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10/06/2014 | FRANCE | N°12/06276

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juin 2014, 12/06276


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 JUIN 2014



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/06276









Monsieur [B] [D]



c/



SA Groupama Gan Vie















Nature de la décision : AU FOND











Notifi

é par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUIN 2014

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/06276

Monsieur [B] [D]

c/

SA Groupama Gan Vie

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 octobre 2012 (RG n° F 11/01323) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 novembre 2012,

APPELANT :

Monsieur [B] [D], né le [Date naissance 1] 1971, de nationalité

française, profession médecin hospitalier, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Florian Bécam, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SA Groupama Gan Vie, siret n° 340 427 616, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],

Représentée par Maître Tiphaine le Bihan, avocat au barreau de Nanterre,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mai 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam Laloubère, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société GROUPAMA GAN VIE est une Société d'Assurance Vie qui dispose d'un service médical Acceptations Sinistres Vie (ASV), avec notamment une antenne située à [Localité 1], dont la mission consiste à donner un avis médical sur les dossiers des clients de la Société.

M. [B] [D], médecin libéral, exerçant notamment au CHU de [Localité 1], a commencé à collaborer avec la société GROUPAMA GAN VIE dans son établissement de [Localité 1], dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de prestations de services en date du 25 septembre 2002 par lequel la société confiait au médecin l'étude des dossiers médicaux concernant ses clients, au cours de vacations hebdomadaires, moyennant des honoraires de 5 CS par heure effective de vacation.

Puis les relations entre les parties se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat de mandat conclu le 7 février 2005, contrat d'une durée renouvelable par année par tacite reconduction, par lequel M. [D] assurait des vacations hebdomadaires de 3 heures réparties sur 2 jours, outre des vacations de suppléance du second médecin conseil; le médecin se voyait confier des missions d'expertise au titre de l'acceptation des risques et du traitement des sinistres et des missions de représentations, moyennant des honoraires de 5 CS par heure effective de vacation et lors des missions de représentation une indemnité perte de clientèle de 15 C par jour outre le remboursement des frais.

La société GROUPAMA GAN VIE et M. [D] ont conclu un nouveau contrat de mandat le 30 mars 2007,contrat d'une durée renouvelable par année par tacite reconduction, pour des missions d'expertise dans le cadre de vacation hebdomadaire de 3 heures réparties dans la semaine par le médecin en coordination avec le responsable de gestion, outre des vacations supplémentaires pour des missions de formation, réunions de travail et séminaires, moyennant une vacation de 145 € par heure effective et le paiement des frais.

La société GROUPAMA GAN VIE et M. [D] ont conclu un nouveau contrat de mandat, le 1er mai 2008, des missions d'expertise dans le cadre de 2 heures de vacation hebdomadaires réparties entre le mardi (1h) et le jeudi (1h), outre des vacations de suppléance du second médecin conseil, moyennant une vacation de 145 € par heure effective, le règlement des rencontres professionnelles donnant droit à des honoraires, indemnités perte de clientèle et frais.

En dernier lieu, les parties ont signé un contrat de mandat d'un an renouvelable par tacite reconduction prenant effet le 25 mai 2010 pour des missions d'expertise et des missions de conseil, formation, information des collaborateurs de la société sur tout sujet d'ordre médical, dans le cadre de 4 heures de vacation hebdomadaires réparties dans la semaine à raison de 2 heures le mardi et 2 heures le jeudi (outre des vacations de suppléances du second médecin conseil), moyennant une vacation de 145 € par heure effective, le règlement des rencontres professionnelles donnant droit à des honoraires, indemnités perte de clientèle et frais.

Par courrier du 17 décembre 2010 remis en mains propres et envoyé en par courrier recommandé, la société GROUPAMA GAN VIE a notifié à M. [B] [D] la résiliation du contrat de mandat en cours pour le 17 mars 2011 moyennant une vacation de 145 € par heure effective et le paiement des frais.

Par courrier du 9 février 2011, M. [B] [D] a contesté les conditions de la rupture de son contrat de mandat, courrier auquel a répondu la société le 3 mai 2011.

Le 29 avril 2011, M. [B] [D] a saisi le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX pour se voir reconnaître un contrat de travail et obtenir en conséquence diverses sommes.

Par décision en date du 25 octobre 2012, le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX a :

- dit que M. [B] [D] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail

- débouté M. [B] [D] de l'ensemble de ses demandes, le condamnant à payer à la SA GROUPAMA GAN VIE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 14 novembre 2012, M. [B] [D] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 30 avril 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, conclut à la réformation de la décision dont appel et demande à la Cour de constater l'existence de son contrat de travail avec la SA GROUPAMA GAN-VIE.

Il demande en conséquence la condamnation de la SA GROUPAMA GAN-VIE à lui payer les sommes suivantes :

- 16.086 € à titre d'indemnité de congés payés

- 4.800 € à tire de régularisation des charges sociales salariales

- 5.727,98 € ou à titre subsidiaire 4.773,31 € à titre d'indemnité de licenciement

- 50.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.471,50 € ou à titre subsidiaire 2893€ à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

- 20.829 € ou à titre subsidiaire 17.358 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 20.000 € de dommages et intérêts pour exclusion du bénéfice des avantages sociaux

- 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

sommes portant intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.

Il demande à la Cour d'ordonner à la SA GROUPAMA GAN-VIE la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision

- d'un certificat de travail pour la période courant du 1er octobre 2002 au 17 pars 2011

- de bulletins de paie du 1er mai 2006 au 7 mars 2011

- du solde de tout compte.

Par conclusions déposées le 7 mai 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société GROUPAMA GAN VIE demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. [B] [D] à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'existence d'un contrat de travail

La Cour rappelle que :

- l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité.

- un contrat de travail se caractérise par la fourniture d'un travail, en contrepartie d'une rémunération, la prestation de travail étant effectuée dans le cadre d'un lien de subordination.

En fait, le travail réalisé par M. [D] en contrepartie d'une rémunération n'étant pas contesté, la qualification de la relation entre les parties va surtout dépendre de l'existence d'un pouvoir de subordination de la société GROUPAMA GAN VIE sur M. [D].

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

M. [D] fait valoir les éléments suivants :

- il ne disposait d'aucune liberté dans le choix de ses patients

- il ne disposait d'aucune autonomie dans l'organisation de son travail : des contraintes d'horaires lui étaient imposées ; un planning déterminait à l'avance les jours de présence, il lui appartenait d'assurer des vacations de suppléance en cas d'indisponibilité et de congés du second médecin collaborant à [Localité 1] pour assurer la continuité du

service ; ses congés devaient faire l'objet d'un accord préalable de la société,

- la société mettait à sa disposition l'ensemble des moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission (locaux avec bureau équipé, ordinateur et imprimante, téléphone fixe et fax

- il était rémunéré au temps de présence et non pour une tâche spécifique, comme les autres salariés de la société,

- la société l'assimilait ainsi aux autres membres de l'entreprise et contrôlait son activité

(obligation de remplir des documents permettant le suivi de son activité, obligation de suivi des recommandations relatives à la confidentialité médicale, sous peine de sanctions.

La société GROUPAMA GAN VIE rappelle à juste titre qu'elle a contracté avec M. [D], personne physique déclarée comme travailleur indépendant auprès de l'URSSAF (chaque contrat de mandat le précise) et que l'article L.8221-6 du code du travail pose dans ce cas une présomption de non-salariat qui ne peut être renversée que si la preuve de l'existence d'un contrat de travail, caractérisée par un lien de subordination, est rapportée par M. [D].

La Cour relève tout d'abord que :

- tous les projets de mandats liant les parties ont été soumis à l'approbation de M. [D], qui a toujours su largement en négocier les termes et faire apporter les précisions qu'il souhaitait.... hormis lors de la signature du dernier mandat, la prise en charge d'éventuelles cotisations URSSAF par la société, élément à l'évidence déclencheur de la rupture contractuelle ;

- tous les mandats ont été soumis au Conseil de l'Ordre des Médecins qui n'a jamais formulé aucune observation.

En l'espèce, M. [D] ne recevait aucune clientèle mais effectuait des vacations de médecin conseil sur dossier ; sa mission était donc une mission d'expertise et de conseil, au titre de l'acceptation des risques et du traitement des sinistres, et il devait principalement formuler des avis sur tous les dossiers médicaux qui lui étaient soumis, dans le respect évident du code de déontologie médicale et donc du secret médical.

Selon les contrats de mandats signés tout au long de la collaboration, M. [D] effectuait entre 2 et 4 heures de vacations par semaine, dans des plages journalières sans horaire fixe et souvent réparties par M. [D] lui-même ; il n'était astreint à aucun horaire fixe et ne justifie pas avoir rempli de fiches de présence ni avoir été contrôlé sur ces heures : en fait, comme l'explique la société dans un mail du 29 mars 2010, en ce qui concerne l'évolution du planning des vacations médicales, je fais en sorte que chacun des médecins se déplace pour une vacation significative et correspondant à un besoin réel du service. C'est la raison pour laquelle je vous propose un planning de 2 fois 2 heures. Une vacation plus importante ne remplirait pas aujourd'hui cette dernière condition.

Certes, les missions de M. [D] étaient coordonnées avec celles de l'autre médecin-conseil, M. [P] et les deux médecins devaient ainsi coordonner leurs absences et soumettre leurs projets de vacances à la société, qui d'ailleurs établissait un planning de présence des deux médecins conseils dans ses locaux ; toutefois, le planning de présence de M. [D] dans les locaux de la société n'était pas fixé unilatéralement, mais défini en concertation avec lui et ainsi, M. [D] pouvait exercer en parallèle son activité de médecin hospitalier et libéral.

La société GROUPAMA GAN VIE faisait effectivement bénéficier ses médecins conseils de moyens matériels, bureau et équipement, mais à la fois pour assurer la bonne transmission des dossiers en toute confidentialité et également pour faciliter la tâche des vacataires dans le traitement de ceux-ci (échanges avec les gestionnaires), sachant que tout au long de la collaboration de M. [D], d'autres missions ont été confiées à celui-ci (formations, réunions de travail, etc...).

Quoiqu'il en soit, la fourniture des moyens de travail par l'employeur et l'intégration du salarié dans un service organisé ne constituent qu'un indice de salariat, mais demeurent insuffisantes pour le caractériser.

Il doit toujours être recherché si l'une des parties donne des ordres et directives à l'autre et sanctionne ses manquements.

En l'espèce, M. [D] ne justifie pas avoir reçu la moindre directive, autre qu'organisationnelle (comme mentionné dans l'analyse qui précède), dans l'exercice de ses missions de médecin-conseil :

- le document concernant des recommandations sur la confidentialité médicale s'adresse non à M. [D], mais aux collaborateurs de la société et il est d'ailleurs accompagné par un courrier signé à la fois par la société et le médecin conseil, M. [D] ou M.[P],

- la présence d'un médecin chef dans le service ASV, en la personne du docteur [L] est semble-t-il imposée par le code de bonne conduite annexée à la convention AREAS (ou BELORGEY qui l'avait précédée) et est de toute façon un élément important de l'organisation du service médical de toutes les sociétés d'assurances, sans que ce médecin chef est un pouvoir de direction sur les médecins conseils

- M. [D] ne justifie en aucun cas d'avoir reçu des ordres ou directives soit du docteur [L] soit de M. [U], responsable du service ASV.

En conclusion, la Cour, comme les premiers juges, estime que M. [B] [D] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la société GROUPAMA GAN-VIE.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de société GAN ASSURANCES VIE tant en première instance qu'en appel.

M. [B] [D] supportera les dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

REFORME PARTIELLEMENT le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [B] [D] à payer à la SA GROUPAMA GAN VIE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et statuant de nouveau,

DEBOUTE la société GROUPAMA GAN VIE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions.

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société GROUPAMA GAN VIE.

CONDAMNE M. [B] [D] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Mme Myriam LALOUBERE faisant fonction de Président et par Mme Anne-Marie LACOUR-RIVIERE Greffier.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 12/06276
Date de la décision : 10/06/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°12/06276 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-10;12.06276 ?
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