La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2012 | FRANCE | N°10/04754

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 24 janvier 2012, 10/04754


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 24 JANVIER 2012



(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 10/04754











Madame [G] [Y] née [R]



c/



SAS Catherineau













Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :r>


LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement ren...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 24 JANVIER 2012

(Rédacteur : Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 10/04754

Madame [G] [Y] née [R]

c/

SAS Catherineau

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 juin 2010 (RG n° F 08/02362) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 26 juillet 2010,

APPELANTE :

Madame [G] [Y] née [R], née le [Date naissance 1]

1966, demeurant [Adresse 2],

Représentée par Maître Pierre Santi, avocat au barreau de Pau,

INTIMÉE :

SAS Catherineau, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Carole Moret, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 octobre 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte Roussel, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Mme [G] [R], épouse [Y] a été engagée à compter du 28 avril 2000 en qualité d'opératrice de finition par la SAS Etablissements Catherineau, entreprise spécialisée dans les aménagements intérieurs d'avions.

Elle était placée en arrêt de travail pour maladie du 14 mars 2007 au 30 septembre 2007, puis jusqu'au 9 décembre 2007.

Par fiche médicale d'aptitude en date du 10 décembre 2007, le médecin du travail la déclarait inapte à son poste, mais apte à un poste aménagé, à condition de ne pas être en relation avec son ancien chef d'atelier. Le 21 décembre 2007, la SAS Etablissements Catherineau lui proposait de nouveaux horaires qu'elle refusait.

Elle était à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie de février 2008 au 27 avril 2008. Elle n'a pas repris le travail dans l'entreprise.

Le 28 octobre 2008, Mme [Y] saisissait le Conseil de Prud'hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et pour obtenir des dommages-intérêts, le paiement des salaires jusqu'au jugement, des indemnités de rupture et la contrepartie à la clause de non-concurrence.

En décembre 2008, la SAS Etablissements Catherineau présentait à Mme [Y] des propositions de postes auxquelles elle ne répondait pas et lui notifiait le 6 avril 2009 son licenciement en l'absence de reclassement possible.

Par jugement en date du 29 juin 2010, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, sous la présidence du juge départiteur, a considéré que les faits de harcèlement moral allégués à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire n'étaient pas établis et que la clause insérée dans le contrat de travail n'était pas une clause de non-concurrence ; il a déboutée Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes.

Mme [G] [Y] a relevé appel du jugement.

Entendue en ses observations au soutien de ses conclusions auxquelles il est fait expressément référence, elle demande d'infirmer le jugement, à titre principal, de prononcer, au jour de la décision à intervenir, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, de condamner la SAS Etablissements Catherineau à lui payer la totalité des salaires depuis le 14 mars 2007 jusqu'à la décision prononçant la résiliation judiciaire, sauf à tenir compte des indemnités versées par la sécurité sociale, les sommes de 1.863 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 75.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la résiliation judiciaire, de 35.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, de 27.324 € à titre de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence nulle et de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les condamnations portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes avec capitalisation des intérêts.

Par conclusions développées oralement auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Etablissements Catherineau demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [Y] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, subsidiairement de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des circonstances de fait, de la procédure et des prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Il appartient au salarié qui demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail d'établir l'existence de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante. Dans ce cas, la résiliation judiciaire sera prononcée aux torts de l'employeur et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans la négative, il y aura lieu d'examiner le licenciement notifié postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Mme [Y] fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur sur le non respect des obligations contractuelles et les manquements manifestes de la SAS Etablissements Catherineau au titre du harcèlement moral et de la violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé, ayant mis en danger de son intégrité psychique du fait du harcèlement moral de son chef d'atelier et son intégrité physique du fait des conditions de travail dangereuses.

Elle soutient, en outre, qu'étant toujours salariée, les salaires lui sont dus jusqu'à la date de la décision prononçant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puisque le licenciement est nul, d'une part, en l'absence de visite de reprise et d'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, d'autre part, par ricochet en raison d'une situation de harcèlement moral.

- sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir profes-sionnel.

En outre, aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [Y] soutient qu'elle a fait l'objet, dès la fin de l'année 2000, des agissements pernicieux de M. [M], qu'elle est devenue, pour des raisons qu'elle ignore, le souffre-douleur de son supérieur hiérarchique, alors même qu'elle effectuait correctement son travail, que, de manière générale, elle subissait des brimades quotidiennes, des réflexions désobligeantes et des moqueries publiques, que ses compétences professionnelles étaient constamment remises en cause, que ces agissements répétés de harcèlement moral ont inévitablement eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et ont également porté atteinte à ses droits, à sa dignité et ont altéré sa santé physique ou mentale, que, des la fin 2000, elle avait attiré l'attention de son employeur sur le comportement de son supérieur hiérarchique et que, confrontée à la passivité de la SAS Etablissements Catherineau, elle lui a adressé un courrier recommandé le 30 avril 2007.

En premier lieu, il convient de constater qu'il n'est pas vraisemblable que, pendant plus de six ans, soit de fin 2000 au 14 mars 2007, début de l'arrêt de maladie, et excepté pendant son congé de maternité, Mme [Y] ait subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de son chef d'atelier sans qu'il y ait eu de répercutions sur sa santé et sans qu'elle ne s'en soit plainte à l'employeur et/ou à l'inspecteur du travail et au médecin du travail avant son arrêt de travail pour maladie à compter du 14 mars 2007.

En effet, ce n'est que par des courriers en date du 30 avril 2007 adressés à la SAS Etablissements Catherineau et à l'inspecteur du travail, les premiers en date, que Mme [Y] a dénoncé être suivie depuis le début de l'année 2007 par son médecin traitant pour un état dépressif qu'elle impute aux agissements de M. [M] et à ses conditions de travail. Il n'est donc pas avéré, et au surplus démontré que Mme [Y] ait subi des agissements de harcèlement moral peu après son embauche sans discontinuité jusqu'à mars 2007, les attestations produites ne mentionnant pas de date de faits et procédant par assertions générales.

Or, à l'appui des faits invoqués, Mme [Y] produit notamment huit attestations de salariés dont trois sont en litige prud'homal avec la SAS Etablis-sements Catherineau, ainsi que celle-ci en justifie, et un autre, M. [Y], est actuellement l'époux de la salariée, ainsi que des échanges de courriers entre la salariée et l'employeur, des courriers de l'inspecteur du travail et des documents médicaux.

En ce qui concerne les attestations, la Cour se réfère expressément à l'analyse minutieuse de celles-ci effectuée par le premier juge. Il y a lieu de relever que les attestations relatant des faits qui ne visent pas le harcèlement par M. [M] à l'égard de Mme [Y] ne sauraient être prises en considération, que pour la plupart, ces attestations ne décrivent pas de faits précis, ni ne mentionnent de date et/ou ne font que relater les doléances de la salariée ou procèdent par affirmations.

En outre, il y a lieu d'observer qu'il n'est pas établi que M. [M] ait volontairement fermer à clé le placard contenant les outils, pas plus que ne sont fondés les reproches sur la qualité du travail de la salariée, ou l'imputation de nombreuses réflexions racistes à l'égard de sa nationalité vénézuélienne, la seule phrase rapportée

non terminée, 'je n'ai que des problèmes avec les ...', ne pouvant être qualifiée comme tel, que les brimades, moqueries, remarques désobligeantes et machistes ne sont nullement étayées, que par ailleurs, Mme [S], salariée, évoque des difficultés relationnelles entre Mme [Y] qui s'en plaignait et 'ses collègues au vernis', ce qui ne saurait concerné que le seul responsable de l'atelier.

Pour contester les faits invoqués, la SAS Etablissements Catherineau produit notamment huit attestations de salariés qui viennent contredire et réfuter les propos et faits relatés dans les attestations adverses. Il en ressort principalement que M. [M] a une forte personnalité, un franc-parler, donnant des ordres et exigeant sur la qualité du travail, vis-à-vis de ses collègues sans distinction entre eux, dont Mme [Y], qu'ils n'ont vu de comportement, ni entendu de propos déplacés ou insultants de la part de celui-ci à l'égard de Mme [Y], et ce au cours de la période incriminée.

En outre, elle verse aux débats également de nombreuses attestations tendant à justifier des qualités d'homme et de chef d'entreprise de M. Catherineau, qui ne sauraient être prises en considération, étant sans lien direct avec les faits invoqués par la salariée à l'encontre d'un subordonné.

En ce qui concerne les documents médicaux produits, il ressort du courrier du 17 avril 2007 de Mme [I], psychologue du service de médecine du travail, que Mme [Y] 'serait confrontée à des conditions relationnelles de travail auxquelles elle présenterait des difficultés d'ajustement', de 'tensions avec l'un de ses collègues', qu'il ne lui 'est pas apparu de symptomatologie pouvant justifier une médicalisation de cette situation professionnelle relevant d'avantage du conflit'.

Du dossier médical et des avis du médecin du travail, il n'apparaît pas que Mme [Y] ait subi une situation caractérisée de harcèlement moral, mais évoquant une situation conflictuelle, le médecin du travail relatant les doléances de Mme [Y] et sa visite en entreprise avec discussion difficile avec l'employeur. Les certificats médicaux du médecin traitant de la salariée et les avis d'arrêts de travail font mention d'un état dépressif réactionnel avec trouble du sommeil nécessitant un traitement médicamenteux.

De l'ensemble de ces éléments, il apparaît que, pendant plus six ans, Mme [Y] ne s'est pas plainte du comportement de son responsable d'atelier, qui certes était exigeant sur la qualité du travail et avait une certaine personnalité, mais sans que cela ne puisse être qualifié de comportement de harcèlement à l'égard de la salariée, que n'étant établi de faits faisant présumer d'un harcèlement moral, l'existence d'un problème relationnel avec le responsable de l'atelier vernis, qui apparaît se situer dans les premiers mois de l'année 2007, ne saurait être susceptible d'être qualifié de harcèlement moral.

En outre, il n'est pas établi que l'employeur ait eu connaissance des faits que Mme [Y] a dénoncé pour la première fois dans ses courriers du 30 avril 2007, aucun courrier antérieur en ce sens n'étant produit, que l'employeur s'est expliqué par courrier sur les accusations portées et a, en suivant les recommandations du médecin du travail, proposé, en décembre 207, un poste de travail compatible, c'est-à-dire sans relation avec M. [M], poste refusé par la salariée.

Dans ces conditions, dès lors qu'aucun fait n'est établi permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail, la demande à ce titre n'est pas fondée. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

- sur l'obligation de sécurité de résultat

Mme [Y] soutient avoir dénoncé à de multiples reprises ses conditions de travail et invoque d'une part, l'absence de chauffage dans l'atelier de ponçage et polissage, la seule source potentielle de chaleur provenant de la cabine de vernissage, cabine que M. [M] fermait, selon elle, délibérément avec un cadenas à son départ de l'entreprise, que, sinon elle n'avait d'autre choix que de l'ouvrir, celle-ci générant une chaleur toxique et des émanations de solvants de peinture, d'autre part, l'absence des normes élémentaires de sécurité face aux produits toxiques employés qu'elle manipulait s'exposant à des risques d'absorption par inhalation et l'absence de mesures prises par l'employeur pour améliorer les conditions de travail.

La SAS Etablissements Catherineau le conteste et réplique que la cabine de vernissage, dont il explique le fonctionnement dans ses écritures, n'est pas la seule source de chaleur, le local disposant d'un système de chauffage au sol performant, que les mesures effectuées par le bureau Veritas en ce qui concerne les poussières et la ventilation de la cabine montrent que les normes étaient respectées.

Cependant, il convient de constater qu'outre le fait qu'il n'est pas justifié que M. [M] fermait volontairement à clé la cabine pour la priver de chauffage, Mme [Y], qui ne précise même pas les températures trop basses alléguées, n'établit pas que le système de chauffage de l'atelier ait été insuffisant, alors que les contrôles de l'inspecteur du travail et de la CRAMA n'en font pas état, aucune obser-vation ou mise en demeure n'étant faites à ce sujet.

En ce qui concerne la manipulation des produits toxiques, l'ensemble des documents médicaux produits n'établit pas de relation entre les conditions de travail et l'éruption à type de plaques érythémateuses et la manipulation ou l'inhalation de produits toxiques apparue temporairement en 2004, alors que Mme [Y] présente des antécédents d'allergies.

En outre, Mme [Y] soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure susceptible de protéger l'intégrité physique de sa salariée, alors qu'elle était enceinte en novembre 2004, son congé maternité ayant débuté début 2005, le médecin du travail ayant conseillé un arrêt de travail, le travail au vernissage contenant des produits toxiques.

Or, ainsi que le relève à juste tire la SAS Etablissements Catherineau, Mme [Y] ne précise même pas à quelle date elle a informé l'employeur de son état de grossesse et n'établit pas que, le sachant, il n'a pris aucune mesure. Au demeurant, ces deux faits, anciens de quatre ans à la date de la saisine du Conseil de Prud'hommes, ne sauraient avoir déterminé la salariée à demander le résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'absence de mesures prises par l'employeur pour améliorer les conditions de travail, si l'inspecteur du travail et la CRAMA sont intervenus à plusieurs reprises, il convient de constater que les deux mises en demeure en date du 26 mai 2008 sont relatives aux installations électriques, la ventilation sur les machines à bois et la presse chauffante, les vérifications sur la cabinet et la table de vernissage n'étant pas faites.

Or, la SAS Etablissements Catherineau verse notamment aux débats le rapport établi par le bureau Veritas en novembre 2008 constatant la conformité des installations dont la cabine de vernissage et un courrier en date du 16 septembre 2008 de l'inspecteur du travail du travail relatif aux propositions antérieures du bureau Veritas. Ces documents démontrent que la SAS Etablissements Catherineau n'est pas restée passive, comme le soutient Mme [Y], étant, en outre, observé que ces documents sont postérieurs à la période travaillée par Mme [Y].

Enfin, il y a lieu de relever que c'est par courriers des 30 avril et 20 juin 2007 adressés à la SAS Etablissements Catherineau et à l'inspecteur du travail que Mme [Y] a, pour la première fois, fait des réclamations sur ses conditions de travail. Dès lors, il apparaît que les manquements reprochés par Mme [Y] à la SAS Etablissements Catherineau ne sont pas justifiés.

Dans ces conditions, les manquements reprochés par Mme [Y] à la SAS Etablissements Catherineau n'étant pas établis, c'est à juste titre que le premier juge a débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur et de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

La demande distincte de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité des travailleurs doit également être rejetée, n'étant pas justifiée, ainsi que ci-dessus analysée, étant observé, en outre, que Mme [Y] ne caractérise pas de son préjudice argué à hauteur de 35.000 €.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, dont les motifs énoncés sur deux pages fixent les limites du litige, relate, après rappel de l'arrêt de travail à compter du 14 mars 2007 et l'information faite à l'employeur courant 2007 des difficultés rencontrées par la salariée avec son responsable d'atelier, l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 10 décembre 2007 et ses recommandations, les propositions d'aménagement du poste faites en décembre 2007 et décembre 2008, le refus de la salariée et l'impossibilité de nouvelle proposition de reclassement.

Si dans sa demande subsidiaire, Mme [Y] se fonde uniquement sur le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement, elle a, 'à titre liminaire, sur la prise d'effet de la résiliation judiciaire, à la date du jugement à intervenir', invoqué notamment la 'nullité du jugement en l'absence de visite de reprise et a fortiori d'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail.

Or, elle ne saurait, non sans contradiction, invoquer, à l'appui de l'une de ses demandes la nullité du licenciement, pour ensuite en faire abstraction et se fonder sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il convient, dès lors, de rechercher en premier lieu si la nullité du licenciement est encourue, et ensuite, le cas échéant, si l'obligation de reclassement a été respectée.

Dans la fiche médicale d'aptitude en date du 10 décembre 2007, le médecin du travail a conclu ainsi : 'Inapte au poste de travail antérieurement occupé - apte à un poste aménagé sans aucune relation directe ou indirecte avec son ancien responsable d'atelier - à revoir dans 15 jours'.

Cependant, dans un courrier adressé le 10 décembre 2007 à l'employeur, le médecin du travail a mentionné, à l'issu de la première visite de reprise, l'inaptitude de Mme [Y] au poste occupé, mais son aptitude à un poste aménagé et précise qu'elle reverra celle-ci le 27 décembre 2007 pour prononcer l'aptitude ou l'inaptitude. Il convient de constater que cette deuxième visite n'a pas eu lieu, les parties ne donnant aucune explication à ce sujet, que toutefois, il ressort du dossier médical, que le médecin du travail a vu Mme [Y] le 8 janvier 2008 et a porté en conclusion 'pas de fiche d'aptitude délivrée'.

Il résulte des dispositions des articles L.1226-2 et R.4624-31 du code du travail qu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail à la suite de maladie comme en l'espèce, le médecin du travail du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié, sauf en cas de danger immédiat, qu'après deux examens du salarié espacés de deux semaines.

Or, la visite du 10 décembre 2007 constituant la première visite de reprise, sans que le médecin du travail ne vise le danger immédiat et les dispositions de l'article R.4624-31 du code du travail, le licenciement n'a été notifié en faisant mention de cet avis d'inaptitude que le 6 avril 2009, sans qu'une seconde visite de reprise n'ait été sollicitée par la SAS Etablissements Catherineau, ni par Mme [Y]. Il s'ensuit qu'en l'absence d'avis définitif d'inaptitude émanant du médecin du travail, le licenciement est nul, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner si l'obligation de reclassement a été respectée ou non.

Sur les demandes au titre des salaires et du licenciement

- sur la demande au titre des salaires

En l'absence de second avis du médecin du travail constatant l'inaptitude, les dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail qui prévoit le versement des salaires en l'absence de licenciement à l'expiration d'un délai d'un mois de cet examen, n'apparaissent pas applicables.

En outre, étant observé que Mme [Y] invoque sans l'établir que le poste aménagé proposé en décembre 2007 n'était pas compatible, ni n'a elle-même sollicité le médecin du travail pour un second avis d'inaptitude, elle ne saurait donc prétendre à la reprise du versement des salaires jusqu'au licenciement, mais seulement à des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Dès lors qu'elle ne fait pas de demande distincte à ce titre, ce préjudice sera pris en compte dans le montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement nul.

- sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Étant observé que Mme [Y] ne fait pas de demande d'indemnité de préavis en appel, il convient de faire droit à sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sauf à prendre en compte l'ancienneté exacte. Embauchée le 28 avril 2000, elle a été licenciée le 6 avril 2009, soit une ancienneté de près de 7 ans, desquels doivent être déduits les périodes de suspension du contrat de travail pour arrêts de maladie, soit 9 mois du 14 mars au 9 décembre 2007 et 2 mois de février au 27 avril 2008.

L'indemnité de licenciement s'établit à la somme de 3/20 x 1.380 € x 6 ans = 1.242 €, conformément à l'article 10-3 de la convention collective nationale du bâtiment.

- sur les dommages-intérêts pour licenciement nul

Dès lors, Mme [Y] n'ayant pas demandé sa réintégration, elle a droit à des dommages-intérêts pour le préjudice subi qui ne saurait être inférieurs à six mois de salaire.

Compte tenu de son ancienneté, du montant de sa rémunération, n'étant pas justifié de sa situation actuelle, des circonstances particulières susvisées de la rupture, y compris l'absence de second avis du médecin du travail et de la tardiveté du licenciement sans rémunération, il y a lieu d'allouer à Mme [Y] une somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la clause de non-concurrence

Il est prévu, au contrat de travail, au titre de la 'clause de non-concurrence' : 'Afin de ne pas nuire à l'activité de l'entreprise, le présent contrat comporte une clause de non-concurrence limitée à 3 ans, et ce, en France, pour la fabrication d'aménagements, meubles et cloisons d'aviation en matériaux composites suivant brevet et know-how de la Société Catherineau'. La SAS Etablissements Catherineau a délié Mme [Y] de cette clause par courrier du 28 octobre 2009, après demande de dommages-intérêts présentée devant le Conseil de Prud'hommes.

Or, cette clause qui prévoit l'interdiction pour la salariée d'exercer un emploi semblable chez un autre employeur, qui est limitée dans le temps et dans l'espace, et dans un secteur d'activité très précis et restreint, mais qui ne fixe pas de contrepartie financière, est constitutive d'une clause de non-concurrence et ne saurait donc être interprétée comme une clause de secret de fabrication chez un nouvel employeur, comme l'invoque à tort la SAS Etablissements Catherineau.

Or, en l'absence de contrepartie financière à la clause de non-concurrence imposée à la salariée, celle-ci est nulle et sa stipulation cause nécessairement un préjudice à Mme [Y] qu'elle doit justifier et qui est réparé forfaitairement par des dommages-intérêts. Le jugement sera donc réformé de ce chef.

Dès lors que la plupart des emplois d'opératrice de finition dans d'autres entreprises restaient possibles pour Mme [Y] qui n'invoque pas de préjudice particulier, ni n'en justifie, il convient de fixer le montant des dommages-intérêts pour le préjudice subi à la somme de 2.000 €.

Sur les intérêts

En application de l'article 1153-1 du code civil, toute condamnation à des dommages-intérêts, c'est-à-dire pour le licenciement nul, pour l'indemnité convention-nelle de licenciement et pour clause de non-concurrence nulle, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision d'appel qui l'a accordée, le report à la date de saisine du Conseil de Prud'hommes ne se justifiant pas en l'espèce.

La demande de capitalisation des intérêts échus sur les condamnations prononcées est de droit, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les demandes accessoires

La SAS Etablissements Catherineau qui succombe en appel, doit supporter la charge des dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient d'accorder à Mme [Y] une indemnité pour participation à ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Sur l'appel de Mme [G] [R], épouse [Y] contre le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en date du 29 juin 2010.

' Confirme le jugement en ce qui concerne le débouté au titre du harcèlement moral et de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

' Le réforme pour le surplus.

Et statuant à nouveau :

' Déclare le licenciement nul.

' Dit que la clause insérée dans le contrat de travail est une clause de non-concurrence et constate sa nullité.

' Condamne la SAS Etablissements Catherineau à payer à Mme [G] [R], épouse [Y] les sommes de :

- 35.000 € (trente cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts au titre du licenciement nul,

- 1.242 € (mille deux cent quarante deux euros) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2.000 € (deux mille euros) à titre de dommages-intérêts au titre de la clause de non- concurrence nulle,

' Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

' Dit que les intérêts échus des sommes, objet des condamnations prononcées, produisent eux-mêmes des intérêts, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Y ajoutant :

' Déboute Mme [G] [R], épouse [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

' Condamne la SAS Etablissements Catherineau à payer à Mme [G] [R], épouse [Y] la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la SAS Etablissements Catherineau aux entiers dépens.

Signé par Madame Brigitte Roussel, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M. Lacour-Rivière B. Roussel


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 10/04754
Date de la décision : 24/01/2012

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°10/04754 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-24;10.04754 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award