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20/06/2017 | FRANCE | N°16/01336

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 20 juin 2017, 16/01336


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 JUIN 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 16/01336









CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE



c/



[D] [C]

























Nature de la décision : AU FOND













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Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 13/00825) suivant déclaration d'appel du 29 février 2016





APPELANTE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, prise ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 JUIN 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/01336

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE

c/

[D] [C]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (RG : 13/00825) suivant déclaration d'appel du 29 février 2016

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Maître Marjorie RODRIGUEZ, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉ :

[D] [C]

né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Frédéric GEORGES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mai 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

La société Transports et Locations (STL) a souscrit entre 1992 et 1995 divers emprunts auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine (CRCAMA).

M. [D] [C], père de M. [Z] [C], gérant de ladite société, s'est porté caution pour ces différents emprunts.

Face aux difficultés de paiement rencontrées par la société STL, la banque a actionné la caution en paiement, par assignation du 10 octobre 1996, et sollicité également paiement de deux prêts personnels souscrits par M. [D] [C].

En février 1997, la société STL, représentée par son gérant, a déposé plainte contre X du chef d'escroqueries avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction de Libourne, se disant victime de manoeuvres frauduleuses de la part de son prêteur.

Par jugement en date du 20 mars 1998, le tribunal de grande instance de Libourne a prononcé sursis à statuer en ce qui concerne l'ensemble des prêts cautionnés par M. [D] [C] et renvoyé à la mise en état pour ce qui concerne les prêts personnels.

Par jugement en date du 13 novembre 1998, M. [D] [C] a été condamné au titre de ces prêts personnels au paiement de la somme de 20.106,62€, son appel étant déclaré irrecevable par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 23 octobre 2011. Ces prêts ont été apurés.

S'agissant de la procédure pénale, par ordonnance du 16 décembre 1999, un non lieu a été prononcé, confirmé par la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Bordeaux par arrêt du 19 juin 2001, le pourvoi étant déclaré irrecevable.

En l'absence de diligence des parties, l'instance pendante devant le tribunal de grande instance pour les prêts cautionnés s'est périmée.

La société STL a été placée en redressement judiciaire en date du 12 septembre 1997 puis en liquidation judiciaire le 10 décembre 2002, avec un jugement de clôture prononcé le 28 janvier 2011 après absorption des actifs par le créancier gagiste, les autres créances demeurant irrécouvrables, ce compris celle de la CRCMA déclarée par courrier du 30 octobre 1997 et du 12 février 2003.

Par acte du 12 juin 2003, la banque a fait assigner M. [D] [C].

Par jugement du 16 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Libourne a :

- rabattu l'ordonnance de clôture des débats au jour des plaidoiries,

- déclaré les conclusions de M. [D] [C], notifiées par voie électronique le 1er juin 2015, recevables,

- déclaré la CRCAMA irrecevable en ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la CRCAMA aux dépens.

Le tribunal a considéré que les créances dont la banque fait état sont nées antérieurement au jugement d'ouverture puis de redressement et n'ont pas été déclarées, sans qu'il puisse être raisonnablement soutenu que cette non déclaration serait fautive en fraude des droits de ses créanciers et incomberait au débiteur dès lors que ces créances sont anciennes et qu'en conséquence, les demandes de la banque sont irrecevables.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat en date du 29 février 2016, ce dans des conditions de régularité non contestées.

Par conclusions signifiées par RPVA le 24 avril 2017, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine demande à la cour de :

- au besoin surseoir à statuer dans l'attente de la mise en cause du Commissaire à l'exécution du plan,

- dire qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner à titre principal M. [C] à lui verser, ou à défaut et à titre subsidiaire fixer les créances, aux sommes suivantes :

* 81.501,67€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 11,70% + 3% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°3600990691,

* 49.248,87€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,00% + 3% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°36101297590,

* 58.4441,41€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,95% + 3% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°36101001251,

* 42.410,66€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 9;05% + 3% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°36101004216,

* 305.433,39€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,60% + 3% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°36103538854,

* 7.059,15€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,30% + 3,00% à compter du 28 mai 2013 jusqu'à parfait règlement pour ce qui concerne le prêt n°3610358911,

- à défaut le dire en tout état de cause prescrit à soulever tout argumentaire sur la validité du cautionnement,

- à titre subsidiaire, si la cour venait à retenir la déchéance du droit aux intérêts, lui enjoindrait de produire un nouveau décompte de créance arrêté à la date de la mise en demeure, étant rappelé que la créance de la caution sera assortie à compter de cette date du taux d'intérêt légal,

- en tout état de cause et subsidiairement dans l'hypothèse où la Cour devrait juger de l'irrecevabilité de la banque compte tenu de l'absence de déclaration de créance et l'interdiction des poursuites, de condamner M. [C] à une somme de 544.000€ à titre de dommages et intérêts en raison de la fraude commise à son encontre,

- en tout état de cause, de condamner M. [C] à une somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 12 juillet 2016, M. [D] [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevables les demandes de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine,

- à titre subsidiaire, au fond,

- déclarer nuls ses engagements de cautions,

en conséquence,

- débouter la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine de l'intégralité de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels,

- condamner la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance en date du 2 mai 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan de M. [D] [C], dès lors qu'il était parfaitement loisible à la banque de l'assigner en tant que de besoin en intervention forcée.

Sur la fin de non recevoir

En application des articles L-631-14 et L622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective ou de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L622-17 du même code et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Aux termes de l'article L622-26 alinéa 2 du code de commerce, les créances non déclarées régulièrement dans les délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après son exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

Ces règles sont d'ordre public et l'arrêt des poursuites individuelles constitue une fin de non recevoir que le juge doit le cas échéant relever d'office.

Il est constant que M. [D] [C] a été placé en redressement judiciaire par jugement du 2 décembre 2008, et qu'il est actuellement en cours d'exécution d'un plan d'une durée de neuf ans adopté le 9 mars 2010, et que la demande de la banque tend à la condamnation de M. [D] [C] au paiement d'une somme d'argent.

C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a considéré que les créances dont se prévaut la CRCAMA à l'encontre de M. [D] [C] sont nées antérieurement au jugement de redressement judiciaire en date du 2 décembre 2008, puisqu'elles résultent de prêts souscrits en 1992 et 1995 par la société Transports et location dont il s'était porté caution, et que ces créances n'ont pas été déclarées au passif de M. [D] [C], dont la procédure de redressement judiciaire a été régulièrement publiée au BODACC, sans qu'ait été sollicité un relevé de forclusion par ce professionnel du crédit qu'est la banque, et qu'en conséquence en application des textes précités, M. [D] [C] était fondé à opposer un fin de non recevoir à la demande de la banque en appel incident d'une somme d'argent.

C'est vainement que la banque fait valoir en appel la date d'entrée en vigueur de l'article L622-26 du code de commerce dès lors que la fin de non recevoir retenue par le tribunal est fondée non sur cet article mais sur l'article L622-21 et que cet article L622-26 était en vigueur à la date de l'assignation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la CRCAMA irrecevable en ses demandes.

Sur la demande de dommages intérêts de la CRCAMA

La banque fait valoir la fraude dont se serait rendu coupable M. [D] [C] en ne déclarant pas à son mandataire judiciaire la créance de la banque, fraude postérieure au jugement d'ouverture, ce qui autoriserait le jeu normal des poursuites individuelles, et présente en appel une demande de dommages intérêts à hauteur de 544 000 € sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil.

Elle sera déboutée de cette demande, dès lors que M. [D] [C] n'avait aucune obligation de déclarer en 2008 une créance en qualité de caution, ancienne puisque portant sur des prêts de 1992 et 1995, et qui surtout avait fait l'objet d'une première instance engagée par la banque en 1996 que la banque a laissé périmer après le non-lieu pénal ayant fondé un sursis à statuer prononcé en juin 2001, non-lieu qui mentionnait néanmoins les pratiques de la banque manquant de rigueur et de clarté, et alors que la banque avait déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société STL, qui a fait l'objet d'une clôture par jugement du 28 janvier 2011 avec une créance de la banque déclarée irrecouvrable, de sorte que cette créance était en cours auprès du débiteur principal, la société STL, lors du prononcé du redressement judiciaire de M. [D] [C].

Il apparaît en réalité que la banque a été peu diligente dans le traitement de cette créance pour avoir laissé périmer l'action engagée en 1996.

Il n'y a pas lieu dès lors d'examiner l'argumentation subsidiaire au fond de M. [D] [C], étant surabondamment observé que la banque ne justifie pas de l'information annuelle de la caution ce qui eût été de nature à la faire déchoir des intérêts conventionnels prévus à un taux élevé et majoré sur une longue durée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel seront mis à la charge de la CRCAMA dont les demandes sont rejetées et qui sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer sur ce même fondement à M. [D] [C], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles, une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que le tribunal a dit n'y avoir lieu à condamnation à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine de sa demande de dommages intérêts ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine à payer à M. [D] [C] une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/01336
Date de la décision : 20/06/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°16/01336 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-20;16.01336 ?
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