argumentation, considérant que les époux [R] n'avaient eu connaissance de l'intégralité des sommes restant dues qu'à l'occasion de la mise en demeure.

Au dispositif du jugement, il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la banque.

Dès lors que celle-ci a formé, aux termes de sa déclaration d'appel, un appel partiel et que cette déclaration ne vise pas le chef du jugement qui rejette la fin de non-recevoir, qui ne fait pas l'objet d'un appel incident, il s'en déduit que le jugement est définitif de ce chef, de sorte que la demande de dommages intérêts des époux [R] est recevable. Les demandes de la banque relatives à la prescription de la demande de dommages intérêts des époux [R] sont donc irrecevables.

S'agissant là encore du périmètre de l'appel, les époux [R] sont pour leur part mal fondés à soutenir le caractère définitif du jugement en ce qu'il a constaté l'existence de la faute professionnelle de la banque et l'a condamnée à les indemniser en leur payant la somme de 70 000 €, puisque tel est précisément le libellé de la déclaration d'appel partiel, de sorte que considérer que le jugement , qui comporte un chef de dispositif distinct sur ce point, est définitif viderait de son objet l'appel de la banque.

Il est rappelé que la cour n'a pas à statuer sur les demandes de constatation qui ne sont que la reprise de la motivation des conclusions, et ne statue que sur les prétentions au sens du code de procédure civile.

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement en principal et intérêts de la banque et a condamné les époux [R] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 102.766,47 €, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,15% à compter du 21 janvier 2014.

Le débat en appel porte donc seulement sur les demandes de dommages intérêts des époux [R], quant au principe sur l'appel de la banque, et quant au quantum, sur l'appel incident des débiteurs, et sur le rejet de leur demande de dommages intérêts pour préjudice moral.

La banque soutient qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles en faisant contracter aux époux [R] un prêt in fine adossé sur des contrats d'assurance vie.

Le banquier est tenu à l'égard de ses clients, emprunteurs profanes, d'un devoir de mise en garde l'obligeant avant d' apporter son concours, à vérifier les capacités financières de ses clients et à les alerter sur les risques encourus. Il appartient à la banque d'apporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

Le code monétaire et financier, dans son libellé applicable en 2002, prévoyait en son article L533-4 que les prestataires de service d'investissement devaient agir au mieux des intérêts de leur clients, s'enquérir de leur situation financière, de leur expérience en matière d'investissements, de leurs objectifs en ce qui concerne le service demandé, et tenir compte de la compétence professionnelle de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu.

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a considéré que la banque avait manqué à ses obligations.

Il ne peut être soutenu que les époux [R] ne sont pas des emprunteurs profanes, alors qu'ils étaient respectivement agent des impôts et chef de service éducatif, au simple motif que l'épouse avait déjà souscrit auparavant un contrat d'assurance vie, système proposé par le conseiller de la banque pour adosser le prêt immobilier.

De même l'existence de la faculté de rétractation ne suffit pas à assurer a posteriori un devoir d'information à la lecture des conditions générales et particulières.

Le mécanisme du prêt in fine adossé à des contrats d'assurance vie nantis pour financer un prêt immobilier classique pour la construction d'une maison pour la retraite des emprunteurs ne présentait pour les époux [R] aucun avantage ni intérêt, et ils ont ainsi payé pendant dix ans des intérêts pour un montant important (112 964.40 € soit 120 mensualités de 941.37 € assurance comprise) sans avoir remboursé le capital ; en revanche ce mécanisme a permis à la banque de percevoir des commissions sur les contrats d'assurance et les intérêts sur le capital du prêt.

Il ne peut être fait grief aux époux [R] de ne pas avoir géré de façon dynamique ou audacieuse les contrats d'assurance vie, alors qu'ils n'avaient en cette matière aucune compétence, que la banque ne leur a prodigué aucun conseil mais s'est bornée à les informer de la valeur de leurs encours, et que leur liberté d'action était limitée par le nantissement ; la circonstance que le contrat d'assurance vie signé par monsieur [R] assorti de l'option 'gestion libre' ait prévu une mention signée par celui-ci 'Je reconnais avoir choisi un mode de gestion, une durée, et des supports d'investissement après avoir reçu conseil de la part du conseiller Caisse d'épargne sur le fonctionnement du contrat nuances plus. J'ai également été informé des variations possibles de la valeur des parts des unités de compte, à la hausse ou à la baisse, en fonction du cours sur les marchés financiers des titres qui les composent.', si cette mention constitue une information, ne suffit pas à donner à l'emprunteur une compétence d'investisseur ni à souligner son rôle propre dans la gestion des actions.

Il est constant que le solde des contrats de placement s'élevait à la date de la déchéance du terme à la somme de 64081.67 € , que la banque a récupérée et a déduite du principal du prêt, de sorte que les époux [R] à l'issue de cette opération, ont perdu l'épargne investie dans les contrat d'assurance vie, ont payé des intérêts 112 964.40 € et doivent encore rembourser un capital du prêt avec intérêts de 102 766.47 €. De plus, la cotisation initiale de l'époux (43910.40 €) sur ce contrat a perdu 21.5 % de sa valeur puisqu'à la date de rachat par la banque le 30 juin 2011, elle n'était plus que de 34471.51 € .

La probabilité que les arbitrages qu'auraient pu faire les époux [R] sur les unités de compte composant le contrat nuances plus soient de nature à compenser les intérêts versés est totalement hypothétique, et ce placement aventureux que ni le patrimoine, ni les aspirations de ses clients ne justifiaient, les exposait inutilement à un retard de remboursement de leur prêt immobilier.

Si les époux [R], qui disposaient d'une épargne équivalente à un peu moins de la moitié du bien immobilier qu'ils envisageaient d'acquérir, avaient conclu pour le surplus du financement un prêt classique, avec des mensualités équivalentes à celles versées, ils auraient à ce jour intégralement remboursé de prêt immobilier.

Il est donc patent que le mécanisme que leur a fait contracter la banque leur a causé un préjudice de perte de chance pour défaut de mise en garde.

Le jugement sera confirmé en son principe.

S'agissant du quantum, que les époux [R] veulent voir porter à la somme supplémentaire de 81 623.45 €, outre les 70 000 € alloués par le tribunal, la cour fera droit partiellement à cette demande, en allouant une somme globale de 90 000 €, étant précisé que les modalités de calcul de leur préjudice ne peuvent être intégralement retenues, et que le préjudice indemnisable est en l'espèce une perte de chance.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a il a débouté les époux [R] de leur demande de dommages intérêts pour préjudice moral, les attestations produites n'étant pas suffisantes à établir ce préjudice dont la cause unique serait les déboires avec la banque.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la banque dont l'appel principal est rejeté, qui sera en conséquence déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer aux époux [R], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de leurs frais de procédure, une somme de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel et de l'appel incident,

Dit n'y a voir lieu à déclarer irrecevables les conclusions de la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente en date du 12 octobre 2017 ;

Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente à payer à M. [Y] [R] et Mme [D] [O] épouse [R] la somme de 70.000 € avec intérêt au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance subi pour défaut de son devoir de mise en garde ;

Statuant à nouveau de ce chef, condamne la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente à payer à M. [Y] [R] et Mme [D] [O] épouse [R] la somme de 90.000 € avec intérêt au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance subi pour défaut de son devoir de mise en garde ;

Déboute chacune des parties de ses demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente à payer à M. [Y] [R] et Mme [D] [O] épouse [R] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charente aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/04718
Date de la décision : 05/12/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/04718 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-05;16.04718 ?
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