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22/06/2017 | FRANCE | N°15/04828

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 22 juin 2017, 15/04828


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 22 JUIN 2017



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/04828

















SAS SERMAT



c/



Monsieur [T] [Y]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié

par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 juillet 20...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 22 JUIN 2017

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/04828

SAS SERMAT

c/

Monsieur [T] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 juillet 2015 (R.G. n° F 14/00104) par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ANGOULEME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 28 juillet 2015,

APPELANTE :

SAS SERMAT, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

N° SIRET : B 3 11 945 10909

représentée par Me Jean-Philippe POUSSET de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉ :

Monsieur [T] [Y]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (37)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédérique BERTRAND de la SELARL BERTRAND-RAHMANI, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 mai 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sophie BRIEU, Vice-Présidente placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur [Y] a été recruté par la SAS Sermat en qualité de commercial-vendeur services par contrat à durée indéterminée du 23 mars 2009.

Par lettre recommandée du 21 avril 2011, Monsieur [Y] a fait l'objet d'un avertissement pour avoir mis à disposition gratuite du matériel au profit d'un client.

Par avenant du 19 avril 2012, Monsieur [Y] a été chargé du projet standardisation des espaces ventes services - EVS- et d'établir un état des lieux en matière de production et d'exportation, de proposer des solutions d'amélioration, de concevoir des outils de pilotage, de mettre en oeuvre des améliorations validées par la direction, de suivre la mise en oeuvre des changements et modifications organisationnelles. Le courrier accompagnant cet avenant adressé à Monsieur [Y] le 19 avril 2012 précisait que la

société Sermat consentait à annuler l'avertissement reçu le 29 avril 2011.

Par requête déposée au greffe le 24 mars 2014, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Angoulême d'une requête en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de harcèlement moral. Après vaine tentative de conciliation, l'affaire a été appelée devant le bureau de jugement qui a, par jugement du 18 mai 2015, constaté un partage de voix.

En audience de départage, le 10 juillet 2015, Monsieur [Y] a demandé de :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, - condamner la société Sermat à lui payer :

-115 000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,

-100 000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2408,75 € au titre des congés payés lui restant au 31 mai 2014,

-4817,50 € au titre de l'indemnité de préavis,

-2408,75 € au titre de l'indemnité de licenciement,

-3236,69€ au titre du rappel de primes de vacances,

-2500€ au titre des frais irrépétibles, outre sa condamnation dépens

le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 24 juillet 2015, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la société Sermat à Monsieur [Y] à compter de la date du jugement, et ce avec exécution provisoire ;

- condamné la société Sermat à payer à Monsieur [Y] les sommes de :

-4817,50 € au titre de l'indemnité de préavis,

-2408,75 € au titre de l'indemnité de licenciement,

-2408,75 € au titre des congés payés restant au 31 mai 2014,

-15 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

-30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes des parties et a rappelé en tant que de besoin que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires sont exécutoires de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant fixée à 2408,75 euros,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- condamné la société Sermat aux dépens.

Par déclaration de son avocat au greffe de la cour le 28 juillet 2015, la SAS Sermat a régulièrement interjeté appel de cette décision.

La société Sermat a poursuivi en parallèle la consignation des fonds soumis à l'exécution provisoire de plein droit et l'arrêt de l'exécution provisoire au visa de l'article 524-2° du code de procédure civile.

Par ordonnance du 3 septembre 2015, le Premier président de la Cour d'appel de Bordeaux a :

- débouté la société Sermat de ses demandes,

- débouté M. [Y] de sa demande de l'indemnité procédurale,

-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par conclusions déposées le 17 mai 2016 au greffe de la Cour et développées oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, la SAS Sermat demande à la Cour d'infirmer le jugement dont appel et de :

- dire et juger que Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve des faits de harcèlement moral invoqués,

- dire et juger que l'employeur n'a commis aucun manquement grave à ses obligations contractuelles,

- dire et juger que le contrat de travail a pu se poursuivre sans difficulté,

- dire et juger que l'employeur a rapporté la preuve du respect de la procédure en matière d'information des institutions du personnel en l'occurrence la délégation unique du personnel,

- dire et juger que l'employeur a respecté le délai de prévenance suffisant,

- dire et juger que M. [Y] a été recruté postérieurement à l'information donnée aux institutions du personnel de la dénonciation de l'usage outre du terme de délai de prévenance,

- déclarer la demande du salarié mal fondée et en tout état de cause le voir débouter de l'ensemble de ses demandes tendant au rappel de salaires et au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le salarié à régler à la société Sermat la somme de 2500 euros.

Par conclusions déposées le 29 août 2016 et 24 avril 2017 au greffe de la Cour et développées oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, M. [Y] demande à la Cour de :

- déclarer recevable mais mal fondée la SAS Sermat en son appel,

- débouter la SAS Sermat de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage rendu le 24 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes d'Angoulême,

- procéder à la rectification de l'erreur matérielle du jugement, en application de l'effet dévolutif de l'appel et des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, et en conséquence reporter dans le dispositif la condamnation de la SAS Sermat à verser à Monsieur [Y] la somme de 4425,41 euros brut au titre des rappels de prime de vacances,

- condamner la SAS Sermat à verser à Monsieur [Y] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sermat aux entiers dépens d'instance.

* Sur le harcèlement :

Au soutien de son appel, la SAS Sermat valoir que M. [Y] qui soutient avoir été victime d'humiliations et brimades de la part de M. [H], PDG de la société, d'une mise au placard et de mesures vexatoires, de sanctions injustifiées ayant entraîné la dégradation de ses conditions de travail et de santé, ne produit que des attestations contenant des propos généraux concernant ses échanges avec ce dernier; il n'a jamais fait part de ses difficultés concernant les humiliations et brimades de la part de son employeur, et rien de tel n'a été évoqué lors des réunions de DUP alors même que M. [F], l'un des témoins était lui-même secrétaire de la délégation unique du personnel ; elle critique le jugement dans la conception qu'il a retenu du rôle des IRP ; si M. [H] a utilisé l'expression 'pédaler à côté du vélo' pour caractériser l'attitude de M. [Y] par email et justifier le retrait de la mission qui lui était confiée, le salarié, par son silence, n'a pas estimé que ce propos était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; en outre, en l'absence de répétition, cela ne peut être constitutif de harcèlement moral. Elle ajoute que M. [Y] a continué à exercer ses fonctions, outre celle du poste en intérim, et il lui a été confié de nouvelles fonctions claires à partir de décembre 2014.

M. [Y] soutient quant à lui avoir subi des brimades et humiliations constitutives du harcèlement moral et justifier des faits invoqués par la production deux attestations de collègues témoignant avoir assisté à ces épisodes et par les échanges de courriels avec son supérieur M. [H] ; il a alerté son employeur de ces difficultés, en vain.

Il a sollicité auprès de son employeur certaines missions qu'il n'a pas obtenues, ne se voyant alors plus confier le moindre travail par la SAS Sermat pendant plus d'un an ; le plan d'action a été stoppé par M. [H] le 7 décembre 2012.

Il a également subi des sanctions injustifiées ; un avertissement lui a été adressé tandis que la direction avait reconnu qu'il était injustifié, sans pour autant l'annuler .

La dégradation de ses conditions de travail a fortement dégradé son état de santé

* Sur la résiliation judiciaire :

La SAS Sermat fait valoir que des faits anciens, non dénoncés par le salarié pendant des années et n'ayant pas empêché la poursuite du contrat, ne peuvent justifier la rupture.

M. [Y] répond que l'importance des manquements de la société Sermat à ses obligations contractuelles et la durée du harcèlement moral subi justifient la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

*Sur la prime de vacances :

M. [Y] soutient qu'il y a omission matérielle dans le dispositif des sommes que la SAS Sermat a été condamnée à lui régler comme précisé dans les motifs ; il réactualise ses demandes jusqu'au 24 juillet 2015.

Il fait valoir qu'il existe un usage au sein de la société s'agissant du versement de la prime de vacances, lequel n'a pas été régulièrement dénoncé en sorte qu'il subsiste et le fait qu'il n'en bénéficie pas est constitutif d'une violation du principe 'à travail égal, salaire égal'.

La SAS Sermat soutient que cet usage a été régulièrement dénoncé et ceci avant l'embauche de M. [Y] ; par ailleurs, il n'y a pas violation du principe 'à travail égal, salaire égal' comme le justifie les bulletins de salaires produits concernant les quatre autres salariés ayant la même fonction de responsable de développement régional (2009 à 2011) et le même niveau de qualification ; sur le poste de chargé de projet à compter de 2012, il n'y a pas de poste équivalent pouvant alimenter une étude comparative et la comparaison de la situation financière de M. [Y] pour cette période avec celle des salariés occupant ses précédentes fonctions ou emploi équivalent révèle l'absence de disparité financière à son encontre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prime de vacances

L'employeur ne peut supprimer les avantages devenus obligatoires dans l'entreprise par voie d'usage, que par une dénonciation régulière de ces derniers. Les règles de dénonciation des usages dans l'entreprise supposent que celle-ci soit portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel dans le respect d'un délai de prévenance suffisant pour permettre l'ouverture d'éventuelles négociations. Il appartient également à l'employeur d'informer chaque salarié individuellement de la dite dénonciation.

L'usage non régulièrement dénoncé demeure en vigueur. Il en résulte que les salariés même embauchés postérieurement à la dénonciation irrégulière, peuvent réclamer l'avantage résultant de cet usage jusqu'à la dénonciation régulière de celui-ci ou la conclusion d'un accord d'entreprise ayant le même objet que l'usage antérieur.

En l'espèce, il est constant que la SAS Sermat versait pour l'ensemble de ses salariés une prime de vacances équivalant à 30% du salaire mensuel brut versé en deux fois, aux mois de juillet et décembre.

L'employeur n'apporte aucune pièce permettant de remettre en cause les constatations des premiers juges en ce que la SAS Sermat a simplement consulté la délégation unique du personnel sur la modification de la prime vacances mais non sur la modification effectivement retenue et en ce qu'il n'est pas justifié que la note d'information du 2 février 2004 qui annonce l'intégration au salaire de base de la prime vacance a été adressée individuellement à chaque salarié concerné par lettre simple ou lettre recommandée, note d'information prévoyant que l'intégration au salaire de base qu'après signature d'un avenant à chaque contrat de travail et précisant que dans le cas contraire, la prime continuera à apparaître de façon distincte sur les bulletins de salaire.

Ainsi l'usage antérieur n'a pas été régulièrement révoqué et les salariés de la SAS Sermat employés avant M. [Y] peuvent prétendre au versement de cette prime de vacances distincte.

La persistance de cet usage au bénéfice des salariés embauchés avant sa dénonciation irrégulière, laisse présumer à l'encontre de M. [Y] qui ne bénéficie pas de la prime de vacances d'une inégalité de traitement.

Il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

En l'occurrence, la SAS Sermat produit les pièces relatives à la rémunération de trois autres salariés bénéficiant du même niveau de qualification et de rémunération que M. [Y]. Pour deux d'entre eux entrés dans l'entreprise en 2009, la rémunération est identique. En revanche, M. [X] qui est entré dans l'entreprise le 14 avril 2003, soit avant la dénonciation irrégulière de l'usage, est en droit de prétendre au bénéfice de l'usage lié à la prime de vacances distinctes. Ainsi l'employeur tente, en vain, de rapporter la preuve contraire, sans justifier la différence par des éléments objectifs en sorte qu'il sera fait droit à la demande de M. [Y]. La SAS Sermat sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 4.425, 41 euros bruts au titre des rappels de prime de vacances.

Le jugement entrepris qui a omis de statuer sur cette demande, les motifs n'étant pas décisoires, sera ainsi complété.

Sur le harcèlement

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En 2012, le dossier médical de M. [Y] ne faisait pas mention de difficultés d'ordre médical même si le salarié avait énoncé l'existence de tensions avec la direction. Lors de la visite médicale faite à la demande du salarié qui était en arrêt de travail depuis deux semaines le 4 décembre 2014, il a fait état d'une situation conflictuelle avec sa hiérarchie et des pressions de la part de la direction. Le médecin du travail n'a pas délivré de fiche d'aptitude sans pour autant faire des constatations particulières sur son état de santé.

M. [Y] a été en arrêt de travail pendant dix jours en novembre 2013 pour un stress au travail et épuisement débutant, puis du 29 novembre 2014 au 2 janvier 2015 pour syndrome anxio-dépressif avec épuisement physique et psychique, trouble du sommeil, et du 15 janvier au 6 février 2015 pour état anxio-dépressif.

Les attestations de M. [E] et de M. [F] qui mentionnent que M. [Y] était humilié par M. [H] devant les membres de la réunion sont insuffisamment circonstanciées, ne précisant aucunement les termes utilisés et les situations. Elles ne présentent donc pas de valeur probante quant aux faits d'humiliation invoqués.

Il est en revanche établi par les pièces versées aux débats que :

- M. [Y] a fait l'objet d'un avertissement le 21 avril 2011 que l'employeur a annulé le 19 avril 2012 alors même qu'il avait dès le 8 décembre 2011 déclaré au salarié qu'il l'annulerait, le laissant patienter plus de cinq mois avant de formaliser sa décision au sein de l'avenant au contrat de travail ;

- l'employeur n'a formalisé qu'en avril 2012 l'avenant au contrat de travail proposé dès le mois de novembre 2011 ;

- M. [H] , président de la SAS Sermat, a pris la décision d'arrêté la mission de chef de projet EVS de M. [Y] le 7 décembre 2012 en lui disant 'tu pédales à côté du vélo' ;

- il n'a pas été fourni de travail à M. [Y] entre le mois de juin 2013 et 2014 ; en effet, à l'arrêt de sa mission de chef de projet le 7 décembre 2012, il a eu diverses missions dont celle de proposer un plan d'action pour l'amélioration continue AC-SS EV S16, comme cela résulte du courrier qu'il a adressé à Mme [O], la directrice générale le 28 février 2013 ; il est ainsi justifié de ce qu'il a eu des tâches jusqu'en juin 2013, étant toutefois précisé qu'à compter de février 2013, ses tâches ne se rapportaient plus aux fonctions de chef de projet EVS ; ce n'est qu'en janvier 2014 qu'il lui a de nouveau été confié la réalisation d'un projet dit d'amélioration exploitation et à compter du mois d'avril 2014 qu'il a occupé le poste de Manager EVS en interim ; ainsi les tâches de chargé de projet lui ont été ôtées pendant environ un an et il n'a été chargé d'aucune tâche quelle qu'elle soit pendant une période d'environ six mois ;

- par mail du 3 novembre 2014 à 11H43, M. [K] a indiqué à M. [Y] que dans l'hypothèse où il n'avait pas reçu le courrier lui indiquant devoir continuer à occuper le poste de MEVS en interim jusqu'à fin décembre 2014, de lui indiquer quel était son plan d'action au niveau du projet de standardisation des EVS et attendre sa réponse pour 14 heures au plus tard ;

- M. [K] a usé de propos disqualifiant à son égard en comparant son travail à celui du niveau d'un poste de secrétaire et en lui indiquant que l'assistance qu'il lui apportait face à l'insuffisance constatée revenait à le positionner au niveau d'apprenti dans ce domaine dans les mails des 16 et 18 juin 2015.

Ces faits répétés, pris dans leur ensemble, laissent présumer de harcèlement moral.

La SAS Sermat avait proposé à M. [Y] par lettre du 4 novembre 2011 un projet de modification de son contrat de travail en passant du poste de commercial vente service au poste de chef de projet standardisation des EVS. M. [Y] avait un délai de 15 jours pour l'accepter. Or il ressort des pièces versées aux débats que M. [Y] a demandé des changements dans son adresse ainsi que dans l'intitulé de son ancien poste, arguant de ce qu'il occupait un poste de responsable du développement régional. Par ailleurs, il ressort des courriels de M. [Y] du 4 novembre 2011 et 5 décembre 2011, qu'il avait des revendications salariales concernant des primes justifiant que ces différends soient réglés avant de formaliser l'avenant et caractérisant des éléments objectifs de nature à justifier le délai de 5 mois pour formaliser l'avenant au contrat de travail. Cette attente n'est donc pas constitutive de harcèlement moral.

Concernant les propos tenus par M. [H] en décembre 2012 :'tu pédales à côté de ton vélo', l'employeur considère qu'il ne s'agit pas d'une expression dénigrante mais d'une simple expression imagée et soutient qu'elle a été sortie de son contexte. Or si l'employeur estimait que les résultats qu'il attendait concernant le plan d'action des EVS dont M. [Y] était en charge, n'étaient pas au rendez-vous et que le travail de M. [Y] lui apparaissait insatisfaisant, voire insuffisant ou hors sujet, l'expression utilisée induit mépris et absence de considération pour le salarié auquel elle était adressée, laissant en outre percevoir le sentiment de supériorité de son auteur. Il s'agit de propos blessants qui ne peuvent s'expliquer objectivement par le manque de qualité du travail, l'agacement qu'a pu éventuellement ressentir le directeur ne caractérisant pas plus un élément objectif.

La SAS Sermat n'apporte aucune explication objective à l'arrêt du projet de standardisation des EVS, qu'elle a de nouveau confié à M. [Y] lorsque ce dernier l'a réclamé fin octobre 2014.

L'employeur, qui prétend que des tâches avaient été confiées à M. [Y] à la suite de l'arrêt du plan d'action EVS, ne justifie pas de tâches autres que celles qui ont été mentionnées précédemment et n'apporte aucun élément objectif de nature à justifier l'absence de tâches ni même l'absence de preuve des tâches accomplies pendant la période de juin 2013 à janvier 2014.

Les propos tenus par M. [K] au sein des deux courriels précités, dont seul M. [Y] était destinaire, n'étaient pas humiliants ou dégradants et devaient permettre à ce dernier de se ressaisir, au regard du constat objectif de l'insuffisance dont le salarié faisait preuve dans l'exécution de ses tâches de chargé de projet des EVS et de l'aide qui lui était alors proposée par M. [K]. Ces faits ne sont donc pas constitutifs de harcèlement moral.

En revanche, l'injonction que M. [K] a donné à M. [Y] le 8 novembre 2014, alors même qu'il était fait droit le matin même à la requête du salarié, au point qu'il a fallu une réaction du salarié s'étonnant de ce qu'en pratique il n'avait que 20 minutes pour satisfaire à la demande alors qu'il ne s'agissait pas de la seule transmission de documents existants mais également de la production de son plan d'action et que le projet avait été abandonné pendant près d'un an, n'est pas expliqué par des éléments objectifs exempts de tout harcèlement moral.

C'est d'ailleurs dans les jours qui ont suivi que le salarié a été placé en arrêt de travail pour syndrome anvio-dépressif.

En définitive, il est établi que M. [Y] a été victime de harcèlement moral. Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Les premiers juges ont exactement apprécié le préjudice subi par M. [Y] à raison du harcèlement moral à la somme de 15.000 euros pour harcèlement moral et le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire

Sur le fondement de l'article 1184 du code civil et de l'article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l'employeur aux obligations découlant du contrat de travail.

Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.

Les faits de harcèlement moral dont a été victime M. [Y] de la part de son employeur se sont déroulés de décembre 2012 à novembre 2014, soit pendant près de deux ans et sont contemporains de la saisine du conseil de prud'hommes par ce dernier le 24 mars 2014.

Ce harcèlement moral par sa durée et son caractère contemporain de la saisine du conseil de prud'hommes caractérise un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles d'une telle gravité qu'il rend impossible la poursuite du contrat de travai et justifie la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat à compter de sa date, soit le 24 juillet 2015.

Sur les conséquences de la rupture

La rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est à bon droit que les premiers juges ont accordé à M. [Y] les indemnités de licenciement, indemnités compensatrice de préavis et de congés payés afférente dont les modalités de calcul ne sont pas remises en cause. Le jugement entrepris sera confirmé à ces titres.

Au regard de l'ancienneté de 5 ans et six mois, de M. [Y] âgé de 47 ans au moment de la rupture du contrat de travail et de son salaire de 2.409 euros, le préjudice complémentaire subi par M. [Y] a été exactement apprécié à la somme de 30.000 €. Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SAS Sermat succombant sera condamnée aux entiers dépens. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, l'équité commande de faire bénéficier M. [Y] de ces mêmes dispositions et de condamner en conséquence, la SAS Sermat à lui verser une indemnité complémentaire de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Complétant le jugement entrepris en ce qu'il a omis de statuer sur le rappel de primes de vacances ;

Dit qu'il existe une inégalité de traitement ;

Condamne la SAS Sermat à verser à M. [Y] la somme de 4.425, 41 euros bruts au titre des rappels de prime de vacances ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Sermatà verser à M. [Y] une indemnité complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Sermat de ses demandes ;

Condamne la SAS Sermat aux entiers dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Marc SAUVAGE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/04828
Date de la décision : 22/06/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/04828 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-22;15.04828 ?
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