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19/11/2013 | FRANCE | N°11/04748

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 19 novembre 2013, 11/04748


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 19 NOVEMBRE 2013



(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/04748











Monsieur [F] [Y] [V]



c/



SAS IP-Label













Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juin 2...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 19 NOVEMBRE 2013

(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/04748

Monsieur [F] [Y] [V]

c/

SAS IP-Label

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juin 2011 (RG n° F 10/01784) par le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2011,

APPELANT :

Monsieur [F] [Y] [V], né le [Date naissance 1] 1974 à

[Adresse 3], demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Claudine Martin-Villetelle, avocat au barreau de Paris,

INTIMÉE :

SAS IP-Label, siret n° 327 139 309, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Mathilde Plenat, avocat au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mai 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Monsieur [V] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 4 novembre 2002 en qualité d'ingénieur commercial cadre postion 3-1coefficient 170 de la convention collective du Syntec par la société Auditec, laquelle a été rachetée par la SAS IP-Label le 8 juillet 2008. Son salaire mensuel moyen au moment de son licen-ciement était de 6.324,63 €.

Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre recommandée du 1er avril 2010. L'entretien s'est tenu le 13 avril 2010 et son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par lettre recommandée du 16 avril 2010.

Monsieur [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 18 juin 2010 pour contester le bien fondé de son licenciement et demander diverses indemnités.

Par jugement du 28 juin 2011 cette juridiction a débouté Monsieur [V] de l'ensemble de ces demandes.

Monsieur [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision .

Dans ses conclusions, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [V] demande d'infirmer le jugement attaqué, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société IP- Label SAS à lui payer le complément des commissions qui lui sont dues sur l'exercice 2008 : 77.925 € ; 94.870 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 25.296 € de dommages et intérêts pour préjudice moral, 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS IP-Label, dans ses conclusions, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, demande de constater qu'un accord relatif aux commissions est intervenu entre les parties, débouter Monsieur [V] de sa demande relative au rappel de commissions, constater que le licenciement de Monsieur [F] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse, le débouter de l'ensemble de ses demandes, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions, en tout état de cause condamner Monsieur [V] à lui verser 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce, la Cour :

Sur le rappel de commissions au titre de l'exercice 2008

La SAS IP-Label a procédé au rachat de la société Auditec le 8 juillet 2008.

Par avenant n° 7 à son contrat de travail du 5 novembre 2008, Monsieur [V] voyait ses objectifs et sa rémunération modifiés par son nouvel employeur. Les objectifs du 4ème trimestre 2008 étaient fixés à 230.000 € de chiffre d'affaires hors taxe pour l'équipe ventes indirectes internationales, dont 150.000 € hors taxe d'objectifs personnels pour Monsieur [V].

Il n'est pas contesté par l'employeur que les résultats des ventes indirectes internationales pour le 4ème trimestre 2008 ont été de 467.154 € hors taxe (soit 203 % de l'objectif fixé), dont 354.890 € pour Monsieur [V] (soit 237 % de l'objectif personnel fixé). (pièces 85, 86 du salarié)

L'employeur dans ses conclusions accuse Monsieur [V] d'avoir dépassé ses objectifs en profitant des 'failles du système exponentiel et déplafonné mis en place'.

Or, il résulte des pièces produites par les parties que ce n'est pas le salarié qui a décidé de modifier ses objectifs ni le système de rémunération. Seul l'employeur a décidé de changer les règles du jeu en cours d'année.

La date de cet avenant, signé le 18 novembre 2009 ne permettait pas à Monsieur [V] d'anticiper ni de mettre en place une stratégie pour le dernier trimestre 2008, comme le lui reproche sans le démontrer l'employeur.

Au surplus le salarié n'a fait que suivre les incitations de son nouvel

employeur et de sa supérieure hiérarchique qui dans plusieurs e-mails demandaient aux commerciaux de se surpasser : 'c'est le moment d'aller chercher toutes les commandes ' avec les dents pour se préparer une très belle prime'.... 'de ne rien garder au frigo' (pièces 82, 83, 84 du salarié)

Quand l'employeur s'est rendu compte qu'en application de cet avenant contractuel il devait verser à Monsieur [V] une rémunération sur objectif non plafonnée de 109.925 €.

Il a tenu à 'négocier' le montant de cette prime, et à la suite de plusieurs

échanges d'e-mail a fini par verser à Monsieur [V] la somme de 32.000 € au lieu des 109.925 € prévus par contrat.

Le salarié a par plusieurs courriers successifs demandé le paiement du

montant total de cette rémunération variable, en vain. (pièce 93, du salarié)

Sur la rupture du contrat de travail

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement notifiée le 16 avril 2010, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants :

insuffisance professionnelle caractérisée par :

- insuffisance de résultats

'En matière de 'new business' sur les 2ème, 3ème, 4ème trimestres 2009 et le 1er trimestre 2010, 32% seulement de votre prise de commande durant cette période repose sur le 'new business' contre 56 % pour le reste de l'équipe et 76 % s'agissant de l'équipe directe France. L'insuffisance de résultats en matière de 'new business' s'inscrit dans l'insuffisance globale de résultas du 1er trimestre 2009 au 1er trimestre 2010, puisque 61 % de vos objectifs seulement ont été atteints'.

A l'appui de son appel Monsieur [V] conteste fermement son absence de résultat en matière de 'new business', il rappelle que pour l'exercice 2008 et 2009 page 17 de ses conclusions ses résultats en 'new business' étaient de 354.969 € Ce chiffre n'est pas contesté par l'employeur. (page 40 des conclusions de l'employeur)

Au vu de ce qui précéde à la fin du dernier trimestre 2008 Monsieur [V] avait atteint 237 % de l'objectif personnel qui lui avait été fixé par son nouvel employeur.

Ses résultats en matière de new business au 30 juin 2009 étaient de 354.969 €, représentant 54 % de son activité, alors que moyenne de la société était seulement de 39,6 % en matière de new business. Monsieur [V] était alors classé second meilleur résultat. (pièce 39 du salarié)

Il s'avère notamment au vu de l'expertise ordonnée par l'employeur que les performances de Monsieur [V] en 'nouveau business' pour 2008-2009 étaient meilleures que celles de M. [Q]. (pièce 110 de l'employeur)

Les  moins bons résultats de Monsieur [V] en matière de nouveau business ne sont rapportés qu'au cours de l'année 2010.

Or, il résulte des pièces produites par les parties que le périmètre d'inter-vention de Monsieur [V] a été sérieusement modifié, nombre de ses clients institutionnels lui ont été retirés et ses objectifs ont été dans le même temps augmentés courant 2009, 2010.

Ce qui rend difficile voir impossible un comparatif réel et sérieux, en

terme de résultats.

Ce d'autant que l'employeur au lieu de comparer les résultats obtenus par

Monsieur [V] à ceux des dix sept autres commerciaux, s'est contenté de demander à son expert comptable de comparer les résultats de Monsieur [V] avec un seul d'entre eux, M. [R] [Q]. (pièces 110, 118 de l'employeur)

Aucune pièce ne permet donc d'établir la fiabilité du tableau présenté par l'employeur page 40 de ses conclusions.

La pièce 95 du salarié permet au contraire d'établir que ce tableau ne reflète en rien la réalité des résultats obtenus par les commerciaux de l'entreprise. Enfin, le tableau de l'évolution des rémunérations de Monsieur [V] au sein d'Auditec de 2003 à 2008 (pièce 147 du salarié), non contesté par l'employeur, permet d'établir que les performances de Monsieur [V] ont été en constantes augmentation jusqu'à fin 2008, soit jusqu'au rachat de l'entreprise par IP-Label.

L'insuffisance des résultats reprochée au salariée n'est donc absolument

pas démontrée.

- insuffisance d'activité

'Les commerciaux doivent avoir pour objectif d'effectuer 15 rendez-vous par mois, soit 45 rendez vous sur le trimestre , or lors de l'entretien d'évaluation il a été relevé que vous effectuiez une moyenne de 5,5 visites par mois sur le 2ème trimestre 2009 (17 rendez vous sur le trimestre) la quasi totalité de vos rendez vous concernaient vos partenaires historiques et non de la prospection. Nous sommes dans l'impossibilité de vérifier votre activité car vous ne remplissez pas l'agenda partagé. Votre niveau d'activité est insuffisant la qualité de votre activité est insuffisante'.

Lors de l'entretien d'évaluation du 7 juillet 2009, il a été reproché à

Monsieur [V] une insuffisance de rendez-vous. Or, le salarié justifie de 39 rendez- vous pour le 2ème trimestre 2009, de 36 rendez vous pour le 4ème trimestre 2009. Les pièces 94, 112, 113, 100, 101 fournies par le salarié révèlent au vu du système 'sugar'qu'il se situait dans la bonne moyenne des commerciaux, en nombre de rendez- vous effectués.

L'employeur ne fournit aucune pièce permettant d'étayer ce reproche, en

dehors de l'entretien d'évaluation et de l'avertissement du 28 juillet 2009, emprunts de la plus grande subjectivité, et qui ont été formellement démentis par le salarié. (pièces 62, du salarié)

Dès lors, il convient de relever que ce deuxième grief n'est pas non plus établi.

- prévisionnel insuffisant

'Votre portefeuille ne contient aucune nouvelle affaire en prévision. Vous ne prévoyez pas le développement de la clientèle existante. Votre insuffisance d'activité est incontestable, vos résultats sont insuffisants et votre activité prévisionnelle ne nous permet pas d'envisager une amélioration dans les mois à venir. Vous n'avez pas suivi notre plan d'actions et manifestez une insuffisance professionnelle incompatible avec vos fonctions et votre niveau d'expérience dans notre société.

Contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement. Le salarié a avisé sa supérieure hiérarchique le 14 mars 2010 que son prévisionnel faisait apparaître un montant de plus de 50.000 € (pièces 81, 80 du salarié) ce qui explique, d'ailleurs, que Monsieur [V] a pu bénéficier au mois d'avril 2010 d'une prime 'new business' au titre du premier trimestre 2010.

Au surplus le salarié fournit bon nombre d'attestations de distributeurs et de partenaires qui louent ses qualités professionnelles, sans que ces attestations aient été non plus démenties par l'employeur.

Dès lors, la Cour considère que ,contrairement à ce qu'a retenu le Conseil de Prud'hommes de manière lapidaire et sans viser aucune pièce de ce volumineux dossier, le manque de résultat, d'activité suffisante et de prospection de nouveaux clients reprochés à Monsieur [V] ne sont nullement démontrés, en l'espèce.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relèvent certes du pouvoir de direction de l'employeur, les griefs invoqués par ce dernier doivent reposer cependant sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Réformant, en conséquence, la décision attaquée, la Cour dit que le licenciement de Monsieur [V] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur le montant des sommes sollicitées

Sur le montant de la prime sur objectifs de 2008

Compte tenu de ce qui précède, et des circonstances dans lesquelles le salarié a fait l'objet successivement d'une évaluation, d'un avertissement et d'un licenciement abusif, la Cour considère que Monsieur [V] n'a pas librement consenti à voir sa prime sur objectif de 2008, diminuer des 2/3.

Dès lors, condamne l'employeur à lui à verser le complément des commissions qui lui sont dues sur l'exercice 2008, soit 77.925 €.

Sur le montant des dommages et intérêts pour lienciement abusif

Au moment de son licenciement Monsieur [V] avait sept ans d'ancienneté, il justifie n'avoir pu retrouver un emploi que 18 mois plus tard, et beaucoup moins bien rémunéré.

En conséquence, la Cour évalue son préjudice au regard de ces différents facteurs et des circonstances de son licenciement à 50.000 € de dommages et intérêts .

La Cour déboute Monsieur [V] de sa demande de préjudice moral, lequel a été pris en compte pour évaluer le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

L'équité commande, la SAS IP-Label succombant en cause d'appel, de lui faire supporter une partie des frais irrépétibles engagés par le salarié, en première instance et en cause d'appel et donc de la condamner à verser à Monsieur [V]

2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. (première instance et appel confondus)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réformant la décision attaquée en son entier.

' Dit que le licenciement de Monsieur [V] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

'Condamne la SAS IP-Label à verser à Monsieur [V] 50.000 € (cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

' Condamne la SAS IP-Label à verser à Monsieur [V] 77.925 € (soixante dix sept mille neuf cent vingt cinq euros) à titre de rappel de prime sur objectif de 2008.

' Dit que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du prononcé de la présente décision.

' Condamne la SAS IP-Label à verser à Monsieur [V] 2.000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile. (première instance et appel réunis), et aux entiers dépens.

' Déboute les parties de leurs autres demandes comme étant non fondées.

' Ordonne le remboursement par la SAS IP-Label aux organismes concernés des indemnités chômage qu'ils ont dû exposer pour le compte de Monsieur [V] à

concurrence de 4 mois.

' Dit que, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 du code du travail, le greffe transmettra copie de la présente décision à la Direction Générale de Pôle Emploi, [Adresse 4].

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/04748
Date de la décision : 19/11/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/04748 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-19;11.04748 ?
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