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11/02/2016 | FRANCE | N°14/03688

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 février 2016, 14/03688


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 FEVRIER 2016



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 14/03688

















Madame [H] [J] divorcée [C]



c/





SA SOCIÉTÉ DE FINANCEMENT DES CENTRES DE NATURE - CHM DE [Localité 1]

Monsieur [L] [U] és-qualités de liquidateur amiable du GIE HÔTE

LLERIE DE PLEIN AIR SERVICES















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 FEVRIER 2016

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 14/03688

Madame [H] [J] divorcée [C]

c/

SA SOCIÉTÉ DE FINANCEMENT DES CENTRES DE NATURE - CHM DE [Localité 1]

Monsieur [L] [U] és-qualités de liquidateur amiable du GIE HÔTELLERIE DE PLEIN AIR SERVICES

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 juin 2014 (R.G. n° 12/02566) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 24 juin 2014,

APPELANTE :

Madame [H] [J] divorcée [C]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2]

de nationalité Française

Profession : Sans emploi,

demeurant chez Monsieur [Y] [C] [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie NOEL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Monsieur [L] [U] és-qualités de liquidateur amiable du ( GIE HÔTELLERIE DE PLEIN AIR SERVICES [Adresse 2] Lieu dit '[Adresse 2])

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

SA SOCIÉTÉ DE FINANCEMENT DES CENTRES DE NATURE - CHM DE [Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentés par Me Céline TOURAY loco Me Jean GONTHIER, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 janvier 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT, Adjoint Administratif Principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [J] a été engagée par la SA SOC-NAT suivant contrat

saisonnier du 3 avril 2009 au 31 août 2009 en qualité d'esthéticienne. Le contrat prévoyait la possibilité d'un renouvellement par avenant. Le contrat a été prolongé du 1er septembre 2009 au 30 septembre 2009.

Le 2 avril 2010, Mme [J] a été engagée par le GIE Hôtellerie de Plein Air et Services suivant contrat saisonnier à échéance au 30 juin 2010. Le contrat prévoyait la possibilité d'un renouvellement qui s'est prolongé du 1er juillet 2010 à échéance au 30 septembre 2010.

Le 2 mars 2011, un nouveau contrat saisonnier a été signé entre le GIE et Mme [J], ce contrat prévoyant la possibilité d'un renouvellement et prévoyant que la salariée aurait les fonctions de responsables des thermes pour un salaire horaire de 12,30 € et 35 heures par semaine, coefficient 150 de la convention collective nationale de l'hôtellerie de plein air.

À partir d'avril 2011, Mme [J] a été logée sur place par son employeur au sein du CHM de [Localité 1].

Le 8 mars 2012, un nouveau contrat saisonnier a été passé entre le GIE et Mme [J] à échéance du 31 octobre 2012, aux fonctions de responsable des thermes, coefficient 150, ce contrat étant passé aux mêmes conditions que le précédent avec une possibilité de renouvellement dans la limite de dix huit mois.

Mme [J] a été victime d'un accident du travail le 18 juillet 2012 à la suite de violences conjugales subies sur son lieu de travail et a été placée en accident du travail le jour même.

Au terme du contrat de travail à durée déterminée, Mme [J] a perçu ses documents de fin de contrat.

Mme [J] a alors saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 23 octobre 2012 aux fins d'obtenir la re-qualification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, une indemnité de re-qualification, le paiement de son salaire inter-contrats (ainsi que les congés payés afférents), le paiement de ses heures supplémentaires sur les étés 2011 et 2012 (ainsi que les congés payés afférents), des dommages et intérêts pour licenciement nul, une indemnité pour non-respect de la procédure, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents) et une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement en date du 5 juin 2014, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

débouté le GIE Hôtellerie de Plein Air et Services et la SA Socnat de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

laissé les dépens à la charge de Mme [J].

Par déclaration au greffe de son avocat le 24 juin 2014, Mme [J] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par assemblée générale extraordinaire en date du 30 avril 2015, les membres du GIE Hôtellerie de Plein Air et Services ont voté la dissolution du groupement qui est donc en cours de liquidation amiable.

M. [L] [U] a été nommé ès-qualités de liquidateur amiable.

Par conclusions déposées au greffe le 20 novembre 2015 et développées oralement à l'audience, Mme [J] sollicite de la Cour qu'elle :

infirme le jugement en toutes ses dispositions,

prononce la re-qualification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée depuis le 3 avril 2009 avec reprise d'ancienneté à cette date,

constate la nullité de la rupture de son contrat de travail en date du 31 octobre 2012,

condamne les sociétés défenderesses à lui verser les sommes suivantes :

2.405,88 € à titre d'indemnité de re-qualification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

32.482,48 € à titre de paiement des salaires inter-contrat,

3.248,24 € à titre de congés payés afférents,

12.489,93 € à titre de paiement d'heures supplémentaires sur l'été 2011,

317,28 € à titre de paiement d'heures supplémentaires sur l'été 2012,

1.280,72 € à titre de congés payés sur heures supplémentaires,

1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

2.405,88 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

1.684,12 € à titre d'indemnité de licenciement,

7.217,64 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

721,76 € à titre de congés payés y afférents

14.435,28 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne l'employeur aux entiers dépens d'instance.

Lors de l'audience, elle a précisé diriger ses demandes de condamnation in solidum à l'encontre de la SA SOC-NAT, et M. [U], ès qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein Air et abandonner sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 à hauteur de 1.500 euros, conservant en revanche celle à hauteur de 2.000 €.

Par conclusions déposées au greffe le 22 décembre 2015 et développées oralement à l'audience, la société Socnat et M. [U], ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de plein air services, sollicitent de la Cour qu'elle :

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,

condamne Mme [J] à verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [J] aux entiers dépens.

*Sur la re-qualification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

Mme [J] fait valoir de façon générale que les contrats n'ont pas un caractère saisonnier dès lors qu'elle était responsable des thermes et que cet emploi correspond à un emploi permanent dans l'entreprise, l'ouverture des thermes qu'une partie de l'année ne résultant que du choix de l'employeur. Elle soutient que le second contrat du 2 avril 2010 n'était ni signé ni même écrit, que la pièce produite aux débats par les intimés est un montage, que le quatrième contrat ne porte pas mention du motif du recours au contrat à durée déterminée, en sorte qu'il y a lieu de requalifier l'ensemble de ses contrats en contrat à durée indéterminée et de lui allouer une somme au titre de la re-qualification.

Les sociétés défenderesses font valoir que le centre de [Localité 1] comporte des thermes dont la période d'ouverture correspond à la saison touristique de bord de mer, qu'il s'agit bien d'une saison, que Mme [J] n'occupait pas un emploi permanent, que les contrats de travail sont réguliers, que l'original du contrat du 2 avril 2010 signé par la salariée sera produit aux débats.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de re-qualification.

*Sur le paiement des salaires inter-contrats :

Mme [J] fait valoir que la re-qualification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée emporte ipso facto le paiement du salaire inter-contrat dès lors qu'elle démontre s'être tenue à disposition de l'employeur et de surcroît avoir effectivement travaillé pour son employeur. Dès lors, il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser les rappels de salaires inter-contrat et congés payés y afférents.

Les sociétés défenderesses font valoir qu'aucun travail effectif n'a été réalisé par Mme [J], que les pièces qu'elle verse aux débats sont dépourvues de valeur probante ou inopérantes car correspondant à la période de travail, que la salariée fait une confusion entre vie professionnelle et vie privée, d'autant qu'elle est hébergée aux thermes à sa demande.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

*Sur le travail dissimulé :

Mme [J] fait valoir qu'elle a travaillé en dehors de toute déclaration préalable d'embauche pendant ces périodes inter-contrat, d'autant que sur la dernière période, elle était logée au sein du CHM hors saison et sans payer de loyer. Elle estime en conséquence avoir droit à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Les sociétés défenderesses font valoir que Mme [J] a reçu tous les bulletins de salaires correspondant aux périodes travaillées, ainsi que la rémunération afférente, et que c'est dans le but de l'aider que l'employeur l'a logée sur place, aux thermes. Dès lors, il y a lieu de débouter Mme [J] de cette demande abusive.

*Sur le paiement des heures supplémentaires :

Mme [J] fait valoir que sur les saisons 2011 et 2012, elle a travaillé 14 heures par jour du lundi au samedi, et 10h le dimanche, notamment en raison de l'absence de responsable pour la seconder, et de la charge du ménage.

Dès lors, l'employeur n'apportant aucun élément, il y a lieu de le condamner au paiement des heures supplémentaires.

Les sociétés défenderesses font valoir, d'une part, que Mme [J] ne verse aux débats aucun élément probant hormis un planning unilatéral où elle apparaît en repos le dimanche, d'autre part, que les plannings de l'employeur ont été dérobés le dernier jour de la saison 2012, mais qu'il est à même de fournir les horaires de travail de tout le service de mars à septembre, à savoir de 10h à 13h et de 15h à 19h, tous les jours de la semaine, sauf le dimanche de 15h à 19h, en outre, que les calculs de Mme [J], plus qu'approximatifs, sont erronés et infondés, précisant qu'elle ne respectait pas les horaires affichés. Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires.

*Sur la rupture du contrat :

Mme [J] fait valoir que la rupture de son contrat de travail n'a respecté aucune exigence de forme et était en lien avec son état de santé, puisqu'elle était en arrêt pour accident du travail lors de la rupture.

Dès lors, il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, une indemnité pour irrégularité de la procédure et les indemnités de rupture.

Les sociétés défenderesses font valoir que le terme précis du contrat de travail saisonnier est arrivé à échéance le 31 octobre 2012, que l'arrêt de travail de la salariée ne fait pas obstacle à la survenance du terme. Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de re-qualification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Selon les dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :...3° emplois à caractère saisonnier.

Le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ; l'activité touristique caractérisée par un accroissement du nombre de visiteur, chaque année à des dates à peu près fixes, permet la conclusion de contrats à durée déterminée successifs pendant les périodes où l'afflux de visiteurs est le plus important.

En l'espèce, les thermes ne sont ouverts que du mois d'avril au mois d'octobre. Cette ouverture pendant une partie de l'année procède du choix de l'employeur et l'activité thermale, qui peut être pratiquée toute l'année, n'est pas une activité par nature soumise au rythme des saisons ou à des modes de vie collectifs, quel que soit l'emploi occupé par la salariée, esthéticienne ou responsable des thermes. En outre, s'il peut être communément admis que la saison de prédilection d'exercice du naturisme correspond aux beaux jours de fin de printemps, d'été et de début de l'automne, il n'en demeure pas moins que le centre de naturiste de [Localité 1] dans lequel les thermes sont situés, est ouvert toute l'année, le camping étant ouvert toute l'année, même si les commerces et les animations ne le sont que de Pâques à fin septembre. Ainsi, la période d'ouverture des thermes ne peut pas être considérée comme soumise à un mode de vie particulier des adeptes du naturisme. Il s'en infère qu'en application des dispositions de l'article L. 1245-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée de Mme [J] doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 2009.

Mme [J] a donc droit en application des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Il sera en conséquence alloué à Mme [J] la somme de 2. 405,88 euros sollicitée étant précisé que Mme [J] avait un salaire mensuel brut moyen de 1.685,07 euros lors du premier contrat, de 1.933,74 euros lors du second contrat, de 2.275,24 euros lors du troisième contrat et de 2.164,80 euros lors du dernier contrat avant la suspension du contrat.

Le jugement entrepris qui a débouté Mme [J] de sa demande de re-qualification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de sa demande d'indemnité de re-qualification sera infirmé.

Sur la demande de rappel de salaires inter-contrats

En cas de re-qualification, les salaires pendant les périodes intercalaires situées entre deux contrats sont dus à la condition que le salarié démontre s'être tenu à dispositions de l'employeur.

Mme [J] qui bénéficiait de l'aide au retour à l'emploi pendant les périodes intercalaires n'avait pas été embauchée par un autre employeur. En outre, elle a été logée sur le site du centre de naturisme de [Localité 1] et il ressort des courriels et sms versés aux débats qu'à compter de 2011, elle a continué de s'impliquer dans des tâches inhérentes à son poste de responsable des thermes dont une contribution à la plaquette des thermes, aux choix des imprimés vendus au centre, une réponse à une demande d'embauche, remboursement par l'employeur le 13 février 2012 d'une facture de gasoil. Elle démontre ainsi qu'elle était à disposition de son employeur et est donc en droit de bénéficier d'un rappel de salaire durant les périodes intercalaires.

Au regard de la moyenne des salaires de chaque saison ci-dessus mentionnée et de la durée inter-contrats, il est du à Mme [J] :

10.110,42 euros brut pour la première période de six mois,

9.668,7 euros pour la seconde période de cinq mois et

11.376,20 euros pour la dernière période de cinq mois, soit un total de 31.155,32 euros brut au titre des rappels de salaire et la somme de 3.115,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande à ce titre.

Sur l'indemnité de travail dissimulé

Les pièces versées aux débats permettent d'établir que Mme [J] a continué de s'impliquer dans certaines des tâches inhérentes à son poste de responsable des thermes, sans pour autant qu'il soit démontré que cela l'a été à la demande expresse de son employeur. Elle a été logée sur le site à sa demande et la situation de son logement sur le site du centre de naturisme, si elle facilite la preuve que la salariée restait à la disposition de son employeur, n'induit pas nécessairement l'existence d'un travail dissimulé, de sorte que l'intention frauduleuse de dissimulation d'emploi pendant les périodes intercalaires n'est pas rapportée. Mme [J] sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires

Vu les articles 1315 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile et L. 3171-4 du code du travail ;

La preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il est admis que le salarié n'étaye pas sa demande lorsqu'il produit seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d'heures qu'il affirme avoir réalisé, et un tableau ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis, de chaque semaine précise, les horaires de travail accomplis.

Les budgets prévisionnels produits par Mme [J] ne caractérisent aucunement un décompte récapitulatif des horaires de travail effectués par la salariée pendant les deux dernières périodes de travail (2011 et 2012). Il en est de même des plannings qu'elle a elle-même confectionnés et envoyés à son employeur pour chacune de ces périodes, dès lors qu'il ne s'agit pas de décomptes laissant apparaître pour chaque jour précis de chaque semaine précise les horaires de travail accomplis mais un horaire général pour l'intégralité de la période du lundi au samedi de 7h30 à 21h30 (soit 14 heures par jour sans pause) et le dimanche de 9h à 12h et de 14h à 20h (soit 93 heures par semaine), au demeurant contredit par ses propres pièces laissant apparaître qu'elle était en repos le dimanche. Il convient en outre de constater qu'elle n'a jamais alerté les représentants du personnel de l'existence d'heures supplémentaires impayées, et du nombre particulièrement important de ces heures, dépassant le seuil horaire maximum de dix heures et le plafond hebdomadaire de 48 heures, ne pouvant dépasser soixante heures par semaine issus des dispositions des articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail.

Il s'ensuit que nonobstant l'absence de production par l'employeur de l'enregistrement de la durée individuelle de travail de Mme [J], celle-ci n'étayant pas sa demande par des éléments suffisamment précis en sera déboutée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La rupture est intervenue le 31 octobre 2012 pendant la suspension du contrat à raison de l'accident de Mme [J] du 18 juillet 2012, dont il est constant que l'employeur avait eu connaissance de l'origine professionnelle, en sorte que les règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle s'appliquent.

Selon les dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail au cours des périodes de suspension du contrat, que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; et toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

La rupture du contrat de travail par le seul effet de l'arrivée du terme d'un contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée, caractérise un licenciement irrégulier et nul, dès lors qu'elle est intervenue pendant la période de suspension du contrat à raison de l'accident du travail.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes tendant à dire le licenciement nul et irrégulier.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

La nullité du licenciement ouvre droit à des dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi. Le salarié a droit aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, le non-respect de la procédure de licenciement entraîne nécessairement un préjudice pour le salarié dont la réparation doit être assurée par l'allocation de dommages et intérêts.

En regard du salaire mensuel de 2.164,80 euros brut de Mme [J] avant la suspension du contrat, de son âge, soit 57 ans au moment de la rupture, étant précisé qu'elle bénéficiait toujours des indemnités journalières de sécurité sociale au 30 octobre 2013, Mme [J] justifie d'un préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui sera entièrement réparé par la somme de 13.000 euros de dommages et intérêts.

Le préjudice subi par Mme [J] résultant du non-respect de la procédure sera entièrement réparé par la somme de 2.164,80 euros de dommages et intérêts.

Mme [J] est en droit de percevoir une indemnité de licenciement correspondant à un cinquième de mois par année d'ancienneté tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines en application des dispositions des articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail.

En l'espèce la salariée avait une ancienneté de 3 ans et six mois permettant de lui verser une somme de 1.515,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Lorsque le licenciement est nul, la salariée a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important les motifs de la rupture.

Les employeurs ne contestent pas la durée du préavis alléguée de trois mois en sorte qu'il sera alloué la somme de 6.494,40 euros à Mme [J] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 649,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

La SA SOCNAT- CHM de [Localité 1] et M. [L] [U] ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein air Services seront condamnés in solidum à payer à Mme [J] les sommes qui lui ont été accordées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SA SOCNAT- CHM de [Localité 1] et M. [L] [U] ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein air Services succombant principalement seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel. Ils seront déboutés de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier Mme [J] de ces mêmes dispositions et de condamner en conséquence in solidum la SOCNAT- CHM de [Localité 1] et M. [L] [U] ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein air Services à lui verser une indemnité de 1.500 euros à ce titre.

Les indemnités allouées en appel porteront intérêt au taux légal à compter de l'arrêt, s'agissant d'une réformation.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et d'indemnité de travail dissimulé ;

Infirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Requalifie le contrat à durée déterminée saisonnier en contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 2009 ;

Dit que la rupture du contrat est nulle et irrégulière ;

Condamne in solidum la SA SOCNAT- CHM de [Localité 1] et M. [L] [U] ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein air Services à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

2. 405,88 euros au titre de l'indemnité de re-qualification,

31.155,32 euros brut au titre des rappels de salaire inter-contrats et la somme de 3.115,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

13.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

2.164,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

1.515,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

6.494,40 euros à Mme [J] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 649,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les intérêts au taux légal courront à compter du présent arrêt ;

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne in solidum la SA SOCNAT- CHM de [Localité 1] et M. [L] [U] ès-qualités de liquidateur amiable du GIE Hôtellerie de Plein air Services aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 14/03688
Date de la décision : 11/02/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°14/03688 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-11;14.03688 ?
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