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18/01/2011 | FRANCE | N°09/07339

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 janvier 2011, 09/07339


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 18 JANVIER 2011



(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 09/07339











Monsieur [U] [D]



c/



SAS American Express Voyages d'Affaires











Nature de la décision : AU FOND













Notifié par L

RAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la Cour :...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 JANVIER 2011

(Rédacteur : Madame Myriam Laloubère, Conseiller)

(PH)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 09/07339

Monsieur [U] [D]

c/

SAS American Express Voyages d'Affaires

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 novembre 2009 (R.G. n° F 07/02503) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2009,

APPELANT :

Monsieur [U] [D], né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 4]

(59140), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2],

Représenté par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

SAS American Express Voyages d'Affaires, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Sophie Bailly substituant Maître Alain Sutra, avocats au barreau de Paris,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 novembre 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [D] a été engagé, par contrat à durée indéterminée à temps complet, le 27 octobre 1996, par la société Havas Voyages en qualité de vendeur tourisme.

En mars 1995, son contrat de travail a été transféré au sein de la société Havas Voyages American Express Voyages d'Affaires, société devenue en 2000 la SAS American Express Voyage (AEV) qui exerce son activité d'agence de voyage dédiée aux professionnels sous le nom commercial American Express Voyages d'Affaires : ainsi, la société AEV, disposant d'un agrément pour procéder à la vente des titres de transports, a pour objet de vendre des billets à des sociétés et à des salariés de ces sociétés dans le cadre des besoins professionnels de ces sociétés clientes.

Tout au long de la relation contractuelle, M. [U] [D] a fait l'objet de nombreuses promotions pour exercer en dernier état les fonctions de responsable clientèle correspondant au statut de chef d'agence chargé du suivi et de la valorisation des clients de la société sur le secteur des marchés publics.

Le 3 juillet 2007, M. [U] [D] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable fixé au 16 juillet 2007, avec la précision qu'il pouvait saisir pour avis la commission de conciliation d'entreprise.

Le 17 juillet 2007, M. [U] [D] a saisi ladite commission de conciliation qui a été réunie le 27 juillet 2007 et s'est mise en partage de voix

Par courrier en date du 2 août 2007, la société AEV a licencié M. [U] [D] pour trois motifs :

- avoir ouvert le 27 juillet 2006 un compte chez AEV au nom de la société Aloha (agence de voyages franchisée Thomas Cook appartenant à son épouse) sans l'accord formalisé de sa hiérarchie et sans avoir réclamé une garantie dépôt financier

- avoir utilisé sa carte personnelle American Express Voyage Air France KLM pour régler 130 billets d'avion de clients de la société Aloha Voyages

- avoir dérogé à la grille de frais standard.

Le 30 octobre 2007, M. [U] [D] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux pour contester le bien fondé de son licenciement et réclamer des dommages et intérêts à hauteur de 110.750 € et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 24 novembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, présidé par le juge départiteur, a débouté M. [U] [D] de l'ensemble de ses demandes.

Le 21 décembre 2009, M. [U] [D] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 10 novembre 2010, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [U] [D] conclut à la réformation de la décision.

Il demande tout d'abord à la Cour de déclarer irrecevable l'attestation de Mme [J] [Z].

Il conclut ensuite à la nullité de son licenciement pour absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement ; subsidiairement, il conclut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, argumentant sur la violation des procédures conven-tionnelles et légales, subsidiairement sur la prescription des griefs allégués dans la lettre de licenciement ou à défaut sur l'absence de tout caractère sérieux.

Il réclame en conséquence la somme de 110.750 € représentant 25 mois de salaire sur la base brute mensuelle de 4.430 € outre la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 23 novembre 2010 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société American Express Voyages d'Affaires demande la confirmation du jugement entrepris et le débouté de l'ensemble des demandes de M. [U] [D].

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la nullité du licenciement de M. [D] pour absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement

M. [U] [D] notait dans ses conclusions que la lettre de son licenciement avait été signée par le directeur des ressources humaines, M. [Y] [R] et non par le Président de la SAS ou le Directeur Général et soutenait en conséquence que le licenciement est nul faute d'une lettre de licenciement signée par les personnes sus mentionnées.

Il semble avoir abandonné ce moyen.

De toute façon, la Cour rappelle qu'il faut distinguer les règles gouvernant la représentation légale de la société de celles relatives aux délégations de pouvoir qui peuvent être données par les dirigeants à leurs préposés : ainsi, même sans délégation écrite, le directeur des ressources humaines d'une SAS peut tout à fait notifier un licenciement.

- Sur la violation des procédures conventionnelles et légales

La Convention Collective des Agences de Voyage et de Tourisme prévoit dans ses articles 52 à 64 une procédure de disciplinaire.

M. [D] soulève l'irrégularité de la procédure disciplinaire qui s'est déroulée devant la commission de conciliation de l'entreprise.

Selon lui :

- il est impossible de considérer que la commission de conciliation de l'entreprise ait eu une composition valable et respectueuse de l'article 6 § 1 de la CEDH

- la procédure exigeait une notification écrite et non orale des motifs de la mesure envisagée par l'employeur

- le salarié aurait du être averti qu'en cas de partage de voix, le différend pouvait être porté dans les 8 jours à la demande de l'une ou l'autre des parties devant la commission nationale.

A la lecture des articles applicables de la convention collective ci-dessus mentionnée, il apparaît que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licen-ciement doit mentionner en cas d'absence de commission de conciliation dans l'entreprise, la faculté de saisir pour avis la commission paritaire nationale ; il s'agit de la seule obligation d'information de l'employeur.

Dans la mesure où l'entreprise disposait d'une commission de conciliation, elle a bien informé M. [D], dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, de cette faculté et elle n'était tenue à aucune autre obligation d'information sur la saisine d'une commission nationale en cas de partage des voix.

De plus, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la composition interne de cette commission ne pouvant être assimilée à un tribunal, les règles du procès impartial ne peuvent lui être applicables, d'autant que face aux représentants de la direction se trouvaient deux représentants du personnel qui ont défendu les intérêts de M. [D] ainsi que cela résulté du procès-verbal du 27 juillet 2007.

Enfin, les premiers juges ont légitiment constaté que les griefs à l'encontre de M. [D] avaient bien été communiqués aux membres de la commission de discipline, que M. [D], assisté d'un représentant du personnel au moment de l'entretien préalable, avait bien connaissance des faits qui lui étaient reprochés (il avait d'ailleurs donné des éléments de réponse aux représentants du personnel de la commission de conciliation).

- Sur le licenciement de M. [U] [D]

Les juges du fond ont ensuite examiné la réalité et la pertinence des griefs allégués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

La société American Express Voyages d'Affaires fait trois reproches à M. [D] :

- l'ouverture d'un compte pour une société de voyages Aloha Voyages, société constituée en avril 2006 avec son épouse, gérante, dont il est associé à 50 % (cette société est une agence de voyages qui commercialise ses produits sous l'enseigne Thomas Cook Voyages mais qui n'avait pas encore d'agrément pour vendre des billets de train ou d'avion),

- l'utilisation de sa carte de paiement personnelle American Express pour effectuer de très nombreuses transactions pour le compte de clients de la société Aloha Voyages,

- la dérogation à la grille de frais standard dans le cadre de cette relation commerciale non autorisée.

La société Aloha Voyages constituée par M. [D] avec son épouse

n'avait pas d'agrément pour vendre des billets de train ou d'avion au moment des faits

et dés lors M. [D] a créé un compte client Aloha, la société familiale devenant un correspondant voyage passant par la société American Express Voyages d'Affaires pour vendre à ses clients lesdits billets de train ou d'avion.

C'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté le premier grief en notant que :

- quelque que soit l'aspect moral ou déontologique prêté à la démarche de M. [D] et même si les clients de la société American Express Voyages d'Affaires ne sont pas habituellement des agences de voyages mais des entreprises ou des institutions, c'est l'employeur qui contrôle et prend la responsabilité d'ouvrir les comptes,

- il est surprenant que la société American Express Voyages d'Affaires ait seulement découvert cette situation durant l'été 2007 pour un compte ouvert en juillet 2006

- la société American Express Voyages d'Affaires a tiré avantage de l'apport de clientèle générée par la relation commerciale instaurée, sans prouver un quelconque préjudice.

En mettant en place ce partenariat, M. [D] a également fait facturer et enregistrer les ventes pour la société Aloha de façon erronée, autre grief reproché au salarié, même si ce grief parait secondaire et n'a pas été examiné par le Conseil de Prud'hommes.

En effet, la société Aloha, société commerciale, avait un numéro de compte client commençant par 21 et devait de ce fait se voir appliquer les conditions tarifaires des PME-PMI attachées à ce type de compte ; or, les factures émises au nom de la société Aloha mentionnent un numéro de compte commençant par 51 (compte utilisé pour toutes les demandes des clients privés) tout en appliquant la tarification des comptes 21 ; cette situation n'a donc pas eu de conséquence pécuniaire pour la société American Express Voyages d'Affaires mais cette manoeuvre a permis à M. [D] de payer avec sa carte American Express tous les achats qu'ils faisait pour les clients de la société familiale et il s'agit là du grief retenu par les premiers juges pour estimer le licenciement de M. [D] fondé.

M. [D] soutient que son employeur se base sur des faits portés à sa connaissance après violation du secret bancaire mais également de sa vie privée, la société American Express Carte France, n'étant pas son employeur et ne pouvant transmettre à celui-ci les informations concernant l'utilisation de sa carte.

Là encore, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce moyen ne notant que M. [D], en demandant le 31 octobre 2005 une carte American Express a reçu les conditions générales d'utilisation de celle-ci et y a été avisé de ce que les informations contenues dans le questionnaire de demande rempli par lui étaient destinées au groupe American Express duquel son employeur fait partie... tout comme il a autorisé, dans la demande de carte, American Express et ses représentants à obtenir de son employeur, de sa banque ou de toute autre source de son choix, les renseignements nécessaires dans le but d'empêcher la fraude ou de vérifier sa solvabilité.

La société American Express Carte France, attentive à la problématique de la fraude et à l'atteinte à la sécurité des relations était donc habilitée à alerter la société American Express Voyages d'Affaires du fonctionnement suspect du compte personnel de M. [D], collaborateur d'un établissement affilié sans qu'il y ait atteinte à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978.

M. [D] conclut ensuite à l'irrecevabilité du témoignage de Mme [J] [Z], selon lui juge et partie à la procédure.

Mme [J] [Z], responsable du service de l'audit interne au sein de la société American Express Voyages d'Affaires, a assisté à l'entretien préalable et a représenté l'employeur devant la Commission de Discipline.

Cependant, Mme [Z] n'était pas l'employeur de M. [D] et n'a pas initié la procédure de licenciement.

De plus, le témoignage très technique de Mme [Z] a été largement discuté par les parties et comme les premiers juges, la Cour estime pouvoir retenir les éléments objectifs de ce témoignage sans appuyer sa décision sur les appréciations que Mme [Z] tire de ses constatations.

Il n'est ni contesté ni contestable que M. [D] a utilisé sa propre carte American Express pour acheter des billets d'avion pour des clients de la société familiale dans des proportions très importantes (127) sur une période relativement courte.

Cette utilisation lui a tout d'abord octroyé des avantages commerciaux indus, à savoir des miles, qui auraient du normalement approvisionner le compte fidélité de ces clients, mais surtout cette démarche, en portant préjudice aux clients de la société Aloha qui perdaient le bénéfice produit par l'utilisation de leur propre carte, notamment en terme de couverture d'assurance, portait ainsi potentiellement préjudice à l'image de la société American Express Voyages d'Affaires.

M. [D], responsable clientèle dans l'entreprise (correspondant au statut de chef d'agence) avec une large autonomie, ne pouvait ignorer cette situation et les conséquences de ces actes que le Conseil de Prud'hommes a judicieusement estimés de nature à fonder le licenciement du salarié.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

M. [U] [D] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

' condamne M. [U] [D] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 09/07339
Date de la décision : 18/01/2011

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°09/07339 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-18;09.07339 ?
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