La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2013 | FRANCE | N°11/07339

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 01 octobre 2013, 11/07339


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 1er OCTOBRE 2013



(Rédacteur : Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller,)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 11/07339











Association Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2]



c/



Madame [A] [L]



Monsieur [S] [T]



Madame [N] [E]











Nature de la

décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Gr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 1er OCTOBRE 2013

(Rédacteur : Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller,)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 11/07339

Association Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2]

c/

Madame [A] [L]

Monsieur [S] [T]

Madame [N] [E]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 novembre 2011 (RG n° F 09/02250) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 06 décembre 2011,

APPELANTE & INTIMÉE :

Association Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], siret

n° 781 843 750 00022, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2],

Représentée par Maître Jean-Marc Ducourau, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE & APPELANTE : suivant déclaration d'appel du 13 décembre 2011,

Madame [A] [L], née le [Date naissance 1] 1950, demeurant chez Mme [J] - [Adresse 4],

Représentée par Maître Florian Bécam, avocat au barreau de Bordeaux,

INTERVENANTS :

Monsieur [S] [T], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1],

Madame [N] [E], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3],

Non comparants,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 juin 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 24 novembre 1969, Mme [A] [L] a été embauchée en qualité de secrétaire sténodactylographe par le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] (ci-après désigné CDT).

La relation contractuelle était régie par la convention collective des organismes de tourisme.

En 1981, Mme [L] a été nommée secrétaire de direction et a elle a obtenu le 29 octobre 1991 le bénéfice d'un temps partiel à 60 % à la suite de son congé parental.

Suivant avenants à son contrat de travail, Mme [L] est devenue responsable de gestion du personnel et des moyens techniques en mai 1999, puis chef de service administratif le 2 janvier 2001, et responsable de gestion des ressources humaines le 23 juin 2003 avec une rémunération brute mensuelle de 2.043,93 € pour 91 heures par mois (coefficient 2414 indice 3.1). Le 29 octobre 2008, Mme [L] a été placée en arrêt de maladie pour hypertension et anxiété.

Le 17 avril 2009, lors de la seconde visite médicale de reprise, elle a été déclarée définitivement inapte à son poste de travail.

Par courrier recommandé en date du 2 juin 2009, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 15 juin 2009 ; puis par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 juin 2009, le Comité Départemental du Tourisme lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique.

Soutenant qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral, Mme [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 31 juillet 2009, en demandant à cette juridiction de déclarer son licenciement nul et de nul effet, à titre subsidiaire mal fondé de condamner solidairement le Comité Départemental du Tourisme, M. [S] [T] et Mme [E] à lui payer des dommages-intérêts.

Par jugement en date du 8 novembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux statuant sous la présidence du juge départiteur a :

' dit que le licenciement pour inaptitude physique notifié à Mme [A] [L] le 19 juin 2009 est nul et de nul effet,

' condamné en conséquence le Comité Départemental du Tourisme à payer à Mme [A] [L] les sommes suivants :

- 6.122,79 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de

612,27 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 40.000,00 € à titre de dommages-intérêts,

' débouté Mme [A] [L] de ses demandes à l'encontre de Mme [E] et de M. [S] [T],

' condamné le Comité Départemental du Tourisme à payer à Mme [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' débouté les parties de leurs autres demandes,

' condamné le Comité Départemental du Tourisme au paiement des dépens.

Le Comité Départementale du Tourisme de [Localité 2] a relevé appel de ce jugement le 6 décembre 2011.

Mme [L] a, elle-même, formé appel le 13 décembre 2011.

Les deux instances ont été jointes par mention au dossier.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 21 juin 2013, soutenues oralement lors de l'audience du 24 juin 2013, le Comité Départemental du Tourisme, Mme [E] et M. [S] [T] (appelants incidents) ont demandé à la Cour :

' de réformer le jugement,

' de débouter Mme [A] [L] de l'ensemble de ses demandes,

' de condamner Mme [A] [L] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 € au Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], et celle de 2.500 € chacun à Mme [E] et à M. [S] [T].

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 avril 2013, soutenues oralement lors de l'audience du 24 juin 2013, Mme [A] [L] a demandé à la Cour :

' de déclarer le comité départemental du tourisme irrecevable en son appel, et en tout cas mal fondée en ses demandes,

' de constater le harcèlement moral dont elle a été victime de la part du comité départemental du tourisme,

' d'infirmer partiellement le jugement,

y ajoutant :

' de dire que le licenciement prononcé à son encontre est nul et de nul effet,

' de condamner conjointement et solidairement le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], M. [S] [T] et Mme [E] à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement, par application des articles L.1152-3 et suivants du code du travail,

à titre subsidiaire :

' condamner conjointement et solidairement le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], M. [S] [T] et Mme [E] à lui payer la somme de 80.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1232-1 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

' de condamner le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] à lui payer la somme de 6.122,79 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 612,27 € au titre des congés payés afférents, et celle de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure

civile, la Cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 24 juin 2013

MOTIFS DE LA DECISION

1 - sur la recevabilité des appels :

Conformément aux dispositions de l'article R.1461-1 du code du travail, les parties doivent être déclarées recevables en leur appel.

Sur la demande tendant à voir reconnaître la nullité du licenciement

L'article 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Tout licenciement intervenu en violation de ces dispositions est nul, conformément à l'article L.1252-3 du code du travail.

Selon l'article 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153- 4, le candidat à un emploi, un stage ou à une période de formation d'entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Dans le cadre de l'instance, Mme [L] a établi les faits suivants :

Lors de l'avenant apporté à son contrat de travail en 2001, Mme [L] a été classée à l'indice 294, devenu l'indice 2414 lors de la refonte de la grille des classifications d'emplois en juin 2003. Depuis cette date jusqu'à celle de son licen-ciement en 2009, son salaire n'a pas connu d'augmentation autre que celle liée à l'évolution du point d'indice national en dépit de ses demandes formulées lors de l'entretien annuel d'évaluation de 2005 puis par correspondances en date des 19 juin 2006, 14 mai 2007, 24 août 2007 et 22 septembre 2008, dans lesquels elle soulignait l'augmentation de l'effectif de salariés (passé de 25 à 36 salariés à compter de juillet 2002), la complexité de la gestion des horaires et les nouvelles dispositions législatives entraînant un degré de responsabilité et d'autonomie plus important. D'autres salariés du comité ont bénéficié d'augmentations indiciaires substantielles.

Mme [L] a indiqué à son employeur le 19 octobre 2005, le 13 mai 2008 et le 22 septembre 2008 qu'elle était disposée à reprendre son emploi à temps complet, mais n'a obtenu une réponse positive que le 18 février 2009, alors qu'elle était en arrêt de maladie.

Compte tenu de la création d'un emploi de chargé de mission, rattaché au service des ressources humaines, Mme [L] a été privée d'une partie de ses précédentes attributions, et n'a plus été autorisée à compter du 6 mai 2008 à participer aux réunions des délégués du personnel. Dans le compte rendu de réunion du 6 mai 2008, [Q] [Z] a été officiellement présenté par le directeur comme chargé de mission pour l'organisation générale et les ressources humaines, avec notamment pour fonctions de participer aux réunions avec les délégués du personnel en remplacement de Mme [L]

Le 19 août 2008, de retour de congés de maladie, elle a constaté que ses accès complets au logiciel de gestion du temps de travail Tooltime avaient été supprimés, et qu'elle ne pouvait plus accomplir son travail normalement sur ce logiciel,

Mme [L] a été placée en arrêt de maladie à compter du 29 octobre 2008 par son médecin traitant pour anxiété majeure et hypertension artérielle. Le 4 février 2009, lors d'une consultation au service de médecine du travail et de pathologie professionnelle, au CHU de [Localité 1], il a été constaté par le Docteur [C] [O] que les signes cliniques permettaient d'envisager une inaptitude définitive. Les arrêts de travail ont été prolongés jusqu'au 17 avril 2009, date de la seconde visite médicale de reprise, à l'issue de laquelle le médecin du travail a conclu à son inaptitude définitive à son poste de travail. Mme [L] produit également aux débats une pétition dans laquelle 18 salariés du Comité Départemental du Tourisme déclarent l'avoir vue en en souffrance au cours de l'année 2008, et pour certains l'avoir vu pleurer ou retenir à grand-peine ses larmes. Mme [X] [H], comptable au sein du comité départemental du tourisme, atteste avoir vu Mme [L] revenir en pleurs dans son bureau le 6 mai 2008 car elle venait d'être évincée d'une réunion avec le directeur et les délégués du personnel, réunion auquel elle assistait depuis qu'elle était en charge du personnel.

Le 16 avril 2008, le médecin du travail a en outre alerté la direction du comité départemental sur des situations de dépressions nerveuses et mal-être gran-dissant de plusieurs salariés, se manifestant par un sentiment d'abandon et parfois d'injustice.

Mme [L] établit donc un ensemble de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral au sein du Comité Départemental.

L'employeur a répondu point par point aux arguments soulevés par Mme [L] :

Concernant l'absence de revalorisation du salaire :

L'employeur rappelle que Mme [L] avait été embauchée le 24 novembre 1969 en qualité de secrétaire sténodactylo, et occupait au moment de la rupture du contrat un poste de responsable de la gestion des ressources humaines qualification cadre, pour une rémunération brute mensuelle de 2.043,93 € pour 91 heures par mois, soit 3.420,16 € pour un temps complet.

Il en résulte que de 1969 à 2001, Mme [L] a connu une évolution de carrière tout à fait correcte, prenant en compte les compétences manifestées par cet agent dans le cadre de ces attributions, et non son seul niveau de qualification initiale (CAP).

A compter de 2001, l'employeur explique que le salaire de Mme [L] n'a pas bénéficié de réévaluation indiciaire, compte tenu d'une part des consignes du conseil général de ne pas augmenter la masse salariale, et d'autre part de l'absence de modification des attributions de cette salariée, en ce qui concerne la responsabilité ou l'autonomie, de sorte que l'augmentation sollicitée n'avait pas de fondement au regard des stipulations de la convention collective.

La Cour doit constater en premier lieu que le comité départemental du tourisme ne justifie pas de ses allégations, concernant les directives données par le conseil général en matière d'évolution de la masse salariale.

En revanche, il est exact que le profil de poste de Mme [L] n'a pas été modifié depuis 2001, en ce qui concerne les fonctions exercées, même si la charge de travail s'est trouvée alourdie à la suite de l'intégration de nouveaux salariés en 2002.

Il n'est nullement établi que les fonctions exercées par Mme [L] justifiaient un niveau de classement indiciaire supérieur à celui qui lui a été proposé le 2 février 2007, soit 2514, et qu'elle a refusé, alors même que cela conduisait à une augmentation salariale de 1.626,24 € par an.

Par ailleurs, le Comité a fourni des explications objectives concernant l'évolution des autres salaires, servant de base de comparaison de Mme [L] :

- Mme [D], agent de maîtrise, a vu sa responsabilité augmenter puisqu'elle a été chargée de représenter l'image touristique de [Localité 2] auprès de la presse régionale et nationale ; son indice porté à 2140 à compter du 1er janvier 2007 demeurait largement inférieur à celui de Mme [L]

- Mme [W], classée jusqu'alors à l'échelon 3.1, indice 2448, a connu une évolution du profil de son poste dans le cadre de la mise en place de la commission départementale du film en [Localité 2] et de l'ouverture du bureau d'accueil des tournages en [Localité 2], ce qui justifiait son passage à l'indice 2624 puis 2800, M. [P], initialement engagé comme responsable informatique, a eu des responsabilités accrues en qualité de webmaster, dans le cadre du développement des sites Internet (son classement indiciaire restant inférieur à celui de Mme [L])

- Mme [B] a été chargée de la responsabilité de la supervision des éditions

avec l'encadrement d'une équipe de trois agents. Elle n'atteignait que l'indice 2140 à compter du 1er janvier 2007.

Il n'est pas établi en définitive que la rémunération de Mme [L] ait évolué beaucoup moins vite que la moyenne de sa catégorie.

Concernant le temps partiel :

La première correspondance à laquelle fait référence Mme [L] est un message électronique en date du 19 octobre 2005, dans lequel elle déclare au directeur du comité :

'Je suis prête à étudier son retour à temps complet, ce qui représente une charge salariale supplémentaire mensuelle de 1.900 € environ ; connaissant les difficultés du Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] en matière de masse salariale, pourra t-il assumer cette augmentation ' Je reste à votre disposition pour en reparler'.

Ainsi que le comité le souligne à juste titre, ce message ne peut être considéré comme une demande expresse de retour à temps complet, mais seulement comme une proposition à laquelle il appartenait à l'employeur de donner suite ou non.

La première véritable demande de passage à temps complet date du 22 septembre 2008.

Elle n'a pas obtenu de réponse avant le 18 février 2009, ce qui constitue un délai anormalement long, et pour lequel aucune explication objective n'est fournie.

Concernant les pratiques d'isolement ou de déstabilisation :

Il n'est pas établi que Mme [L] ait été privée d'un accès aux sources documentaires, puisque les codes concernant les abonnements en ligne de sites juridiques lui avaient été communiqués (le dictionnaire social, les éditions [S] [M], le réseau national des destinations départementales); et que son visa figure sur des exemplaires du bulletin du dictionnaire permanent, sur le feuillet rapide [S] [M], et la revue RF Social, en janvier, février et mars 2008.

Le Comité Départemental conteste par ailleurs que les droits d'accès de Mme [L] au logiciel de gestion des horaires aient été supprimés durant le mois d'août 2008. Or, la matérialité de cette suppression n'est pas contestable puisque dans

son message électronique adressé le 23 septembre 2008, [S] [T], directeur, indique lui-même qu''afin de rétablir le fonctionnement normal des fiches horaires, il demandait à [F] [P] de rétablir les droits complets d'utilisation du logiciel Tooltime à [A] [L]'. Mme [G], déléguée du personnel, atteste par ailleurs avoir constaté elle-même cette situation, et avoir alerté la direction le 27 août 2008.

Le fait que Mme [G] ait participé comme Mme [L] à un mouvement social en 2009 ne constitue pas un élément suffisant pour conclure, comme le comité départemental du tourisme de [Localité 2], à la fausseté de cette attestation, qui n'a donc pas lieu d'être écartée des débats.

Contrairement à ce que soutient le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], un simple appel en direction de la hotline de la société Equitem dans le cadre du contrat d'assistance téléphonique n'aurait pas été de nature à restituer l'ouverture des droits ; s'agissant d'une décision relevant de la compétence des administrateurs.

Il s'est donc écoulé un délai d'environ trois semaines entre le signalement opéré par les déléguées du personnel et la décision de rétablir les droits de Mme [L] dans leur intégralité ; ce qui constitue un délai anormalement long pour une simple modification de droits d'accès à un logiciel, dont la salariée avait besoin dans le cadre de ses fonctions.

Il ressort, en outre, des pièces produites qu'une session de formation au logiciel Tooltime avait été organisée les 14 et 25 août 2008, en perspective de nombreux changements à intervenir, dont les seuls participants étaient M. [I] et Mme [E].

Malgré son retour au sein de l'entreprise, Mme [L] n'a pas été invitée à cette formation alors qu'elle utilisait très fréquemment ce logiciel et se trouvait directement concernée par les modifications envisagées ou déjà apportées ; ce qui ne pouvait que la placer en difficulté importante dès son retour de congé de maladie. Il n'est nullement justifié qu'une formation ait été prévue ultérieurement pour Mme [L].

Dans le courrier adressé par ses soins à la direction le 15 octobre 2008, la salariée indique ainsi : 'je rencontre des problèmes d'incohérence imputables aux modifications des paramètres du 'spécifique CDT' et des fiches de pointage (entre autres, la colonne 'heures travail supplémentaire' a disparu.(...) en l'état actuel des choses, je suis dans l'impossibilité d'éditer une fiche de pointage qui reflète exactement le temps de travail du salarié : j'insiste donc à nouveau pour que les paramètres soient rétablis en ma présence par un spécialiste Atool Time de la société Aquitem et je voudrais également connaître les règles d'accès des utilisateurs sur le paramétrage de ce logiciel'.

Aucune réponse n'a été apportée par la direction à Mme [L], et M. [T] a seulement écrit au président M. [U] le 23 octobre 2008 pour 'se plaindre des transformations de paramétrages faites à l'insu de Mme [L] par Mme [E] et M. [I], qui ont empêché visiblement Mme [L] d'accomplir son travail'.

Concernant l'embauche de chargé de mission en 2008 :

Lors du conseil d'administration du Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] en date du 19 juin 2008 a été adopté, à la suite de la présentation du projet par M. [U], le principe d'une réorganisation interne des services compte tenu de l'évolution des métiers et des missions, avec mise en place d'un nouvel organigramme, et le concours d'un cabinet d'études.

Dans la perspective de cette réorganisation, M. [T], directeur, a procédé au recrutement par contrat à durée déterminée d'un chargé de mission ayant pour objectif de collaborer à la mise en 'uvre et au suivi de la nouvelle organisation du Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2], tant du point de vue de la gestion du personnel que de la mise en 'uvre des procédures tenant à la définition d'un nouveau projet d'entreprise. Mme [L] a été informée de ce recrutement par courrier en date du 5 mai 2008, qui lui précisait qu'elle serait placée hiérarchiquement sous la respon-sabilité de ce chargé de mission.

Les objectifs assignés à ce dernier avaient un champ plus large que les missions de Mme [L], et nécessitaient des compétences et des expériences particulières, en terme de conduites de projets et de management d'équipes.

Mme [L] ne peut donc valablement soutenir qu'elle aurait été abusivement mise à l'écart lors des opérations de recrutement, qui ne justifiaient pas d'appel en candidature en interne.

Il ressort en revanche des pièces produites que Mme [L] n'a pu prendre part aux réunions des délégués du personnel à compter du 6 mai 2008 (ce rôle étant désormais dévolu au chargé de mission), et qu'elle n'a plus été destinataire des comptes rendus.

Par ailleurs, dans une note au personnel en date du 18 juillet 2008, le directeur a annoncé en préfiguration de la mise en application de l'organigramme que [N] [E] était nommée directrice adjointe en charge de l'administration générale, du pôle finance et du pôle ressource humaines, et que M. [Y] [I] était chargé de mission pour l'organisation générale et chargé des ressources humaines.

Dans son courrier adressé le 23 octobre 2008 au président, le directeur du comité indiquait que 'la remise en cause des attributions de Mme [A] [L] concernant ses attributions de responsable des ressources humaines ne pouvaient se faire sans une confrontation avec à l'intéressée'.

Il était donc manifeste, à compter du second semestre 2008, que le périmètre des attributions de Mme [L] se trouvait sérieusement compromis, en faveur de Mme [E], sans que l'intéressée n'ait été consultée ni même prévenue.

Il apparaît en définitive que cette salariée, qui bénéficiait d'une expérience de près de 40 ans au sein du comité, et donnait entière satisfaction, s'est trouvée confron-tée lors de son retour de maladie en août 2008 à des conditions de travail très difficiles, de nature à l'exposer à des erreurs importantes dans la gestion des temps de travail des 35 salariés de l'entreprise, du fait de la restriction injustifiée de ses droits d'accès et de modifications apportées au paramétrage du logiciel durant son absence ; sans qu'elle puisse bénéficier d'une formation adaptée.

Fragilisée par un état de santé précaire depuis le début de l'année 2008, et par une situation de souffrance au travail dont la direction avait connaissance par les avertissements du médecin du travail et des délégués du personnel, Mme [L] n'avait en octobre 2008 aucune perspective d'amélioration de sa situation puisque sa demande de temps complet était demeurée sans réponse et que le service des ressources humaines passait sous la responsabilité de Mme [E].

Les agissements répétés ainsi décrits ont manifestement dégradé les conditions de travail de Mme [L] et ont altéré sa santé mentale, avec apparition d'une anxiété majeure constatée le 29 octobre 2008.

La situation de harcèlement moral décrite par Mme [A] [L] est donc, suffisamment, caractérisée au regard de ces éléments.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement, en ce qu'il a déclaré nul le licenciement notifié à Mme [A] [L] le 19 juin 2009.

Sur les conséquences indemnitaires

En application de l'article 11 de la convention collective, Mme [L], dont le licenciement est déclaré nul, mais qui ne sollicite pas sa réintégration, doit bénéficier des indemnités de rupture soit en l'espèce la somme de 6.122,79 € à titre d'indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire, outre la somme de 612,27 € au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, le premier juge a fixé à juste titre à la somme de 40 000 € le montant des dommages-intérêts dus à Mme [L] en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul, compte tenu de son âge (58 ans) et de son ancienneté au sein de l'entreprise (près de 40 ans).

Sur les responsabilités encourues

Par des motifs pertinents en droit comme en fait, que la cour adopte expressément, le Conseil de Prud'hommes a retenu que la mésentente entre Mme [E] et Mme [L] ne caractérisait pas pour autant une situation de harcèlement moral, en l'absence de comportement malveillant avéré, et qu'aucun fait personnel ne pouvait être mis à la charge de M. [T], comme susceptible d'engager sa responsabilité personnelle.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] à payer à Mme [E] la somme de 6.122,79 € bruts à titre d'indemnité de préavis, celle de 612,27 € bruts pour les congés payés afférents, et celle de 40.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licen- ciement nul.

Les autres dispositions de la décision seront pareillement confirmées, en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de 1.000 € mise à la charge du Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable d'allouer à Mme [L] une indemnité complémentaire de 1.200 € au titre des frais de procédures irrépétibles exposés en cause d'appel.

Mme [E] et M. [T] seront déboutés de la demande formée sur ce même fondement.

Les dépens d'appel seront supportés par le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2].

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Déclare les appels recevables.

'

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

' Condamne le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] à payer à Mme [A] [L] la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

'

Rejette les autres demandes.

'

Condamne le Comité Départemental du Tourisme de [Localité 2] aux dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/07339
Date de la décision : 01/10/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/07339 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-01;11.07339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award