La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2009 | FRANCE | N°08/04983

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale - section a, 20 octobre 2009, 08/04983


CHAMBRE SOCIALE-SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2009
(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président) (PH)

PRUD'HOMMES
No de rôle : 08/ 04983
Madame Geneviève X...
c/
L'Organisme de Gestion de l'Enseignement Catholique (O. G. E. C.) Ecole Notre Dame

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié p

ar le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juillet 200...

CHAMBRE SOCIALE-SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 20 OCTOBRE 2009
(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président) (PH)

PRUD'HOMMES
No de rôle : 08/ 04983
Madame Geneviève X...
c/
L'Organisme de Gestion de l'Enseignement Catholique (O. G. E. C.) Ecole Notre Dame

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juillet 2008 (R. G. no F 08/ 00056) par le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 1er août 2008,

APPELANTE :

Madame Geneviève X..., née le 16 juin 1950 à Suresnes (92150), de nationalité Française, profession institutrice, demeurant ...,

Représentée par Maître Serge Jamot, avocat au barreau de Périgueux,

INTIMÉE :

L'Organisme de Gestion de l'Enseignement Catholique (O. G. E. C.) Ecole Notre Dame, pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social, ... ...,

Représenté par Maître Hervé Maire, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 septembre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,
Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,
Madame Frédérique Loubet-Porterie, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Mme Geneviève X...a été engagée par l'O. G. E. C. (Organisme de Gestion de l'Enseignement Catholique) en qualité de chef d'établissement de l'Ecole Notre Dame Saint Joseph à ...(24). Son contrat a pris effet le 1er septembre 2002 avec une période d'essai de douze mois renouvelable et elle était destinataire d'une lettre de mission de l'Evêque de Périgueux et Sarlat.
Le 3 mai 2006, Mme X...se voyait retirer la lettre de mission et le 7 juin 2006, elle était licenciée suite au retrait de cette lettre.
Elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac le 31 mars 2008 pour former les réclamations suivantes :
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit une somme de 15. 000 euros
-rappel de salaire sur la période du 23 février 2006 au 30 août 2006, soit une somme de 253, 42 euros.
Par jugement en date du 10 juillet 2008, le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, section Encadrement, a considéré que le contrat de travail reprenait une clause de la convention collective qui liait la poursuite du contrat de travail au maintien de la lettre de mission.
Il a relevé qu'en raison d'un certain nombre de dysfonctionnements, la lettre de mission lui avait été retirée et que dès lors le contrat de travail se trouvait normalement rompu.
Il a débouté la salariée de ses demandes, en relevant que par ailleurs, elle était fonctionnaire de l'Education Nationale.
Il l'a condamnée à verser à l'O. G. E. C. Notre Dame Saint Joseph une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 500 euros.
Mme X...a régulièrement relevé appel du jugement.
Par conclusions déposées le 11 juin 2009, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, elle soutient qu'il ne peut y avoir une clause prévoyant une rupture automatique du contrat de travail même si cette possibilité est prévue dans la convention collective.
Elle fait remarquer que la lettre de licenciement se fonde uniquement sur le retrait de la lettre de mission et que la décision n'est pas prise par le véritable employeur.
Elle indique également que la convention collective n'a pas été respectée puisque le licenciement aurait du intervenir avant le 31 mars.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'aucun reproche ne peut lui être fait dans l'exercice de ses fonctions.
Elle maintient ses demandes chiffrées initiales.

Par conclusions déposées le 2 septembre 2009, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'O. G. E. C. Ecole Notre Dame demande la confirmation du jugement déféré.

Il rappelle que la lettre de mission qui avait confié à Mme X...un poste de direction de l'Etablissement Notre Dame à ...lui a été retirée le 3 mai 2006 et elle a ensuite fait l'objet d'un licenciement.
Il insiste sur le fait qu'il s'agit d'une situation de force majeure qui s'impose à l'employeur.
En outre, subsidiairement, il estime le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, une perte de confiance étant caractérisée.
Il fait remarquer que Mme X...ne peut tirer argument de ce que le licenciement lui aurait été notifié tardivement alors que c'est son silence et ses hésitations qui ont retardé la mise en oeuvre du processus de licenciement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement adressée le 7 juin 2006 à Mme X...dont les termes fixent les limites du litige est ainsi motivée :
".... Par courrier en date du 3 mai 2006, nous avons été informés par l'autorité de tutelle, la direction diocésaine de l'Enseignement Catholique de Périgueux de ce qu'elle procédait au retrait de votre lettre de mission et ce pour les raisons suivantes :
" Ce document rappelait que le témoignage évangélique exige que vous soyez attentive à toute la communauté et à son vécu. Il était également indiqué que vous deviez veiller à travailler dans un esprit véritablement fraternel avec l'ensemble du Diocèse. Nous indiquions que la pastorale qui concerne la communauté chrétienne s'étend à toute la communauté éducative.
Après avis du conseil de tutelle nous sommes malheureusement contraints de vous retirer votre lettre de missions les principes ci-dessus énumérés n'étant plus réunis. "
Conformément aux dispositions de la convention collective des chefs d'établissement directeur d'école de l'enseignement catholique et notamment de l'article 11-4-4 le retrait de la lettre de mission du chef d'établissement entraîne ipso facto l'obligation pour l'O. G. E. C. de procéder à la rupture de votre contrat. Comme nous l'avons rappelé au cours de l'entretien préalable, les textes conventionnels prévoient en effet expressément la rupture du contrat à l'initiative de l'autorité de tutelle notamment en cas de retrait de la lettre de mission.
Cette décision intervenue dans un contexte général d'une perte de confiance généralisée et de perte d'effectifs qui a fait considérer que vous avez failli à votre mission de chef d'établissement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement... "

Aux termes de l'article L 122-14-3 devenu L 1235-1 du Code du Travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié.

Seul l'employeur a le pouvoir de décider du licenciement d'un de ses salariés. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les motifs qui sont rappelés dans la lettre de licenciement et qui ont justifié le retrait de la lettre de mission qui lui avait été confiée. Il n'appartient pas au juge du contrat de travail de contrôler le bien fondé d'une décision prise par une autorité extérieure et qui n'est pas l'employeur.
De ce fait seuls les motifs énoncés par l'employeur lui-même doivent être examinés par le juge.
Le motif essentiel retenu repose sur le retrait de la lettre de mission dont Mme X...avait été l'objet.
Si le contrat de travail en lui-même ne fait pas référence à cette lettre, en revanche, il rappelle que la convention collective applicable est celle des chefs d'établissements et directeurs d'écoles de l'enseignement catholique.
La lettre de licenciement fait référence à cette même convention collective et plus précisément à son article 11-4-2 qui dispose :
" Lorsque l'autorité de tutelle retire la lettre de mission au chef d'établissement l'O. G. E. C. procède à son licenciement. Hors le cas de faute grave ou faute lourde, les indemnités de licenciement relatives à sa fonction de direction prévues à l'article 12 lui sont accordées.
L'intéressé est reclassé sur un poste d'enseignement dans un autre établissement. Il bénéficie de la priorité accordée aux maîtres en suppression d'emploi. "
Cette disposition de la convention collective prévoit que le retrait de la lettre de mission entraînera automatiquement le licenciement, disposition dont l'O. G. E. C. a fait usage envers Mme X....
Cependant, comme le soutient la salariée, il ressort des dispositions du code du travail et particulièrement des articles L 1231-4 et suivants que l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance à se prévaloir des règles prévues en matière d'exécution et de cessation du contrat de travail.
Dès lors, l'interdiction de renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement rend sans effet les clauses de résiliation automatique dans les contrats de travail.
Les dispositions d'une convention collective ne pouvant être opposées à un salarié lorsqu'elles comportent des clauses qui lui sont moins favorables que la loi, il s'en déduit que l'article 11-4-2 qui entraîne le prononcé d'un licenciement du seul fait du retrait d'une lettre de mission est inopposable à Mme X....
L'argument de l'employeur tendant à soutenir qu'il est, du fait de la décision prise par le diocèse, confronté à un cas de force majeure, à savoir le fait du prince, est inopérant. En effet, le fait du prince ne peut s'appliquer qu'à des décisions administratives dont la force obligatoire s'impose à tous. En outre la condition d'extériorité suppose que cette décision soit sans relation avec le comportement de l'une ou l'autre des parties, et l'O. G. E. C. Notre Dame ne peut démontrer que le retrait de la lettre de mission par le Diocèse aurait ces caractères.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le licenciement ne peut être justifié par le seul retrait de la lettre de mission.

Par ailleurs l'employeur justifie le licenciement par une diminution des effectifs et une perte de confiance.
La seule perte de confiance qui n'est pas étayée par des faits précis dans la lettre de licenciement ne peut constituer un motif de licenciement les éléments apportés par l'employeur, à savoir des doléances de parents et des pétitions signées ou anonymes qui sont toutes antérieures à janvier 2006 ne pouvant suppléer la carence de la lettre de licenciement.
Pour ce qui est de la diminution des effectifs, si certains courriers de parents font état de ce qu'ils ont décidé de retirer leurs enfants, aucun élément objectif n'est fourni par l'O. G. E. C. Notre Dame sur ce point.
Le jugement qui a décidé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse sera réformé, Mme X...étant en droit de demander des dommages-intérêts pour licenciement injustifié.
Compte tenu du salaire que percevait Mme X...pour ses fonctions de chef d'établissement, son ancienneté et les circonstances de l'espèce, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 3. 500 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doit lui être versée.
Sur la demande de rappel de salaire
Mme X...demande un rappel de salaire au titre de la garantie de rémunération qui lui aurait été due du fait de son arrêt maladie sur une période de six mois. Cependant, il ressort des écritures de l'O. G. E. C. que la garantie de salaire a été versée par l'employeur du mois de novembre 2005 au mois de février 2006 soit pendant trois mois, ce à quoi était limitée sa garantie, et que donc, l'employeur a rempli ses obligations, le relais devant être pris par l'organisme de garantie sur l'intervention duquel Mme X...ne donne aucune information.

C'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme X...de sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.
L'équité commande d'allouer à Mme X...une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 750 euros.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
confirme partiellement le jugement en ce qu'il a débouté Mme X...de ses demandes de rappel de salaire,
le réforme pour le surplus et statuant à nouveau :
condamne l'O. G. E. C. Notre Dame à verser à Mme X...la somme de 3. 500 euros (trois mille cinq cents euros) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamne l'O. G. E. C. Notre Dame à verser à Mme X...une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 750 euros (sept cent cinquante euros),
le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M-P Descard-Mazabraud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale - section a
Numéro d'arrêt : 08/04983
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - / JDF

Il ressort des dispositions du code du travail et particulièrement des articles L. 1231-4 et suivants que l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance à se prévaloir des règles prévues en matière d'exécution et de cessation du contrat de travail. Dès lors, l'interdiction de renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement rend sans effet les clauses de résiliation automatique dans les contrats de travail. En conséquence, les dispositions d'une convention collective ne pouvant être opposées à un salarié lorsqu'elles comportent des clauses qui lui sont moins favorables que la loi, il s'en déduit que l'article 11-4-2 de la convention collective des chefs d'établissements et directeurs d'école de l'enseignement catholique qui prévoit que le retrait d'une lettre de mission accordée à un chef d'établissement scolaire par l'autorité de tutelle entraînera automatiquement le licenciement, est inopposable au salarié.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bergerac, 10 juillet 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2009-10-20;08.04983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award