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07/05/2014 | FRANCE | N°13/01416

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 07 mai 2014, 13/01416


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 07 MAI 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/01416

















Société MUTUALIA SUD-OUEST



c/

Monsieur [Y] [U]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 07 MAI 2014

gtr

(Rédacteur : Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/01416

Société MUTUALIA SUD-OUEST

c/

Monsieur [Y] [U]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2013 (R.G. n° F 11/03631) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 04 mars 2013,

APPELANTE :

Société MUTUALIA SUD-OUEST, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-Philippe TALBOT de la SCP JURICA, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [U]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 mars 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Y] [U] a été engagé en qualité de commercial DS, à compter du 28 septembre 2009 par la société Mutualia Avenir Prévoyance, aujourd'hui dénommée Mutualia Sud Ouest, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du personnel de la Mutualité Sociale Agricole et M. [U] percevait un salaire mensuel brut de 1.677,57 €.

M.[U] a été en arrêt de travail du 15 au 24 décembre 2010 en raison de crise d'angoisse dans un contexte de stress professionnel.

Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 31 octobre 2011 et, le 4 novembre 2011, il a reçu la notification de son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant cette décision, il a saisi le conseil de Prud'hommes de Bordeaux (section commerce) le 22 novembre 2011 pour faire juger la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ce titre il a sollicité des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, des dommages et intérêts pour absence de visite médicale préalable ou autre médecine du travail et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur formant une demande reconventionnelle sur ce même article.

Par jugement en date du 12 février 2013, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a jugé le licenciement de M.[U] sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA Mutualia Sud Ouest à lui payer 11.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 100 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale et 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant M.[U] du surplus de ses demandes et la SA Mutualia de sa demande reconventionnelle.

La SA Mutualia Sud Ouest a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 mars 2013. M. [U] forme appel incident.

Par conclusions du 22 janvier 2014, développées oralement à l'audience, la SA Mutualia Sud Ouest sollicite de la Cour qu'elle :

- réforme la décision du conseil de Prud'hommes,

- déclare M.[U] mal fondé en ses demandes,

- déboute M.[U] de ses demandes,

- condamne M.[U] au paiement d'une indemnité de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir les moyens suivants :

*Tout licenciement doit présenter un caractère réel et sérieux. L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité et de résultat en ce qu'il ne saurait laisser perdurer un climat de tension susceptible de nuire à la santé des salariés. La lettre de licenciement fait apparaître que le licenciement de M.[U] était prononcé aux fins de préserver le bon fonctionnement et la bonne marche de l'entreprise.

* Il existe des faits imputables à M.[U] qui caractérisent les difficultés relationnelles et les mésententes de M.[U] avec ses collègues et ces perturbations entravaient le bon fonctionnement de l'agence de [Localité 1]. Il a rencontré des difficultés avec l'ensemble de ses collègues de travail et, afin de préserver la bonne santé de ses salariés, l'employeur a donc dû procéder à un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, au regard des perturbations engendrées par le comportement de M.[U].

Par conclusions du 11 mars 2014 développées oralement à l'audience, M.[U] forme un appel incident et sollicite de la Cour qu'elle :

- déclare l'appel interjeté par la Société Mutualia Sud Ouest mal fondé,

- déboute la société Mutualia Sud Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le reçoive en son appel incident,

- réforme le jugement dont appel en :

* condamnant la société Mutualia Sud ouest à lui payer 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite auprès de la médecine du travail,

* condamnant la société Mutualia Sud Ouest à lui payer 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

* condamnant la société Mutualia Sud Ouest à lui payer 2.500 € supplémentaires par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, les 35 € au titre de contribution à l'aide juridique et frais éventuels d'exécution,

* disant que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes

- pour le surplus, confirme le jugement dont appel.

M.[U] fait valoir les moyens suivants :

* Le chef d'établissement doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l'établissement. Or, il n'a bénéficié d'aucune visite lors de son embauche, ni ultérieurement et le médecin du travail n'a pas pu s'assurer de son aptitude tout au long de la relation de travail. L'employeur a donc exécuté de mauvaise foi le contrat de travail liant les deux parties.

* L'employeur doit énoncer des griefs suffisamment objectifs et précis pour justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse. Or, la lettre de licenciement ne fait nullement état de la santé des autres salariés qui auraient souffert de son comportement mais plutôt des intérêts de l'entreprise. L'employeur lui reproche d'être la cause du départ de certains salariés de l'entreprise, or les faits ayant eu lieu en 2009 et 2010, ils sont prescrits et la lettre de licenciement ne mentionne pas de faits précis, vérifiables et imputables au salarié.

* Il a subi un préjudice du fait de son licenciement, notamment pour retrouver un emploi et il a subi un préjudice moral qu'il convient d'indemniser, en raison de la perte injustifiée de son emploi.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS

Sur l'absence de visite médicale

Il est constant que M. [U] n'a bénéficié ni d'une visite médicale d'embauche, ni de visite régulière au cours des deux années qu'a duré son contrat de travail, alors qu'il avait fait l'objet d'un arrêt de travail en décembre 2010 ; cette carence que l'employeur reconnaît a nécessairement causé un préjudice au salarié ; et c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a condamné la société Mutualia Sud Ouest au paiement de dommages intérêts, dont il a avec pertinence apprécié le montant, aucun lien de causalité n'étant allégué entre cette carence et la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé tant en son principe qu'en son quantum, l'appel incident n'étant pas accueilli.

Sur le licenciement

Il est rappelé que le licenciement a été prononcé pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.

Le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement était de nature disciplinaire et qu'en conséquence les fait reprochés à M. [U] étaient atteints par la prescription de deux mois applicable en matière disciplinaire.

La cour ne partage pas cette analyse ; le libellé de la lettre de licenciement ne fait pas référence à des fautes de M. [U], mais à son comportement au sein de l'agence, agence dont il n'avait pas le titre de responsable, et aux difficultés générées par ce comportement qui « nuisait au bon climat du service et portait atteinte aux personnes et aux valeurs de l'entreprise», et «génère des désorganisations au niveau de l'agence et du service commercial» ce qui peut constituer une cause réelle et sérieuse non disciplinaire de licenciement.

La lettre de licenciement expose ensuite précisément les incidences de ce comportement qui a généré la démission de certains collègues. L'employeur rappelle également que M. [U] avait fait l'objet d'une mise en garde par lettre du 12 octobre 2010, qui ne peut s'analyser en un avertissement et peut être rappelée lorsque le comportement a continué, sans transformer le licenciement en licenciement disciplinaire.

Dès lors, l'employeur est fondé à faire état de faits antérieurs de plus de deux mois.

Sur le fond, l'employeur démontre le bien fondé du licenciement en produisant des échanges de mails montrant que les autres salariés de l'agence se plaignaient de façon récurrente de M. [U], que certains ont démissionné (M. [J]) ou envisagé de le faire (M.[H], Melle [G]) pour ce motif, que ces salariés confirment leurs remontées d'information à l'employeur par des attestations précisés et circonstanciées, que M. [U] se comportait comme chef d'agence, ce qu'il n'était pas, à l'égard de l'autre conseiller commercial. Melle [G] fait état d'autoritarisme, de négativité, d'une attitude cassante, d'un esprit inquisiteur sur sa vie privée, et M. [H] de ce que M. [U] avait une attitude très négative à son égard et à celui des assistantes commerciales, qui n'étaient pas des secrétaires, et qu'il craignait que Melle [G] , troisième assistante recrutée, ne parte également. M.[B] responsable développement et supérieur hiérarchique de M. [U], qui recevait les doléances de ses collègues et les faisait remonter à la direction atteste également de façon circonstanciée des difficultés récurrentes avec M. [U], et indique qu'une salariée en période d'essai a souhaité partir en raison des problèmes avec M. [U]. La poursuite de ces agissements alors que l'évaluation de M. [U] en février 2011 mentionnait des difficultés d'intégration et la nécessité d'un effort dans ce domaine, et qu'à la suite d'un entretien à l'égard duquel M. [U] avait manifesté une grande réticence, une lettre précise lui avait été adressé le 12 octobre 2010 lui demandant d'adopter une attitude plus constructive avec ses collègues, et malgré cela, dès le 17 octobre 2010, Melle [G] faisait état de nouveaux faits. La lettre de licenciement mentionne également un refus de remise en cause à la suite de cette mise en garde, et la nécessité de préserver les intérêts et la bonne marche de l'entreprise. Ces éléments sont justifiés et permettent le licenciement pour préserver le bon fonctionnement de cette petite agence.

La circonstance que des salariés de l'agence de [Localité 2], qui n'avaient pas à cohabiter au quotidien avec M. [U], d'ailleurs en utilisant de façon inopportune un papier à en-tête de l'agence, attestent en faveur n'est pas de nature à combattre les éléments précis et concordants apportés par l'employeur pour établir le bien fondé de sa décision. Les attestations de clients qui ont été satisfaits des prestations de M. [U] ne sont pas probantes, dès lors que la qualité de sa relation avec la clientèle n'est pas remise en cause dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Et M. [U] ne peut attribuer ses propres difficultés et les départs de salariés de l'agence à une surcharge de travail imputable à l'employeur, que ne dénoncent pas les dits salariés.

Le jugement sera réformé et M. [U] sera débouté de ses demandes au titre du licenciement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront mis à la charge de M. [U] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions et sera débouté de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire droit à la demande formée par l'employeur en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Mutualia Sud Ouest à payer à M. [U] la somme de 11 000 € à titre de dommages intérêts ;

Statuant à nouveau de ces chefs, dit que le licenciement de M. [U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande de dommages intérêts ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Mutualia Sud Ouest ;

Condamne M. [U] aux dépens d'appel.

Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 13/01416
Date de la décision : 07/05/2014

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°13/01416 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-07;13.01416 ?
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