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18/02/2016 | FRANCE | N°15/01782

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 février 2016, 15/01782


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------













ARRÊT DU : 18 FÉVRIER 2016



(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



BAUX RURAUX



N° de rôle : 15/01782

















Madame [K] [U]-[V]



c/



Madame [W] [F] épouse [E]





















Nature de la décision : AU FOND















Notifié par LETTRE SIMPLE le :



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2015 (R.G. n°511400003) par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANGOULEME, suivant déclaration d'appel du 20 mars 2015,







APPELANTE :



Madame [K] [U]-[V]

deme...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 FÉVRIER 2016

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

BAUX RURAUX

N° de rôle : 15/01782

Madame [K] [U]-[V]

c/

Madame [W] [F] épouse [E]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LETTRE SIMPLE le :

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2015 (R.G. n°511400003) par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANGOULEME, suivant déclaration d'appel du 20 mars 2015,

APPELANTE :

Madame [K] [U]-[V]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-François MORLON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [W] [F] épouse [E]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Dominique LEGIER de la SCP ACALEX AVOCATS CONSEILS ASSOCIES, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2016 en audience publique, devant Madame Véronique LEBRETON et Madame Catherine MAILHES, Conseillères chargées d'instruire l'affaire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Madame Véronique LEBRETON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence CHANVRIT, Florence Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par arrêt en date du 22 mars 2000, la cour d'appel de Bordeaux a autorisé Mme [N] [F] à céder à sa fille [W] [F], épouse [E], le bail rural portant sur plus de 30 ha qui lui avait été consenti avec son époux [Q] [F] en 1975 par [R] et [C] [U] et dont la superficie aurait été modifiée par avenant du 29 septembre 1987.

Par requête déposée auprès du greffe du tribunal paritaire des baux ruraux d'Angoulême le 24 avril 2014, Mme [W] [E] a sollicité la convocation de Mme [U], devenue propriétaire des terres objet du bail aux fins d'être autorisée à son tour à céder son bail à son fils [Z].

Par jugement en date du 6 mars 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Angoulême a :

autorisé Mme [W] [E] à céder à son fils [Z] [E] le bail rural dont elle bénéficie portant sur les parcelles situées :

commune de Saint Ciers sur Bonnieure (16) cadastrées section ZB numéro [Cadastre 1]A, [Cadastre 2], [Cadastre 3]A, [Cadastre 5], [Cadastre 7], 73, [Cadastre 8]A et section ZM numéro [Cadastre 3],

commune de [Localité 1] (16) cadastrées section ZA numéro [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 9]K,

rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles formées par Mme [K] [U]-[V],

condamné Mme [U]-[V] aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes les autres demandes des parties.

Mme [U]-[V] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 20 mars 2015.

Par conclusions déposées au greffe le 11 janvier 2016 et développées oralement à l'audience, Mme [U]-[V] sollicite de la Cour qu'elle :

réforme intégralement la décision déférée,

constate que Mme [E] a régularisé, dès avant le 30 juillet 2013, la cession du bail rural dont elle est titulaire, au profit de son fils M. [E],

constate que cette convention n'était assortie d'aucune forme de réserve ni de condition suspensive en sorte que, en présence de la rencontre d'une offre de céder et d'une acceptation, la cession du bail en question était formée depuis sa signature par les consorts [E],

juge, au visa des dispositions de l'article L.441-[Cadastre 4] du code rural, que la convention régularisée entre Mme [E] et son fils est nulle et de nul effet,

prononce, au même visa, la résiliation du bail dont Mme [E] était jusqu'alors titulaire sur ses biens et ordonne son expulsion en ce compris en concourant à la force publique,

fixe l'indemnité d'occupation due par Mme [E] jusqu'à parfaite libération des lieux à la somme de 2.000 € par mois à compter de la signification de l'arrêt,

condamne Mme [E] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe le 29 octobre 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [E] sollicite de la Cour qu'elle :

confirme le jugement dont appel,

condamne Mme [U] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [U] aux entiers dépens.

* Sur la cession du bail :

Mme [U]-[V] fait valoir que le preneur souhaitait juste faire entériner une cession déjà effective et actée dans une convention à effet immédiat sans condition suspensive, laquelle est en tout état de cause prohibée, et sans autorisation préalable du bailleur ou autorisation préalable du tribunal paritaire des baux ruraux, requis ad validitatem, que pour ces motifs, Mme [E] ne pouvant plus obtenir l'autorisation de céder son bail, la cession du bail est nulle et de nul effet ce qui entraîne la résiliation du bail.

Mme [E] fait valoir qu'elle exploite toujours les terres louées, étant observé qu'il appartient à la bailleresse de prouver les faits qu'elle allègue, qu'elle a adressé à Mme [U] seulement un projet de cession du bail à son fils assorti d'un courrier non équivoque qui a permis à la bailleresse de formuler son refus à la suite duquel le tribunal paritaire des baux ruraux a été saisi, celle-ci n'étant pas définitive tant que le bailleur n'a pas signé l'acte de cession qui requiert un accord préalable entre le cédant et le cessionnaire, et ne lui a pas imposé une situation de fait, que de plus elle et son fils remplissent les conditions de cession du bail rural d'un exploitant agricole à son descendant

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article L411-[Cadastre 4] alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

L'autorisation donnée au preneur de céder son bail à un membre de sa famille doit être préalable à la cession.

En l'espèce, par courrier du 20 juillet 2013 Mme [E] a adressé à Mme [U] un courrier dont la teneur est la suivante : « Me rapprochant de mon départ à la retraite, je prépare ma succession. Actuellement nous sommes 2 associés dans le GAEC : mon fils et moi même. Par ce courrier je vous adresse certains documents qui permettront à [Z] (mon fils) de continuer à exploiter vos parcelles dans les mêmes conditions. Je tiens à vous remercier de la confiance que vous m'avez accordée depuis de nombreuses années et je ferais en sorte que cela continue avec [Z] ; Merci d'apposer votre signature sur les différents documents et de me les retourner dans l'enveloppe jointe avant le 10 septembre 2013. Dans l'attente de votre aval, (') PS : sans réponse à la date demandée ou en cas de réponse négative une procédure judiciaire sera engagée. » .

À ce courrier étaient joints trois exemplaires d'un document de quatre pages intitulé ''cession de bail'', intervenant entre Mme [E] et son fils, et dont le corps du texte est libellé ainsi qu'il suit : « Mme [W] [E] cède et transmet son bail, dans les conditions fixées par l'article L411-35 du code rural, sous les garanties ordinaires de droit à Monsieur [Z] [E], son fils, qui accepte, tous ses droits, pour le temps qui reste à courir. Ce bail porte sur une exploitation située sur les communes de Saint Ciers Sur Bonnieure et [Localité 1] dans le département de la Charente, et dont la désignation cadastrale est indiquée en annexe. La présente cession prendra effet au jour de la signature. En conséquence, Monsieur [Z] [E] subroge Mme [W] [E], sa mère, dans tous les droits qu'elle tient du bail ci-dessus mentionné. Intervention du bailleur : Mme [K] [U], demeurant [Adresse 2], propriétaire du domaine désigné ci-dessus après avoir pris connaissance de la présente cession de bail, déclare y donner son agrément et reconnaît Monsieur [Z] [E] comme cessionnaire et nouveau titulaire du bail. ». Ce document est signé de Mme [E] et de son fils et ne porte pas la signature de Mme [U] sous l'énoncé de son nom. Étaient joints également deux bulletins de mutation de terres portant la signature de Mme [E] et son fils et non signés de la propriétaire ainsi qu'un formulaire de demande d'autorisation d'exploiter signé de Monsieur [Z] [E] mais pas de Mme [U].

Celle -ci a répondu au courrier du 20 juillet 2013 par une lettre du 9 septembre 2013 : « je ne donne pas mon agrément à l'acte de cession du bail envisagé au profit de votre fils, Monsieur [Z] [E]. ».

Il résulte de ces trois pièces, à l'éclairage desquelles doit être recherchée la commune intention des parties et doit être interprété l'acte de cession, qui ne comporte aucune condition suspensive de sorte que l'argumentation de Mme [U] sur ce point est inopérante, que l'acte proposé à la signature de la bailleresse ne constituait qu'un projet de cession de bail dont la poursuite et l'effectivité étaient soumises à l'agrément de la propriétaire des terres, dans le cadre de la préparation de la retraite de Mme [E]. Il ne pouvait donc pas s'analyser en un acte de cession parfait. A cet égard, même si l'accord entre le preneur en place et son fils était formalisé dans le projet de convention, celui-ci ne comportait aucune date, qu'ainsi la mention ''prendra effet au jour de la signature'' est restée sans effet puisqu'il appartenait à la propriétaire d'apposer une date en même temps que sa signature si elle avait était en accord avec le projet de Mme [E]. Mme [U], qui avait été avisée par le courrier du 20 juillet 2013 qu'en cas de refus de sa part le le tribunal paritaire des baux ruraux serait saisi, ne s'y est d'ailleurs pas trompée en s'opposant à ''l'acte de cession envisagé''.

Par ailleurs Mme [E] rapporte la preuve par les pièces qu'elle produit, et notamment l'attestation d'affiliation de la MSA du 23 septembre 2014 et l'attestation de CER France du 24 septembre 2014, qu'à la date de présentation du projet à la bailleresse (juillet 2013) et à la date de saisine de la juridiction paritaire (avril 2014), elle était toujours inscrite en qualité de chef d'exploitation à titre principal à la MSA et associée exploitante du GAEC de la Boissiére auquel elle avait antérieurement apporté le bail avec l'accord de Mme [U], laquelle ne démontre pas de son côté qu'en réalité Mme [E] n'exploitait plus personnellement les terres.

Il convient de déduire de ces circonstances et considérations que la demande d'autorisation formulée par Mme [E], tant auprès de la bailleresse qu'auprès du tribunal paritaire des baux ruraux était préalable à toute cession et que le moyen de Mme [U] tiré de l'existence d'une vente parfaite illicite est inopérant.

Il n'est pas sérieusement contesté que Mme [E], qui produit aux débats des pièces en ce sens, et son fils remplissent les conditions de cession du bail, par conséquent il conviendra de l'autoriser.

Le jugement sera donc confirmé.

Mme [U] qui succombe au principal sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [E] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa propre demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré,

Condamne Mme [U] à payer à Mme [E] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] aux dépens.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/01782
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/01782 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;15.01782 ?
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