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05/12/2013 | FRANCE | N°12/06639

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 05 décembre 2013, 12/06639


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur : Monsieur Benoît MORNET, Conseiller)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 12/06639

















SAS CROIZET



c/

Monsieur [J] [E]





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié pa

r LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 novembr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2013

gtr

(Rédacteur : Monsieur Benoît MORNET, Conseiller)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 12/06639

SAS CROIZET

c/

Monsieur [J] [E]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 novembre 2012 (R.G. n°F 11/00167) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 29 novembre 2012,

APPELANTE :

SAS CROIZET agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

représenté par Me POUZIEUX, avocat au barreau de Charente de la SCP CALMELS/MOTARD/CHANGEUR/POUZIEUX, avocat au barreau de CHARENTE,

INTIMÉ :

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 1] (16)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sophie ROBIN-ROQUES, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 octobre 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Myriam LALOUBERE, Conseiller faisant fonction de président

Monsieur Claude BERTHOMME, Conseiller

Monsieur Benoît MORNET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY ,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [E] a été engagé par la SA CROIZET-EYMARD, suivant contrat à durée indéterminée, à effet du 22 avril 2006, en qualité de maître de chai responsable de production, agent de maîtrise niveau 6, échelon B, avec un salaire de 2056,15€ pour 35 heures hors ancienneté et primes, conformément à la convention collective nationale des vins et spiritueux.

Par acte sous seing privé du 7 février 2007 réitéré le 31 mai 2007, l'intégralité du capital social de la SA CROIZET-EYMARD & COMPAGNIE a été cédée à la société RUSSIAN WHINE TRUST et le règlement du prix de cession des titres ainsi que le rachat des comptes courants d'associés est intervenu le 1er septembre 2008.

La SA CROIZET-EYMARD & COMPAGNIE est devenue la SA CROIZET puis la SAS CROIZET.

Le 15 février 2011 les services de Douanes et Droits indirects ont dressé un procès-verbal de notification d'infractions signé par la Présidente du Conseil d'Administration de la SAS CROIZET, après un contrôle réalisé en décembre 2010 et janvier 2011

Par courrier recommandé en date du 13 avril 2011, M. [J] [E] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement auquel il s'est présenté le 22 avril 2011, avant d'être licencié pour faute grave par courrier recommandé du 3 mai 2011.

Le 30 mai 2011, M. [J] [E] a saisi le Conseil des Prud'hommes de BORDEAUX pour contester son licenciement et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts, outre le paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 9 novembre 2012, le Conseil des Prud'hommes d'ANGOULEME

- a dit que le licenciement de M. [J] [E] ne revêt pas le caractère de faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- a condamné la société CROIZET à payer à M. [E] les sommes suivantes,

19.308,84€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1716,34€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

6438,28€ à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents

2000€

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- a condamné la SA CROIZET à remettre à M. [E] le certificat de travail conforme au jugement et l'attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 30 jours suivant la notification du présent jugement

- a ordonné le remboursement par l'employeur fautif au Pôle Emploi de POITOU CHARENTES des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de 6 mois

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 29 novembre 2012, la SAS CROIZET a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 4 mars 2013, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS CROIZET conclut à la réformation de la décision dont appel.

Elle demande à la Cour de dire que le licenciement de M. [E] repose bien sur une faute grave et donc de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de condamner à lui payer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 31 juillet 2013 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [J] [E] demande la confirmation du jugement entrepris sauf à porter le quantum des dommages et intérêts à la somme de 38.617,86€, porter le montant de l'astreinte à la somme de 150€ par jour de retard depuis la notification du licenciement et à lui allouer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la demande de sursis à statuer.

La SAS CROIZET a porté plainte pour vol de spiritueux le 18 mars 2011 et ne donne aucun élément à la Cour sur les suites données à cette plainte alors qu'un délai de plus de deux ans et demie se sont écoulées.

De plus, cette plainte est dés plus générale et ne vise en aucun cas personnellement M. [E].

Il n'y a donc pas lieu à prononcer un quelconque sursis à statuer dans l'attente de l'issue de cette plainte pénale.

* Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit

' Nous vous avons fait alors part de nos griefs quant à l'exécution de vos fonctions

Nous vous rappelons qu'en votre qualité de maître de chai, il vous appartient d'assurer la gestion du stock d'eau de vie et alcool, disposant pour ce faire d'ailleurs d'une procuration de la Société vis à vis des services des douanes.

Considérant les conséquences gravissimes que des manquements dans l'exercice de cette fonction peuvent entraîner, il est bien évident que la rigueur, la vigilance et le respect de la législation que vous connaissez parfaitement de sauraient souffrir d'écarts.

Or, nous avons fait l'objet d'un contrôle du service des douanes ayant révélé à notre grande stupéfaction un défaut de tenue de la comptabilité matières ainsi que des manquements anormaux à la balance des comptes, outre un défaut de certificat de jaugeage et une infraction à la circulation.

Ces manquements ont entraîné l'établissement par les services des douanes d'un procès-verbal et l'application de pénalités importantes.

C'est ainsi que différents lots d'eau de vie étaient totalement mélangés dans le stock, aucun mention sur le contenu ou la quantité de cognac ou eau ne figurant en outre sur

les fûts empêchant ainsi tout contrôle ... !!.

Votre laxisme a fait apparaître des manques dans les stocks pour plus de 18hl50 d'alcool pur là encore sans explication.

Vous avez été incapable de nous fournir la moindre explication sur ces disparitions, étant rappelé qu'en 2006 et 2007 déjà deux incidents de même nature étaient intervenus.

Il s'est avéré d'ailleurs qu'il n'y avait aucune tenue de cahier de stock et que bien plus, les comptes d'âge et les degrés des eaux de vie étaient faux.

Bien plus grave, il a été révélé et établi que vous retranscriviez faussement les données des degrés et des quantités fournies notamment par l'ouvrier de chai Monsieur [B] [Z], communiquant volontairement des documents erronés à Madame [N].

Toujours, au mépris de la législation, vous n'avez pas hésité à faire passer un tuyau de 40 mm au moyen d'un trou entre le stock et le chai rose.

Ce passage de tuyau n'avait aucun raison d'être de par l'existence d'une rampe pour alimenter la mise en bouteille, qui ne doit avoir elle-même aucune ouverture ni accès au stock.

Enfin, tout autant au mépris des règles de circulation, vous n'avez jamais établi les documents 'passe-avant' pour la présence sur la voie publique d'eau de vie nécessités par leur passage au groupe froid.

D'autre part, de par votre incurie, nous avons rencontré le même problème de manquants anormaux de 2 HL7354 d'alcool pur, à la SCEA DES DOMAINES DE [Localité 2] et [Localité 3], ce qui là encore a engendré un procès verbal des douanes avec des pénalités importantes.

Après réflexion, l'ensemble de ces faits nous amène à regret à vous licencier pour faute grave à réception de la présente'

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce.

La Cour rappelle que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

- Sur la prescription des faits sanctionnés.

M. [E] soutient que la SAS CROIZET n'a engagé la procédure disciplinaire que le 13 avril 2013, soit 4 mois après le contrôle réalisé les 16 et 17 décembre 2010 par les services de Douanes et Droits indirects qui est, selon lui, à la base des 'fautes' qui lui sont reprochées et que dés lors les faits reprochés sont prescrits.

Afin de statuer sur l'éventuelle prescription des faits reprochés à M. [E], la Cour se doit de considérer chacun de ces faits, sachant que, comme l'ont noté les premiers juges, la lettre de licenciement est générale quant à ses motifs et imprécise quant à la chronologie des fautes.

La SAS CROIZET a toutefois choisi de les regrouper sous 5 rubriques:

- défaut de tenue de la comptabilité matières, du cahier des stocks et retranscription erronée des degrés et quantités fournis (1)

- désordres constatés dans les stocks d'eau de vie (2)

- passage d'un tuyau entre le stock et le chai rose (3)

- manquants constatés dans les stocks (4)

- non établissement des documents passe-avant (5).

Concernant le grief 4, la Cour estime qu'il est prescrit, dans la mesure où il ressort des attestations que ce tuyau existait de longue date au vu et au su de tous (Mesdames [H] et [L] attestent que la direction demandait que ce tuyau soit retiré lors de visites de clients importants) et que d'ailleurs le constat d'huissier fait le 21 décembre 2010 à l'initiative de la SAS CROIZET parle longuement de ce tuyau.

Si la SAS CROIZET estimait que la présence fautive de ce tuyau était de la responsabilité de M. [E], ce qui ne semble d'ailleurs nullement être le cas, au vu des pièces versées aux débats, elle aurait du le sanctionner en temps et heure.

Concernant le grief 5, la Cour estime que là encore ce grief est prescrit dans la mesure où dés le 23 décembre 2010, les services de Douanes et Droits indirects ont notifié oralement le 23 décembre 2010, à la société CROIZET, une infraction à la circulation.

Si la SAS CROIZET estimait que l'absence de document passe-avant était de la responsabilité de M. [E], ce qui reste d'ailleurs largement à démontrer, elle aurait du le sanctionner avant le 23 février 2010.

Concernant le grief 1, là encore, la Cour estime que là encore ce grief est en partie prescrit dans la mesure où dés le 23 décembre 2010, les services de Douanes et Droits indirects ont déclaré oralement le 23 décembre 2010, à la société CROIZET, procès-verbal pour défaut de dépôt de la déclaration annuelle d'inventaire et défaut de comptabilité matière.

Si la SAS CROIZET estimait que ces défauts étaient de la responsabilité de M. [E], ce qui reste d'ailleurs largement à démontrer, elle aurait du le sanctionner avant le 23 février 2010.

Concernant les autres reproches,

- retranscription erronée des degrés et quantités fournis (1)

- désordres constatés dans les stocks d'eau de vie (2)

- manquants constatés dans les stocks (4),

il apparaît difficile de les dater précisément et de fixer leur découverte à la notification du procès-verbal d'infraction du 15 février 2011, sachant que la SAS CROIZET n'a pas versé aux débats les procès-verbaux d'intervention des 6, 18 et 24 janvier 2011 qui auraient pu éclairer la Cour.

Dans le doute, la Cour estime que la SAS CROIZET n'a réellement pris connaissance de ces 'faits' qu'à travers le procès-verbal de notification d'infraction du 15 février 2011 et que dés lors ils ne sont pas prescrits.

- Sur les fautes reprochées à M. [E].

A la lecture des pièces versées aux débats, comme l'ont souligné les premiers juges, il n'existe aucun élément objectif et précis permettant de mettre à la charge de M. [E] les reproches que la Cour n'a pas considérés comme prescrits, et ce dans un contexte de difficultés économiques et de désorganisation générale bien relaté par les attestations versées aux débats par M. [E].

En conclusion, la Cour confirme la décision des premiers juges qui ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui ont fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié.

Conformément aux articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail, la Cour ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qui ont dû être exposées pour le compte de M. [E] à concurrence de six mois.

Il convient enfin de confirmer la décision des premiers juges qui ont ordonné à la SA CROIZET à remettre à M. [E] les documents administratifs rectifiés avec la même astreinte que celle décidée par le Conseil.

* Sur les autres demandes

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [J] [E] qui se verra allouer la somme de 2000€ à ce titre.

La SAS CROIZET supportera les dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

CONDAMNE la SAS CROIZET à verser à M. [J] [E] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS CROIZET aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Myriam LALOUBERE, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et par florence Chanvrit adjoint administratif faisant fonction de greffier,

auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F.CHANVRIT Myriam LALOUBERE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 12/06639
Date de la décision : 05/12/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°12/06639 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-05;12.06639 ?
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